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Décisions

Cass. com., 25 septembre 2012, n° 11-23.319

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Avocats :

Me Spinosi, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Paris, du 26 mai 2011

26 mai 2011

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 mai 2011) et les productions, que la société Cliniques Rhône Durance (la société CRD) exploite une clinique dans un ensemble immobilier appartenant à la société civile immobilière Monclar Rhône Durance (la société MRD) ; qu'ayant souhaité vendre la clinique, les associés de la société CRD (les vendeurs) ont engagé des négociations avec la société Vitalia Présidence (la société Vitalia) en vue de l'acquisition par cette dernière des parts des sociétés CRD et MRD ; que les vendeurs, invoquant l'existence d'un accord des parties sur l'objet et sur le prix, ont fait assigner la société Vitalia en exécution forcée des cessions, subsidiairement en résolution de ces cessions et en dommages-intérêts ;

Attendu que Mme X..., Mme Y..., M. Z... et les sociétés MRD, Hospitalière Sainte-Catherine et Sainte-Catherine font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que la réalisation de la condition suspensive a pour effet de transformer l'obligation conditionnelle en obligation pure et simple et, ce, rétroactivement, rendant parfait l'acte assorti de la condition dès la date de sa conclusion ; qu'en se bornant, pour dire qu'il n'y avait pas eu d'accord des parties sur la chose et sur le prix, à énoncer que les courriers de la société Vitalia des 25 et 29 octobre 2007 ne constituaient pas une offre ferme et définitive dès lors qu'ils prévoyaient un audit de la société CRD à l'issue duquel cette première société confirmerait, en l'absence d'événement significatif défavorable, les modalités d'acquisition de 100 % des titres de la seconde société, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la circonstance que cet audit avait été réalisé et n'avait pas révélé d'événement significatif défavorable ne rendait pas l'accord des parties sur la chose et sur le prix parfait dès la survenance de cet accord par le courrier du 16 novembre 2007 signé du président de la société Vitalia, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1179 et 1583 du code civil ;

2°/ qu'en se bornant encore, pour dire qu'il n'y avait pas eu d'accord des parties sur la chose et sur le prix, à énoncer que tous les vendeurs n'étaient pas représentés à l'acte du 16 novembre 2007, la société Hospitalière Sainte-Catherine et la SCI Sainte-Catherine n'étant ni signataires du courrier ni représentées, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si dès lors que le courrier en cause était signé par M. Z..., Mme X..., la SCI MRD et Mme Y..., ces derniers étant représentés par M. Z..., dûment habilité, que la société Hospitalière Sainte-Catherine était détenue à 100 % par les signataires de l'acte, son représentant légal étant M. Z... qui avait signé ce courrier à la fois en son nom personnel et en cette qualité, et que la SCI Sainte-Catherine, dirigée par le même gérant que la SCI MRD, était également représentée par M. Z..., l'ensemble des vendeurs n'étaient pas tous représentés à l'acte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1583 du code civil ;

3°/ qu'en toute hypothèse, la cour d'appel en se fondant, pour dire qu'il n'y avait pas eu d'accord des parties sur la chose et sur le prix, sur la circonstance inopérante que la société Hospitalière Sainte-Catherine et la SCI Sainte-Catherine n'étaient ni signataires du courrier du 16 novembre 2007, ni représentées à cet acte, a violé l'article 1134 du code civil ;

4°/ que le courrier adressé le 16 novembre 2007 par les vendeurs à la société Vitalia stipulait diverses modalités accessoires à la vente relatives au terme prévu pour la réalisation de l'audit et celle de l'acquisition ainsi que la signature de l'acte de cession des parts de la société CRD ; qu'en retenant néanmoins, pour dire qu'il n'y avait pas eu d'accord des parties sur la chose et sur le prix, que par ce courrier, les vendeurs avaient subordonné l'offre à une augmentation du périmètre de la cession et à d'autres conditions, la cour d'appel a ainsi dénaturé les termes clairs et précis dudit courrier et, partant, a violé l'article 1134 du code civil ;

5°/ que l'acte du 16 novembre 2007 définissait la formule de valorisation du prix des parts de la SCI MRD par référence à la valeur de l'entreprise, correspondant au « montant annuel des loyers net » diminué des taxes foncières et des frais généraux (assurances, frais de gestion), diminuée de la dette nette, correspondant à « la dette financière » diminuée de « la trésorerie et des créances clients », ces éléments étant à considérer à la date de réalisation de la vente, ainsi que le stipulait l'acte de cession des parts sociales de la SCI MRD ; qu'en retenant néanmoins, pour écarter l'accord des parties sur le prix de cession des parts sociales de la SCI MRD, que ce prix n'était pas défini entre les parties de manière suffisamment précise puisqu'il renvoyait à des résultats financiers et comptables sans préciser la date de leur prise en compte, la cour d'appel a ainsi dénaturé les termes clairs et précis de l'acte du 16 novembre 2007 et de l'acte de cession des parts sociales de la SCI MRD et, partant, a violé l'article 1134 du code civil ;

6°/ que la cour d'appel en énonçant, pour écarter l'accord des parties sur le prix de cession des parts sociales de la SARL CRD, qu'un courriel du 23 janvier 2008 du conseil des vendeurs évoquait encore une augmentation du prix de 300. 000 euros, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la circonstance que cette somme correspondait en réalité au partage de l'économie d'impôt résultant de la transformation de la SARL CRD en SAS, sans la moindre conséquence sur l'opération de cession elle-même, n'excluait pas que celle-ci fût considérée comme un élément du prix de cession accepté le 16 novembre 2007, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1583 du code civil ;

7°/ que la vente est parfaite lorsque les parties sont d'accord sur la chose et sur le prix ; que la cour d'appel en se fondant, pour débouter les exposants de leur demande tendant à voir juger que la vente des parts de la société CRD et de la SCI MRD à la société Vitalia était parfaite, sur la circonstance inopérante qu'aucune des échéances prévues n'avait été respectée, principalement la date de réalisation de l'acquisition qui devait intervenir au plus tard le 18 janvier 2008, a violé les articles 1134 et 1583 du code civil ;

8°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en se bornant, pour dire qu'il n'y avait pas eu d'accord des parties sur la chose et sur le prix, à retenir que les courriers qui avaient suivi ceux des 25 octobre et 16 novembre 2007 confirmaient la poursuite des négociations sans accord définitif sur la valorisation notamment des parts sociales, sans même analyser le courriel du conseil de la société Vitalia du 29 janvier 2008 dans lequel cette dernière réitérait son engagement ferme d'acquérir et sollicitait un report de la réalisation de l'acquisition afin de renégocier son financement dont elle rappelait qu'il ne constituait pas une condition de son engagement, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'une proposition de contracter ne constitue une offre que si elle implique la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation ; que l'arrêt relève que le courrier du 25 octobre 2007 adressé par la société Vitalia aux associés de la clinique prévoit un audit de l'établissement et de la société CRD pour confirmation avant le 30 novembre 2007 des modalités d'acquisition de la totalité des parts de cette dernière ; qu'il relève encore qu'il résulte de ce courrier qu'à l'issue de cet audit, et en l'absence d'événement significatif défavorable, la société Vitalia sera en mesure de confirmer une offre ferme sans condition suspensive ; qu'en l'état de ces constatations desquelles elle a exactement déduit que les courriers des 25 et 29 octobre 2007 ne comportaient pas une offre ferme et définitive, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer la recherche visée par la première branche, a légalement justifié sa décision ;

Et attendu, en second lieu, que le contrat de vente n'est parfait que s'il permet, à partir des stipulations qu'il contient, de déterminer le prix par des éléments ne dépendant pas de la volonté de l'une des parties ou de la réalisation d'accords ultérieurs ; que l'arrêt retient que par courrier du 16 novembre 2007, signé par la société Vitalia avec la mention " bon pour accord ", les vendeurs ont subordonné leur accord à la réalisation de diverses conditions, dont notamment l'acquisition de l'ensemble immobilier sur la base d'une valorisation se référant au montant des loyers à diminuer de la dette financière et à augmenter de la trésorerie et des créances clients, sans autre précision de date ; qu'il retient encore que l'acceptation de la société Vitalia n'emporte pas plus accord définitif sur les prix de cession, lesquels renvoient à des résultats financiers et comptables sans que soit précisée la date de leur prise en compte ; qu'il ajoute que plusieurs courriers ultérieurs confirment la poursuite des négociations sans accord définitif notamment sur la valorisation des parts sociales ; que de ces constatations et appréciations, exemptes de dénaturation, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deuxième, troisième et septième branches, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer la recherche dès lors inopérante visée par la sixième branche, et qui n'était pas tenue de suivre les vendeurs dans le détail de leur argumentation, a exactement déduit qu'il n'y avait pas eu accord des parties sur la chose et sur le prix ;

D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses deuxième, troisième et septième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.