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Décisions

CA Versailles, ch. com. réunies, 27 septembre 2005, n° 04/02244

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Fabricants Independants (SARL)

Défendeur :

Expertise Galtier (SA), AEG Finances (SARL), Ricol Lasteyrie et Associés (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Laporte

Avoués :

SCP Debray-Chemin, SCP Gas, SCP Jullien, Lecharny, Rol et Fertier

Avocats :

Me Fabre, Selafa Hascoet Trillat, Me Charvet

T. com. Paris, 22e ch., du 19 févr. 1999…

19 février 1999

FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

La société en nom collectif FABRICANTS INDEPENDANTS a été constituée en 1983 pour prendre en location-gérance, pour une durée de 13 ans, le fonds de commerce "FABRICANTS ASSOCIES", spécialisé dans la vente de mélanges destinés aux fabricants d'aliments pour bétail, appartenant à la société GUYOMARC'H ALIMENTAIRE SAGAL.

Son capital social était réparti entre la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS à raison de 25 % et la société GUYOMARC'H ALIMENTAIRE SAGAL pour 75%.

Outre l'exploitation du fonds pris en location-gérance, elle a développé des actifs et, notamment, construit ses propres locaux administratifs, implanté une filiale en Espagne dénommée INA ainsi qu'un établissement stable en Italie.

A l'issue du contrat de location-gérance, la société GUYOMARC'H ALIMENTAIRE SAGAL a souhaité reprendre son fonds de commerce et racheter les parts détenues par la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS dans le capital de la SNC du même nom.

En désaccord sur la valeur de cette participation, les sociétés SARL FABRICANTS INDEPENDANTS, SNC FABRICANTS INDEPENDANTS et GUYOMARC'H ALIMENTAIRE SAGAL ont conclu le 26 juillet 1996 une convention confiant à un collège d'expert la mission de la déterminer avant le 1er septembre 1996.

Les parties désignaient respectivement en qualité d'expert la société EXPERTISE GALTIER et la société AEG FINANCES qui s'accordaient sur le nom du troisième expert monsieur Jean-Charles de LASTEYRIE du cabinet RICOL LASTEYRIE & ASSOCIES.

En désaccord avec les conclusions du rapport remis aux parties le 13 mai 1997, la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS saisissait le tribunal de commerce de Paris, assignant les trois experts, en présence de la société GUYOMARC'H ALIMENTAIRE SAGAL, leur réclamant la somme de 4.082.456 francs (622.366,41 euros), sauf à parfaire en renommant un autre collège d'experts.

La société AEG FINANCES et la société RICOL LASTEYRIE & ASSOCIES ont appelé en garantie leur assureur, LES MUTUELLES DU MANS.

Par jugement rendu le 19 février 1999, cette juridiction, après s'être déclarée compétente, a estimé que le travail des experts ne comportait aucune faute grossière susceptible de leur être reprochée et a, en conséquence, débouté la demanderesse de toutes ses prétentions, la condamnant aux dépens.

Sur appel interjeté par la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS, la cour d'appel de Paris, par un arrêt rendu le 11 mai 2001, a considéré que le litige portait sur la responsabilité de tiers arbitres désignés sur le fondement de l'article 1592 du code civil dans le cadre d'une convention de mandataire commun, qui ne pouvait être recherchée que sur l'établissement d'une erreur grossière, laquelle, en l'espèce n'avait pas été caractérisée dans une procédure ayant opposé le vendeur et l'acquéreur, le caractère parfait de la vente faisant définitivement obstacle à une telle recherche. Elle a donc confirmé le jugement sauf à mette à la charge de la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS des indemnités en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par un arrêt rendu le 04 février 2004, la chambre commerciale financière et économique de la cour de cassation a mis hors de cause la société GUYOMARC'H ALIMENTAIRE SAGAL, a cassé et annulé la décision de la cour d'appel dans toutes ses dispositions. Elle a dit que l'erreur grossière était une condition de la remise en cause de la détermination du prix et non de la responsabilité du mandataire chargé de celle-ci et estime qu'en affirmant que cette responsabilité ne pouvait être recherchée que sur le fondement d'une erreur grossière, la cour d’appel avait violé les articles 1592 et 1992 du code civil. Elle a d'autre part rappelé que le vendeur était en droit d'obtenir réparation du préjudice que lui causait la sous-évaluation fautive de la chose vendue et considère que la cour en relevant, pour rejeter la demande de la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS, qu'en l'espèce la perfection de la vente et l'absence de retard excluaient tout préjudice, avait violé les articles 1147 et 1149 du code civil.

La cour de cassation a désigné la cour d'appel de Versailles comme cour de renvoi qu'a saisie la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS en intimant toutes les parties de première instance à l'exclusion des MUTUELLES DU MANS.

A cours de la procédure la cour de ce siège s'est dessaisie de son appel à l'encontre de la société GUYOMARC'H ALIMENTAIRE SAGAL. Par ordonnance du 05 avril 2005, le conseiller de la mise en état a constaté l'extinction de l'instance entre la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS et la société GUYOMARC'H ALIMENTAIRE SAGAL.

Par conclusions récapitulatives signifiées le 19 avril 2005, la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS critique le travail des experts au regard de leur mission qui était de déterminer la valeur des parts et non de rechercher un prix de compromis.

Elle considère que le collège des experts a commis, dans la conduite de la mission, des fautes consistant en la violation de ses obligations de loyauté et d'impartialité en faisant interpréter par la société SAGAL des courriers et documents qu'elle-même avait adressés aux experts et en ne lui permettant pas de discuter cette interprétation.

Elle soutient que les experts ont violé leurs propres engagements écrits et contractuels sur la méthodologie définie par le collège d'experts en accord avec les parties et fondée sur le principe du contradictoire, lequel selon elle, n'a pas été respecté puisqu'elle n'a pas eu connaissance complète des travaux effectués, des constats opérés et des documents produits.

Elle critique ensuite le contenu du rapport qu'elle qualifie de peu conforme, dans sa forme, à l'attente des parties puisque particulièrement lapidaire et elliptique au regard de la complexité de l'opération. Elle relève l'incapacité des experts de réfuter, pièces à l'appui, ses arguments. Elle discute les motifs des premiers juges qui ont admis que l'appréciation des experts pouvait être entachée de subjectivité.

Elle énumère les fautes commises selon elle, dans la valorisation de la filiale espagnole INA en discutant la pertinence d'une des méthodes retenues, d'un abattement de 40% pratiqué sur les chiffres de la société NUTRAL prise en référence, du choix de la société GNA pour effectuer une comparaison, du montant retenu pour le "PER" moyen de la Bourse de Madrid.

Elle ajoute à ses critiques le refus fautif des experts de tenir compte de la progression prévisible des résultats de la filiale INA ainsi que de la baisse du coût de l'argent intervenue en Espagne et de son incidence sur la valeur résiduelle actualisée de la société. Elle leur fait grief d'un abattement de 25% arbitrairement pratiqué sur la moyenne des valeurs de la société INA.

Elle affirme que le départ de monsieur AMICE, animateur de la SNC LES FABRICANTS INDEPENDANTS, n'a pas eu d'incidence sur le développement de la société INA, dont elle discute par ailleurs la prétendue dépendance commerciale vis à vis du groupe GUYOMARC'H dont elle conteste au surplus l'apport technique allégué.

Elle estime ainsi que les fautes des experts les ont conduits à minorer de près de 60% la valeur de la société INA qui a été évaluée à 281 millions de pesetas au lieu de 622 millions.

Elle rappelle que la mission du collège d'experts incluait la vérification, dans les comptes de l'usine de Vannes appartenant à la société GNA, que les prix des fournitures facturées par cette dernière à la SNC FABRICANTS INDEPENDANTS étaient conformes aux stipulations du contrat signé entre ces deux sociétés.

Elle relève que les experts ont affirmé que les factures émises par GNA étaient inférieures à celles qui auraient résulté de l'application du contrat mais soutient que cette affirmation, non justifiée par des éléments chiffrés, est démentie par les conclusions des experts comptables. Elle prétend que les informations chiffrées qu'auraient reçues le collège des experts n'ont pas été vérifiées par un audit des comptes de GNA et que les experts s'en sont tenus aux seuls éléments fournis par la société SAGAL.

Elle observe que le collège des experts n'a pas valorisé dans son rapport les investissements mobiliers réalisés par la SNC FABRICANTS INDEPENDANTS et qualifie d'absurde la méthodologie retenue pour valoriser les immeubles en tenant compte de l'existence d'un bail à construction.

Elle invoque également une faute grave résultant de la fausse détermination de la location-gérance, en violation des stipulations expresses de l'avenant du 14 avril 1986. Elle marque enfin son désaccord sur l'avis des experts qui ont estimé que les résultats de l'établissement italien, créé en 1993, ne leur étaient pas parus suffisants pour affirmer la réussite de cette tentative justifiant de lui attribuer une valeur.

Se prévalant de l'arrêt de la cour de cassation, elle soutient qu'elle est en droit d'obtenir réparation du préjudice que lui cause la sous-évaluation fautive de la chose vendue. La récapitulation de ses calculs détermine, selon elle, un préjudice de 848.307,28 euros.

Elle demande en conséquence à la cour d'infirmer le jugement, de débouter les sociétés EXPERTISE GALTIER, AEG FINANCES et RICOL LASTEYRIE & ASSOCIES de leurs demandes et conclusions, de les condamner conjointement et solidairement à lui payer la somme de 848.307,28 euros avec intérêts de droit calculés à compter du 24 janvier 1998 date de l'assignation et capitalisés, ainsi que celle de 100.000 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société EXPERTISE GALTIER considère que les conditions dans lesquelles le tiers arbitre est désigné selon l'article 1592 du code civil ne permettent pas de la soumettre aux dispositions régissant la responsabilité du mandataire de droit commun, ce qu'elle n'est pas.

Elle entend en conséquence contester vivement la position retenue par la cour de cassation qui semble considérer que le tiers arbitre est un mandataire au sens des articles 1984 et suivants du code civil, en faisant valoir que la mission de celui-ci est circonscrite à l'application des modalités d'évaluation définies par les parties et en soulignant le caractère tout à fait particulier et autonome du régime organisé par l'article 1592 du code civil qui, seul, selon elle, est applicable en l'espèce, ce dont elle déduit que le prix fixé par le tiers arbitre s'impose à tous et qu'aucune partie ne dispose du droit de le contester. Elle ajoute qu'aucune erreur grossière ne peut être imputée au collège arbitral dans l'évaluation du prix de cession.

En réponse aux griefs articulés par la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS, elle soutient la parfaite loyauté et impartialité du tiers arbitre et affirme qu'au cours des travaux, comme la société SAGAL, la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS a pu faire valoir son point de vue soit par son gérant soit par l'intermédiaire de l'expert comptable qu'elle avait missionné.

Rappelant que le tiers arbitre n'est soumis à aucune règle de l'expertise judiciaire et se référant au contenu de la mission, elle soutient qu'aucune disposition ne l'obligeait à communiquer l'état de ses travaux aux parties qui n'avaient pas la possibilité de contester l'évaluation du collège arbitral.

Elle se prévaut d'une jurisprudence pour soutenir que la décision de fixation du prix n'avait pas à être motivée et qu'une analyse détaillée du rapport n'avait pas à être effectuée.

Surabondamment, elle estime qu'une telle analyse ne permet pas de conclure à de quelconques erreurs et elle réfute point par point les critiques articulées par la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS sur la pertinence de l'évaluation de la société espagnole INA, des comptes de l'usine de Vannes justifiant les prix de facturations, de la valorisation des investissements subsistant dans la SNC FABRICANTS INDEPENDANTS, de l'exacte détermination de la redevance de location-gérance, de l'évaluation de l'établissement italien.

Elle affirme ainsi que le collège arbitral a procédé aux diligences prévues dans le protocole de 1983 modifié par l'avenant de 1996 et que la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS est mal fondée à faire état d'une sous-évaluation des parts qu'elle détenait dans la SNC FABRICANTS INDEPENDANTS.

Elle indique que la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS a engagé à l'encontre de la société SAGAL un recours devant la juridiction arbitrale, fait valoir que la présente procédure a pour objet de solliciter une seconde fois l'indemnisation résultant de la prétendue sous-évaluation et l'analyse comme un supplément de prix. Elle déduit de l'action engagée par la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS contre le cessionnaire l'impossibilité de celle-ci de se prévaloir d'un quelconque préjudice.

Elle conclut ainsi à la confirmation du jugement et réclame à la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS 100.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et 30.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Les sociétés AEG FINANCES et RICOL LASTEYRIE & ASSOCIES répondent ensemble qu'au vu de la décision de la cour de cassation, il appartient à la présente cour de renvoi de dire si le tiers arbitre a ou non accompli les diligences normales qu'il devait effectuer, et s'il a ou non commis des erreurs dans l'application des règles qu'il lui était demandé d'appliquer.

Elles soutiennent l'absence de faute du collège arbitral qui a mené les diligences nécessaires.

Elles réfutent à cet égard les affirmations de la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS sur l'évaluation de la filiale espagnole et justifient les méthodes employées, les comparaisons avec les sociétés NUTRAL et GNA, le "PER" de Madrid retenu, la méthode des cash-flows mise en ouvre et les abattements pratiqués sur les valeurs.

Elles considèrent que les allégations de la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS quant à la prétendue valeur de l'établissement en Italie manquent de sérieux.

Elles affirment que le collège arbitral n'a pas commis d'erreur matérielle sur les comptes de l'usine de Vannes justifiant les prix de facturation, sur la valorisation des investissements subsistant dans la SNC, ni sur la détermination de la redevance de location-gérance.

Elles ajoutent que les principes généraux du droit n'ont pas été violés, précisant que le tiers arbitre n'est pas tenu au respect du contradictoire et prétendant que les obligations spécifiques que le collège arbitral s'était imposées ont été respectées et que, sur un plan général, les parties ont été régulièrement tenues informées de l'organisation et de l'avancement des travaux.

Elles rappellent le régime juridique applicable à la responsabilité du tiers arbitre en soutenant que celui-ci n'est pas un mandataire de droit commun, ni un simple prestataire de service, mais un quasi-juge puisque sa mission est de fixer le prix de la vente en tenant compte des conditions imposées par les parties et sans sortir de la mission qui lui a été confiée.

Elles soulignent que le tiers désigné n'a pas à motiver sa décision.

Elles en déduisent que la responsabilité du tiers arbitre ne peut donc être appréciée que sur la base de l'erreur grossière et critiquent à cet égard la décision de la cour de cassation en considérant que la faute légère est inadaptée à la mission du tiers arbitre.

Elles considèrent que le dispositif issu de l'arrêt du 4 février 2004 pose des problèmes d'équité et que cette jurisprudence va entraîner une multiplication des contentieux.

Subsidiairement, elles font valoir que, si la cour devait juger que la responsabilité du tiers arbitre devait être engagée, l'arbitrage devrait être alors annulé et la détermination du prix à nouveau confiée à un autre tiers expert.

Elles demandent en conséquence à la cour de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris, d'ordonner le maintien dans la cause de la société GUYOMARC'H ALIMENTAIRE SAGAL, de condamner la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS à payer à chacune d'elles 150.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et en réparation du préjudice découlant de l'atteinte à leur réputation et 30.000 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La procédure a été communiquée au Ministère Public le 15 février 2005.

Elle a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 19 avril 2005.

MOTIFS DE LA DECISION

Considérant que, selon convention non datée mais dont les parties s'accordent à confirmer qu'elle a été signée le 26 juillet 1996, les sociétés FABRICANTS INDEPENDANTS et GUYOMARC'H ALIMENTAIRE SAGAL sont convenues d'une cession des 2.500 parts que la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS détenait dans le capital de la SNC FABRICANTS INDEPENDANTS ;

Considérant que pour déterminer le prix de cette vente les parties ont décidé, d'un commun accord, de s'en remettre à un collège arbitral, en application des dispositions de l'article 1592 du code civil ;

SUR LA MISE EN OEUVRE DE LA RESPONSABILITÉ DES EXPERTS

Considérant que l'autonomie du régime institué par l'article 1592 du code civil qu'invoquent les intimées concerne la détermination du prix de la vente ; qu'il résulte, en effet, d'une jurisprudence constante que l'évaluation à laquelle procède le tiers expert, intervenant dans le cadre de ce texte, est définitive et ne peut être critiquée par les parties ou modifiée par le juge à moins qu'il ne soit démontré que l'expert a commis, dans la détermination du prix, une erreur grossière ;

Considérant toutefois que, contrairement à ce que continuent de soutenir les intimées, les règles régissant la responsabilité du mandataire, telles qu'elles résultent des dispositions des articles 1984 et suivants du code civil et notamment de l'article 1992, sont applicables au tiers arbitre ;

Considérant en effet que le vendeur est en droit d'obtenir du ou des arbitres réparation du préjudice que lui cause la sous-évaluation fautive de la chose vendue ;

Considérant que l'autonomie du régime, la qualité de mandataire commun aux parties, la limitation du mandat à l'application des modalités d'évaluation définies par les parties, sa non-révocabilité, ne peuvent interdire l'éventuelle mise en cause de l'expert pour des fautes personnelles par eux commises et préjudiciables à l'une des parties ;

Considérant qu'il résulte d'une part, de la possibilité de mise en œuvre de la responsabilité des tiers arbitres et d'autre part, du caractère définitif de l'évaluation effectuée par le tiers expert, laquelle ne peut être critiquée, qu'il ne saurait être demandé au juge de modifier cette estimation, en cas de simple erreur ;

Considérant que la responsabilité du tiers arbitre ne peut retenue qu’en raison d'une faute prouvée dans l'exécution de sa mission d'évaluation et en aucun cas d'une erreur, commise aux yeux d'une des parties, dans l'appréciation du prix de la chose vendue ;

Considérant que l'obligation de moyens mise à la charge du tiers arbitre porte sur la diligence de l'exécution de sa mission et certainement pas sur le résultat de celle-ci ;

Considérant que c'est en toute liberté contractuelle que les parties ont décidé, pour déterminer le prix de la cession, de s'en remettre à la détermination de professionnels dont ils ont personnellement désigné deux d'entre eux ; qu'ils ont accepté par avance cette décision sans méconnaître que les dispositions de l'article 1592 du code civil ne leur permettaient de les remettre en cause qu'en cas d'erreur grossière et qu'ils ont ainsi fait de cet avis leur loi, par application de l'article 1134 du code civil ; que la recherche de l'éventuelle responsabilité du collège des experts ne peut donc avoir pour objectif ou pour conséquence de les y soustraire ;

Considérant que la faute du tiers arbitre ne peut être constituée par une simple erreur mais par un manquement dans l’accomplissement de sa mission par référence au comportement d’un professionnel normalement prudent et diligent;

Considérant qu’il ne saurait être imparti au juge le rôle ou la mission d'apprécier la qualité du travail proprement d'estimation de l'expert sans être aussi placé devant l'exercice d'un pouvoir qui ne lui a pas été conféré et pour lequel il n'a pas la compétence technique requise ;

Considérant aussi que l'article 1592 du code civil laisse la possibilité de confier à l'arbitrage d'un tiers la détermination du prix de la vente que doivent normalement déterminer les parties en application de l'article 1591 dudit code ; que le prix que peut accepter de payer un acheteur ou de recevoir un vendeur en contrepartie du transfert de la propriété d'une chose peut être différent de la valeur de celle-ci selon des critères qui leur sont propres ;

SUR LA MISSION CONFIÉE AUX ARBITRES

Considérant qu'aux termes du protocole conclu le 16 août 1983, la société ETABLISSEMENTS GUYOMARC'H et monsieur AMICE représentant la société à responsabilité limitée en cours de constitution FABRICANTS INDEPENDANT sont convenus de la constitution de la future SNC et des modalités de son fonctionnement, notamment par la prise en location-gérance du fonds de commerce FABRICANTS ASSOCIES ;

Considérant que le contrat emporte promesse, sous certaines conditions suspensives, de cession par monsieur AMICE des 25% des parts devant être détenues par lui-même où la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS, dans la filiale commune ;

Considérant que la convention stipule que la vente de cette participation interviendra pour un prix égal au quart du cash-flow brut moyen réalisé par la SNC au titre des deux exercices précédents la levée d'option, affecté d'un multiplicateur décroissant selon chaque tranche annuelle du 1er juillet au 30 juin des années 1983 à 1996 ;

Considérant qu'elle ajoute "En cas de contestation sur le montant du cash-flow brut moyen, les parties conviennent dès maintenant, conformément aux dispositions de l'article 1592 du code civil, de s'en remettre aux dires d'experts, soit d'un seul expert, si les parties y consentent, soit de deux experts choisis, l'un par les ETS GUYOMARC'H et l'autre par la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS" ;

Considérant que cet accord s'est trouvé modifié par une "CONVENTION" non datée mais dont les parties s'accordent à confirmer qu'elle a été signée le 26 juillet 1996, par laquelle les sociétés GUYOMARC'H ALIMENTAIRE SAGAL, SARL FABRICANTS INDEPENDANTS et SNC FABRICANTS INDEPENDANTS, sont convenues de la promesse de vente de la participation de 25% détenue par la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS dans le capital de la filiale commune et "conformément aux dispositions de l'article 1592 du code civil, (...) de s'en remettre définitivement aux conclusions du collège d'expert" constitué de la société EXPERTISE GALTIER, de la société AEG FINANCES, chargées de désigner le troisième expert ;

Considérant que la CONVENTION dispose que le prix des parts sera égal au quart de la valeur de la SNC FABRICANTS INDEPENDANTS déterminée par la somme algébrique :

- des capitaux propres de la SNC au 30 juin 1996,

- de la plus-value latente à cette même date sur la participation de 99% détenue par la SNC dans la société espagnole INA,

- de la valeur résiduelle au 30 juin 1996 des investissements réalisés par la SNC et notamment des immeubles,

- de la différence entre le prix contractuel défini dans le protocole du 18 août 1983 et celui de facturation des fournitures vendues par GUYOMARC'H NUTRITION ANIMALE GNA à la SNC entre le 1er juillet 1986 et le 30 juin 1996,

- de la différence entre la redevance de location-gérance découlant du contrat sur la même période et celui des redevances effectivement facturées par SAGAL à la SNC ;

Considérant que la CONVENTION ajoute que "les experts devront, s'il y a lieu, déterminer la valeur de l'Etablissement italien de la SNC et de la certification ISO 9001 obtenue par cette dernière" ;

Considérant que par une lettre en date du 25 octobre 1996, monsieur DE LASTEYRIE du cabinet RICOL LASTEYRIE & ASSOCIES, troisième arbitre, précisait à monsieur AMICE la forme que pourrait prendre l'approfondissement des travaux des experts relatifs d'une part à la détermination des matières vendues par la société GUYOMARC'H ALIMENTAIRE SAGAL à la SNC et d'autre part à la facturation des prestations entre la SNC et la société INA ;

SUR LES OBLIGATIONS DE LOYAUTÉ ET D'IMPARTIALITÉ ;

Considérant que la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS articule un premier reproche à l'encontre des experts constitué de la circonstance qu'ils auraient recherché un prix de compromis et non déterminé la valeur de la SNC FABRICANTS INDEPENDANTS conformément aux conventions des parties ;

Mais considérant que cette affirmation résulte d'une lecture des conclusions des sociétés AEG FINANCES et RICOL LASTEYRIE & ASSOCIES dans une rédaction antérieure à celles récapitulatives du 31 mars 2005 lesquelles ont abandonné toute référence à la détermination d'une valeur de compromis ; qu'elle se trouve contredite par les termes même du rapport de mission que les experts ont établi le 09 mai 1997 sous l'intitulé "EVALUATION DE LA SNC FABRICANTS INDEPENDANTS", qui rappelle la mission et qui indique l'estimation que ces professionnels ont effectué de "la valeur globale au 30 juin 1996 des 10.000 parts composant le capital social de la SNC" ;

Considérant au surplus que si les experts avaient choisi la démarche de trouver un prix de compromis, comme le soutient à tort la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS, le résultat de leur travail aurait nécessairement écarté toute issue contentieuse reposant sur une sous-estimation ;

Considérant que l'arbitre désigné dans le cadre des dispositions de l'article 1592 du code civil n'est soumis à aucune des règles de l'expertise et organise son travail en toute liberté, dans le cadre de la mission conférée par ses mandants, sans être nécessairement tenu à l'obligation du respect d'un débat contradictoire ;

Considérant que la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS s'empare des termes d'une lettre, que lui a adressée le 25 mars 1997 une société NHG SERVICES, chargée de collecter et d'organiser diverses informations pour les opérations d'expertise en cours, ainsi libellés "A cette occasion, j'ai eu connaissance de certains de vos courriers, ainsi que de certains des éléments transmis par les experts", pour soutenir que le collège des experts aurait favorisé l'un de ses co-mandants au détriment de l'autre ;

Considérant que celle-ci procède toutefois à une lecture très extensive de cette lettre qui n'émane pas directement des experts mais d'un délégataire dont le rôle n'est pas autrement précisé et qui n'indique ni la nature, ni la provenance des courriers et des éléments auquel il est fait allusion ; que c'est par une pure supputation que la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS tire de cette seule phrase l'affirmation selon laquelle les experts auraient donné la possibilité à la société GUYOMARC'H ALIMENTAIRE SAGAL de répondre directement aux lettres et aux documents qu'elle-même lui avait adressés sans lui accorder un traitement identique et lui permettre de justifier sa position, et qu'elle qualifie cette circonstance d'errements inadmissibles des experts dans l'exécution de leur mission ;

Considérant ainsi que la prétendue violation par le collège expertal de ses obligations de loyauté et d'impartialité n'est aucunement démontrée par cette lettre qui est le seul élément versé à l'appui de cette affirmation ;

Considérant que la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS affirme encore que le collège des experts s'était engagé par la lettre du 25 octobre 1996 à conduire les opérations d'expertise selon une méthodologie définie par lui, en accord avec les parties et fondée sur le principe du contradictoire ;

Mais considérant qu’il s’infère de la teneur de cette correspondance, que la lettre émane en premier lieu de la seule société RICOL et ASSOCIES et non pas des trois experts, qu'elle ne vise qu'une partie étroite de la mission, celle concernant l'approfondissement des travaux d'expertise relatifs à la détermination des prix de revient des matières vendues par la société GUYOMARC'H ALIMENTAIRE SAGAL à la SNC et à la facturation des prestations entre la SNC FABRICANTS INDEPENDANTS et la société INA ; que ce courrier précise que les travaux et documents réalisés dans le cadre de ces interventions seront soumis à chacune des parties qui établiront une synthèse des corrections qu'elles demandent et qui donneront lieu éventuellement à des travaux complémentaires des experts ;

Considérant que les sociétés AEG FINANCES et RICOL LASTEYRIE & ASSOCIES répondent, sans être contredites, que pour mener à bien ce travail technique de détermination des prix de revient des matières et des facturations de prestations à la société INA, une équipe d'auditeurs a été constituée à laquelle participait le cabinet LE PRIOL, expert comptable missionné par la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS ;

Considérant au surplus que les lettres de la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS adressées à la société EXPERTISE GALTIER les 25 février et 14 avril 1997 et celle du collège expertal à la société GUYOMARC'H ALIMENTAIRE SAGAL de ce même 14 avril 1997, établissent que ce travail a été réalisé contradictoirement par les experts comptables, que la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS a pu faire valoir ses observations et demander une intervention auprès d'un expert comptable de VANNES et que ces demandes ont été contradictoirement transmises, comme prévu dans la méthodologie, à la société GUYOMARC'H ALIMENTAIRE SAGAL ;

Considérant dès lors, que le grief tenant à la prétendue violation par le collège arbitral des principes arrêtés pour la conduite des opérations d'expertise invoqué par l’appelante n’est pas fondé ;

SUR LE RAPPORT

Considérant que la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS formule trois remarques relatives respectivement à l'aspect du rapport, prétendument peu conforme à l'attente des parties, à l'incapacité des experts à réfuter ses arguments et au caractère subjectif de l'évaluation des entreprises, sans pourtant tirer de ces observations aucune autre conséquence que des critiques d'ordre général sur le travail du collège des arbitres et sans évoquer ou préciser un comportement fautif à cet égard ;

SUR LA VALORISATION DE LA FILIALE ESPAGNOLE INA

Considérant que la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS fait reproche au collège arbitral d'avoir retenu la méthode dite "des praticiens", laquelle aurait selon elle abouti à minorer de plus de 60% la valeur de la filiale espagnole INA ;

Considérant toutefois que c'est sans en justifier qu'elle affirme que cette méthode ne repose sur aucune base économique concrète ;

Considérant que la méthode employée a consisté, selon les propres explications de la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS, à majorer la situation nette comptable de cinq fois le résultat normatif ; qu'une telle approche de valorisation d'une entreprise n'apparaît aucunement fautive ou même inexacte dès lors qu'elle conjugue la valeur bilantielle et celle du résultat d'exploitation ;

Considérant au surplus que cette méthode critiquée n'est que l'une des cinq utilisées par les arbitres pour déterminer le prix de cette filiale espagnole ;

Considérant que le collège arbitral a comparé la société INA avec une société espagnole NUTRAL, du même secteur, dont le chiffre d'affaires est près de six fois supérieur, et qui a été vendue en septembre 1995 pour un prix de 3,5 milliards de pesetas ;

Considérant que la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS fait valoir qu'est fautif le choix d'un abattement de 40%, qu'elle qualifie d'injustifié et d'arbitraire, pratiqué par les experts sur les chiffres de référence de la société NUTRAL retenue en comparaison, en soulignant que cette dernière est économiquement moins rentable que la société INA ;

Mais considérant qu'il ne saurait être imputé à faute aux arbitres d'avoir appliqué un tel abattement dès lors qu'ils expliquent et justifient qu'il convenait de tenir compte de la taille comparée des deux sociétés INA et NUTRAL, celle plus grande de cette dernière contribuant à une meilleure solidité et pérennité de son fonds de commerce et augmentant les synergies éventuellement attendues par un acquéreur ;

Considérant que les appréciations différentes que peut avoir la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS de la réalité économique financière comparée, actuelle et future des sociétés INA et NUTRAL, ne sauraient constituer la démonstration d'une faute commise par les mandataires dans l'estimation de cette filiale ;

Considérant que les experts ont aussi comparé la société INA avec celle dénommée GNA, cotée en bourse, qui exerce pareillement son activité dans le secteur de la nutrition animale ;

Considérant que la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS souligne à cet égard l'absence de sérieux du travail du collège des arbitres en soutenant que les deux sociétés exercent, en réalité, des activités différentes, l'une, fabriquant des "pré-mélanges" et assurant des prestations de services, l'autre, commercialisant des aliments complets ; qu'elle prétend que les différences fondamentales entre les deux sociétés interdisaient toute comparaison significative entre elles ;

Mais considérant que le rapport du tiers arbitre relève que les sociétés INA et GNA n'avaient pas des activités directement comparables ; que, comme le précisent pertinemment les experts, les différences de rentabilité entre les deux sociétés n'interdisaient pas le recours à la méthode des comparables ;

Considérant que la recherche de comparatifs diversifiés étant une mesure de prudence qui atteste de la diligence du collège expertal lequel a souhaité ne pas s'en tenir à la seule comparaison avec la société NUTRAL, elle ne saurait être constitutive d'une faute ;

Considérant au demeurant que les experts, pour tenir compte des différences constatées ont appliqué un coefficient correcteur constitué d'une majoration de 10% de la valeur de la société INA pour prendre en compte la forte valeur ajoutée du domaine "prestations de services" sur lequel intervient celle-ci ;

Considérant que les professionnels des bourses européennes de valeurs mobilières calculent, pour chaque titre coté, un ratio dénommé PER (PRICE EARNING RATIO) qui divise le bénéfice de l'exercice, réalisé ou escompté, ramené à une action, par le cours de celle-ci ;

Considérant que, pour chaque titre coté, ce ratio est susceptible d'évoluer chaque jour en fonction de la cote boursière de la valeur et du bénéfice escompté tel que le déterminent les professionnels du marché au vu, notamment, des informations publiées par la société cotée ;

Considérant qu'il se calcule ainsi des moyennes de ces ratio quotidiens, soit pour une valeur sur une durée définie, soit entre plusieurs valeurs du même secteur, soit entre valeurs d'une même bourse ;

Considérant que la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS affirme que le collège expertal a commis une erreur en retenant que le PER moyen de la bourse de Madrid s'élevait, en juin 1996, à 11,5 alors que, selon elle, ce ratio était de 17,8 en 1995 et 21,65 en 1996 ; qu'elle précise pourtant tout à la fois que ce PER moyen de la bourse de Madrid, tous secteurs d'activité confondus était de 13,98 au mois de juin 1996 et non de 11,5 ; qu'elle en conclut que cette erreur s'est traduite par une minoration de la société INA de 86,61 millions de pesetas, soit 3,5 millions de francs (533.571,56 euros) ;

Considérant qu'elle fait aussi valoir que, concernant le secteur "industriel et de services" auquel se rattache selon elle la société INA, le PER de la bourse de Madrid publié en janvier 1997 s'élevait pour le mois de juin 1996 à 26,84 ;

Considérant toutefois que lorsque les experts ont procédé à leur mission de valorisation de la société INA, les résultats des sociétés cotées, pour l'exercice 1996, n'étaient pas connus en sorte que seuls des résultats estimés ou probables pouvaient être retenus pour le calcul des ratio PER ;

Considérant qu'il ne saurait être fait grief au collège des experts d'avoir sollicité les services d'une société spécialisée ASSOCIES EN FINANCE pour connaître les ratio PER publiés par les diffuseurs d'informations financières au mois de juin 1996 ; que le PER 97 attendu pour l'Espagne à cette époque était bien 11,5 comme le démontre un tableau de comparaison européenne des marchés repris de la source citée et non discutée "Consensus Européen et Droites de Marché de juin 1996" ;

Considérant que c'est sans être contestées que les sociétés RICOL LASTEYRIE & ASSOCIES et AEG FINANCES exposent que le chiffre de 21,65 pour 1996, avancé par la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS, résulte d'une publication du groupe Expansion et qu'il s'agit d'une information de vulgarisation destinée au grand public, établie par des journalistes ; que ce chiffre se trouve directement contredit par la publication mensuelle de la bourse de Madrid, produite par la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS elle-même, qui mentionne un PER de 15,05 en 1996, pour le total des secteurs ;

Considérant que la méconnaissance d'une information journalistique erronée ne pouvait dès lors, compte tenu de sa source, être érigée en faute du collège des experts ;

Considérant que le second chiffre d'un ratio de 26,84 en juin 1996 pour la bourse de Madrid dont se prévaut la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS correspond au secteur "autres industries et services" de la publication mensuelle de la bourse de Madrid et non pas comme elle l'affirme inexactement, celui "industriel et de service" ;

Considérant que cette distinction n'est pas négligeable ; que les sociétés RICOL LASTEYRIE & ASSOCIES et AEG FINANCES expliquent, en effet, sans que cela soit discuté que le secteur "autres industries et services" regroupe des activités (immobilier, édition, grande distribution..) ne correspondant pas à celles de la société INA ; que le ratio n'est dès lors pas, en l'espèce, significatif ;

Considérant ainsi que la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS ne rapporte pas la preuve qu'en juin 1996, le marché de la bourse de Madrid anticipait un PER autre que 11,50 pour ce type d'entreprise et que le choix de ce chiffre constituerait, de la part des arbitres, une faute ;

Considérant que la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS observe que le collège des experts a évalué la société INA à 330 millions de pesetas en appliquant la méthode du "cash flow actualisé" et que ce résultat contredit celui déterminé par la société GALTIER, en Espagne, en mai 1996 qui s'établissait à 586,5 millions de pesetas ;

Considérant néanmoins que la constitution d'un collège de trois experts, dont deux sont désignés par chacune des parties et le troisième par ces derniers, a pour objectif d'aboutir à une évaluation la plus conforme à des opinions de professionnels qui, exprimées individuellement, pourraient se révéler divergentes ; que tel est le principe même de la collégialité ; que le résultat d'un tel travail collectif ne peut être utilement comparé à une expertise amiable pour en déduire, comme y procède à tort la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS, la commission par le collège d'experts d'une faute dans l'exécution de leur mandat ;

Considérant que, comme le fait valoir pertinemment la société EXPERTISE GALTIER, le collège des experts a établi une prévision des résultats futurs de la société INA à partir des éléments en sa possession, tels qu'ils apparaissaient au 30 juin 1996 ;

Considérant que les experts précisent dans leur rapport avoir apprécié l'incidence d'un ensemble de facteurs tant à la hausse qu'à la baisse ; qu'ils expliquent, sans être contredits, que les taux et hypothèses de résultats de la société valorisée ont été retenus en parfait accord avec la recommandation de la commission technique de recherche de l'Union Européenne des comptables ;

Considérant que la simple constatation des résultats et chiffres d'affaires effectivement enregistrés par la société au cours des exercices 1997 à 2001 ne saurait démontrer, comme le prétend la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS, le défaut de pertinence des retraitements opérés par les experts, sur les chiffres au 30 juin 1996, et encore moins une faute de leur part ;

Considérant que la réalité d'une telle faute n'est aucunement démontrée par la critique technique du rapport à laquelle procède la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS sur le retraitement des taux de croissance, la prétendue seule prise en compte des résultats passés, la minoration de valeur résiduelle de la société INA et l'abattement de 25% appliqué ;

Considérant que la circonstance que la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS ait une opinion divergente de celle des experts sur les chiffres à retenir et les corrections à y appliquer pour valoriser la société INA ne peut être érigée en preuve d'une faute du collège expertal dans son travail d'évaluation ;

Considérant que les sociétés AEG FINANCES et RICOL LASTEYRIE & ASSOCIES expliquent et justifient l'analyse qui a été effectuée de la structure de la clientèle et des parts de chiffre d'affaires qu'ils ont estimé relativement peu diversifié et dont ils ont relevé qu'une partie avait été apportée par le groupe GUYOMARC'H ;

Considérant que sont fournies les raisons qui ont conduit le collège des arbitres à appliquer une sur-cote de 10% et une décote de 25% sur la valeur théorique moyenne ; que ces corrections et retraitement des chiffres apparaissent conformes à la réalité économique du moment ;

Considérant qu'il n'est en conséquence aucunement établi que les tiers arbitres, qui ont agi dans le cadre de la mission confiée avec méthode rigueur et loyauté, auraient, dans l'exécution de leur mandat, commis une faute relativement à l'estimation de la filiale espagnole INA ;

SUR LES RELATIONS AVEC LA SOCIÉTÉ GNA

Considérant que l'accord du 16 août 1983 modifié par la convention du 26 juillet 1996 donnait aux experts la mission de tenir compte notamment, pour déterminer la valeur de la vente, de la différence entre le prix contractuel défini dans le protocole d'août 1983 et celui de facturation des fournitures vendues par GUYOMARC'H NUTRITION ANIMALE GNA à la SNC entre le 1er juillet 1986 et le 30 juin 1996 ;

Considérant que la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS relève un certain nombre d'éléments sur la façon dont cette partie de la mission a été menée et conclut que le collège des experts, qui n'a pas, selon elle, procédé personnellement à l'audit des comptes de la société GNA, ne peut prétendre avoir constaté une absence de surfacturation ;

Considérant que le rapport des tiers arbitres précise les travaux effectués pour rechercher si les modalités de facturation retenues par la société GNA étaient supérieures ou inférieures à celles prévues dans le contrat du 18 août 1983 ;

Considérant que, pour remettre en cause la pertinence de ces diligences, la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS ne peut se fonder sur le témoignage de monsieur LE PRIOL, expert comptable qu'elle avait missionné pour suivre le travail du collège arbitral ;

Considérant que l'attestation délivrée par ce professionnel renvoie à un compte rendu de mission en date du 28 novembre 1996 alors que c'est sans être contredite que les sociétés AEG FINANCES et RICOL LASTEYRIE & ASSOCIES expliquent qu'à cette date, les conclusions ne pouvaient être que provisoires et que les investigations du tiers arbitre n'ont été terminées qu'en avril 1997, après que tous les points en suspens aient trouvé une réponse ;

Considérant ainsi que les fautes invoquées par la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS ne sont pas démontrées par les affirmations insuffisamment étayées d'éléments de preuve sur la qualité des prestations réalisées ; que le désaccord sur le résultat ne peut constituer la preuve d'un comportement fautif ;

SUR LA DÉTERMINATION DES ACTIFS MOBILIERS ET IMMOBILIERS

Considérant que la convention du 26 juillet 1996 stipulait que, pour la valorisation de la SNC FABRICANTS INDEPENDANTS, devait être notamment ajoutée aux capitaux propres la valeur résiduelle au 30 juin 1996 des investissements réalisés par la SNC et notamment des immeubles ;

Considérant que les experts ont souverainement estimé que les investissements constitués de matériels et de mobilier courant figurant au bilan pour une valeur nette comptable de 133.251,24 francs (20.314,02 euros) correspondaient à leur valeur d'utilisation ;

Considérant que c'est dès lors de manière pertinente qu'ils n'ont pas apporté de correction de ce chef à la situation nette comptable qui incluait ce chiffre ; qu'il ne convenait pas, en effet, de l'ajouter à la valeur des parts comme le laisse entendre la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS, sans l'affirmer toutefois clairement ; qu'aucune faute n'est, à cet égard, imputable au collège des arbitres ;

Considérant que les immeubles ont été édifiés par la SNC FABRICANTS INDEPENDANTS sur un terrain appartenant à la société GUYOMARC'H dans le cadre juridique d'un bail à construction ;

Considérant que, sans discuter la valorisation de l'immeuble réalisée, conformément aux stipulations de la convention, par capitalisation des loyers jusqu'à la fin du bail à construction, la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS fait aux experts le grief d'avoir déduit une somme de 200.000 francs (30.489,80 euros) ;

Mais considérant que ces derniers expliquent que cette déduction a été pratiquée pour tenir compte de la circonstance que les loyers capitalisés incluaient nécessairement la valeur locative du terrain, lequel n'appartenait pas à la SNC FABRICANTS INDEPENDANTS ;

Considérant que cette position qui résulte d'une analyse des faits non discutée et qui s'avère cohérente au regard de la circonstance particulière du bail à construction, ne saurait constituer une faute des tiers arbitres ;

SUR LA DÉTERMINATION DE LA LOCATION-GÉRANCE

Considérant que la convention du 26 juillet 1996 imposait aux tiers arbitres de prendre en compte, pour valoriser la SNC FABRICANTS INDEPENDANTS, la différence positive ou négative entre la redevance de location-gérance effectivement facturée du 1er juillet 1986 au 30 juin 1996 et celle prévue par le contrat du 18 août 1983 et l'avenant du 14 avril 1986 ;

Considérant qu'aux termes du contrat, la redevance annuelle HT était fixée à 15% du cash-flow brut de l'exercice précédent sans pouvoir être inférieure à un plancher égal à 0,1 franc HT du quintal d'aliments complets reconstitués ;

Considérant que l'accord du 14 avril 1986 limitait à 25% le taux d'augmentation, à partir de l'exercice 1985, relativement à la précédente redevance et prévoyait la déduction d'une somme égale à la dotation aux amortissements sur les investissements "bail à construction" de la SNC FABRICANTS INDEPENDANTS ;

Considérant que cet avenant stipule aussi que "hors ces précisions et modifications, tous les autres points de l'acte de location-gérance du 18 août 1983 restent applicables de plein droit" ; qu'il s'en déduit, comme le font valoir à bon droit les sociétés AEG FINANCES et RICOL LASTEYRIE & ASSOCIES, que la clause d'un minimum de redevance de 0,1 franc du quintal d'aliments complets restait applicable au contrat ; que c'est donc à tort que la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS soutient que l'avenant a rendu sans objet cette redevance minima qui n'avait plus selon elle à être appliquée ;

Considérant que c'est par une lecture inexacte de l'avenant du 14 avril 1986 que la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS prétend que la déduction à appliquer devait être étendue à la dotation aux amortissements de tous les actifs sociaux ; que l'avenant vise à régler les incidences financières de la construction par cette société de ses propres locaux, par le moyen d'un bail à construction ; que le programme visé par l'avenant ne concerne donc que cette opération dont seuls les amortissements devaient être déduits de la redevance, comme l'ont accompli les experts de manière parfaitement régulière ;

Qu'il ne saurait dès lors être imputé à faute au collège des experts le calcul qu'il a retenu ;

SUR LA VALORISATION DE L'ÉTABLISSEMENT ITALIEN

Considérant que le protocole fixe aux experts la mission de déterminer, s'il y a lieu, la valeur de l'établissement italien de la SNC FABRICANTS INDEPENDANTS et de la certification ISO 9001 obtenue par cette dernière ;

Considérant que ne saurait être qualifiée de fautive l'opinion du collège arbitral qui a retenu l'absence de personnalité morale de l'établissement, les résultats déficitaires de 1995 et le caractère embryonnaire de la structure pour considérer qu'il n'y avait pas lieu de donner à cet établissement italien une valeur distincte s'ajoutant à celle comprise dans la valorisation globale de la société ;

Considérant ainsi, qu'en l'absence de toute faute démontrée, la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS n'est pas fondée à réclamer aux membres du collège arbitral l'indemnisation du préjudice prétendument subi à raison d'une fixation de prix de vente qu'elle estime insuffisante ;

Que le jugement déféré sera donc confirmé pour l’avoir déboutée de toutes ses prétentions.

SUR LES AUTRES DEMANDES

Considérant qu’est sans objet la demande de maintien dans la cause de la société GUYOMARC’H ALIMANTAIRE SAGAL dès lors que le désistement d’appel de la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS à l’encontre de cette partie a été constaté par une ordonnance du conseiller de la mise en état rendue le 05 avril 2005 ;

Considérant qu’est sans objet la demande de maintien dans la cause de la société GUYOMARC’H ALIMENTAIRE SAGAL dès lors que le désistement d’appel de la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS à l’encontre de cette partie a été constaté par une ordonnance du conseiller de la mise en état rendue le 05 avril 2005 ;

Considérant qu'aucune des sociétés EXPERTISE GALTIER, AEG FINANCES et RICOL LASTEYRIE & ASSOCIES ne démontre le caractère abusif du comportement de la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS qui a exercé une voie de recours que lui réserve la loi sans que cet exercice n'ait dégénère en abus ; qu'elles ne justifient pas du préjudice qu'elles allèguent;

Que leur demande en dommages et intérêts de ce chef sera en conséquence rejetée ;

Considérant en revanche qu'il serait inéquitable de leur laisser la charge des frais, non compris dans les dépens qu'elles ont été contraintes d'engager en cause d'appel ; que la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS sera condamnée à payer à chacune d'elles une indemnité de 10.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, sur renvoi après cassation de la décision de la cour d'appel de Paris du 11 mai 2001 par arrêt de la cour de cassation rendu le 04 février 2004,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 19 février 1999 par le tribunal de commerce de Paris,

Y ajoutant,

DIT sans objet la demande de maintien dans la cause de la SA GUYOMARC’H ALIMENTAIRE SAGAL,

DÉBOUTE la SA EXPERTISE GALTIER, la SARL AEG FINANCES et la SA RICOL LASTEYRIE & ASSOCIES de leurs demandes de dommages et intérêts,

CONDAMNE la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS à payer à chacune des sociétés EXPERTISE GALTIER, AEG FINANCES et RICOL LASTEYRIE & ASSOCIES la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

DÉBOUTE la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS de sa demande au titre de ce même texte,

CONDAMNE la SARL FABRICANTS INDEPENDANTS aux dépens d'appel qui seront recouvrés par les SCP Daniel et Benoît GAS et JULLIEN-LECHARNY-ROL-FERTIER, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 nouveau code de procédure civile.