Cass. crim., 12 juillet 2016, n° 15-84.664
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guérin
Avocat :
SCP Gadiou et Chevallier
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 87 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, 11 du décret n° 95-168 du 17 février 1995 modifié par le décret n° 95-833 du 6 juillet 1995, 432-13 et 432-17 du code pénal, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit mal fondé l'appel de M. X... et a confirmé l'ordonnance ayant rejeté sa demande tendant à constater la prescription de l'action publique relative aux faits de participation illégale d'un fonctionnaire dans une entreprise précédemment contrôlée pour lesquels il a été mis en examen le 12 février 2013 pour des faits qui auraient été commis de 2001 à 2003 ;
" aux motifs que M. X... n'a pas porté à la connaissance de la commission de déontologie, de M. Y..., directeur de l'AFSSAPS, ni de M. Z..., magistrat détaché à l'AFSSAPS pour les questions de déontologie, son intention de souscrire un contrat de consultant avec le groupe A... ; que la connaissance que pouvait avoir Mme B..., adjointe de M. X..., sur les projets de M. X... relève du bavardage, du ressenti et n'est pas suffisante pour établir que les projets de M. X... étaient publics, que les confidences de M. X... ne permettaient pas le déclenchement de l'action publique et n'étaient pas de nature à interrompre la prescription ; que le contrat de consultant avec les laboratoires A... était souscrit par l'intermédiaire de la société allemande CRIS et de ce fait dissimulé, qu'il résulte, notamment, des déclarations de M. C...que cette dissimulation avait pour but de dissimuler l'infraction prévue par l'article 432-13 du code pénal, d'autant plus connu que ce dernier était inscrit sur le dossier saisi au domicile de M. X... ; que les faits de prise illégale d'intérêt étaient dissimulés et sont apparus au cours de l'enquête préliminaire entre le 13 décembre 2010 et le 4 février 2011, qu'ils n'étaient pas prescrits le 18 février 2011, date du réquisitoire introductif ;
" 1°) alors qu'en vertu de l'article 432-13 du code pénal, la prise illégale d'intérêt suppose que l'infraction alléguée ait été commise avant l'expiration d'un délai de trois ans suivant la cessation des fonctions de l'agent concerné ; que la chambre de l'instruction ne saurait reporter le point de départ du délai pour dissimulation, dès lors que, en parfaite transparence, M. X... avait fait part aux responsables de l'AFSSAPS de l'exercice à venir d'une activité de consultant indépendant pour des établissements pharmaceutiques français et étrangers ce qui était exclusif de toute dissimulation ; qu'en effet, M. X... s'était ouvert de cet exercice auprès du directeur de l'AFSSAPS, M. Y..., et du magistrat détaché auprès de l'AFSSAPS, M. Z..., qui avait pour mandat la gestion des questions déontologiques et s'était chargé du dossier de M. X... auprès de la commission de déontologie ; que ce dernier avait saisi la commission de déontologie sur la compatibilité de son projet et s'était vu notifier l'avis d'incompétence de cette commission, parce qu'il exerçait encore des fonctions de professeur des universités-praticien hospitalier en position d'activité-par une lettre de M. Y..., directeur de l'Agence lui précisant « Je me range à l'avis de cette instance mais j'estime personnellement souhaitable, compte tenu des éminentes fonctions successivement occupées depuis 1993 à l'Agence du médicament, puis à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ; que vous vous absteniez pendant une durée de 5 ans à compter du début de votre nouvelle activité de toute relation professionnelle avec l'agence » ce qui doit être regardé comme une autorisation d'exercer l'activité de consultant indépendant sous la seule restriction de ne pas avoir de relations professionnelles avec l'Agence pendant 5 ans ; que M. X... avait déposé les déclarations fiscales requises au titre de la SARL Jean-Michel X... et émis des factures pour ses prestations, qu'il avait indiqué à Mme B..., chef d'unité de pharmacovigilance puis responsable du département des vigilances à l'AFSSAPS, son activité de consultant pour les laboratoires A... dans le cadre de ses activités de consultant selon les propres déclarations de celle-ci qui était, en relation quotidienne avec, M. Y..., le directeur de l'AFSSAPS ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;
" 2°) alors que la lettre par laquelle M. Y..., directeur de l'AFSSAPS, avait notifié à M. X... l'avis d'incompétence de la commission de déontologie parce que ce dernier exerçait encore des fonctions de professeur des universités-praticien hospitalier, constituait également une autorisation donnée à celui-ci d'exercer une activité de consultant indépendant pour des laboratoires pharmaceutiques français et étrangers, sous la seule restriction de ne pas à avoir de relations professionnelles avec l'Agence pendant 5 ans, conformément d'ailleurs à la pratique habituelle de l'Agence, telle que décrite par M. D..., alors président de la commission de déontologie, lors de son audition « En général pour éviter les collusions la commission donnait un avis favorable avec l'interdiction pour l'intéressé d'avoir des relations avec l'AFSSAPS et plus précisément avec le service dans lequel il travaillait une fois qu'il avait commencé à exercer son activité dans le privé » ; qu'en l'état de cette autorisation, de nature à permettre le déclenchement de l'action publique et exclusive de toute dissimulation, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés ;
" 3°) alors que la chambre de l'instruction qui a dû constater que Mme B..., chef d'unité de pharmacovigilance puis responsable du département des vigilances à l'AFSSAPS, avait eu connaissance des activités de consultant pour les laboratoires A... de M. X... en 2001 après sa cessation de fonction, n'a pu, sans se contredire, relever que cette connaissance n'aurait pas permis le déclenchement de l'action publique ;
" 4°) alors qu'à partir du moment où Mme B...avait eu connaissance de l'exercice par M. X... d'activités de consultant pour les laboratoires A... en 2001 après sa cessation de fonctions, l'exercice de l'action publique était possible de sorte qu'en décidant pourtant que cette connaissance « ne permettai (en) t pas le déclenchement de l'action publique » « n'étai (en) t pas de nature à interrompre la prescription », la chambre de l'instruction a violé l'article 432-13 du code pénal ;
" 5°) alors que la chambre de l'instruction, en relevant que la connaissance par Mme B...de l'exercice par M. X... d'activités de consultant pour les laboratoires A... en 2001 après sa cessation de fonctions, « n'étai (en) t pas de nature à interrompre la prescription » quand, précisément, il ne s'agissait pas de l'interrompre mais, à l'inverse, de fixer le point de départ de la durée de 3 ans pendant laquelle l'agent ne pouvait travailler pour une entreprise dont il avait eu à connaître, a encore violé le texte précité ;
" 6°) alors qu'à partir du moment où Mme B...avait eu connaissance de l'exercice par M. X... d'activités de consultant pour les laboratoires A... en 2001 après sa cessation de fonctions, la chambre de l'instruction, en affirmant que cette connaissance « relève du bavardage, du ressenti et n'est pas suffisante », a statué par des motifs inopérants à donner une base légale à sa décision ;
" 7°) alors que les responsables de l'AFSSAPS ayant eu connaissance de l'exercice par M. X... d'activités de consultant pour les laboratoires A... en 2001 après sa cessation de fonctions, la chambre de l'instruction ne pouvait relever que « le contrat de consultant avec les laboratoires A... (étant) souscrit par l'intermédiaire de la société allemande CRIS », il était dissimulé et a ainsi statué par un motif inopérant ;
" 8°) alors que M. X... dans son mémoire auquel il n'a pas été répondu, avait fait valoir que « la société CRIS a justifié d'une relation contractuelle antérieure avec le groupe A.... Ladite société n'a donc pas été créée pour les besoins d'une éventuelle dissimulation contractuelle » ; qu'ainsi, la chambre de l'instruction en énonçant que « le contrat de consultant avec les laboratoires A... (étant) souscrit par l'intermédiaire de la société allemande CRIS », il était dissimulé, sans répondre à cette argumentation, s'est prononcée par une motivation inopérante à justifier sa décision ;
" 9°) alors que M. X... dans son mémoire auquel il n'a pas été répondu, avait fait valoir que « on peut légitimement s'interroger sur la déclaration de Mme C...selon laquelle « selon elle », « M. X... aurait eu l'interdiction de travailler avec les laboratoires pharmaceutiques pendant 5 ans dans la mesure où, d'une part, elle est la seule à avoir tenu ce type de propos malgré le nombre conséquent de personnes interrogées et que, d'autre part, M. X... a exercé de manière parfaitement transparente au point que Mme B...en était informée ; qu'il n'est, par ailleurs, pas exclu que celle-ci puisse confondre avec la décision prise par M. Y...demandant à M. X... de s'abstenir pendant 5 ans de toute relation professionnelle avec l'agence » ; qu'ainsi, la chambre de l'instruction en se prévalant des déclarations de Mme C...sans répondre à cette argumentation, s'est prononcée par une motivation inopérante à justifier sa décision ;
" 10°) alors que la mention de l'article 432-13 du code pénal sur un dossier saisi en mai 2011 au domicile de M. X... s'expliquait par le fait qu'à la suite de l'information ouverte concernant les laboratoires A... en 2011, il avait été fait état dans les médias de l'infraction visée audit article ce que celui-ci avait alors noté sur ledit dossier et ne saurait ainsi caractériser d'une quelconque manière une dissimulation ;
" 11°) alors que la chambre de l'instruction, en énonçant « l'article 432-13 du code pénal, d'autant plus connu que ce dernier était inscrit sur le dossier saisi au domicile de M. X... » a dénaturé ce document qui mentionnait « code pénal article 432-13 décret du 17 février 95 au 6 juillet 95 » et ne constituait, dès lors, pas un indice d'une dissimulation mais montrait à l'inverse qu'en 2011 M. X... confrontait l'autorisation qui lui avait été donnée en 2001 sur le fondement du décret n° 95-168 du 17 février 1995 modifié par le décret n° 95-833 du 6 juillet 1995 relatif à l'exercice d'activités privées par des fonctionnaires placés en disponibilité ou ayant cessé définitivement leurs fonctions et aux commissions instituées par l'article 4 de la loi no 94-530 du 28 juin 1994 avec le texte sur la prise illégale d'intérêt dont s'étaient fait l'écho les médias " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'une information judiciaire a été ouverte le 18 février 2011 contre personne non dénommée, des chefs, notamment, d'obtention indue d'autorisation, tromperie sur les qualités substantielles d'un médicament avec mise en danger de la vie de l'homme, prise illégale d'intérêts ; que M. X..., professeur de pharmacologie, directeur de l'évaluation des médicaments à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) jusqu'au 31 décembre 2000, a été mis en examen pour prise illégale d'intérêts ; qu'il lui est reproché d'avoir conclu, sous couvert de la société JM X... et par l'intermédiaire de la société allemande CRIS, un contrat de consultant avec le groupe pharmaceutique A... aux termes duquel la mission consistait " selon les demandes du docteur A... en des analyses de dossiers touchant à l'efficacité des médicaments en développement ou déjà mis sur le marché et des supports d'aide aux décisions stratégiques de développement " ; que M. X... a déposé une requête tendant à voir constater la prescription de l'action publique qui a été rejetée par les juges d'instruction ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance entreprise, l'arrêt relève que M. X... n'a pas porté à la connaissance de la commission de déontologie, du directeur de l'AFSSAPS, ni du magistrat détaché au sein de cette instance pour les questions de déontologie, son intention de souscrire un contrat de consultant avec le groupe A..., ses confidences à son adjointe ne permettant pas le déclenchement de l'action publique et n'étant pas de nature à interrompre la prescription ; que les juges ajoutent que le contrat de consultant avec les laboratoires A... était souscrit par l'intermédiaire de la société allemande CRIS ayant pour objet social toute activité en rapport avec la mise sur le marché national et international de préparations pharmaceutiques, et, de ce fait, dissimulé, et que cette activité n'étant apparue qu'au cours de l'enquête préliminaire, diligentée du 13 décembre 2010 au 4 février 2011, notamment, lors des perquisitions effectuées au sein de la société CRIS et au domicile de M. X..., les faits de prise illégale d'intérêts n'étaient pas prescrits le 18 février 2011, date du réquisitoire introductif ; que les juges en déduisent que ce délit n'était pas prescrit lors de la mise en examen de M. X... le 12 février 2013 ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction a justifié sa décision, dès lors que, si le délit de prise illégale d'intérêts se prescrit à compter du jour où la participation a pris fin, le délai de prescription de l'action publique ne commence à courir, en cas de dissimulation destinée à empêcher la connaissance de l'infraction, qu'à partir du jour où celle-ci est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;