Cass. com., 10 décembre 2003, n° 00-12.330
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 décembre 1999), que le 10 décembre 1984, M. X... a cédé à M. Y..., avec garantie de passif mentionnée à l'article 4 de l'acte de cession, 2800 actions de la société SSA et 700 actions de la société SESSA ; que par un second acte du même jour M. Y... s'est engagé à acheter et M. X... s'est engagé à vendre les actions restantes soit 300 actions de la SESSA et 1200 actions de la SSA sur la base du prix précédemment déterminé ; que ce second acte précisait que le paiement de ces actions interviendrait le 4 janvier 1989 et serait réévalué chaque année, compte tenu d'une indexation de 11,50 % par an, le règlement devant être garanti par des traites avalisées par une banque, lesquelles seraient établies sur le prix définitif des actions ; que le protocole intervenu le 9 janvier 1986 indiquait que M. Y... s'était rendu acquéreur de l'intégralité des actions composant le capital des deux sociétés en cause et qu'il en avait acquitté le prix ; qu'un litige étant survenu entre les parties concernant les réduction et augmentation du prix de cession prévues par l'article 4 de l'acte du 10 décembre 1984, la valeur des actions a été déterminée par expert ; que soutenant que plusieurs sommes, l'une versée au titre de la réfection de la toiture du garage : 81 231,80 francs, la deuxième représentant le solde de cotisations due à l'association CEASACM : 48 209 francs, la troisième correspondant à la dépréciation des titres de la société caution mutuelle des concessionnaires Renault : 47 500 francs, prises en compte par l'expert judiciaire ne devaient pas être mise à sa charge, M. X... a fait assigner M. Y..., le 3 septembre 1998, en paiement du prix de cession des actions augmenté de ces sommes ; que la cour d'appel a rejeté les demandes de M. X... à l'exception de celle portant sur la dépréciation des titres de la société caution mutuelle des concessionnaires Renault et a condamné M. Y... à verser à M. X... la somme de 47 500 francs et M. X... à payer à M. Y... une somme globale de 130 966,61 francs ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir considéré que l'indexation ne portait que sur le solde du prix des actions à céder, alors, selon le moyen que lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l'entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet, que dans le sens avec lequel elle n'en pourrait produire aucun ; d'où il suit et dès lors que le paiement du solde des actions était immédiat, la clause d'indexation à II,5 % qui était stipulée au second acte de cession du 10 décembre 1984 ne pouvait être prévue que pour un paiement futur ; qu'en ne s'interrogeant pas sur le sens de la clause d'indexation prévue au second acte de cession, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que l'indexation n'a été stipulée que dans le second acte de cession lequel ne porte que sur le solde des actions à céder et qu'aucune disposition des conventions, qui font la loi des parties, ne permet de considérer qu'un accord aurait été conclu stipulant que la garantie d'actif bénéficiant à M. X..., telle que prévue à l'article 4 du premier acte, serait assortie d'une telle indexation ; qu'il ne saurait être déduit la preuve d'un tel accord des termes de cette clause selon laquelle "la révélation de tout passif social non déclaré mais existant au 1er janvier 1985, de même que tout passif ayant une cause antérieure à cette date se révélant ultérieurement viendra en déduction de l'actif net social retenu pour la détermination du prix des titres", en l'absence de stipulation expresse précisant que les sommes ainsi dégagées venant en augmentation du prix seraient indexées, quelle que soit la date de leur détermination ; qu'en l'état de ces énonciations et constatations, la cour d'appel qui a procédé à la recherche invoquée par le moyen, a légalement justifié sa décision ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en ses deux branches :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que les frais de remise en état de la toiture d'un montant de 81 231,80 francs devaient rester à sa charge, alors, selon le moyen :
1°) qu'en ne répondant pas aux conclusions aux termes desquelles il expliquait que l'expert judiciaire avait conclu dans le doute que le prix de l'isolation de la toiture devait rester à sa charge et que c'est seulement après le dépôt du rapport que le fabricant de matériaux, la Société SIPLAST, avait précisé dans un courrier du 15 septembre 1994, que la réfection de la toiture pouvait être effectuée sans apport d'isolation, la cour d'appel, qui a délaissé un élément essentiel à la compréhension du litige, a violé les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2°) que le premier acte sous seing privé du 10 décembre 1984, prévoyant la cession des actions, stipulait au titre du "passif supplémentaire-clause de garantie" que "l'état de la couverture des bâtiments nécessitant une réfection complète, il sera tenu compte de la charge correspondante après devis accepté par les deux parties" ; qu'en se bornant à mettre à sa charge les frais de remise en état de la toiture sans rechercher s'il avait accepté préalablement et conformément aux stipulations contractuelles, le devis de la société Charpin, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt retient qu'en ce qui concerne les frais de remise en état de la toiture prévus au protocole du 9 janvier 1986 comme devant venir en déduction du prix des actions, la réfection de cet élément doit s'entendre non seulement de l'étanchéité mais aussi de l'isolation à l'effet de maintenir la température nécessaire à l'exploitation des locaux ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait dès lors qu'il résultait des stipulations convenues par les parties que les travaux de réfection englobaient à la fois les travaux de réfection et d'isolation ;
Et attendu, d'autre part, que le grief développé à la seconde branche est nouveau et mélangé de fait et de droit ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa deuxième branche, est mal fondé pour le surplus ;
Sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en ses deux branches :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir jugé que la somme de 48 209 francs correspondant aux cotisations CEASCAM devait venir en déduction du prix des actions, alors, selon le moyen :
1°) que la faute de gestion suppose une appréciation sur l'attitude qu'aurait dû avoir un dirigeant diligent, actif mais prudent, à l'époque et dans les circonstances de l'espèce; que l'adhésion à un organisme collectif de prévoyance étant facultatif, il appartenait à la cour d'appel de caractériser en quoi la décision de suspendre le paiement des cotisations au CEASCAM, procédant de sa liberté de gestion était fautive au regard de l'intérêt social ; qu'en se bornant à énoncer que même si l'adhésion à cet organisme n'était pas obligatoire, il a commis une faute de gestion en suspendant les versements après souscription, sans relever aucun élément propre à caractériser la faute de gestion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1850 du Code civil ;
2°) qu'en ne répondant pas au moyen soulevé par M. X... aux termes duquel il rappelait que M. Z... avait été engagé ultérieurement à son départ et que la suspension de la garantie pendant la durée de son mandat social ne pouvait avoir d'incidence sur le montant du capital de fin de carrière qui lui avait versé à son départ, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt retient que la somme de 48 209 francs correspondant aux cotisations CEASCAM devait venir en déduction du prix des actions dès lors que, même si l'adhésion à cet organisme n'était pas obligatoire, M. X... avait commis une faute de gestion en suspendant les versements après souscription ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui n'était pas saisie du cas de M. Z..., a pu statuer comme elle a fait dès lors que le versement par le nouveau dirigeant du règlement de l'arriéré de cotisations pour la période antérieure à la cession entrait dans le passif garanti ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le quatrième moyen du pourvoi principal, pris en ses deux branches :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à M. Y... la somme de 130 966,61 francs, alors, selon le moyen :
1°) que la cour d'appel qui a rappelé que la demande reconventionnelle de M. Y... tendait la contestation de certains postes du rapport d'expertise et que le paiement par ce dernier des sommes fixées par l'expert n'impliquait pas renonciation à en contester les conclusions, l'a pourtant condamné au paiement de la taxe professionnelle et de la provision sur créances douteuses alors que ces sommes avaient déjà été déduites du prix des actions ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1134 du Code civil ;
2°) qu'en énonçant qu' "il ressort du rapport d'expertise qu'il a accepté de supporter les créances douteuses à hauteur de 70 0616,61 francs, montant vérifié par l'expert", alors que le chiffre retenu par l'expert est inférieur à celui accepté par l'exposant et s'élève à 16 984,18 francs, la cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise et donc violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que les échanges de correspondance ne peuvent être considérés comme une transaction et qu'il ressortait des constatations de l'expert, lesquelles ne sont pas utilement contredites sur ce point, que M. X... devait supporter la taxe professionnelle ; que les honoraires réglés au cabinet d'expertise comptable ETC pour un montant de 20 000 francs correspondent à l'assistance utilement fournie au cours d'un contrôle de l'URSSAF se rapportant aux années 1983 et 1984 et que les honoraires relatifs au litige A... d'un montant de 33 000 francs devaient être inscrits dans la garantie de passif s'agissant de l'intervention d'un conseil juridique pour recouvrer une créance née antérieurement à la cession et dont la somme recouvrée a été intégrée dans la garantie d'actif bénéficiant à M. X... ; qu'en l'état de ces énonciations et constatations, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait dès lors qu'il résultait du rapport d'expertise que M. X... avait accepté de supporter les créances douteuses à concurrence de 70 066,61 francs ; que le moyen pris en ses deux branches n'est pas fondé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à verser à M. X... la somme de 47 500 francs, alors selon le moyen, que la dépréciation résultant de la souscription par M. X... des titres auprès de la SCCR, qui figuraient à l'actif du bilan arrêté au 31 décembre 1984, s'inscrit bien dans le cadre de la garantie de passif expressément convenue entre les parties au terme du protocole en date du 10 décembre 1984, peu important à cet égard le fait de savoir si la dépréciation des titres survenue en 1986 pouvait être imputée à M. X... de sorte qu'en statuant ainsi, la cour a violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que les parties ont prévu dans la clause de garantie insérée dans le contrat de cession du 10 décembre 1984 l'obligation pour le cédant de rembourser à l'acquéreur la perte de valeur subie par les parts sociales du fait de l'apparition du passif postérieure à la cession mais dont la cause préexisterait ; que dès lors, la cour d'appel, qui a souverainement constaté que la valeur des titres de participation de la SCCR s'est trouvée dépréciée du fait de la décision prise par la SCCR de se liquider au mois de novembre 1986, soit ultérieurement au 1er janvier 1985, en a justement déduit que M. Y... ne pouvait prétendre que le poste constitué par la dépréciation évaluée à la somme de 47 500 francs soit inscrit dans la garantie de passif ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE tant le pourvoi principal que le pourvoi incident.