Cass. soc., 26 février 2002, n° 99-46.124
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ransac
Rapporteur :
M. Ransac
Avocats :
Me Cossa, SCP Richard et Mandelkern
Sur le moyen unique :
Attendu, selon la procédure, que M. X..., ayant successivement exercé les fonctions de président du conseil d'administration, puis de directeur technico-commercial de la société Assistance technique électricité automatique (ATEA), dont le redressement judiciaire a été ouvert le 19 mai 1996, a été licencié pour motif économique le 20 mai 1996 ; qu'il a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny pour obtenir paiement d'un rappel de salaire et que, par arrêt rendu le 30 septembre 1998, après débats à l'audience du 17 juin 1998, la cour d'appel de Paris a accueilli sa demande ; que, le 20 mai 1997, il a saisi d'une demande nouvelle en paiement d'indemnités de rupture le conseil de prud'hommes de Paris, qui a statué par jugement du 17 novembre 1998 dont il a relevé appel ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 27 octobre 1999) d'avoir déclaré sa demande en paiement d'indemnités de rupture irrecevable en application de la règle de l'unicité de l'instance, alors, selon le moyen :
1 / que le principe de l'unicité de l'instance implique la présentation de demandes successives entre les mêmes parties ; qu'en l'espèce, le jugement du 19 juin 1996 par lequel le conseil de prud'hommes de Bobigny s'est prononcé sur la demande en paiement de rappel de salaire dont M. X... l'avait saisi le 12 avril 1996 a été rendu contre la société ATEA, M. Z..., ès qualités d'administrateur judiciaire, et M. Y..., ès qualités de représentant des créanciers, tandis que le jugement du 17 novembre 1998 par lequel le conseil de prud'hommes de Paris s'est prononcé sur la demande en paiement d'indemnités de rupture dont M. X... l'avait saisi le 20 mai 1997 a été rendu contre la société ATEA et M. Z..., ès qualités cette fois de commissaire à l'exécution du plan, et a mis hors de cause M. Y..., ès qualités de représentant des créanciers, dont la mission était terminée depuis qu'un plan de continuation avait été accordé à ladite société par un jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 19 novembre 1996 ; que, dès lors, en retenant au soutien de sa décision que ce second litige opposait les mêmes parties que le précédent, "soit M. X... et les organes de la procédure de redressement judiciaire", sans tenir compte ni de la qualité exacte en laquelle M. Z... y figurait, ni de la mise hors de cause de M. Y..., ès qualités, la cour d'appel a violé l'article R. 516-1 du Code du travail ;
2 / que le principe de l'unicité de l'instance ne saurait faire échec aux règles de compétence qui sont d'ordre public ; qu'il est constant que M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 12 avril 1996 d'une demande tendant à la condamnation de la société ATEA à lui verser un rappel de salaire, que celle-ci a décidé le 13 février 1997 de transférer son siège social de Bobigny à Paris, qu'à la suite du redressement judiciaire de ladite société un état de vérification des créances a été déposé au greffe le 30 avril 1997 dans lequel la créance salariale de M. X... ne figurait pas et que celui-ci a saisi le 20 mai 1997 le conseil de prud'hommes de Paris, qui était devenu territorialement compétent, d'une demande en paiement de diverses indemnités de rupture ; qu'il résulte de ces circonstances que M. X... ne pouvait formuler ses nouvelles prétentions, ni devant le conseil de prud'hommes de Bobigny qui était dessaisi de la précédente instance par le jugement qu'il avait rendu le 19 juin 1996, ni devant la cour d'appel de Paris qui, saisie de l'appel interjeté à l'encontre de cette décision et appelée à statuer comme juridiction d'appel du conseil de prud'hommes de Bobigny, ne pouvait valablement statuer sur une demande dont ce premier juge aurait en tout état de cause été territorialement incompétent pour connaître ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 48 du nouveau Code de procédure civile, ensemble les articles R. 516-1 et R. 516-2 du Code du travail ;
3 / que le principe de l'unicité de l'instance ne saurait s'opposer à ce qu'un salarié, dont la créance ne figure pas en tout ou en partie sur un relevé de créances, saisisse le conseil de prud'hommes d'une demande tendant à la fixation de celle-ci au passif de la procédure collective en application de l'article 123 de la loi du 25 janvier 1985 ; qu'en l'espèce, l'état de vérification des créances déposé le 30 avril 1997 au greffe du tribunal de commerce de Bobigny à la suite de la mise en redressement judiciaire de la société ATEA ne mentionnant pas la créance salariale de M. X..., celui-ci, qui avait précédemment saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny d'une demande en paiement de rappel de salaire, a saisi le 20 mai 1997 le conseil de prud'hommes de Paris, qui était désormais territorialement compétent depuis le transfert du siège social de la société ATEA de Bobigny à Paris, d'une demande ayant pour objet la fixation de sa créance ; que, dès lors, en décidant que le principe de l'unicité de l'instance s'opposait à une nouvelle saisine de la juridiction prud'homale fondée sur les dispositions spécifiques de la loi du 25 janvier 1985, la cour d'appel a violé l'article 123 de cette loi, ensemble l'article R. 516-1 du Code du travail ;
4 / que le refus par le juge prud'homal d'appliquer le principe de l'unicité de l'instance ne saurait être sanctionné par l'irrecevabilité des nouveaux chefs de demande ; qu'en l'espèce, le conseil de prud'hommes de Paris, qui avait été saisi le 20 mai 1997 par M. X... d'une demande en paiement de diverses indemnités de rupture, a décidé lors des audiences des 15 septembre 1997 et 26 juin 1998 de surseoir à statuer dans l'attente du prononcé de l'arrêt de la cour d'appel de Paris concernant la validité du contrat de travail conclu entre l'intéressé et la société ATEA, lequel arrêt a été rendu le 30 septembre 1998 ; que, dès lors, à supposer que la règle de l'unicité de l'instance lui interdise de se déclarer compétente, la juridiction prud'homale, en tardant à statuer et en se déclarant finalement compétente, a en tout état de cause privé M. X... de la possibilité de formuler en temps utile ses nouvelles prétentions devant la cour d'appel de Paris, de telle sorte qu'il ne pouvait être reproché à ce dernier de n'avoir pas saisi ladite Cour de ses nouveaux chefs de demande ; qu'en adoptant néanmoins la solution contraire, la cour d'appel a violé les articles R. 516-1 et R. 516-2 du Code du travail ;
Mais attendu, en premier lieu, que les instances successives ont opposé les mêmes parties, dès lors que les deux demandes de M. X... ont été jugées au contradictoire de la société ATEA, peu important que celle-ci ait été assistée initialement par l'administrateur judiciaire et le représentant des créanciers, puis par le commissaire à l'exécution du plan de continuation de l'entreprise ;
Attendu, en deuxième lieu, que la compétence territoriale étant appréciée à la date de l'introduction de la demande, le changement de siège social de la société ATEA au cours de l'instance primitive demeurait sans incidence sur la recevabilité des demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail susceptibles d'être présentées devant la juridiction d'appel ;
Attendu, en troisième lieu, que l'exercice de l'action ouverte au salarié pour obtenir l'inscription de sa créance résultant du contrat de travail sur le relevé des créances ne déroge pas à la règle de l'unicité de l'instance ;
Attendu, en quatrième lieu, qu'il importe peu que le conseil de prud'hommes n'ait statué sur la seconde demande que postérieurement à l'arrêt rendu par la cour d'appel sur l'instance primitive, dès lors que cette circonstance ne privait pas M. X... de la faculté de présenter devant cette juridiction d'appel, avant la clôture des débats, la demande nouvelle dont il connaissait le fondement depuis la date de son licenciement ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.