Cass. com., 10 octobre 2018, n° 17-12.564
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Piwnica et Molinié
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 30 novembre 2016), que la société Oxygen, constituée le 27 novembre 2012 et détenue à parts égales par MM. X..., E... et A..., a acquis, le 31 décembre 2012, les parts des sociétés ABC Location, ABC Location Agen et de la SCI Afi 2 Pahin détenues par M. Y..., au prix de 400 000 euros, outre le remboursement du compte courant de ce dernier au sein de ces sociétés, d'un montant de 208 371,98 euros ; que MM. E... et A... ayant revendu leurs parts à M. X..., celui-ci a, par acte du 30 avril 2015, cédé les 3 000 parts, d'une valeur nominale de dix euros chacune, qu'il détenait dans le capital de la société Oxygen, à M. Y... pour le prix d'un euro, cette cession étant assortie de divers engagements à la charge du cédant et du cessionnaire ; qu'invoquant des manoeuvres de la part de M. Y..., M. X... l'a assigné en annulation de l'acte de cession des parts et de toutes les obligations accessoires ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation de la cession du 30 avril 2015 et des engagements concomitants alors, selon le moyen :
1°/ que la vente d'un bien à vil prix est nulle ; que si la cession des parts sociales d'une société peut intervenir pour le prix d'un euro, c'est à la condition, soit que ces parts sociales soient dépourvues de valeur, soit que cette cession s'accompagne de contreparties substantielles et précisément évaluées au bénéfice du cédant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'après avoir cédé ses sociétés le 31 décembre 2012 pour la somme de 608 371,98 euros à la société Oxygen créée pour l'occasion, M. Y... avait racheté les parts sociales de cette société Oxygen à M. X..., le 30 avril 2015, pour la somme d'un euro ; qu'en validant cette cession intervenue pour un prix dérisoire, sans constater que les parts de la société Oxygen étaient dépourvues de valeur, ni caractériser et évaluer précisément les contreparties substantielles accompagnant la cession et consenties au profit de M. X..., la cour d'appel, qui s'est essentiellement fondée sur l'existence de contreparties consenties par M. Y... au profit de la seule société Oxygen, distincte du cédant, et qui n'a pas évalué le seul avantage effectivement consenti au cédant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1591 du code civil ;
2°/ le juge ne peut pas méconnaître les termes du litige ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions, M. Y... reconnaissait lui-même que ses engagements de caution au profit de la SCI Afi2 Pahin préexistaient à la cession du 30 avril 2015, puisqu'ils étaient même antérieurs à la cession du 31 décembre 2012 et n'avaient jamais été repris ; qu'en jugeant pourtant que ces engagements de caution s'analysaient comme une contrepartie consentie par M. Y... à l'occasion de la cession du 30 avril 2015, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, violant ainsi les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
3°/ que l'obligation sans cause ne peut avoir aucun effet ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'à l'occasion de la cession du 30 avril 2015, M. X... avait abandonné l'intégralité de ses comptes courants d'associé à hauteur de 160 844 euros, qu'il s'était engagé à désintéresser personnellement des créanciers pour la somme totale de 245 000 euros et qu'il avait accepté de prendre à sa charge les conséquences de la rupture du contrat de travail d'un salarié de la société Oxygen ; qu'en refusant de priver d'effet ces obligations sans mieux caractériser leur cause, c'est-à-dire sans préciser quelles étaient les contreparties consenties par le cessionnaire à M. X..., et non seulement à la société Oxygen, qui justifiaient qu'il accepte, outre la cession de ses parts sociales pour le prix dérisoire d'un euro, de s'engager lui-même pour une somme supérieure à 300 000 euros, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que si la cession des parts sociales s'est faite au prix d'un euro, elle était assortie de multiples engagements réciproques entre le cédant et le cessionnaire, l'arrêt retient notamment que M. Y... a accepté de prendre en charge le compte courant de M. E... d'un montant de 9 000 euros et les conséquences des procédures lancées par ce dernier contre M. X... ou la société Oxygen, et qu'une transaction a été signée le 2 juillet 2015 avec la société ABC Location pour un montant de 50 000 euros ; qu'il relève que M. Y... s'est engagé à arrêter toute procédure lancée contre M. X... ou ses sociétés, ainsi qu'à faire son affaire de tout le passif de la société Oxygen et de ses sociétés filles et notamment du risque de condamnation de la société ABC Location pour cent trente-trois contraventions, du retard de TVA due par cette société à l'Etat d'un montant de 106 744,09 euros, ainsi que des sommes dues par la SCI Afi2 Pahin pour un montant de 717 386,14 euros ; qu'il relève encore que M. Y... a apporté en compte courant d'associé la somme de 160 906,55 euros dans les livres de la société ABC Location et a fait procéder, par décision du 11 juin 2015, à une augmentation de 192 000 euros dans le capital de cette société, et qu'il s'est engagé à reprendre le cautionnement par M. X... des prêts bancaires souscrits par la société Oxygen, dont le capital restant dû au jour de la cession s'élevait à 352 076 euros ; qu'il en déduit que les engagements de M. Y... sont bien supérieurs à ceux pris par M. X..., qui a abandonné l'intégralité de ses comptes courants dans la société Oxygen et ses sociétés filles, pour un montant de 160 844 euros, qui a accepté de désintéresser des créanciers de la société Oxygen pour un montant de 245 000 euros, et qui ne justifie pas de la valeur des autres engagements qu'il a pris ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel, qui n'a pas jugé que les engagements de caution de M. Y... pour la société SCI Afi2 Pahin, préexistants, constituaient des contreparties consenties par celui-ci mais a pris en compte l'engagement de ce dernier de faire son affaire personnelle des dettes en cause, a légalement justifié sa décision ; que le moyen, qui manque en fait en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.