Cass. com., 12 juillet 2005, n° 04-11.918
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Nîmes, 25 novembre 2003), que, par deux conventions des 22 décembre 1988 et 12 février 1990, Mme Claire X... et M. Antoine X... (les consorts X...) ont cédé à la société Galec (le Galec) les parts qu'ils détenaient dans la SNC Jean X... et compagnie devenue la SNC Edel ; que l'acte du 28 décembre 1988 stipulait une convention de garantie d'actif et de passif au profit du Galec ; qu'en décembre 1990, le Galec a assigné les consorts X... au titre de cette garantie et en réparation du préjudice causé à la société Edel par leurs fautes de gestion ; que Claire X... est décédée, laissant pour unique héritier son frère Antoine qui a été placé en liquidation judiciaire en mai 2001, M. Y... étant désigné liquidateur ; que la cour d'appel a confirmé le principe de la condamnation à des dommages-intérêts des consorts X... mais a réformé partiellement les sommes revenant au Galec et à la SNC Edel ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... et M. Y..., pris en sa qualité de liquidateur, font grief à l'arrêt d'avoir fixé la créance du Galec au passif de la liquidation judiciaire de M. X... à la somme de 12 413 761,43 francs (1 892 465,73 euros) au titre de la garantie de passif et d'insuffisance d'actif, alors, selon le moyen, que, dans le dispositif des conclusions récapitulatives de première instance du 20 juin 2000, dépourvues de toute équivoque ou ambiguïté, non contredit par les motifs le soutenant, le Galec demandait au tribunal de : "prenant droit de la convention de garantie d'actif et de passif signée par Claire et Antoine X... à la date du 22 décembre 1988", "reconnaître Antoine X... débiteur envers la société Edel, pour les énoncées en IV.1, la somme de 15 814 650,43 francs" ; d'où il suit qu'en statuant comme elle le fait, prétexte pris d'une erreur matérielle, la cour d'appel méconnaît les termes du litige dont le tribunal était saisi, excède ses pouvoirs et viole l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt relève que la SNC Edel n'était pas partie à la convention du 22 décembre 1988 prévoyant la garantie de passif qui ne profitait qu'au Galec, que les conclusions récapitulatives du Galec et la SNC Edel du 20 juin 2000, en première instance, comportent en pages 13 à 16 la motivation des demandes du Galec aboutissant à un montant total de 15 814 650,43 francs, que ces conclusions, divisées en 3 rubriques consacrées respectivement aux demandes du Galec, de la SNC Edel et de M. X..., comportent la demande suivante sous cet intitulé : 1 / statuant sur les demandes du Galec : reconnaître Antoine X... débiteur envers la société Edel pour les causes énoncées en IV.1 de la somme de 15 814 650,43 francs ; que l'arrêt retient que le rapprochement de ces mentions démontre que c'est à la suite d'une erreur matérielle que, dans ses conclusions de première instance, la demande motivée dans les intérêts du Galec a été formulée dans le dispositif au nom de la SNC Edel et qu'il ne s'agit donc pas d'une demande nouvelle mais de la même demande au nom de la personne morale ayant effectivement vocation à se prévaloir de la convention sur laquelle elle est fondée ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. X... et M. Y... font le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que tout jugement doit être motivé ; d'où il suit qu'en réformant le jugement entrepris ayant dit M. Antoine X... débiteur à l'égard de la SNC Edel de la somme de 15 814 650,43 francs au titre de la convention de garantie d'actif et de passif du 22 décembre 1988, pour déclarer la société Galec créancier à ce titre de la même somme en motivant sa décision par adoption de motifs des premiers juges, la cour d'appel commet un excès de pouvoir et viole les articles 455 et 955 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en énonçant que le jugement devait être confirmé sur le principe de l'obligation des consorts X... mais partiellement réformé sur les sommes revenant au Galec et à la SNC Edel, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait dès lors que la présomption d'adoption des motifs non contraires du jugement instituée par l'article 955 du nouveau Code de procédure civile n'interdit pas aux juges d'appel qui confirment partiellement une décision d'en adopter expressément la partie des motifs soutenant la partie confirmative de leur propre décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que M. X... et M. Y... font le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que, dans ses conclusions régulières du 4 septembre 2003, M. Y..., ès qualités de liquidateur de la liquidation de M. X..., faisait valoir que selon les dispositions de la section C, relatives à la demande de remboursement auprès des garants : "dans tous les cas de mise en jeu ci-dessus prévus, la demande de reversement sera valablement formulée par simple lettre recommandée avec avis de réception adressée au garant, à son adresse personnelle indiquée ci-dessus ou à ses ayant droits, et les sommes définitivement mises à la charge de la société après épuisement de toutes les procédures, seront exigibles dans les trente jours de l'envoi de cette lettre" ; qu'il ajoutait que, selon l'article 13 : "toutes les contestations qui s'élèveraient entre les parties devront fait l'objet de pourparlers en vue d'un règlement amiable entre les parties qui, faute d'aboutir permettront aux parties de saisir les tribunaux" ; qu'il démontrait ce faisant que le Galec n'avait respecté aucune des clauses de la convention du 22 décembre 1988 et concluait que "devant la carence du Galec, incapable de respecter ses engagements, toutes ses demandes seront rejetées comme abusives d'autant que le commissaire aux comptes de la banque a refusé d'approuver le bilan et le compte de résultat tels qu'ils lui ont été présentés pour cet exercice" ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions pourtant déterminantes, car soulevant une fin de non-recevoir tirée de l'application du contrat, la cour d'appel méconnaît les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, la cour d'appel, qui a relevé qu'il ne peut être fait grief au Galec de ne pas avoir respecté les règles contractuelles relatives à la garantie d'actif et de passif prévues dans la convention du 22 décembre 1988 et qui a retenu les motifs du jugement qui entérine les redressements retenus par les experts, a, par là-même, répondu aux conclusions prétendument délaissées ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que M. X... et M. Y... font le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, qu'en déclarant que le bénéficiaire de la garantie de passif et d'actif était la société cessionnaire des parts, Galec, de la SNC X... et non celle-ci devenue la société Edel, la mise à exécution de la garantie était nécessairement sans aucune incidence sur les résultats imposables de la société Edel dont la composition actuelle ou future de son patrimoine demeurerait inchangée ; d'où il suit qu'en statuant comme elle le fait, la cour d'appel viole l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'en relevant que les experts avaient calculé la réduction d'impôts par suite du report du déficit engendré par la réintégration de moins values mais que cette économie d'impôts étaient temporaire dans la mesure où la mise à exécution de la garantie était appelée à reconstituer la base imposable et qu'il n'y avait pas lieu à déduction, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le cinquième moyen :
Attendu que M. X... et M. Y... font le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1 / que la garantie d'actif et de passif, ayant une nature personnelle, est indissociable du nombre de parts transmis au cessionnaire, de sorte que l'aliénation par celui-ci d'une fraction de sa participation garantie emporte une réduction proportionnelle de ses droits à garantie ; d'où il suit qu'en ne se prononçant pas sur le point pertinent de savoir si le Galec, cessionnaire garanti en vertu de la convention du 22 décembre 1988, détenait toujours la totalité du capital acquis pour fixer ses droits, la cour d'appel ne justifie pas légalement son arrêt au regard de l'article 1134 du Code civil, violé ;
2 / que, dans ses conclusions d'appel du 4 septembre 2003, M. Y..., ès qualités, faisait valoir que la garantie ne pouvait être mise en oeuvre que par celui en faveur de qui elle a été stipulée ; que le cessionnaire ne pouvait plus en demander l'exécution s'il avait à son tour revendu les parts ou actions ; que le Galec avait revendu 34 % des parts de la banque à la Caisse centrale de crédit coopératif et 5 % à la société Devinlec ; qu'il en déduisait que le Galec ne pouvait réclamer une indemnisation sur les 39 % de parts cédées ; qu'en ne répondant pas à ce moyen pertinent et en statuant à l'aide d'une considération inopérante, la cour d'appel méconnaît les origines de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile violé ;
Mais attendu qu'en relevant que la convention du 22 décembre 1988 détaillant le contenu de la garantie de passif et d'insuffisance d'actif prévoyait que le garant aurait à fournir au Galec une indemnité couvrant la totalité du montant de l'insuffisance d'actif ou de l'accroissement du passif, la cour d'appel, en retenant qu'il n'y avait pas lieu de limiter la garantie due au Galec en fonction de sa participation au capital de la société Edel, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le sixième moyen :
Attendu que M. X... et M. Y... font grief à l'arrêt d'avoir fixé la créance du Galec au passif de la liquidation judiciaire de M. X... à la somme de 31 682,41 euros au titre de l'intérêt de la somme déposée en compte bloqué, alors, selon le moyen, que, dans ses conclusions régulières du 4 septembre 2003, M. Y..., ès qualités de liquidateur de la liquidation de M. X..., fait valoir que ce n'était pas ce dernier qui était débiteur des intérêts mais la société Edel venant aux droits de la SNC X... ; qu'il soutenait que : "mais aussi et surtout, la cour d'appel dira que l'obligation dont se prévaut le Galec n'a pas été souscrite par les consorts X... en leur nom propre mais en leur qualité (à l'époque) de seuls gérants de la SNC X... et en effet c'est à la banque de servir des intérêts et non aux cédants (qui restent d'ailleurs dans l'attente du paiement du prix de leurs parts)" ; d'où il suit, qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire pour ne s'attacher qu'à la détermination du créancier des intérêts et de leur montant, la cour d'appel ne satisfait pas aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile de plus fort violé ;
Mais attendu qu'en relevant que l'article 2 du protocole d'accord du 28 octobre 1988 conclu entre les consorts X..., d'une part, et le Galec, d'autre part, avait pour objet la cession par les premiers de parts de la SNC Jean X... et compagnie à la seconde au prix de 15 millions de francs prévoyant le versement par l'acquéreur d'un acompte de 5 000 000 francs sur le prix de cession et en stipulant un intérêt au taux du marché monétaire, et que, dans le deuxième acte du 22 décembre 1988, les cédants reconnaissaient le versement par le Galec de cet acompte, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, a pu statuer comme elle a fait dès lors que ces constatations impliquaient par elles-mêmes qu'à aucun moment la SNC Jean X... n'avait été partie à la convention conclue avec le Galec et que les cédants n'avaient jamais agi en qualité de représentants légaux de celle-ci ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le septième moyen :
Attendu que M. X... et M. Y... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté les demandes de M. Y... au titre de l'échange des parts de la société Informatique Saint-Ambroix dite ISA, alors, selon le moyen :
1 / que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et que le juge ne peut, sous quelque prétexte que ce soit les en affranchir ; d'où il suit qu'en refusant d'ordonner l'exécution de l'échange ou son équivalent demandé par M. Y..., ès qualités, sans constater la nullité de l'accord à la date de celui-ci, la cour d'appel statue à l'aide de considérations inopérantes, inaptes à justifier légalement son arrêt au regard de l'article 1134 du Code civil, violé ;
2 / que, dans les conclusions régulières du 4 septembre 2003, M. Y..., ès qualités de liquidateur à la liquidation de M. X..., faisait valoir que "les manquements au protocole du 28 octobre 1988 se sont multipliés dans l'intention manifeste de rendre impossible la réalisation de l'échange" ; qu'il soulignait que le Galec avait méconnu l'ensemble de ses obligations contractuelles et concluait : "qu'il s'en suit que le concluant est en droit de demander à la cour d'appel de prononcer la réalisation forcée de l'échange à la date du 8 janvier 1991, jour du retrait définitif des consorts X... et de solliciter l'indemnisation des conséquences dommageables des fautes subséquentes commises par le Galec en sa qualité d'associé et de gérant de la banque ; qu'à ce titre, la banque, c'est-à-dire la société Edel, prendra à son actif les parts de la SNC ISA à leur valeur actuelle puisqu'elle a été ramenée à néant par la faute exclusive et intentionnelle du groupe Leclerc ; que le concluant reprendra quant à lui, les parts de la SCI Beaumefort et celles de la SNC Le Soleil ; que toutefois, le Galec sera condamné à indemniser la perte de valeur de ces parts par rapport à leur valeur en 1988 puisque celle-ci est désormais nulle du fait fautif et intentionnel du groupe Leclerc" ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen de nature à démontrer que le Galec avait volontairement fait obstacle à la réalisation d'un échange dont elle devait assumer les conséquences à titre de réparation de l'inexécution, la cour d'appel méconnaît de plus fort les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, violé ;
Mais attendu que l'arrêt retient que M. X... prétendait obtenir l'échange de titres représentatifs de biens immobiliers contre ceux d'une société sans valeur, sur le fondement de la convention du 28 octobre 1988 qui stipule que les cédants retireront de l'actif social à due concurrence de la valeur des parts de la SNC Informatique Saint-Ambroix appartenant aux consorts X... et par voie d'échange de titres, l'immeuble du siège social les parts de la SNC Le Soleil, ces deux retraits seront effectués sans incidence sur le prix convenue des parts de la SNC et de manière à être le plus neutre possible sur le montant du capital nominal de la société, que le groupe Leclerc s'engage à reprendre l'activité exercée par la société Informatique Saint-Ambroix, à sa valeur nette ; que l'arrêt retient encore que les experts qui se sont heurtés au refus des consorts X... de leur communiquer des documents comptables, n'ont attribué aucune valeur nette comptable à la société ISA, ne possédant aucun actif, même pas son matériel informatique acquis pour les seuls éléments connus, en crédit bail ; que cette société fait en outre l'objet d'une liquidation judiciaire ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le huitième moyen :
Attendu que M. X... et M. Y... font grief à l'arrêt d'avoir fixé la créance de la SNC Edel au passif de la liquidation de M. X... à la somme de 701 265,48 francs, alors, selon le moyen, que, dans les deux rapports successifs, les experts judiciaires avaient pris en compte les mêmes créances de ces deux sociétés Le Soleil et La Volhe et que la cour d'appel constate elle-même que cette créance globale était incorporée dans les sommes à prendre en compte au titre de la garantie de passif et d'actif ; d'où il suit qu'en statuant comme elle le fait, la cour d'appel viole l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt retient qu'il convient de distinguer les dommages relevant de la garantie de passif due au Galec et ceux propres à la SNC Edel et considère que de ce chef le seul élément de préjudice distinct était celui résultant du défaut de prise en compte des impayés de la société Le Soleil et de la SCI La Volhe ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu l'objet du litige, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le neuvième moyen :
Attendu que M. X... et M. Y... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté les demandes de M. X... tendant à voir prononcer la résolution judiciaire de la cession de parts du 12 février 1990, alors, selon le moyen, qu'en ne recherchant pas si le Galec, qui a fait pratiquer la saisie-arrêt sur elle-même pour justifier le non-paiement de sa dette qui était certaine était de bonne foi, la cour d'appel ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article 1184 du Code civil ;
Mais attendu qu'en relevant que la somme correspondant au prix de la cession de parts du 12 février 1990 était immobilisée par la saisie conservatoire régulièrement pratiquée, la cour d'appel a implicitement mais nécessairement écarté toute mauvaise foi de la part du Galec ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.