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Décisions

Cass. com., 12 mai 2015, n° 14-12.473

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Odent et Poulet

Lyon, du 17 oct. 2013

17 octobre 2013

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 17 octobre 2013), que par acte du 6 février 2009, MM. Claude et Alain X... et Mme Patricia X... (les consorts X...) ont cédé l'intégralité des actions représentant le capital de la société Etudes et réalisations techniques et services (la société ERTS) à la société Technique et bâtiment, dont M. Y... était le gérant ; qu'un jugement du 4 novembre 2009 a mis la société ERTS en liquidation judiciaire et fixé la date de cessation des paiements au 15 avril 2009 ; que reprochant aux consorts X... de lui avoir volontairement dissimulé la véritable situation financière de la société ERTS, la société Technique et bâtiment les a assignés en nullité de l'acte de cession d'actions pour réticence dolosive ;

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt d'accueillir cette demande alors, selon le moyen :

1°/ que l'erreur n'est une cause de nullité que lorsqu'elle porte sur la substance de la chose vendue ; qu'en prononçant l'annulation de la cession des actions de la société ERTS en conséquence d'une erreur sur la rentabilité de cette société ayant pour origine une erreur sur la valeur des actions de ladite société, commise par le cessionnaire, sans relever que les données ignorées du cessionnaire affectaient la substance même de la société, la cour d'appel a violé les articles 1109 et 1110 du code civil ;

2°/ que la dissimulation d'un fait connu de la victime ne constitue pas un dol ; qu'en reprochant aux cédants d'avoir sciemment dissimulé au cessionnaire l'ampleur de la baisse de chiffre d'affaires subie par la société ERTS précédemment à la cession et la situation économique de celle-ci lors de la cession, quand elle constatait que le gérant de la société cessionnaire, par ses fonctions de gérant du premier partenaire économique de la société cédée et de salarié de la société cédée et par son implication dans l'accord de cession de parts, ne pouvait ignorer la baisse significative de l'activité de la société ERTS au cours de l'exercice précédant la cession et la situation économique de celle-ci au jour de la cession, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 1109, 1110 et 1116 du code civil ;

3°/ que la réticence dolosive suppose la volonté de dissimuler une information et, partant, sa connaissance ; qu'en se bornant à affirmer que les cédants avaient connaissance d'une baisse significative du chiffre d'affaires de la société ERTS pour en déduire qu'ils avaient sciemment dissimulé la baisse de rentabilité et donc la situation irrémédiablement compromise de cette société, sans relever aucun élément démontrant qu'ils étaient mieux à même que le cessionnaire qui en avait également connaissance d'apprécier les conséquences de cette baisse d'activité, et partant, qu'ils avaient connaissance de la situation irrémédiablement compromise de la société ERTS, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 et 1116 du code civil ;

4°/ que seule est en situation irrémédiablement compromise la société qui, ne pouvant envisager aucune mesure de redressement, est vouée à la liquidation judiciaire ; qu'en considérant, pour annuler la cession des parts de la société ERTS, que cette société était dans une situation irrémédiablement compromise que les cédants auraient dissimulée, quand elle constatait qu'il était possible de prendre des mesures de redressement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 1109, 1110 et 1116 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'erreur du cessionnaire sur la valeur des titres sociaux, dès lors qu'elle a été provoquée par une manoeuvre du cédant, peut justifier l'annulation de l'acte de cession pour dol ; que la cour d'appel ayant, par motifs propres et adoptés, retenu que l'erreur du cessionnaire sur la valeur des actions de la société ERTS avait pour origine la dissimulation volontaire par les cédants de la situation financière réelle de cette société, le grief de la première branche est inopérant ;

Et attendu, en second lieu, qu'après avoir relevé que la baisse significative de l'activité de la société ERTS ne pouvait être ignorée de M. Y..., gérant de la société Technique et bâtiment, en raison, notamment, de l'implication de ce dernier dans l'accord intervenu sur la cession des actions, l'arrêt retient que l'ampleur de cette baisse, laquelle n'avait pu échapper à la connaissance des consorts X... puisque M. Claude X... avait dirigé la société ERTS jusqu'à la cession, et la perte certaine de rentabilité économique de cette société avaient été sciemment dissimulées au cessionnaire ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations souveraines, desquelles il résulte que les consorts X... disposaient, sur la situation financière réelle de la société ERTS, d'informations qui n'étaient pas connues du cessionnaire et dont la dissimulation avait revêtu un caractère intentionnel, la cour d'appel a, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la dernière branche, légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses première et quatrième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.