Cass. 1re civ., 13 mai 2014, n° 12-25.511
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Charruault
Rapporteur :
Mme Verdun
Avocat général :
M. Pagès
Avocats :
SCP Boutet, SCP Tiffreau, Marlange et de La Burgade
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'entre le 15 décembre 2004 et le 18 novembre 2005, la société Josunion, membre du réseau de distribution d'une enseigne réunionnaise de vente de vêtements et locataire-gérant d'un fonds de commerce exploité sous cette enseigne, a, sur le fondement de deux ordonnances de référé condamnant son fournisseur, la société Compagnie bordelaise de la Réunion, successivement à lui payer la somme en principal de 67 967,40 euros et à lui livrer sous astreinte les marchandises sélectionnées dans sa collection, fait pratiquer au préjudice de cette société cinq saisies-attributions, dont l'une entre ses propres mains sur les créances d'approvisionnement échues et à échoir dont elle s'est déclarée débitrice envers le saisi ; que la société Compagnie bordelaise de la Réunion, dont les contestations ont été déclarées irrecevables par le juge de l'exécution faute d'avoir été dénoncées à l'huissier instrumentaire, invoquant d'importants préjudices financiers et commerciaux consécutifs à la mise en oeuvre et au maintien de ces mesures d'exécution forcée, a, après que les ordonnances de référé fondant les saisies eurent été infirmées, vainement tenté de recouvrer les sommes saisies contre la société Josunion, en liquidation judiciaire depuis le 26 juillet 2006 puis, avec la société Savannah Distribution, propriétaire du fonds de commerce exploité sous son enseigne, recherché la responsabilité des sociétés Cantagrill-Magamootoo-Boghen-Liauzu (la SCP Cantagrill) et Michel (la SCP Michel), huissiers de justice, reprochant à la première d'avoir pratiqué des saisies illicites ou abusives, et à la seconde, auteur des actes de contestations irréguliers, de leur avoir fait perdre une chance d'échapper à leurs effets dommageables ;
Sur le premier moyen, après avis de la deuxième chambre civile :
Attendu que les sociétés Compagnie bordelaise de la Réunion et Savannah Distribution font grief à l'arrêt de confirmer le jugement rejetant leurs demandes indemnitaires, alors, selon le moyen, que la saisie-attribution est l'acte par lequel le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible saisit entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent et emporte attribution, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, immédiate au profit du saisissant de la créance saisie disponible entre les mains du tiers saisi, ainsi que de tous ses accessoires, de sorte qu'elle ne peut porter sur une dette du créancier saisissant contre son propre débiteur (saisi) et qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 42 et 43 de la loi du 9 juillet 1991, devenus les articles L. 211-1 et L. 211-2 du code des procédures civiles d'exécution ;
Mais attendu qu'un créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible dans les termes de l'article 42 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, devenu l'article L. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution, peut pratiquer une saisie-attribution entre ses propres mains, l'effet attributif prévu à l'article 43 de cette même loi, devenu l'article L. 211-2 du code précité, d'une telle saisie lorsqu'elle porte sur une créance à exécution successive s'étendant aux sommes échues en vertu de cette créance depuis la signification de l'acte de saisie, ce jusqu'à ce que le créancier saisissant soit rempli de ses droits et dans la limite de ce qu'il doit au débiteur en tant que tiers saisi ; que, dès lors, c'est par une exacte application de ces textes que la cour d'appel a retenu que la saisie-attribution sur soi-même pratiquée au bénéfice du créancier, la société Josunion, par la SCP Cantagrill à l'encontre de la société Compagnie bordelaise de la Réunion, le 16 décembre 2004, en vertu d'une ordonnance de référé condamnant celle-ci à payer une provision à celui-là, n'était pas par principe illicite ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, tel que reproduit en annexe, qui est préalable :
Attendu que le premier moyen ayant été rejeté, ce moyen, qui invoque une cassation par voie de conséquence, est devenu inopérant ;
Sur les deuxième et cinquième moyens, tels que reproduits en annexe :
Attendu que ces moyens ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le quatrième moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que, pour débouter la société Compagnie bordelaise de la Réunion de sa demande en réparation des conséquences dommageables de la saisie-attribution, illégalement pratiquée le 21 octobre 2005, alors que l'ordonnance de référé fondant les poursuites était infirmée depuis le 16 mai 2005, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés que, faute d'établir que l'huissier instrumentaire ait eu connaissance de l'arrêt infirmatif avant de pratiquer la saisie, le débiteur saisi n'apportait pas la preuve qu'il ait commis une faute en mettant en oeuvre cette procédure d'exécution ;
Qu'en statuant ainsi, quand il incombait à l'huissier de justice, garant de la légalité des poursuites, de vérifier que le titre provisoire, en vertu duquel il pratiquait la saisie-attribution aux risques du créancier mandant, restait exécutoire au jour de l'acte de saisie, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du quatrième moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la société Compagnie bordelaise de la Réunion de sa demande en restitution des fonds saisis en exécution de la saisie-attribution pratiquée le 21 octobre 2005, l'arrêt rendu le 3 juillet 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.