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Décisions

Cass. com., 7 juillet 2020, n° 18-19.230

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

M. Ponsot

Avocats :

Me Haas, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Dijon, du 12 avr. 2018

12 avril 2018

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 12 avril 2018) et les productions, M. M... G..., M. et Mme T... G..., M. et Mme F..., M. et Mme Y..., M. et Mme V... et la société [...] (les cédants) ont cédé l'intégralité des parts qu'ils détenaient dans le capital des sociétés [...] et Côte d'Or Ambulance à la société Holding 3 DS.

2. L'acte de cession comportait une clause de garantie d'actif et de passif, assortie d'une garantie à première demande délivrée par une banque.
3. La société Holding 3 DS ayant mis en oeuvre cette garantie, les cédants l'ont assignée en remboursement de la somme que lui avait versée la banque. La société Holding 3 DS s'est opposée à cette demande, soutenant être créancière d'une somme de 87 851,47 euros au titre de la garantie d'actif et de passif.

Examen du moyen unique

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société Holding 3 DS fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de mise en oeuvre de la clause de garantie d'actif et de passif et de la condamner à payer aux cédants la somme perçue à ce titre alors « que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que, dans le cadre de la clause de garantie de passif et d'actif, les parties ont convenu que cette clause sera mise en oeuvre dans l'hypothèse où les comptes arrêtés au 30 avril 2010 laissent apparaître un écart global de plus de 20 000 euros avec la balance arrêtée au 30 mars 2010 et qu'elle s'exercera pour le montant excédentaire à cet écart ; qu'en subordonnant la mise en jeu de la clause de garantie d'actif et de passif à la démonstration de l'incidence de la diminution des résultats sur le prix de cession, la cour d'appel, qui a ajouté à la convention des parties une condition qu'elle ne prévoit pas, a violé l'article 1134, devenu 1103, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134, alinéa 1, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

5. Aux termes de ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

6. Pour rejeter la demande de mise en oeuvre de la clause de garantie d'actif et de passif au titre de l'écart entre les comptes au 30 avril 2010 et la balance au 31 mars 2010, l'arrêt rappelle que cette clause stipule que le prix de cession des parts a été fixé par les parties en considération de l'actif et du passif de la société existant au 30 septembre 2009, que le cédant s'engage envers le cessionnaire ou ses ayants cause au maintien de la valeur des parts sociales à la date de la cession, et par conséquent à le dédommager, au prorata du nombre de titres sociaux cédés, de tout amoindrissement ou diminution de la valeur de l'actif, immobilisé ou non, circulant ou non, à l'exception du stock, ou de tout accroissement du passif de la société ou de survenance de passif non déclaré ou encore de passif non provisionné ou insuffisamment provisionné, et que la garantie sera mise en oeuvre dans l'hypothèse où les comptes arrêtés au 30 avril 2010 laisseront apparaître un écart global de plus de 20 000 euros avec la balance arrêtée au 30 mars 2010, auquel cas elle s'exercera pour le montant supérieur à cet écart. Relevant ensuite que les parties n'ont pas précisé les modalités de détermination de la valeur des parts sociales des sociétés cédées à la date de la cession et, notamment, l'incidence des résultats de chacune des sociétés dans cette détermination, l'arrêt en déduit qu'en l'état de cette imprécision, et même à considérer que les résultats cumulés des deux sociétés aient subi entre le 31 mars 2010 et le 30 avril 2010 une baisse de 56 076 euros comme le soutient la société Holding 3 DS, il est impossible de déterminer l'incidence de cette diminution sur la valeur des parts sociales telle que retenue par l'acte de cession et qu'en conséquence, faute pour cette société de démontrer cette incidence, sa demande de mise en jeu de la clause de garantie d'actif et de passif ne peut qu'être rejetée.

7. En statuant ainsi, alors que le contrat de cession ne subordonnait pas la mise en oeuvre de la garantie d'actif et de passif à la démonstration d'une incidence, sur la valeur des parts sociales, d'un écart entre la balance au 31 mars 2010 et les comptes arrêtés au 30 avril 2010, la cour d'appel, qui a méconnu la loi des parties, a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

8. La société Holding 3 DS fait le même grief à l'arrêt alors « que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que l'acte de cession de parts sociales indique que le prix a été fixé « en considération de l'actif et du passif de la société existant au 30 septembre 2009 » ; que la clause de garantie d'actif et de passif insérée dans l'acte de cession, dont l'objet est de « garantir le cessionnaire contre toute diminution de l'actif ou augmentation du passif résultant d'événements ou de faits antérieurs à la date de la cession », comporte l'engagement du cédant envers le cessionnaire « au maintien de la valeur des parts cédées » et « à le dédommager au prorata du nombre de titres sociaux cédés de tout amoindrissement ou diminution de la valeur de l'actif immobilisé ou non, circulant ou non, à l'exception du stock » ; qu'en ne recherchant pas si, indépendamment de leur incidence sur les résultats des sociétés cédées, les anomalies que l'examen des comptes des sociétés cédées avait révélées ne consistaient pas dans l'intégration dans les comptes sociaux d'éléments d'actif inexistants, ce qui entrait dans le champ d'application de clause de garantie la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134, devenu 1103, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134, alinéa 1, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

9. Pour rejeter la demande de mise en oeuvre de la clause de garantie d'actif et de passif au titre des anomalies affectant les comptes arrêtés au 30 septembre 2009 et les balances au 31 mars 2010, l'arrêt, relève encore que la clause de garantie précise que l'éventuelle diminution de la valeur de l'actif à prendre en compte est celle résultant « d'un acte, d'une omission, d'un fait quelconque réalisé ou survenu en violation ou en contradiction avec les déclarations qui précèdent » et retient qu'aucune des déclarations des cédants auxquelles il est ainsi renvoyé ne concerne l'exactitude des comptes de résultats. Il en déduit que la demande de la société Holding 3 DS de mise en jeu de la clause de garantie d'actif et de passif au titre de ces anomalies ne peut qu'être rejetée, faute pour elle de démontrer qu'il en serait résulté une diminution de la valeur des parts sociales telle que retenue pour le prix de cession.

10. En se déterminant ainsi, sans rechercher si, indépendamment de leur incidence sur les résultats des sociétés cédées, les anomalies que l'examen des comptes des sociétés cédées avait révélées ne consistaient pas dans l'intégration, dans les comptes sociaux, d'éléments d'actif inexistants, ce qui entrait dans le champ d'application de la garantie dans la mesure où l'acte de cession des parts sociales stipulait que le prix avait été fixé « en considération de l'actif et du passif de la société existant au 30 septembre 2009 » et que la clause de garantie comportait l'engagement du cédant envers le cessionnaire de « le dédommager, au prorata du nombre de titres sociaux cédés, de tout amoindrissement ou diminution de la valeur de l'actif immobilisé ou non, circulant ou non, à l'exception du stock », la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne M. M... G... à verser à la société Holding 3 DS la somme de 7 275,22 euros en remboursement des opérations dont il a personnellement bénéficié, l'arrêt rendu le 12 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet en conséquence, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon.