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Décisions

Cass. com., 24 mai 2018, n° 17-11.743

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Rousseau et Tapie

Nîmes, du 01 déc. 2016

1 décembre 2016

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 1er décembre 2016), que la société Tranfert Logistics, dont le président était M. X..., a été mise en liquidation judiciaire par un jugement du 15 février 2012 ; que le 25 septembre 2014, le liquidateur, M. Y..., a assigné M. X..., devant le tribunal de la procédure collective, en responsabilité pour insuffisance d'actif et afin de voir prononcée sa faillite personnelle ; qu'un jugement d'un tribunal correctionnel du 2 février 2015 a condamné M. X... à une peine d'emprisonnement d'un an assortie du sursis, au paiement d'une amende de 5 000 euros et à une interdiction de gérer de trois ans pour des faits de banqueroute, caractérisés par la tenue d'une comptabilité manifestement irrégulière et la distribution de dividendes fictifs ; que par un jugement du 1er juin 2016, le tribunal de commerce a prononcé la faillite personnelle du dirigeant pour une durée de dix ans, condamné M. X... à supporter l'insuffisance d'actif dans la proportion de 50 % de celle-ci et condamné à ce titre M. X... à payer à M. Y..., ès qualités, la somme provisionnelle de 500 000 euros ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement sur la mesure de faillite personnelle alors, selon le moyen :

1°/ que nul ne peut être poursuivi ou puni par les juridictions du même État en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été condamné par un jugement définitif conformément à la loi de cet État ; que la faillite personnelle ou l'interdiction de gérer susceptibles d'être prononcées à l'encontre du dirigeant de la personne morale en liquidation judiciaire ressortissent de la matière pénale, de sorte que ces sanctions ne peuvent être prononcées par deux juridictions différentes pour des mêmes faits ; qu'en l'espèce, M. X... faisait valoir dans ses écritures qu'il avait déjà été sanctionné par une mesure d'interdiction de gérer de trois ans par le juge pénal, au terme d'un jugement du 2 février 2015, pour les faits de distribution de dividendes fictifs et tenue de comptabilité irrégulière, et soulignait qu'une nouvelle condamnation, pour ces mêmes faits, ne pouvait intervenir sauf à conduire à un cumul de sanctions de nature à porter atteinte à la règle non bis in idem ; que la cour d'appel a pourtant prononcé à l'encontre de M. X... une faillite personnelle de dix ans emportant interdiction de gérer pour la même durée, sanction qu'elle a exclusivement fondée sur les fautes retenues par la juridiction pénale dans un jugement du 2 février 2015 ; qu'en prononçant ainsi à l'encontre de M. X... une sanction de même nature que celle déjà prononcée par la juridiction pénale pour les mêmes faits, la cour d'appel a violé les articles L. 653-3 et L. 654-6 du code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause, ensemble la règle non bis in idem telle que prévue à l'article 4 du protocole additionnel n° 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ qu'en vertu du principe de proportionnalité, lorsqu'une juridiction a prononcé à l'égard d'un dirigeant de personne morale, par une décision devenue définitive, sa faillite personnelle ou une interdiction de gérer, il n'est pas possible à une autre juridiction, saisie ultérieurement, de prononcer une sanction de même nature pour les mêmes faits qui se cumule avec cette première peine ; qu'en l'espèce, M. X... faisait valoir dans ses écritures qu'il avait déjà été sanctionné par une mesure d'interdiction de gérer de trois ans par le juge pénal, au terme d'un jugement du 2 février 2015, pour les faits de distribution de dividendes fictifs et tenue de comptabilité irrégulière, et soulignait qu'une nouvelle condamnation, pour ces mêmes faits, ne pouvait intervenir sauf à conduire à un cumul de sanctions de nature à porter atteinte au principe de proportionnalité des peines ; que la cour d'appel a pourtant prononcé à l'encontre de M. X... une faillite personnelle de dix ans qu'elle a exclusivement fondé sur les fautes retenues par la juridiction pénale dans un jugement du 2 février 2015 ; qu'en prononçant ainsi une sanction de même nature que celle déjà prononcée par la juridiction pénale, en vertu d'une décision devenue définitive, pour les mêmes faits, et se cumulant avec elle, la cour d'appel a violé les articles L. 653-3 et L. 654-6 du code de commerce dans leur rédaction applicable en la cause, ensemble le principe de proportionnalité ;

Mais attendu, d'une part, qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni de ses conclusions devant la cour d'appel que M. X... ait soutenu que sa condamnation à une faillite personnelle d'une durée de dix ans contrevenait à la règle prévue par l'article 4 du protocole additionnel n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, interdisant qu'une personne soit poursuivie et sanctionnée deux fois pour les mêmes faits ; que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ;

Et attendu, d'autre part, que l'arrêt, qui a pris en considération l'existence et le quantum de l'interdiction de gérer prononcée par le juge pénal pour les faits qu'il retenait également, a souverainement apprécié, au regard de la gravité des fautes commises par le dirigeant et de la situation de ce dernier, le principe et la durée de la faillite personnelle qu'il a prononcée et dont la durée, cumulée avec celle infligée par le juge répressif, n'excède pas la limite légale maximale de quinze ans ; que la cour d'appel , qui n'a pas méconnu les textes et le principe invoqués par la seconde branche, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à M. Y..., en qualité de liquidateur de la société Transfert Logistics, la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. Youssef X... à supporter personnellement l'insuffisance d'actif de la société Transfert Logistics à concurrence de 50% et de l'avoir condamné à payer à M. Frédéric Y..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Transfert Logistique une somme provisionnelle de 500.000 € ;

Aux motifs propres qu'« il est vrai que les comptes annuels 2010 présentaient une apparence de bon équilibre financier ; mais que l'explication provient de ce qu'une facture Pronatura de 459.609 € TTC a été comptabilisée le 31 décembre 2010 impactant les comptes de 384.288,84 € soit 10,5 % du chiffre d'affaires ; qu' il a été définitivement jugé par le tribunal correctionnel d'Avignon que les comptes annuels 2011 étaient inexacts, car cette facture était contestée et n'aurait pas dû être portée en comptabilité alors même qu'aucune provision pour risques et charges n'était inscrite, ce qui a empêché la constatation d'une perte comptable de 287.122 € sur cet exercice ; qu'en ce qui concerne l'exercice 2011, il ressort du rapport de M. B..., technicien missionné par le juge-commissaire du tribunal de commerce d'Avignon que la société a perduré grâce au crédit des banques et que son découvert déjà important au premier jour de l'exercice puisqu'il s'élevait à 212.000 € a fini par dépasser les 600.000 €, montant sans rapport avec les capacités contributives de la société. Même si l'exercice 2011 a été prorogé de 6 mois, M. Youssef X... avait bien conscience de la poursuite d'une activité déficitaire durant l'année courante puisqu'il énonce dans sa déclaration de cessation de paiement que Pronatura « a rompu le contrat unilatéralement fin décembre 2010 avec prise d'effet au 30 juin 2011 ; que de juillet à décembre 2011 le client nous a laissé entrevoir une issue favorable s'agissant du paiement de cette facture. Nous avons patienté, car ce paiement aurait permis de revenir à une trésorerie plus saine et surtout de rassurer notre banquier ; que fin décembre 2011 nous avons été confrontés un refus catégorique. Une procédure contentieuse a été initiée... la conséquence immédiate de ce refus a été que la BNP n'a pas renouvelé notre autorisation de découvert au 31 décembre 2011. » ; qu'il est ainsi donné par M. Youssef X... une explication de la poursuite de l'activité, qu'il savait déficitaire, de la société en 2011 ; mais que cette explication est d'une part non étayée par un quelconque document de Pronatura de nature à « laisser entrevoir une issue favorable » et d'autre part contredite par un courrier recommandé avec accusé de réception du 5 octobre 2011 aux termes duquel Pronatura rejette formellement les prétentions de la SAS « Transfert Logistics » quant au paiement de la facture de 459 609,47 € ; qu'il est dès lors établi que M. Youssef X... a poursuivi à compter du 31 décembre 2010 et pendant l'année 2011 une activité déficitaire d'abord sous couvert de l'inscription en comptabilité d'une facture contestée, puis au moyen de l'utilisation de plus en plus importante du découvert bancaire à la BNP évalué par l'intéressé dans sa déclaration de cessation de paiement à la somme de 480.000 € et par le technicien à plus de 600.000 €, alors même qu'il avait connaissance de la rupture du contrat avec Pronatura fin décembre 2010 et de la contestation par ce client de la facture d'un montant de 459 609 € TTC ; que la faute de gestion du dirigeant de droit est par conséquent établie ; que Me Y... fait en outre valoir l'existence d'une faute de gestion consistant en un non-paiement des charges sociales et fiscales. Le dirigeant de droit ne conteste pas l'existence de ces dettes sociales et fiscales mais les relativise compte tenu du montant de la masse salariale et du chiffre d'affaires de la société ; qu'en ce qui concerne les créances fiscales, la Direction Générale des Finances Publiques d'Avignon a demandé l'admission à titre définitif d'une créance privilégiée portant sur la cotisation foncière des entreprises 2011, l'impôt sur les sociétés 2010 et la TVA du premier trimestre 2011 pour un montant total de 20.300,01 € ; qu'il ressort par ailleurs de l'état des créances article L. 622-24 que la créance de la DGFP a été définitivement admise et qu'une autre créance fiscale de la DGFP de l'Hay les Roses correspondant à la cotisation foncière des entreprises 2011 a été admise à titre définitif à hauteur de 22.345 € ; qu'aucune de ces créances ne fait référence à des pénalités, intérêts de retard ou taxation d'office mais le non-paiement des créances fiscales susdites a permis au dirigeant de droit de poursuivre son activité déficitaire et relève donc de cette faute de gestion ; que l'URSSAF du Vaucluse a déclaré une créance définitive de 71.296,56 € portant sur les cotisations dues à compter d'octobre 2011 ; que a créance de l'URSSAF comprend une part salariale à hauteur de 22.522,56 €, qui a donc été précomptée et non reversée à l'URSSAF ce qui constitue une faute de gestion ; que Me Y... invoque également l'existence d'irrégularités comptables commises par le dirigeant de droit, ce qui a été consacré par la justice pénale au moyen du jugement de condamnation de M. Youssef X... par le tribunal correctionnel d'Avignon le 2 février 2015, dont il n'a pas été relevé appel ; que l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil conduit effectivement à retenir l'existence d'une faute de gestion caractérisée par des irrégularités comptables tenant à la présentation de comptes annuels inexacts pour dissimuler la situation d'une société par actions dans les termes de la qualification développée dans la citation pénale (cf ci-dessus) ; que le liquidateur conclut enfin à l'incurie de M. Youssef X... qui a organisé une concurrence et un transfert des actifs de la SAS « Transfert Logistics » dans une société dans laquelle il était intéressé, à savoir la société « Transferts SAS. » ; que M. X... conteste avoir fait preuve de déloyauté, car il n'a jamais caché l'existence de cette société dont il a informé le tribunal de commerce et les organes de la procédure collective ; que c'est à juste titre que M. Youssef X... fait valoir que Me Y... ne démontre pas l'existence d'un transfert des actifs de la SAS. « Transfert Logistics » vers une société « Transferts SAS » créée en janvier 2012 ; qu'en effet, la seule production de courriels du même mois relatifs à la prise d'un bail par « Transferts SAS » sans justification de ce que ce nouveau bail ait été réglé par la SAS « Transfert Logistics », la migration de lignes téléphoniques dont il n'est pas indiqué ni les modalités ni l'auteur du paiement et l'embauche de chauffeurs provenant de la SAS. « Transfert Logistics », ce qui peut ainsi faire diminuer la masse salariale, n'établissent pas un transfert d'actifs ;
que le liquidateur ne démontre pas davantage que M. Youssef X... ait commis une faute de gestion en cédant à M. Yassine X..., postérieurement à l'ouverture de la procédure collective des actions qui lui appartiennent à titre de biens propres ; que par ailleurs, la proximité des dates entre la création de la société « Transferts SAS. » et la déclaration de cessation des paiements faite par le dirigeant de la SAS « Transfert Logistics » s'oppose à ce qu'une concurrence déloyale ait pu être mise en place durant ce très court laps de temps ; que par conséquent et contrairement aux premiers juges, il ne sera pas retenu une faute du dirigeant de droit consistant à faire concurrence à la société qu'il dirige ; qu'après avoir rappelé que le passif définitif admis s'élève à 1.660.862,15 €, M. Youssef X... rappelle que toutes les dettes nées postérieurement à la liquidation judiciaire doivent être exclues de la détermination du passif à prendre en compte pour déterminer l'insuffisance d'actif et demande à ce que la Cour précise le montant de l'insuffisance d'actif à ce jour, ce que se sont abstenus de faire les premiers juges ; que Me Y... fait valoir à juste titre qu'il suffit d'établir une insuffisance d'actif certaine pour obtenir le prononcé d'une condamnation sous forme provisionnelle ; que la synthèse du passif (article L. 622-24) dressée le 6 août 2015 par le mandataire judiciaire mentionne effectivement un passif admis à titre définitif à hauteur de 1.660.862,15 € concernant des créances antérieures à l'ouverture de la procédure collective ; que les actifs recouvrés par le mandataire judiciaire s'élèvent à la somme de 312.260,58 € hors frais ; qu'il s'ensuit que l'insuffisance d'actif est certaine. Toutefois M. Youssef X... soutient que le liquidateur a engagé une procédure contre Pronatura qui serait de nature à impacter significativement le montant de l'insuffisance d'actif en cas de condamnation du fournisseur ; que Me Y... précise ne pas être à l'initiative de cette assignation, être réservé sur son issue, mais pas y avoir émis d'objection ; que quoiqu'il en soit cette action en responsabilité contractuelle intentée contre la société Pronatura selon assignation du 30 novembre 2015 n'est pas de nature à remettre en cause le caractère actuellement certain de l'insuffisance d'actif, au regard de l'importance du passif admis rapporté à l'actif recouvré ; et qu'à supposer que cette action prospère, la société Pronatura ne pourra être tenue que de réparer le préjudice causé par ses propres manquements contractuels et non celui résultant des fautes du dirigeant de droit ayant contribuées à l'insuffisance d'actif ; que les fautes de gestion retenues (poursuite d'une activité déficitaire, non-paiement des créances sociales, irrégularités comptables) doivent donc avoir contribué à l'insuffisance d'actif ; que tel est le cas de la poursuite de l'activité déficitaire qui a notamment pour effet d'accroître le passif par la création de dettes fiscales et sociales ainsi que l'augmentation du découvert bancaire ; que la rétention de la part sociale salariale contribue également à générer une dette auprès de l'Urssaf ; que de même, les irrégularités comptables, qui ont eu pour effet de dissimuler les pertes de la société et de permettre la poursuite de l'activité déficitaire sans en tirer les conséquences financières et juridiques, de créer une solvabilité apparente vis-à-vis des tiers et des banques sont en lien avec le dommage subi ; que la responsabilité de M. Youssef X... étant retenue, il y a lieu de statuer sur l'appel incident de Maître Y... tendant au comblement intégral de l'insuffisance d'actif ;
qu'à cet égard il convient de relever : « que M. Youssef X... a été condamné à payer à Me Y... ès qualités, partie civile, la somme de 1.000 € au titre de la comptabilité irrégulière et celle de 10.000 € au titre de la distribution de dividendes fictifs, les efforts du dirigeant qui s'est porté caution de la société à plusieurs reprises et a acquitté certaines dettes (prêt de 150.000 € contracté auprès du Crédit Agricole), la baisse des revenus de M. X... depuis la liquidation judiciaire. Au vu de l'ensemble de ces éléments et par application du principe de proportionnalité, il ne sera pas fait droit à l'appel incident et la décision des premiers juges en ce qu'ils ont condamné M. X... au comblement partiel de l'insuffisance d'actif de la SAS « Transfert Logistics » à concurrence de 50 % et au paiement d'une somme provisionnelle de 500.000 € sera confirmée » ;

Et aux motifs, à les supposer adoptés des premiers juges, qu'« abstraction faite de la facturation Pronatura du 31/12/2010, deux exercices sont lourdement déficitaires à savoir 2010 et 2011 ; que le fait de poursuivre une activité déficitaire doit être sanctionné et que la jurisprudence admet qu'une faute pénale soit a fortiori une faute engageant la responsabilité de son auteur sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de commerce, dès lors qu'elle a été commise à propos de l'administration ou de la gestion d'une personne morale en liquidation judiciaire ; que la poursuite de l'activité financée par le non-paiement des dettes sociales et fiscales constitue par principe une faute de gestion, qui prend un relief particulier dès lors que l'impayé porte également sur les parts salariales, et qu'elle est en outre fautive et abusive ; que le tribunal de commerce ne peut que prendre acte de ce qu'il est définitivement jugé par le juge pénal de l'irrégularité des comptes qui caractérise la faute de gestion dénoncée ; [
]qu'il sera fait partiellement droit par ailleurs aux demandes de M. Y... en condamnant à hauteur de 50% M. X... Youssef à supporter l'insuffisance d'actif de la société Transfert Logistics ; Attendu que le passif admis et donc non contestable au 6 août 2015 étant de 1.660.862,15 €, M. X... Youssef sera condamné au paiement d'une somme provisionnelle de 500.000 € » ;

Alors 1°) que la poursuite fautive d'une activité déficitaire n'est pas caractérisée lorsque le dirigeant social a maintenu une telle activité afin de trouver une solution permettant de remédier aux difficultés de la société ; qu'en se bornant à affirmer que M. X... avait commis une faute en poursuivant une activité déficitaire (arrêt, p. 5 dernier § et p. 6 § 1), sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société Transfert Logistics n'avait pas recherché de nouveaux investisseurs et, en particulier, avait entrepris des négociations avec la société 2C Invest dans le courant de l'année 2010, qui avaient donné lieu, le 5 juin 2011, à l'émission d'une lettre d'intention de cette société (concl., p. 22), ce dont il résultait que le maintien de l'activité de l'entreprise, même déficitaire, avait été justifié par des perspectives sérieuses de nouveaux investissements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause ;

Alors 2°) que le seul fait qu'un déficit soit constaté à l'issue d'un exercice comptable ne suffit pas à caractériser la poursuite d'une activité déficitaire, seule constitutive d'une faute de gestion de nature à obliger le dirigeant social à répondre en tout ou partie de l'insuffisance d'actif à laquelle cette faute a pu contribuer ; qu'en l'espèce, M. X... faisait valoir que l'exercice 2009 avait été bénéficiaire, et que la seule raison pour laquelle le liquidateur soutenait que l'exercice 2010 avait été déficitaire résidait dans le retraitement d'une facture Pronatura qui n'aurait pas dû être prise en compte dans le bilan (concl., p. 18 in fine) ; qu'il en résultait que le déficit de la société Transfert Logistics n'était, en toute hypothèse, pas apparu avant la clôture de l'exercice 2010, ce qui excluait nécessairement que, durant cet exercice, l'activité ait été poursuivie malgré son caractère déficitaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée sur ce point à retenir que les comptes 2010 présentaient une apparence de bon équilibre financier en raison d'une facture Pronatura de 459.609 € TTC, tandis que cette facture n'aurait pas dû être portée en comptabilité alors même qu'une provision pour risques et charges n'avait pas été inscrite, ce qui avait empêché la constatation d'une perte comptable (arrêt, p. 5 dernier §) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, avant la clôture de l'exercice 2010, l'activité n'était pas bénéficiaire, ce qui excluait que l'on puisse reprocher à M. X... d'avoir poursuivi une activité déficitaire dès l'exercice 2010, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause ;

Alors 3°) que la faute de gestion reprochée au dirigeant social de la société objet d'une procédure collective doit avoir contribué à l'insuffisance d'actif pour que ce dirigeant soit condamné à supporter cette insuffisance en tout ou partie ; que tel n'est pas le cas lorsque les difficultés de l'entreprise ayant conduit de manière inéluctable à la cessation des paiements ont pour cause initiale et exclusive la faute d'un tiers ; qu'en l'espèce, M. X... exposait dans ses écritures que les difficultés de la société Transfert Logistics procédaient du comportement de la société Pronatura, qui avait refusé de payer certaines prestations qu'elle lui avait demandées, tout en lui laissant croire qu'elle les prendrait en charge, avant de résilier brutalement le contrat sans aucun motif (concl., p. 8 et 9) ; qu'il en déduisait que les fautes de gestion qui lui étaient reprochées n'étaient pas la cause de l'insuffisance d'actif de la société Transfert Logistics, en réalité créée par le comportement fautif de la société Pronatura (concl., p. 26 in fine et p. 27 § 1 à 3) ; que la cour d'appel a retenu à l'encontre de M. X... trois fautes de gestion distinctes, à savoir la poursuite d'une activité déficitaire, l'absence de paiement de charges sociales et la commission d'une irrégularité comptable consistant dans la distribution de dividendes fictifs, et a considéré que ces fautes avaient contribué à l'insuffisance d'actif de la société Transfert Logistics (arrêt, p. 5 à 8) ; qu'elle s'est par ailleurs bornée à relever que l'action en responsabilité exercée au fond à l'encontre de la société Pronatura – action exercée par M. Y... ès qualités malgré ses dénégations (prod. 2) – n'était pas de nature à remettre en cause le caractère certain de l'insuffisance d'actif (arrêt, p. 8 § 8) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les fautes reprochées à la société Pronatura n'étaient pas à l'origine des difficultés financières de la société Transfert Logistics, et si les fautes reprochées à M. X... n'avaient pas été que la conséquence de ces difficultés, ce qui avait conduit à une assignation au fond de la société Pronatura, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause ;

Alors 4°) qu'en outre la faute de gestion reprochée au dirigeant social de la société objet d'une procédure collective doit avoir contribué à l'insuffisance d'actif pour que ce dirigeant soit condamné à supporter cette insuffisance en tout ou partie ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que M. X... avait commis une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif en ne payant pas les charges sociales et fiscales de l'entreprise, ce qui avait permis la poursuite déficitaire de l'activité de la société Transfert Logistics (arrêt, p. 6 § 5 et p. 7 § 1) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl., p. 19 in fine et p. 20), si les charges sociales et fiscales impayées ne représentaient pas moins d'un tiers du chiffre d'affaires mensuel de l'entreprise, de sorte que leur montant était trop modique pour avoir permis la poursuite d'une activité déficitaire, ce qui excluait tout lien de causalité entre l'insuffisance d'actif et l'absence de paiement de ces charges, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la faillite personnelle de M. Youssef X... et d'en avoir fixé la durée à 10 ans, cette sanction emportant interdiction de gérer pour la même durée ;

Aux motifs propres que « M. Y... ès qualités conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a prononcé la faillite personnelle de M. X... et en a fixé la durée à 10 ans ; que le dirigeant de droit fait valoir qu'il a déjà été sanctionné sur le plan professionnel par le juge pénal puisqu'une interdiction de gérer de 3 ans a été prononcée à son encontre ; que les premiers juges ont prononcé cette mesure de faillite personnelle au vu de l'importance des fautes de gestion commises et de leur incidence sur le sort des finances de l'entreprise ; que M. Y... ès qualités se prévaut des articles L. 653-4 3º et 4º, L. 653-5 6º pour fonder sa demande de condamnation, arguant de la désinvolture avec laquelle M. X... a organisé le transfert de ses activités ; qu'en vertu de l'article L. 653-4 3º, le dirigeant doit avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ; qu'il est établi par le jugement correctionnel du 12 janvier 2015 que M. X... en sa qualité de gérant de droit a distribué des dividendes fictifs entre les actionnaires à hauteur de 30 000 € ; que le paiement effectif de ces dividendes est intervenu les 6 et 20 janvier 2012. M. X... a ainsi fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ; que par contre, ainsi que développé précédemment (cf paragraphe sur l'incurie du dirigeant), la preuve n'est pas rapportée de ce qu'il a favorisé une autre personne morale ; que de même, l'intérêt personnel de M. X... à la poursuite de l'exploitation déficitaire n'est pas caractérisé par M. Y..., d'autant que le dirigeant se portait caution de la société, de sorte que la faillite personnelle ne peut être prononcée sur ce fondement ; qu'enfin, l'application de l'article L. 653-5 6º du code de commerce doit être retenue, M. X... ayant été pénalement condamné pour comptabilité irrégulière ; qu'en ce qui concerne la sanction de faillite personnelle, le législateur a entendu par ce moyen assurer la répression par le juge civil ou commercial des manquements du dirigeant et elle est de nature différente des sanctions prononcées par le juge répressif ; que le Conseil constitutionnel s'est d'ailleurs prononcé le 29 septembre 2016 en déclarant contraire à la Constitution l'article L. 654-6 du code de commerce qui empêchait le juge répressif de prononcer la faillite personnelle ou l'interdiction de gérer du dirigeant lorsqu'une décision définitive du juge civil ou commercial était intervenue pour les mêmes faits. Compte tenu de la gravité des fautes commises par M. X..., il y a lieu de confirmer le jugement déféré qui a prononcé la mesure de faillite personnelle pour une durée de 10 ans » ;

Et aux motifs, à les supposer adoptés des premiers juges, que « il convient, vu l'importance des fautes de gestion commises et leurs incidences sur le sort des finances de l'entreprise, de prononcer la faillite personnelle de M. X... Youssef ; que cette sanction sera prononcée pour une durée de dix ans et qu'elle emporte conformément à l'article L. 653-2 du code de commerce interdiction de gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale, artisanale ou agricole » ;
Alors 1°) que nul ne peut être poursuivi ou puni par les juridictions du même État en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été condamné par un jugement définitif conformément à la loi de cet État ; que la faillite personnelle ou l'interdiction de gérer susceptibles d'être prononcées à l'encontre du dirigeant de la personne morale en liquidation judiciaire ressortissent de la matière pénale, de sorte que ces sanctions ne peuvent être prononcées par deux juridictions différentes pour des mêmes faits ; qu'en l'espèce, M. X... faisait valoir dans ses écritures qu'il avait déjà été sanctionné par une mesure d'interdiction de gérer de 3 ans par le juge pénal, au terme d'un jugement du février 2015, pour les faits de distribution de dividendes fictifs et tenue de comptabilité irrégulière, et soulignait qu'une nouvelle condamnation, pour ces mêmes faits, ne pouvait intervenir sauf à conduire à un cumul de sanctions de nature à porter atteinte à la règle non bis in idem (concl., p. 30 et 31) ; que la cour d'appel a pourtant prononcé à l'encontre de M. X... une faillite personnelle de 10 ans emportant interdiction de gérer pour la même durée, sanction qu'elle a exclusivement fondée sur les fautes retenues par la juridiction pénale dans un jugement du 2 février 2015 (arrêt, p. 10) ; qu'en prononçant ainsi à l'encontre de M. X... une sanction de même nature que celle déjà prononcée par la juridiction pénale pour les mêmes faits, la cour d'appel a violé les articles L. 653-3 et L. 654-6 du code de commerce, dans leur rédaction applicable en la cause, ensemble la règle non bis in idem telle que prévue à l'article 4 du protocole additionnel n°7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Alors 2°) qu'en toute hypothèse, en vertu du principe de proportionnalité, lorsqu'une juridiction a prononcé à l'égard d'un dirigeant de personne morale, par une décision devenue définitive, sa faillite personnelle ou une interdiction de gérer, il n'est pas possible à une autre juridiction, saisie ultérieurement, de prononcer une sanction de même nature pour les mêmes faits qui se cumule avec cette première peine ; qu'en l'espèce, M. X... faisait valoir dans ses écritures qu'il avait déjà été sanctionné par une mesure d'interdiction de gérer de 3 ans par le juge pénal, au terme d'un jugement du février 2015, pour les faits de distribution de dividendes fictifs et tenue de comptabilité irrégulière, et soulignait qu'une nouvelle condamnation, pour ces mêmes faits, ne pouvait intervenir sauf à conduire à un cumul de sanctions de nature à porter atteinte au principe de proportionnalité des peines (concl., p. 30 et 31) ; que la cour d'appel a pourtant prononcé à l'encontre de M. X... une faillite personnelle de 10 ans qu'elle a exclusivement fondé sur les fautes retenues par la juridiction pénale dans un jugement du 2 février 2015 (arrêt, p. 10) ; qu'en prononçant ainsi une sanction de même nature que celle déjà prononcée par la juridiction pénale, en vertu d'une décision devenue définitive, pour les mêmes faits, et se cumulant avec elle, la cour d'appel a violé les articles L. 653-3 et L. 654-6 du code de commerce dans leur rédaction applicable en la cause, ensemble le principe de proportionnalité.