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Décisions

Cass. com., 6 novembre 2012, n° 11-26.582

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Avocats :

SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Le Bret-Desaché, SCP Waquet, Farge et Hazan

Orléans, du 15 sept. 2011

15 septembre 2011

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 15 septembre 2011), que par acte du 14 novembre 2008, M. et Mme X... ont cédé à la société Baudry Dutour l'intégralité des parts représentant le capital de la société civile d'exploitation agricole du Château de la Grille (la société civile) ; que la société du Roi Albert, qui avait adressé à M. X..., lequel y avait apposé sa signature, un acte daté du 3 octobre 2008 par lequel elle exposait à ce dernier son "intention d'acquisition de l'intégralité des parts composant le capital" de la société civile, faisant valoir qu'elle était devenue, par l'effet de cet acte, propriétaire des parts ultérieurement cédées à la société Baudry Dutour, a fait assigner cette dernière ainsi que la société civile et M. et Mme X... ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société du Roi Albert fait grief à l'arrêt d'avoir dit que l'acte du 3 octobre 2008 constituait un simple accord de principe et qu'en conséquence elle n'était pas devenue propriétaire des parts sociales litigieuses alors, selon le moyen :

1°/ que le prix de cession de parts sociales est déterminable lorsque les parties ont précisément défini les éléments constitutifs du prix dont la valeur exacte sera fixée par le bilan, peu important que celui-ci ne soit pas établi au jour de la signature de l'acte constatant l'accord des parties ; que l'acte du 3 octobre 2008 signé par la société du Roi Albert, cessionnaire, et contresigné par M. X..., cédant, prévoyait la vente des 900 parts sociales de la société civile du Domaine de la Grille au prix de 700 000 € constituant le solde entre l'actif et le passif de cette société dont la valeur exacte serait fixée par le bilan du 30 septembre 2008 à établir de manière contradictoire, déduction faite des abandons de créances qui seraient acceptés par les banques créancières de la société civile ; qu'en jugeant néanmoins que cet acte ne valait pas vente, faute de prix déterminé ou déterminable, au motif que le montant du passif et des abandons de créances consentis par les banques était encore inconnu, tandis que les éléments constitutifs du prix avaient été précisément définis par les parties, de sorte qu'à la date de l'acte il y avait eu accord sur la chose et sur le prix déterminable, la cour d'appel a violé les articles 1583 et 1591 du code civil ;

2°/ que la promesse de vente vaut vente lorsqu'il y a consentement réciproque des parties sur la chose et sur le prix ; que la cour d'appel a écarté l'existence d'une vente résultant de l'acte du 3 octobre 2008 au motif inopérant que cet acte prévoyait des négociations ultérieures devant aboutir à la conclusion de nouveaux actes ; qu'en statuant ainsi tandis que, peu important la qualification donnée par les parties aux actes dont la conclusion était ensuite prévue, ces négociations, qui auraient en réalité abouti à une réitération de la vente, ne pouvaient remettre en cause l'existence de ce contrat formé dès la rencontre des consentements des parties sur la chose et sur le prix qui était constatée dans l'acte du 3 octobre 2008, la cour d'appel a violé l'article 1589 du code civil ;

3°/ que la promesse de vente vaut vente lorsqu'il y a consentement réciproque des parties sur la chose et sur le prix ; que la cour d'appel a écarté l'existence d'une vente résultant de l'acte du 3 octobre 2008 au motif inopérant que cet acte ne précisait pas les modalités du versement du concours de 500 000 € à la société civile du Domaine de la Grille ; qu'en statuant ainsi tandis que les modalités de versement de ce concours à la société civile, personne distincte du titulaire des parts sociales représentant le capital de cette société, ne pouvaient remettre en cause l'existence d'un contrat de vente des parts sociales formé par la rencontre des consentements des parties sur la chose et sur le prix qui était constatée dans l'acte du 3 octobre 2008, la cour d'appel a violé l'article 1589 du code civil ;

4°/ que lorsque la condition suspensive est stipulée dans l'intérêt exclusif d'une partie, celle-ci a la faculté d'y renoncer ; qu'en ce cas, il ne peut y avoir caducité du contrat faute de réalisation de cette condition ; qu'en l'espèce, pour refuser de donner effet à la renonciation aux conditions suspensives par la société du Roi Albert, la cour d'appel a jugé que ces conditions suspensives avaient également été stipulées au bénéfice du cédant ; que pourtant, aucune des conditions suspensives qui portaient sur l'accord des banques créancières pour consentir à la société civile du Domaine de la Grille un moratoire et des abandons de créances, sur la réalisation d'un audit général satisfaisant, sur l'obtention d'informations sur divers éléments d'actifs de la société civile et sur la conclusion d'une convention de garantie d'actifs et de passif ne bénéficiait au cédant des parts sociales ; que celui-ci n'avait pas d'intérêt à se voir imposer une garantie d'actifs et de passif ni à obtenir le résultat d'un audit ou à fournir des informations sur les actifs d'une société dont il cédait les parts ; que l'augmentation mécanique du prix en cas d'abandon de créances supérieur à 15 % par les banques n'était pas non plus une condition suspensive stipulée au bénéfice du cédant, puisque la vente ne dépendait pas d'un abandon d'une telle importance, celui-ci n'étant envisagé que pour l'octroi d'un éventuel complément de prix ; qu'en refusant de donner effet à la renonciation aux conditions suspensives par la société du Roi Albert pour retenir la caducité de la vente, faute de réalisation de ces conditions au 31 octobre 2008, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1584 du code civil.

5°/ que la cour d'appel a écarté l'existence d'une renonciation de la société du Roi Albert aux conditions suspensives stipulées à son profit au motif que cette société avait posé de nouvelles conditions de garanties à consentir par M. X... ; qu'en statuant ainsi tandis que ces garanties n'étaient demandées qu'en contrepartie d'un prêt à consentir à la société civile du Domaine de la Grille, ce qui constituait un contrat distinct de la vente des parts sociales entre la société du Roi Albert, cessionnaire, et M. et Mme X..., cédants et personnes physiques indépendantes de la société dont elles étaient associées, de sorte qu'aucune condition nouvelle n'avait été apportée à cette vente, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant relevé qu'aux termes de la "lettre d'intention" du 3 octobre 2008, il était indiqué : "Nous vous proposons que le prix de cession définitif soit déterminé (...) sur la base d'une situation comptable en forme de bilan qui serait établie de manière contradictoire, à la date du 30 septembre 2008, destinée notamment à déterminer le passif envers les tiers" et constaté que le montant du passif était inconnu au jour de la lettre d'intention, ce dont il résultait que la fixation du prix des parts sociales impliquait un nouvel accord de volonté des parties, la cour d'appel en a exactement déduit que le prix n'était ni déterminé, ni déterminable suivant les seules stipulations de l'acte du 3 octobre 2008 ;

Et attendu, en second lieu, que les critiques des quatre dernières branches s'adressent à des motifs surabondants ;

D'où il suit que le moyen, non fondé en sa première branche, ne peut être accueilli pour le surplus ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société du Roi Albert fait encore grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive de pourparlers alors selon le moyen, qu'en jugeant que les époux X... avaient pu contracter sans mauvaise foi avec la société Baudry Dutour dès lors que le pacte d'exclusivité et le droit de préférence au bénéfice de la société du Roi Albert étaient devenus sans objet, faute de réalisation des conditions au 31 octobre 2008, sans répondre aux conclusions par lesquelles la société du Roi Albert faisait valoir que M. X... avait en réalité poursuivi des négociations avec la société Baudry-Dutour avant cette date, puisqu'il avait vendu à cette société la plus grande partie de la récolte 2007/2008 et hectolitres de vin clair en vrac, ce qui constituait une diminution des actifs de la société dont les parts sociales étaient vendues, et ce qui avait pu motiver le refus par M. X... d'accorder les garanties demandées par la société du Roi Albert pour le versement d'une avance de trésorerie à la société civile du Domaine de la Grille, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que la société du Roi Albert avait offert, le 15 octobre 2008, de verser immédiatement 300 000 euros à la société civile pour autant qu'une garantie lui soit accordée par M. X..., et relevé que ce dernier avait refusé, ce qui était son droit, de la même façon que la société du Roi Albert avait pu, sans commettre de faute, exiger une garantie dans le cadre des négociations en cours, l'arrêt retient que les pourparlers ont été rompus sans que la responsabilité de l'une ou l'autre des parties fût pour autant engagée ; que la cour d'appel a ainsi répondu aux conclusions invoquées ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.