Cass. com., 7 juillet 2020, n° 18-19.173
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme de Cabarrus
Avocats :
Me Le Prado, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Marlange et de La Burgade
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 24 avril 2018), M. G... a cédé la totalité des actions composant le capital de la société Sirev à la société Sa-Ga avec laquelle il avait préalablement conclu une convention de garantie d'actif et de passif. Pour sûreté de cet engagement de M. G..., la banque CIC Ouest (la banque) a consenti à la société Sa-Ga une garantie autonome à première demande.
2. Prétendant que son consentement avait été vicié par des manoeuvres dolosives de M. G..., la société Sa-Ga l'a assigné en réduction du prix de cession et, subsidiairement, en paiement de dommages-intérêts. La société Sa-Ga a également mis en oeuvre la garantie d'actif et de passif et appelé la garantie à première demande de la banque, qui a été condamnée à lui verser une certaine somme.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. La société Sa-Ga fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de réduction du prix de cession pour dol alors :
« 1°/ que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; qu'en affirmant, pour rejeter la demande de la société SA-GA au titre du dol, que « ne peuvent constituer des manoeuvres dolosives en vue de l'acte de cession, les écritures comptables que M. G... aurait passées en octobre et novembre 2013, soit après la signature de l'acte », sans toutefois rechercher, comme elle y était invitée, si M. G... avait volontairement choisi de différer certaines écritures comptables à une date postérieure à l'acte de cession d'actions dans le but de dissimuler la situation réelle de la société cédée au cessionnaire et ainsi le convaincre de régulariser la cession, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016,
2°/ que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de la société SA-GA au titre du dol, que le cabinet KPMG « se limite à rappeler dans la conclusion de son rapport que celui-ci ne constitue pas un audit ou une présentation des comptes, compte tenu des procédures suivies, relevant certaines anomalies comptables sans toutefois mettre en évidence, comme souligné par l'intimé, une quelconque fraude de sa part », sans toutefois rechercher, comme elle y était invitée, si les anomalies relevées par le cabinet KPMG démontraient que M. G... avait volontairement dissimulé la situation comptable réelle de la société cédée dans le but de convaincre le cessionnaire d'acheter les actions au prix fixé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
4. D'une part, l'arrêt retient, s'agissant des pertes à terminaison sur chantier qui auraient été dissimulées au 31 décembre 2012, que les conclusions de l'expert comptable mandaté par la société Sa-Ga, qui dénoncent un changement de méthode de traitement comptable des contrats à long terme ainsi que l'application d'une méthode mixte, selon lui prohibée, ne peuvent être retenues comme preuves des manoeuvres dolosives reprochées à M. G..., dès lors que ce changement méthodologique serait intervenu, selon cet analyste, dès l'exercice 2011, soit bien avant les premières discussions entre les parties, engagées en début d'année 2013. Il en déduit qu'à supposer établi le changement de méthode comptable, il ne peut être utilement soutenu que cette modification aurait été opérée dans le dessein de dissimuler la situation de la société en vue du projet de cession qui ne devait commencer à s'ébaucher que deux ans plus tard. L'arrêt relève ensuite que cet expert-comptable indique que « les outils utilisés (...) pour appliquer la méthode d'avancement sont fiables et permettent de déterminer notamment le taux d'avancement, le chiffre d'affaires, les factures à établir, les en-cours de chantier et les pertes à terminaison », ce qui exclut toute tentative de dissimulation. L'arrêt retient encore que M. G..., qui conteste tout changement de méthode comptable, rappelle à juste titre que la comptabilité était réalisée par ses services sous le contrôle de son expert-comptable et, surtout, de son commissaire aux comptes qui n'a jamais fait aucune observation sur les méthodes comptables appliquées, notant au contraire leur pérennité, puis énonce que la divergence d'appréciation sur les méthodes comptables à appliquer, dès lors que celles-ci sont régulières, ne peut suffire à caractériser le dol invoqué.
5. D'autre part, l'arrêt retient que, contrairement à l'interprétation faite par la société Sa-Ga, le cabinet KPMG, tiers arbitre saisi dans le cadre de la mise en oeuvre de la convention de garantie d'actif et de passif, se limite à rappeler, dans la conclusion de son rapport, que celui-ci ne constitue pas un audit ou une présentation des comptes, compte tenu des procédures suivies, relevant certaines anomalies comptables sans toutefois mettre en évidence une quelconque fraude de la part de M. G....
6. En l'état de ces constatations et appréciations, dont elle a déduit que le dol invoqué par la société Sa-Ga n'était pas caractérisé, la cour d'appel, qui a procédé aux recherches prétendument omises, a légalement justifié sa décision.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
8. La société Sa-Ga fait grief à l'arrêt de constater qu'elle a perçu la somme de 308 030,28 euros à la suite de la mise en oeuvre auprès de la banque de la garantie autonome à première demande et que M. G... a remboursé cette somme à la banque, de fixer à la somme de 60 256,68 euros sa créance à l'encontre de M. G... venant en réduction du prix de cession, au titre de la garantie d'actif et de passif conclue entre les parties le 12 juillet 2013, de constater que M. G... a perçu directement une somme de 153 133,98 euros au titre du contentieux Sirev/mairie d'Agde et de la condamner à restituer à M. G... la somme de 94 639,62 euros de trop- perçu alors :
« 1°/ que le juge ne peut modifier l'objet du litige tel qu'il est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en retenant que la société Sa-Ga ne rapportait pas la preuve d'une notification dans le délai prévu à l'article 4 de la convention de garantie d'actif et de passif des créances demeurant impayées au 31 décembre 2014, cependant qu'aucune des parties ne sollicitait la mise en oeuvre de cette stipulation contractuelle, la cour d'appel a modifié les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile,
2°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office le moyen selon lequel la société Sa-Ga ne rapporterait pas la preuve d'une notification dans le délai prévu à l'article 4 de la convention de garantie d'actif et de passif des créances demeurant impayées au 31 décembre 2014, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
9. Après avoir relevé que M. G... soutenait que la société n'avait pas actionné la garantie au titre des créances impayées au 31 décembre 2014 dans le respect des formes et délais prévus par la convention, ce que la société Sa-Ga contestait, et constaté que l'article 4 du contrat de cession, intitulé « mise en jeu de la garantie », stipulait qu'« afin de mettre en jeu la responsabilité du garant, le bénéficiaire devra lui notifier dans un délai de 45 jours à compter de la date à laquelle le bénéficiaire en aura eu connaissance tout acte, fait ou situation de nature à mettre en jeu la présente garantie, y compris toutes demandes de tiers à l'encontre de la société, procédures judiciaires ou administratives, contentieuses ou précontentieuses. Un retard dans la notification de cette information conduira au rejet de celle-ci, le bénéficiaire perdant son droit à indemnité », c'est sans modifier l'objet du litige ni violer le principe de la contradiction que la cour d'appel a retenu que la société Sa-Ga ne rapportait pas la preuve d'une telle notification et en a déduit que la demande d'indemnisation à ce titre devait être rejetée.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.