Cass. soc., 3 juillet 2012, n° 08-44.834
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Limoges, du 16 sept. 2008
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lacabarats
Rapporteur :
M. Linden
Avocat général :
M. Weissmann
Avocats :
SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Masse-Dessen et Thouvenin
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., employée à compter du 10 janvier 1987 par le Centre informatique du Centre-Ouest Atlantique (CICOA), a été en arrêt de travail du 3 novembre 2005 au 7 janvier 2007 à la suite d'un accident de trajet ; que son salaire lui a été maintenu pendant toute la période de son arrêt de travail et qu'elle a perçu en outre des indemnités journalières de la sécurité sociale pour la période du 1er janvier au 26 juillet 2006 ; que constatant avoir commis une erreur, l'employeur a opéré des retenues sur salaire aux fins de remboursement des sommes versées indûment ; que Mme X... a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de salaires et de dommages-intérêts pour retenues illicites, et l'attribution de congés payés ou l'allocation d'une indemnité compensatrice ; que par arrêt du 2 juin 2010, la Cour de cassation (chambre sociale) a interrogé à titre préjudiciel la Cour de justice de l'Union européenne ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à la reconnaissance du maintien du salaire et à la limitation de la somme à restituer à l'employeur, alors, selon le moyen, que l'accident de trajet est un accident du travail bénéficiant du même régime sauf à ce que le texte qui prévoit l'avantage en dispose autrement ; que la loi de mensualisation du 19 janvier 1978 exclut les salariés victimes d'un accident de trajet du seul bénéfice des dispositions applicables aux salariés victimes d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle relatives au délai de carence ; qu'en se fondant sur ce texte pour exclure Mme Maribel X..., victime d'un accident de trajet, du bénéfice du maintien intégral du salaire prévu par la convention collective, la cour d'appel a violé la loi de mensualisation du 19 janvier 1978 par fausse application et l'article 41 de la convention collective des organismes de sécurité sociale par refus d'application ;
Mais attendu qu'en vertu de l'article 41 de la convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957, en cas d'accident du travail, les agents titulaires recevront leur salaire total pendant toute la durée de leur incapacité temporaire ; que l'accident de trajet ne se confond pas avec l'accident du travail au sens de ce texte ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article L. 1411-1 du code du travail, ensemble les articles L. 3251-3 et 3252-6 du même code, ce dernier dans sa rédaction alors applicable ;
Attendu que pour écarter la compétence de la juridiction prud'homale au profit du tribunal d'instance, l'arrêt retient que les parties ne contestent plus que la répétition de l'indu obéit au principe édicté par l'article L. 144-2, devenu l'article L. 3251-3, du code du travail aux termes duquel les retenues sur salaire doivent s'opérer par des retenues n'excédant pas le dixième du montant des salaires exigibles, en sorte que, s'agissant des demandes de la salariée aux fins de restitution des retenues opérées, sont applicables les dispositions de l'article L. 145-5, devenu l'article L. 3252-6, du code du travail ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le litige relatif à l'application des dispositions de l'article L. 3251-3 du code du travail, concernant le remboursement d'avances faites par l'employeur au moyen de retenues successives, constitue un litige s'élevant à l'occasion du contrat de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le troisième moyen :
Vu l'article L. 223-4 du code du travail, phrases 2 et 3, recodifié sous le n° L. 3141-5 du code du travail, et l'article XIV du règlement type annexé à la convention collective des organismes de sécurité sociale, interprétés à la lumière de la directive 93/104/CE du Conseil de l'Union européenne, du 23 novembre 1993, telle que remplacée par la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003 ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé les périodes, dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an, pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle ;
Attendu que la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 24 janvier 2012, affaire C-282/10), a dit pour droit :
1°/ L'article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à des dispositions ou à des pratiques nationales qui prévoient que le droit au congé annuel payé est subordonné à une période de travail effectif minimale de dix jours ou d'un mois pendant la période de référence.
2°/ il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, en prenant en considération l'ensemble du droit interne, notamment l'article L. 223-4 du code du travail, et en faisant application des méthodes d'interprétation reconnues par celui-ci, afin de garantir la pleine effectivité de l'article 7 de la directive 2003/88 et d'aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle-ci, si elle peut parvenir à une interprétation de ce droit permettant d'assimiler l'absence du travailleur pour cause d'accident de trajet à l'un des cas de figure mentionnés dans ledit article du code du travail.
Si une telle interprétation n'était pas possible, il incombe à la juridiction nationale de vérifier si, eu égard à la nature juridique des parties défenderesses au principal, l'effet direct de l'article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 peut être invoqué à leur encontre.
À défaut pour la juridiction nationale d'atteindre le résultat prescrit par l'article 7 de la directive 2003/88, la partie lésée par la non-conformité du droit national au droit de l'Union pourrait néanmoins se prévaloir de l'arrêt du 19 novembre 1991, Francovich e.a. (C-6/90 et C-9/90), pour obtenir, le cas échéant, réparation du dommage subi.
3°/ L'article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à une disposition nationale prévoyant, selon l'origine de l'absence du travailleur en congé de maladie, une durée de congé payé annuel supérieure ou égale à la période minimale de quatre semaines garantie par cette directive ;
Attendu que les périodes limitées à une durée ininterrompue d'un an pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle entrent en ligne de compte pour l'ouverture du droit à congé régi par l'article L. 3141-3 du code du travail ; que pour l'ouverture du droit au congé annuel payé, l'absence du travailleur pour cause d'accident de trajet doit être assimilée à l'absence pour cause d'accident du travail ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande tendant à l'obtention d'un congé, subsidiairement au paiement d'une indemnité compensatrice, l'arrêt retient que l'intéressée ayant été absente pendant plus de douze mois à la suite d'un accident de trajet, l'employeur a à bon droit fait application des dispositions de l'article XIV du règlement type annexé à la convention collective des personnels des organismes de sécurité sociale, la salariée ne pouvant se prévaloir des dispositions applicables en cas d'accident du travail ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que les demandes de restitution des sommes prélevées sur le salaire relèvent de la compétence du juge d'instance et déboute Mme X... de sa demande tendant à l'obtention d'un congé, subsidiairement au paiement d'une indemnité compensatrice, l'arrêt rendu le 16 septembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers.