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Décisions

CE, 6e sous sect. jugeant seule, 2 juillet 2015, n° 366108

CONSEIL D'ÉTAT

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Rapporteur :

M. de Froment

Rapporteur public :

Mme von Coester

Avocats :

SCP Vincent, Ohl, SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot

CE n° 366108

1 juillet 2015

Vu les procédures suivantes :

1) Sous le n° 366108, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 février, 21 mai et 16 octobre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. D...A...demande au Conseil d'État :

1°) à titre principal, d'annuler la décision du 14 décembre 2012 de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers en tant qu'elle a, d'une part, prononcé à son encontre une sanction pécuniaire de 200 000 euros et l'interdiction d'exercice des services fournis pour une durée de trois ans et, d'autre part, ordonné la publication de la décision sur le site internet de l'Autorité des marchés financiers ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer la décision en réduisant la sanction qui lui a été infligée et en préservant son anonymat ;

3°) de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers la somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


2) Sous le n° 366194, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 février, 17 mai et 9 septembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. C...B...demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler la même décision de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers en tant qu'elle a prononcé à son encontre une sanction pécuniaire de 100 000 euros et ordonné la publication de la décision sur le site internet de l'Autorité des marchés financiers ;

2°) de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................


Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code monétaire et financier ;
- le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ;
- le code de justice administrative ;

 

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Baptiste de Froment, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de M.A..., à la SCP Vincent, Ohl, avocat de l'Autorité des marchés financiers et à Me Bouthors, avocat de M. B...;

 


1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier : " I. - Le collège examine le rapport d'enquête ou de contrôle établi par les services de l'Autorité des marchés financiers, ou la demande formulée par le président de l'Autorité de contrôle prudentiel. / S'il décide l'ouverture d'une procédure de sanction, il notifie les griefs aux personnes concernées. Il transmet la notification des griefs à la commission des sanctions, qui désigne un rapporteur parmi ses membres. La commission des sanctions ne peut être saisie de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait pendant ce délai aucun acte tendant à leur recherche, à leur constatation ou à leur sanction (...) II. - La commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l'encontre des personnes suivantes : / a) Les personnes mentionnées aux 1° à 8° et 11° à 15° du II de l'article L. 621-9, au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les lois, règlements et règles professionnelles approuvées par l'Autorité des marchés financiers en vigueur, sous réserve des dispositions de l'article L. 612-39 ; (...) " ;

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, sur le fondement de ces dispositions, l'Autorité des marchés financiers (AMF) a notifié, le 22 novembre 2011, à M. D... A...et à M. C...B..., en leur qualité de dirigeants de la société Innoven, des griefs tirés notamment de la méconnaissance des dispositions des articles L. 214-3 du code monétaire et financier et 314-3 du règlement général de l'AMF imposant aux prestataires de services d'investissement d'agir au bénéfice exclusif de leurs clients, des articles L. 533-10 du code monétaire et financier, 313-18, 313-19 et 313-20 du règlement général de l'AMF relatifs à la gestion des conflits d'intérêts, des articles L. 533-12 du code monétaire et financier, 314-10, 314-11 et 411-15 du règlement général de l'AMF imposant de délivrer aux investisseurs une information exacte, claire et non trompeuse ainsi que des articles 313-1, 313-2 et 313-54 du règlement général de l'AMF relatifs à l'obligation pour le prestataire d'établir et de maintenir opérationnel un dispositif de contrôle interne et de conformité ; que la commission des sanctions de l'AMF a prononcé, le 14 décembre 2012, à l'encontre de M. A...une sanction pécuniaire de 200 000 euros ainsi qu'une interdiction d'exercice des services fournis pour une durée de trois ans et à l'encontre de M. B...une sanction pécuniaire de 100 000 euros ; qu'elle a également décidé que sa décision serait publiée sur le site internet de l'Autorité des marchés financiers ; que les requêtes de M. A...et de M. B...sont dirigées contre cette décision ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la régularité de la décision :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 621-9 du code des marchés financiers, dans sa rédaction alors applicable : " I. - Afin d'assurer l'exécution de sa mission, l'Autorité des marchés financiers effectue des contrôles et des enquêtes. / Elle veille à la régularité des opérations effectuées sur des instruments financiers lorsqu'ils sont offerts au public et sur des instruments financiers admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation qui se soumet aux dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les investisseurs contre les opérations d'initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations. (...) ; II. - L'Autorité des marchés financiers veille également au respect des obligations professionnelles auxquelles sont astreintes, en vertu des dispositions législatives et réglementaires, les entités ou personnes suivantes ainsi que les personnes physiques placées sous leur autorité ou agissant pour leur compte : / 1° Les prestataires de services d'investissement agréés ou exerçant leur activité en libre établissement en France ainsi que les personnes morales placées sous leur autorité ou agissant pour leur compte ; (...) " ; que l'article R. 621-36 du même code dispose que : " Les résultats des enquêtes et des contrôles font l'objet d'un rapport écrit. Ce rapport indique les faits relevés susceptibles de constituer des manquements au règlement général de l'Autorité des marchés financiers, des manquements aux autres obligations professionnelles ou une infraction pénale " ; que le titre IV du livre Ier du règlement général de l'AMF est relatif aux contrôles et enquêtes de l'AMF ; que son chapitre 3, relatif aux contrôles des personnes mentionnées au II de l'article L. 621-9 du code monétaire et financier, comporte les articles 143-1 à 143-6 qui précisent les conditions de déroulement de tels contrôles ; qu'aux termes de l'article 143-1 : " Pour s'assurer du bon fonctionnement du marché et de la conformité de l'activité des entités ou personnes mentionnées au II de l'article L. 621-9 du code monétaire et financier aux obligations professionnelles résultant des lois, des règlements et des règles professionnelles qu'elle a approuvées, l'AMF effectue des contrôles sur pièces et sur place dans les locaux à usage professionnel de ces entités ou personnes " ; que l'article 143-5 précise que " tout rapport établi au terme d'un contrôle est communiqué à l'entité ou la personne morale contrôlée. (...) L'entité ou la personne morale à laquelle le rapport a été transmis est invitée à faire part au secrétaire général de l'AMF de ses observations dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours. Les observations sont transmises au collège lorsque celui-ci examine le rapport en application du I de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier " ;


En ce qui concerne le respect du contradictoire et du droit à un procès équitable lors des phases d'enquête et d'instruction :

4. Considérant, d'une part que si, lorsqu'elle est saisie d'agissements pouvant donner lieu aux sanctions prévues par le code monétaire et financier, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers doit être regardée comme décidant du bien-fondé d'accusations en matière pénale au sens des stipulations de l'article 6 § 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le principe des droits de la défense, rappelé tant par l'article 6 § 1 de cette convention et précisé par son article 6 § 3 que par l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, s'applique seulement à la procédure de sanction ouverte par la notification de griefs par le collège de l'Autorité des marchés financiers et par la saisine de la commission des sanctions, et non à la phase préalable des enquêtes et contrôles réalisés par les agents de l'Autorité des marchés financiers ; que, cependant, il résulte de l'ensemble des dispositions citées aux points 1 et 3 que les contrôles réalisés par les agents de l'Autorité des marchés financiers, ou par toute personne habilitée par elle, doivent se dérouler dans des conditions garantissant qu'il ne soit pas porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense des personnes auxquelles des griefs sont ensuite notifiés ;

5. Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que le contrôle des entités ou personnes mentionnées au II de l'article L. 621-9 du code monétaire et financier effectué par les enquêteurs de l'AMF soit précédé d'une information de la personne contrôlée et des personnes physiques placées sous son autorité ou agissant pour son compte et que les pièces examinées lors de ce contrôle soient communiquées à ces dernières ; qu'il résulte de l'instruction que l'absence d'information sur l'existence du contrôle de la société Innoven décidé le 3 février 2010 par le secrétaire général de l'AMF et de communication à ce stade à M. B...des pièces examinées n'a porté aux droits de la défense de ce dernier aucune atteinte irrémédiable, dès lors que l'intéressé a pu, à compter de la notification des griefs retenus à son encontre, et dans le cadre de la procédure disciplinaire ainsi ouverte, consulter l'entier dossier de la procédure et faire valoir ses observations en défense ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que la procédure aurait été irrégulière du fait qu'il n'aurait pas été informé du contrôle effectué par l'AMF et eu réception des pièces examinées lors de ce contrôle avant l'ouverture de la procédure disciplinaire ;

7. Considérant, d'autre part, qu'il ressort de l'instruction que si la notification des griefs retenus à son encontre a été adressée à M. B...postérieurement à celle adressée aux autres personnes mises en cause, cette seule circonstance n'a pas, compte tenu de la durée de la phase d'instruction, qui a permis utilement à M. B...de consulter l'entier dossier, de produire des observations et d'être auditionné à sa demande, été de nature à méconnaître les droits de la défense ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

En ce qui concerne la publicité de l'audience de la commission des sanctions :

8. Considérant que si le paragraphe IV bis de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, issu de l'article 6 de la loi du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière, prévoit que " Les séances de la commission des sanctions sont publiques ", aucune disposition du code n'impose en revanche que les décisions de la commission des sanctions comportent la mention selon laquelle la séance a été publique ; qu'une telle obligation ne découle pas davantage des stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en outre, il n'est pas soutenu que l'audience, qui s'est tenue le 30 novembre 2012, se serait déroulée en méconnaissance de ces dispositions ; que le moyen d'irrégularité tiré du défaut de caractère public de la séance et de l'absence de mention de ce caractère public dans la décision ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne la motivation de la décision de la commission des sanctions :

9. Considérant que si l'obligation de motivation à laquelle sont assujetties les sanctions prononcées par la commission des sanctions implique que celles-ci comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, elle n'impose pas qu'il soit répondu à l'intégralité des arguments invoqués devant la commission ; que, contrairement à ce que soutient M.B..., la décision qu'il attaque, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée ; qu'en retenant que son statut de salarié n'avait pas fait obstacle à l'exercice de ses fonctions de directeur général membre du directoire, comme en témoignaient diverses pièces, la commission des sanctions a, au demeurant, répondu à l'argumentation tirée de ce que M. B...aurait été, en pratique, évincé de toute responsabilité au sein de la société ;

Sur le bien-fondé de la décision :

Sur les manquements retenus à l'encontre des requérants :

En ce qui concerne la caractérisation des manquements :

Quant au manquement à l'obligation de gestion dans l'intérêt exclusif des porteurs de parts de FCPI :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 533-1 du code monétaire et financier : " Les prestataires de services d'investissement agissent d'une manière honnête, loyale et professionnelle, qui favorise l'intégrité du marché " ; que le deuxième alinéa de l'article L. 214-3 du même code, dans sa rédaction alors applicable, dispose : " Les organismes de placement collectif en valeurs mobilières, le dépositaire et la société de gestion doivent agir au bénéfice exclusif des souscripteurs. Ils doivent présenter des garanties suffisantes en ce qui concerne leur organisation, leurs moyens techniques et financiers, l'honorabilité et l'expérience de leurs dirigeants. Ils doivent prendre les dispositions propres à assurer la sécurité des opérations. Les organismes mentionnés aux articles L. 214-15, L. 214-16 et L. 214-24 doivent agir de façon indépendante " ; qu'aux termes de l'article 314-3 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, dans sa rédaction alors applicable : " Le prestataire de services d'investissement agit de manière honnête, loyale et professionnelle qui sert au mieux l'intérêt des clients et favorise l'intégrité du marché. Il respecte notamment l'ensemble des règles organisant le fonctionnement des marchés réglementés et des systèmes multinationaux de négociation sur lesquels il intervient " ;

11. Considérant que, sur le fondement des dispositions citées ci-dessus, la commission des sanctions a considéré que les requérants avaient manqué à leur obligation de gestion dans l'intérêt exclusif des porteurs de parts de certains fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI) gérés par la société Innoven ; qu'il résulte de l'instruction qu'en 2005, les FCPI Innoven 1997, 1998 et 1999 ont pris des participations dans la société de droit canadien non cotée Rockwell Petroleum (RWP) ; qu'un fonds d'investissement, qui avait envisagé de reprendre la participation du FCPI Innoven 1997, dont la liquidation était engagée, a renoncé à ce projet en juillet 2008 ; que l'introduction en bourse de la société RWP a également échoué en août 2008 ; que, le 12 septembre 2008, la société Innoven a cédé les titres RWP détenus par le FCPI Innoven 1997 à d'autres FCPI qu'elle gérait, les FCPI Poste Innovation 1, Poste Innovation 2 et Poste Innovation 3, à un prix de cession unitaire de 4,5 dollars canadiens ; que cette cession a été décidée par la société Innoven, à la suite du désistement du repreneur, " pour conserver le poids stratégique de cette participation " ; que cette opération a permis au FCPI Innoven 1997 de réaliser une performance de l'ordre de 20 % ;

12. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les règlements des FCPI Poste Innovation 1, Poste Innovation 2 et Poste Innovation 3 prévoyaient qu'ils avaient été créés pour une durée de huit ans, une faculté de prorogation pour une durée maximale de deux années étant prévue sous réserve de l'accord des dépositaires ; qu'une telle prorogation n'avait pas été décidée pour ces fonds ; que, dès lors, la commission des sanctions n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation en estimant que l'investissement en cause entraînait un risque de liquidité majeur pour ces FCPI qui, terminant respectivement leur 6ème et leur 7ème années d'exercice, étaient proches de leur échéance ;

13. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient M.A..., la commission des sanctions n'a pas commis d'erreur d'appréciation en déduisant des procès-verbaux du comité d'investissement de la société Innoven que les dirigeants de cette société avaient conscience des graves difficultés de trésorerie de la société RWP ;

14. Considérant, en troisième lieu, que la commission des sanctions a relevé que la prise de conscience des graves difficultés de trésorerie de la société RWP privait de toute portée l'argumentation des mis en cause selon laquelle la fixation du prix de cession unitaire des titres à 4,5 dollars canadiens devait permettre d'anticiper une plus-value intéressante pour les FCPI ; que la commission a notamment relevé à cet égard que le prix unitaire de cession de 4,5 dollars canadiens correspondait à celui qui avait été discuté, mais non retenu, par le repreneur éventuel en juillet 2008 tandis que le 18 juillet 2008, le comité d'investissement de la société Innoven avait évoqué un prix très inférieur de 2 à 3 dollars américains sur le marché gris ; que, contrairement à ce que soutient M.A..., la commission des sanctions ne s'est pas, ce faisant, prononcé sur l'opportunité économique de l'opération pour qualifier le manquement, mais a constaté qu'il résultait de l'instruction que les intéressés avaient, en toute connaissance de cause, méconnu leur obligation de gestion au bénéfice exclusif des porteurs des fonds souscripteurs ; qu'il résulte de ce qui précède que la commission des sanctions n'a pas entaché sa décision d'erreur de droit ;

15. Considérant, en dernier lieu, que M. A...soutient que la commission des sanctions a, sur le fondement des dispositions citées au point 10, porté une appréciation erronée en estimant que le rachat, par d'autres FCPI gérés par la société Innoven, des titres de la société RWP détenus par le FCPI Innoven 1997, a été motivé au moins en partie par l'intérêt de la société Innoven, " distinct de celui des porteurs des fonds souscripteurs " et non par l'intérêt exclusif de ceux-ci ; qu'il résulte de l'instruction et de ce qui a été dit ci-dessus que l'opération de rachat, dans les circonstances et conditions financières auxquelles elle a été réalisée, a été motivée par la nécessité de permettre une liquidation favorable du fonds vendeur par la société Innoven ; que, par suite, compte tenu des éléments qu'elle a relevés, la commission des sanctions n'a pas commis d'erreur d'appréciation en retenant que la société Innoven et les requérants avaient manqué à leur obligation d'agir au bénéfice exclusif du client pour le compte duquel est prise une décision d'investissement ;

Quant au manquement résultant de l'absence de gestion des conflits d'intérêts :

16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 533-10 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable au litige : " Les prestataires de services d'investissement doivent : / (...) / 3. Prendre toutes les mesures raisonnables pour empêcher les conflits d'intérêts de porter atteinte aux intérêts de leurs clients. Ces conflits d'intérêts sont ceux qui se posent entre, d'une part, les prestataires eux-mêmes, les personnes placées sous leur autorité ou agissant pour leur compte ou toute autre personne directement ou indirectement liée à eux par une relation de contrôle et, d'autre part, leurs clients, ou bien entre deux clients, lors de la fourniture de tout service d'investissement ou de tout service connexe ou d'une combinaison de ces services. Lorsque ces mesures ne suffisent pas à garantir, avec une certitude raisonnable, que le risque de porter atteinte aux intérêts des clients sera évité, le prestataire informe clairement ceux-ci, avant d'agir en leur nom, de la nature générale ou de la source de ces conflits d'intérêts ; / (...) " ; que l'article L. 313-18 du règlement général de l'AMF dispose : " Le prestataire de services d'investissement prend toute mesure raisonnable lui permettant de détecter les situations de conflits d'intérêts se posant lors de la prestation de services d'investissement, de services connexes ou de la gestion d'OPCVM : / 1° Soit entre lui-même, les personnes concernées ou toute personne directement ou indirectement liée au prestataire par une relation de contrôle, d'une part, et ses clients, d'autre part ; / 2° Soit entre deux clients. " ; que l'article 313-19 du même règlement précise : " En vue de détecter, en application de l'article 313-18, les situations de conflits d'intérêts dont l'existence peut porter atteinte aux intérêts d'un client, le prestataire de services d'investissement prend au moins en compte l'éventualité que les personnes mentionnées à l'article 313-18 se trouvent dans l'une des situations suivantes, que celle-ci résulte de la fourniture de services d'investissement ou de services connexes, ou de la gestion d'OPCVM ou de l'exercice d'autres activités : / 1° Le prestataire ou cette personne est susceptible de réaliser un gain financier ou d'éviter une perte financière aux dépens du client ; / 2° Le prestataire ou cette personne a un intérêt au résultat d'un service fourni au client ou d'une transaction réalisée pour le compte de celui-ci qui est différent de l'intérêt du client au résultat ; / 3° Le prestataire ou cette personne est incité, pour des raisons financières ou autres, à privilégier les intérêts d'un autre client ou d'un groupe de clients par rapport aux intérêts du client auquel le service est fourni ; / 4° Le prestataire ou cette personne exerce la même activité professionnelle que le client ; / 5° Le prestataire ou cette personne reçoit ou recevra d'une personne autre que le client un avantage en relation avec le service fourni au client, sous quelque forme que ce soit, autre que la commission ou les frais normalement facturés pour ce service. " ; qu'en vertu du second alinéa de l'article 313-20 du même règlement, " lorsque le prestataire de services d'investissement appartient à un groupe, la politique de gestion des conflits d'intérêts doit également prendre en compte les circonstances, qui sont connues ou devraient être connues par le prestataire, susceptibles de provoquer un conflit d'intérêts résultant de la structure et des activités professionnelles des autres membres du groupe " ;

17. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Innoven et la société Innoven Partners étaient des filiales de la société BTetT Timelife AG ; qu'à la suite de la cessation de paiement de la société RWP en décembre 2008, la société BTetT Timelife AG a octroyé à cette société un prêt de cinq millions de dollars ; qu'en septembre 2009, une augmentation de capital de la société RWP a été autorisée ; que les nouvelles actions ont été souscrites, à hauteur de vingt millions de dollars, par le fonds commun de placement à risque (FCPR) Innoven Energy Fund créé par la société Innoven ; que ce FCPR était détenu à 56 % par BTetT Timelife AG et à 44 % par des FCPI gérés par Innoven ; que pour pouvoir investir dans ce FCPR, certains des FCPI ont contracté des crédits de 300 000 à 900 000 euros auprès de BTetT Timelife AG ; que la société Innoven Partners a perçu, pour le placement des nouvelles actions RWP, une rémunération de plus d'un million de dollars ; que deux millions de dollars ont également été remboursés à la société BTetT Timelife au titre des frais de redressement de la société RWP ; qu'au moment des faits, M. A...était président du directoire d'Innoven et de la société BTetT Timelife AG et M. B...était membre du directoire et directeur général d'Innoven et président de la société Innoven Partners LLP ; que les circonstances ainsi rappelées étaient susceptibles, en raison de la pluralité des intérêts en présence, de la structure capitalistique du groupe BTetT Timelife AG et du cumul de mandats des dirigeants, de provoquer un conflit d'intérêts pour la société Innoven et ses dirigeants ; qu'il n'est pas contesté que ces derniers n'ont pris aucune mesure et n'ont mis en place aucune procédure visant à détecter et traiter un tel conflit d'intérêt ; que, par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que la commission des sanctions aurait entaché sa décision d'erreur d'appréciation en estimant que le manquement tiré de la méconnaissance des dispositions rappelées au point 16 était caractérisé ;

Quant au manquement résultant du dépassement du ratio réglementaire d'emprunt d'espèces :

18. Considérant qu'aux termes du septième alinéa de l'article L. 214-4 du code monétaire et financier, dans sa rédaction alors applicable : " Un organisme de placement collectif en valeurs mobilières peut procéder à des prêts et emprunts de titres et à des emprunts d'espèces dans la limite d'une fraction de ses actifs. S'agissant des emprunts d'espèces, cette limite ne peut être supérieure à 10 % des actifs. " ;

19. Considérant qu'il n'est pas contesté que la société Innoven a autorisé deux FCPI dont elle assurait la gestion à contracter auprès de BTetT Timelife AG des emprunts d'espèces dépassant le ratio fixé par l'article L. 214-4 du code monétaire et financier ; qu'il résulte de l'instruction que ces dépassements ont atteint respectivement 25,8 % et 17,13 % de l'actif net des FCPI ; que la circonstance que ces dépassements ont ensuite été régularisés " à brefs délais " est sans incidence sur la matérialité de ce manquement, qui est caractérisé ;

Quant au manquement de défaut de loyauté et d'atteinte à la bonne information des porteurs de parts de FCPI :

20. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 533-12 du code monétaire et financier : " Toutes les informations, y compris les communications à caractère promotionnel, adressées par un prestataire de services d'investissement à des clients, notamment des clients potentiels, présentent un contenu exact, clair et non trompeur. Les communications à caractère promotionnel sont clairement identifiables en tant que telles. " ; que l'article 314-10 du règlement général de l'AMF, dans sa rédaction alors applicable, dispose : " Le prestataire de services d'investissement veille à ce que toute l'information, y compris à caractère promotionnel, qu'il adresse à des clients, remplisse les conditions posées au I de l'article L. 533-12 du code monétaire et financier. / Le prestataire veille également à ce que toute l'information, y compris à caractère promotionnel, qu'il adresse à des clients non professionnels ou qui parviendra probablement à de tels destinataires remplisse les conditions posées aux articles 314-11 à 314-17. " ; que l'article 314-11 du même règlement précise : " L'information inclut le nom du prestataire de services d'investissement. / Elle est exacte et s'abstient en particulier de mettre l'accent sur les avantages potentiels d'un service d'investissement ou d'un instrument financier sans indiquer aussi, correctement et de façon très apparente, les risques éventuels correspondants. / Elle est suffisante et présentée d'une manière qui soit compréhensible par un investisseur moyen de la catégorie à laquelle elle s'adresse ou à laquelle il est probable qu'elle parvienne. / Elle ne travestit, ni ne minimise, ni n'occulte certains éléments, déclarations ou avertissements importants. " ; qu'aux termes de l'article 411-45 du règlement général de l'AMF, dans sa rédaction alors applicable : " Les informations que l'OPCVM est tenu de diffuser sont transparentes, complètes et claires " ;

21. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que la plaquette commerciale du fonds Innoven Capital 2 mentionnait que les FCPI Innoven 1998, Innoven 1999 et Innoven 2000 avaient été régulièrement classés parmi les premiers ; que ces classements avaient été réalisés par des organismes spécialisés sur des périodes allant du 31 décembre 2006 au 30 juin 2008 et que de tels classements n'avaient plus été réalisés pour les périodes suivantes en raison de la crise financière ; que postérieurement au 30 juin 2008, la déclaration de cessation de paiements de la société RWP a entraîné pour les trois FCPI des dépréciations de l'ordre, respectivement, de 93,51 %, 95,62 % et 98,05 % du montant initialement investi ; qu'une telle circonstance, pertinente pour apprécier les performances des fonds gérés par la société, n'a pas été prise en compte lors de la rédaction de la plaquette d'information ; que, dès lors, la commission n'a pas entaché sa décision d'erreur de droit, ni inexactement apprécié les faits qui lui étaient soumis en estimant que l'information fournie par la société Innoven sur les performances passées des fonds, laquelle était incomplète et faussée, ne satisfaisait pas aux conditions posées par les dispositions citées ci-dessus ;

22. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction, notamment des termes utilisés par la société Innoven dans les différents courriers qu'elle a adressés à des souscripteurs potentiels, qu'en estimant qu'elle a délivré de manière récurrente des informations abusivement optimistes et, par suite, trompeuses sur les perspectives de développement de la société RWP afin d'inciter les investisseurs à participer à l'opération d'augmentation du capital et de rassurer les porteurs sur le rendement futur de l'investissement déjà réalisé, la commission des sanctions n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation ; que la circonstance que les destinataires de ces courriers étaient des porteurs de parts de FCPI détenant ou ayant détenu des participations dans la société RWP est sans incidence sur la matérialité du manquement qui est caractérisé ;

Quant au manquement tiré des dysfonctionnements du dispositif de contrôle interne et de conformité :

23. Considérant qu'aux termes de l'article L. 533-10 du code monétaire et financier, dans sa rédaction alors applicable : " Les prestataires de services d'investissement doivent : / 1. Mettre en place des règles et procédures permettant de garantir le respect des dispositions qui leur sont applicables ; / (...) " ; que l'article 313-1 du règlement général de l'AMF dispose : " Le prestataire de services d'investissement établit et maintient opérationnelles des politiques, procédures et mesures adéquates visant à détecter tout risque de non-conformité aux obligations professionnelles mentionnées au II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier ainsi que les risques en découlant et à minimiser ces risques. / Pour l'application de l'alinéa précédent, le prestataire de services d'investissement tient compte de la nature, de l'importance, de la complexité et de la diversité des services d'investissement qu'il fournit et des activités qu'il exerce. " ; qu'aux termes du II de l'article 313-54 du même règlement, dans sa rédaction alors applicable : " Elle établit et maintient opérationnelles des procédures de prise de décision et une structure organisationnelle précisant sous une forme claire et documentée les lignes hiérarchiques et la répartition des fonctions et responsabilités dans les conditions précisées par une instruction de l'AMF. Dans le cadre des activités de gestion collective de la société de gestion de portefeuille, ces procédures de prise de décision incluent en particulier les diligences qui président à la sélection, au suivi et au contrôle des risques associés aux instruments financiers dans lesquels l'OPCVM investit. " ; que le I de l'article 313-2 du même règlement précise que " le prestataire de services d'investissement établit et maintient opérationnelle une fonction de conformité efficace exercée de manière indépendante et comprenant les missions suivantes : / 1° Contrôler et, de manière régulière, évaluer l'adéquation et l'efficacité des politiques, procédures et mesures mises en place en application de l'article 313-1, et des actions entreprises visant à remédier à tout manquement du prestataire de services d'investissement et des personnes concernées à leurs obligations professionnelles mentionnées au II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier ; (...) " ;

24. Considérant, d'une part, que si M. A...reproche à la commission des sanctions de l'AMF d'avoir considéré que le grief tiré des graves défaillances du dispositif de contrôle interne et de conformité était caractérisé, alors que la société Innoven a apporté postérieurement aux défaillances constatées de nombreuses améliorations à son dispositif de contrôle interne, un tel moyen est sans incidence sur la caractérisation du manquement, qui s'apprécie aux dates auxquelles les faits se sont produits ;

25. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction qu'en tant que membre du directoire et directeur financier et administratif, M. E...participait à la prise des décisions relatives à la gestion de la société Innoven et était en charge d'assurer leur exécution ; que, par suite, c'est à bon droit que la commission des sanctions a estimé que les fonctions concomitantes de membre du directoire et de directeur financier et administratif étaient incompatibles avec l'exercice indépendant de la fonction de responsable de la conformité et du contrôle interne définie à l'article 313-2 du règlement général de l'AMF ;

En ce qui concerne l'imputabilité des manquements :

26. Considérant que la décision litigieuse a infligé à M. B...une sanction au titre de manquements aux obligations qu'il lui incombait de respecter en sa qualité de dirigeant d'un prestataire de services d'investissements, sur le fondement du b) du II de l'article L. 621-15 dans sa rédaction alors applicable ; qu'il ne saurait dès lors être soutenu que la commission des sanctions a, en sanctionnant M. B...à ce titre, méconnu le principe de responsabilité personnelle ;

Sur les sanctions prononcées :

27. Considérant qu'en infligeant à M. A...une sanction pécuniaire d'un montant de 200 000 euros ainsi qu'une interdiction d'exercice des services fournis pour une durée de trois ans et à M. B...une sanction pécuniaire d'un montant de 100 000 euros, et en décidant la publication de sa décision sur le site internet de l'AMF, la commission des sanctions n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, infligé de sanctions disproportionnées au regard de la gravité et de la nature des manquements reprochés ;

28. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...et M. B...ne sont pas fondés à demander l'annulation des sanctions qui leur ont été infligées ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à leur charge respective le versement à l'Autorité des marchés financiers d'une somme de 4 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de M. A...et de M. B...sont rejetées.

Article 2 : M. A...et M. B...verseront chacun à l'Autorité des marchés financiers la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. D...A..., à M. C...B...et à l'Autorité des marchés financiers.