Cass. crim., 11 juin 2002, n° 01-88.263
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
M. Pometan
Avocat :
Me Bouthors
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Gabriel,
contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3ème chambre, en date du 13 novembre 2001, qui, pour violation du secret professionnel, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis, 20 000 francs d'amende, 6 mois d'interdiction d'exercer la profession d'huissier de justice, et a prononcé sur l'action civile ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 226-13 et 226-31 du Code pénal, 2 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt a déclaré Gabriel X... coupable de violation du secret professionnel et l'a condamné à six mois d'emprisonnement ainsi qu'au paiement d'une amende de 20 000 francs et à l'interdiction d'exercice professionnel pour une durée de six mois outre une somme de 10 000 francs à titre de dommages-intérêts ;
"aux motifs que le 17 septembre 1998, après avoir dîné avec lui, Gabriel X... a invité Jean-Marc Y... à son domicile pour lui montrer "quelque chose d'intéressant" ou des documents intéressants ; que Jean-Marc Y... a eu sous les yeux la photocopie de l'assignation en divorce des époux Z..., dans laquelle des griefs sont articulés à l'encontre de François Z..., juge aux affaires familiales ayant prononcé le divorce des époux Y... ; que selon Jean-Marc Y..., Gabriel X... lui aurait montré plusieurs documents dont l'assignation en divorce délivrée à François Z... ; que selon Gabriel X..., il entendait tranquilliser son hôte en lui démontrant que les personnes en vue ne bénéficiaient pas de privilèges devant les juridictions ; qu'il est ainsi établi que Gabriel X... avait en sa possession des photocopies d'actes concernant des personnes en vue dans la région ; que Gabriel X... prétend qu'il s'agissait de documents de travail dans le cadre d'activités de formation ou de recherche mais ces documents étaient bien évidemment soumis au secret professionnel ; qu'en les montrant à des tiers, Gabriel X... violait consciemment le secret professionnel ; qu'en tout état de cause, l'élément intentionnel résulte de la conscience qu'avait l'officier ministériel de violer le secret, de sorte qu'en montrant à un tiers ces documents légèrement scandaleux, il avait bien conscience de ce qu'il faisait ; que de plus, il paraît absurde de considérer que Jean-Marc Y... se soit emparé sans le consentement de son hôte du document litigieux, l'huissier lui ayant en réalité confié cette photocopie sans imaginer un instant que ce fonctionnaire honorable allait en faire ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu les deux prévenus dans les liens de la prévention ;
"1°) alors que, d'une part, le détenteur d'un secret protégé n'est pas soumis à une obligation de résultat d'où il suit que la preuve de la violation intentionnelle d'un secret pèse sur la partie poursuivante ; que la Cour ne pouvait dès lors fonder la déclaration de culpabilité du requérant sur une simple hypothèse ;
"2°) alors que, d'autre part, en l'absence de remise d'un corpus déterminé, il ne saurait y avoir de violation d'un secret protégé ;
"3°) alors que, de troisième part, viole derechef le principe de la présomption d'innocence la cour d'appel qui retient la culpabilité d'un prévenu en prenant appui sur les seules déclarations d'un coprévenu relatives aux conditions dans lesquelles un acte de procédure lui aurait été "montré"" ;
Attendu que, pour déclarer Gabriel X..., huissier de justice, coupable du délit de violation de secret professionnel, les juges retiennent, notamment, que celui-ci a communiqué sciemment à un tiers, étranger à la procédure, le contenu d'une assignation en divorce qu'il avait été chargé de délivrer à une partie ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, les juges ont caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit de violation du secret professionnel dont ils ont déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui allègue à tort la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, ne peut qu'être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 1er du premier protocole additionnel de cette Convention, de l'article 66 de la Constitution du 4 octobre 1958, de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, de l'alinéa 5 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, des articles 226-31 et 131-27 du Code pénal et des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt a prononcé à l'encontre du prévenu une interdiction d'exercice professionnel d'une durée de six mois ;
"alors, d'une part, que l'interdiction d'exercice professionnel prononcée à titre de peine complémentaire reste une mesure de sûreté ; que la juridiction de jugement est soumise à la même obligation de motivation que le juge d'instruction qui, pour prononcer cette interdiction au titre du contrôle judiciaire, doit se prononcer sur les risques de commission d'une nouvelle infraction ; que la cour d'appel ne pouvait donc prononcer à l'encontre de Gabriel X... une interdiction d'exercice professionnel sans caractériser les risques de renouvellement de l'infraction ;
"alors, d'autre part, que l'arrêt attaqué ne comporte aucune énonciation de nature à caractériser l'existence d'une crainte du renouvellement de l'infraction ; que l'interdiction d'exercice professionnel frappant Gabriel X... apparaît donc inadaptée et partant, disproportionnée au but poursuivi" ;
Attendu qu'il ne saurait être reproché à la cour d'appel d'avoir prononcé à titre de peine complémentaire l'interdiction, pour une durée de 6 mois, d'exercer l'activité professionnelle d'huissier de justice, dès lors qu'il résulte de l'arrêt que l'infraction a été commise dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de cette activité, et qu'aucune disposition légale n'impose au juge de motiver le choix d'une peine autre que celle d'emprisonnement sans sursis ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.