AMF, 22 octobre 2012, n° SAN-2012-17
AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Membres :
M. Drummond, M. Pinault, M. Surzur
Président :
M. Nocquet
La 1re section de la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (ci-après « AMF ») ;
Vu le code monétaire et financier, notamment ses articles L. 621-14 et L. 621-15 dans leur rédaction en vigueur à l’époque des faits, ainsi que ses articles R. 621-5 à R. 621-7 et R. 621-38 à R. 621-40 ;
Vu le règlement général de l’AMF, notamment ses articles 221-1, 223-1, 241-1, 241-2, 241-4, 621-1, 622-1, 622-2 et 632-1 ;
Vu les notifications de griefs en date du 24 août 2011 adressées à la société ORCO PROPERTY GROUP (ci-après « ORCO »), M. B, M. A et M. C par lettres recommandées avec demande d’avis de réception ;
Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception en date du 16 septembre 2011 par lesquelles les conseils de la société ORCO, M. B et M. C ont sollicité un délai supplémentaire pour présenter leurs observations ;
Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception en date du 22 septembre 2011 par lesquelles une prolongation du délai pour présenter leurs observations leur a été accordés jusqu’au 29 novembre 2011 ;
Vu la décision du 22 septembre 2011 de la Présidente de la Commission des sanctions désignant M. Bruno Gizard, membre de la Commission des sanctions, en qualité de rapporteur ;
Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 26 septembre 2011 informant les mis en cause de la désignation de M. Bruno Gizard en qualité de rapporteur et leur rappelant la faculté d’être entendu à leur demande, conformément à l’article R. 621-39-1 du code monétaire et financier ;
Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 27 septembre 2011, informant les mis en cause, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, de la faculté de demander la récusation du rapporteur dans le délai d’un mois ;
Vu la lettre en date du 19 octobre 2011 par laquelle le conseil de M. A a sollicité le versement à la procédure de pièces collectées au cours de l’enquête et un délai supplémentaire pour présenter ses observations ;
Vu la lettre en date du 10 novembre 2011 par laquelle les conseils de la société ORCO, M. B et M. C ont sollicité le versement à la procédure de l’intégralité des pièces collectées au cours de l’enquête ;
La Commission des sanctions
Vu les observations présentées le 29 novembre 2011 par Maître François Kopf pour le compte de M. A, par Maîtres Christophe de Watrigant et Nicolas Viguié pour le compte d’ORCO d’une part et M. B d’autre part, et par Maître Nicolas Viguié pour le compte de M. C ;
Vu la lettre du rapporteur en date du 19 décembre 2011 au Secrétaire général de l’AMF lui demandant de bien vouloir verser à la procédure les documents dont il était fait mention dans le courrier des conseils de Moody’s reçu par l’AMF le 7 septembre 2009 ;
Vu la lettre du rapporteur en date du 19 décembre 2011 aux conseils d’ORCO, et de MM. B et C en réponse à leur demande de versement à la procédure de l’intégralité des pièces collectées au cours de l’enquête ;
Vu les pièces versées en procédure le 9 janvier 2012 ;
Vu les procès-verbaux d’auditions de M. A, de la société ORCO représentée par M. B et de M. B en date des 17 et 19 juillet 2012 ;
Vu le rapport de M. Bruno Gizard en date du 6 août 2012 ;
Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception adressées aux mis en cause le 6 août 2012, portant convocation à la séance de la Commission des sanctions du 28 septembre 2012, auxquelles était annexé le rapport signé du rapporteur ;
Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 7 août 2012, par lesquelles le conseil de la société ORCO, et de MM. B et C a sollicité un délai supplémentaire pour présenter ses observations en réponse au rapport du rapporteur, et la lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 10 août 2012 par laquelle une prolongation du délai jusqu’au 7 septembre 2012 leur a été accordée ;
Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception en date du 30 août 2012, informant les mis en cause de la composition de la Commission des sanctions lors de la séance et de leur faculté de demander la récusation de l’un des membres de ladite commission ;
Vu les observations en réponse au rapport du rapporteur présentées le 7 septembre 2012 par Maître François Kopf pour le compte de M. A, par Maîtres Nicolas Viguié et Christophe de Watrigant pour le compte de la société ORCO et de M. B, et par Maître Viguié pour le compte de M. C ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Après avoir entendu au cours de la séance publique du 28 septembre 2012 :
- M. Bruno Gizard en son rapport ;
- Melle Dorothée Stik, représentant le directeur général du Trésor qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ;
- Mme Audrey Kerting, représentant le Collège de l’AMF ;
- la société ORCO PROPERTY Group, représentée par M. B, président directeur général ;
- M. B à titre personnel ;
- leurs conseils, Maîtres Nicolas Viguié et Christophe de Watrigant ;
- M. C à titre personnel et son conseil, Maître Nicolas Viguié ;
- M. A à titre personnel et son conseil, Maître François Kopf ;
- M. Guillaume Géraud, interprète pour l'AMF ; les mis en cause ayant eu la parole en dernier.
FAITS ET PROCEDURE
La société ORCO (ci-après « ORCO ») est une société anonyme de droit luxembourgeois spécialisée dans l’immobilier. Essentiellement présente sur les marchés d’Europe centrale, son activité comprend la promotion immobilière, la location, l’hôtellerie et la gestion d’actifs.
A l’époque des faits, la société ORCO était dirigée par M. B, [...] et M. A, [...]. M. C, [...]. A ce jour, MM. B et C occupent toujours les mêmes fonctions, tandis que M. A a quitté le groupe ORCO depuis le mois de janvier 2009.
Les actions d’ORCO ont été introduites au Second marché d’Euronext Paris le 15 décembre 2000. Lors de la cotation de la société, son actionnaire principal et majoritaire était la société luxembourgeoise Orco Holding, devenue par la suite Ott & Co, également dirigée par M. B.
Après une année 2007 marquée par d’importants investissements à l’origine de la hausse significative de son niveau d’endettement, ORCO a connu en 2008, dans un contexte de crise des marchés, des difficultés financières qui ont entraîné, le 17 juin 2008, la dégradation des notes qui lui avaient été attribuées par l’agence de notation Moody’s.
Au second semestre 2008, en vue de faire face à ces difficultés, ORCO a pris plusieurs mesures visant à réduire ses coûts et son endettement, négociant avec les banques et de potentiels investisseurs.
En l’absence de nouveau financement extérieur, et en dépit des mesures prises depuis l’automne 2008, ORCO a été placée sous procédure de sauvegarde par jugement du 25 mars 2009 du tribunal de commerce de Paris, compétent en raison de la situation géographique du centre des intérêts principaux de la société.
Durant la même période, alors que le cours de l’action ORCO avait baissé de 80 euros à 25 euros au 1er semestre pour atteindre 6 euros à la fin de l’année 2008, soit une baisse de 96% par rapport à son plus haut de 130 euros en 2007, des opérations sur le titre ont été effectuées :
− par la société ORCO elle-même, entre le 3 janvier et le 2 octobre 2008, dans le cadre de l’exécution d’un programme de rachat de titres approuvé le 5 octobre 2007 et modifié le 22 février 2008 ;
− par l’un de ses actionnaires, la société Ott & Co, dirigée par M. B, entre le 31 juillet 2008 et le 20 octobre 2008 ;
− par M. C, entre le 15 décembre 2008 et le 10 février 2009.
Au titre de l’information financière, la société ORCO a publié un certain nombre de communiqués dont, notamment, ceux des 28 août et 27 novembre 2008 portant respectivement sur ses résultats aux 30 juin 2008 et 30 septembre 2008, ainsi que des communiqués plus brefs et ponctuels, comme celui du 18 septembre 2008 intitulé « pas de problème de solvabilité pour Orco ».
Le Secrétaire général de l’AMF a ouvert, le 12 décembre 2008, une enquête portant sur « l’information financière et le marché de l’action Orco et de tout titre qui lui serait lié, à compter du 31 décembre 2007 », étendue, par décision du 4 février 2009, au deuxième semestre 2007.
L’enquête a été diligentée par la direction des enquêtes et de la surveillance des marchés, qui a adressé le 31 janvier 2011 à la société ORCO, MM. B et A, et le 4 février 2011 à M. C, une lettre circonstanciée faisant part de son analyse « sur les principaux éléments de fait et de droit recueillis par les enquêteurs ». M. A y a répondu par lettre du 14 mars 2011. Maîtres Nicolas Viguié et Christophe de Watrigant, pour le compte de la société ORCO et de M. B, y ont répondu par lettres du 16 mars 2011, Maître Nicolas Viguié, pour le compte de M. C, par lettre du 11 avril 2011.
Ces observations et le rapport d’enquête, signé le 14 juin 2011, ont été examinés le 28 juin 2011 par la Commission spécialisée n° 1 du Collège de l’AMF qui a décidé de notifier des griefs à la société ORCO, ainsi qu’à M. B, président-directeur général, à M. A, en sa qualité d’administrateur délégué à l’époque des faits, et à M. C.
Le président de l’AMF a, par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 24 août 2011, notifié à ces personnes les griefs qui leur étaient reprochés en les informant, d’une part, de la transmission d’une copie de ces notifications au président de la Commission des sanctions pour attribution et désignation d’un rapporteur conformément à l’article R. 621-38 du code monétaire et financier, d’autre part, du délai de deux mois dont elles disposaient pour présenter leurs observations écrites en réponse aux griefs notifiés, ainsi que de la possibilité de se faire assister de toute personne de leur choix et de prendre connaissance des pièces du dossier dans les locaux de l’AMF.
La présidente de la Commission des sanctions a, le 22 septembre 2011, désigné M. Bruno Gizard en qualité de rapporteur, ce dont les mis en cause ont été informés par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 26 septembre 2011 leur précisant la faculté d’être entendus, à leur demande, conformément à l’article R. 621-39 I du code monétaire et financier.
Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 27 septembre 2011, les mis en cause ont été informés du délai d’un mois dont ils disposaient pour demander la récusation du rapporteur dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du code monétaire et financier.
En substance, il est reproché :
• sur le fondement de l’article L. 621-15 II c) du code monétaire et financier, à ORCO, M. B et M. A d’avoir, en violation des articles 223-1 et 632-1 du règlement général, de l’AMF communiqué au public des informations inexactes, imprécises ou trompeuses, dès lors que : o « l’annonce faite dans le communiqué du 27 novembre 2008, imputant l’évolution favorable de l’EBITDA ajusté à l’évolution favorable de l’activité de promotion immobilière, qui jusqu’alors était en retrait par rapport aux prévisions annoncées début 2008, serait inexacte ; o les informations sur la « trésorerie disponible et assimilés » figurant dans les comptes publiés et repris dans les communiqués des 28 août 2008 et 27 novembre 2008 n’avaient pas inclus de retraitements spécifiques concernant les éléments de trésorerie nantis ou bloqués alors même que la norme IAS 7 § 6 impose un tel retraitement ; o aucun retraitement n’a été réalisé dans les comptes au 30 juin 2008 présentés dans le communiqué de presse du 28 août pour reclasser, en dettes à court terme, l’emprunt obligataire tchèque de 58 M€ alors même, que, compte tenu de la dégradation de la notation de Moody’s intervenue le 17 juin 2008, le groupe ORCO ne disposait plus d’ « un droit inconditionnel de différer le règlement [dudit emprunt] pour au moins 12 mois » ; o le 18 septembre 2008, ORCO a annoncé au marché que « les actionnaires historiques n’avaient vendu aucune de leurs actions » alors même que la société Ott & Co avait cédé des actions ORCO entre le 31 juillet 2008 et le 20 octobre 2008 de manière significative » ;
• sur le fondement des articles L. 621-14 I et L. 621-15 II c) du code monétaire et financier, à ORCO de ne pas avoir procédé aux déclarations prévues par l’article 241-4 du règlement général de l’AMF au titre du programme de rachat de ses propres titres qu’elle avait mis en œuvre, et de n’avoir pas, en contravention de l’article 241-2 du même règlement, informé le marché par communiqué de presse de la modification de son programme de rachat, adoptée le 22 février 2008 ;
• sur le fondement de l’article L. 621-15 II c) du code monétaire et financier, à M. C de ne pas avoir respecté l’obligation d’abstention imposée par l’article 622-1 du règlement général de l’AMF en cédant 17 784 actions ORCO entre le 15 décembre 2008 et le 10 février 2009 alors qu’il pourrait « avoir été détenteur, en tant que vice-président du groupe ORCO et membre du comité exécutif, d’informations privilégiées relatives à la dégradation significative de la situation financière du groupe ORCO au cours de l’année 2008, qui a conduit la société (...) à se placer sous la procédure de sauvegarde le 27 mars 2009 auprès du Tribunal de Commerce de Paris.
Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 16 septembre 2011, les conseils d’ORCO, de MM. B et C ont sollicité, pour présenter leurs observations, un délai supplémentaire qui leur a été accordé par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 22 septembre 2011.
Par courrier du 19 octobre 2011, le conseil de M. A a sollicité, d’une part, le versement à la procédure de pièces collectées au cours de l’enquête, d’autre part, l’octroi d’un délai supplémentaire pour présenter ses observations, délai qui lui a été accordé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 7 novembre 2011.
Par courrier du 10 novembre 2011, Maîtres Nicolas Viguié et Christophe de Watrigant, conseils de la société ORCO, ont à leur tour sollicité le versement à la procédure de la totalité des pièces collectées au cours de l’enquête.
Le rapporteur a partiellement fait droit à ces demandes en invitant, par courrier du 19 décembre 2011, le Secrétaire général de l’AMF à verser à la procédure les documents dont il était fait mention dans le courrier des conseils de Moody’s reçu par l’AMF le 7 septembre 2009, ce qui a été fait le 9 janvier 2012.
Les mis en cause ont fait parvenir leurs observations par lettres du 29 novembre 2011.
M. A, la société ORCO représentée par M. B et M. B à titre personnel, ont été entendus, à leur demande, par le rapporteur les 17 et 19 juillet 2012.
Les mis en cause ont été convoqués à la séance de la Commission des sanctions, par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 6 août 2012, auxquelles était joint le rapport du rapporteur.
Par lettres recommandées du lendemain avec demande d’avis de réception, Maître Nicolas Viguié, conseil de la société ORCO, de M. B et de M. C, a sollicité un délai supplémentaire pour présenter ses observations en réponse au rapport du rapporteur, délai qui lui a été accordé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 10 août 2012.
Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 30 août 2012, les mis en cause ont été informés de la composition de la formation de la Commission des sanctions lors de la séance, ainsi que du délai de quinze jours dont ils disposaient, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier pour demander la récusation, conformément aux articles R. 621-39-3 er R. 621-39-4, de l’un ou l’autre de ses membres.
Le 7 septembre 2012, Maître Nicolas Viguié a présenté, pour le compte de la société ORCO, de M. B et de M. C, ses observations en réponse au rapport et Maître François Kopf, ses observations pour le compte de M. A.
MOTIFS
Considérant que les titres de la société de droit luxembourgeois ORCO sont admis aux négociations sur le marché d’Euronext Paris ;
Considérant que l’article L. 621-15 II du code monétaire et financier dans sa rédaction en vigueur à l’époque des faits : « la commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l'encontre des personnes suivantes : (...) c) toute personne qui, sur le territoire français ou à l’étranger, s’est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d’initié ou s’est livrée à une manipulation de cours, à la diffusion d’une fausse information ou à tout autre manquement mentionné au premier alinéa du I de l’article L. 621-14, dès lors que ces actes concernent un instrument financier émis par une personne ou une entité faisant appel public à l’épargne ou admis aux négociations sur un marché d’instruments financiers ou pour lequel une demande d’admission aux négociations sur un tel marché a été présentée, dans les conditions déterminées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers » ;
Considérant que la Commission des sanctions est donc compétente pour connaître, sur le fondement des articles L. 621-15 et suivants du code monétaire et financier, des griefs, pris de la violation de dispositions du règlement général de l’AMF, qui ont été notifiés à ORCO, ainsi qu’à MM. B, A et C ;
1. SUR L’INFORMATION FINANCIÈRE COMMUNIQUEE AU PUBLIC PAR ORCO
Considérant qu’il est reproché à ORCO, ainsi qu’à MM. B et A, d’avoir, en violation des articles 223-1 et 632-1 du règlement général de l’AMF, communiqué au public des informations inexactes, imprécises ou trompeuses ;
Considérant que, selon les termes de l’article 223-1 du règlement général de l’AMF, « l'information donnée au public par l'émetteur doit être exacte, précise et sincère » ; que l’article 221-1 du règlement général de l’AMF applicable au moment des faits désignait comme ‘émetteur’ « toute entité ou toute personne morale ayant le statut d’émetteur faisant appel public à l’épargne ou dont les instruments financiers sont support d’un contrat à terme ou d’un instrument financier admis aux négociations sur un marché réglementé » ;
Considérant que dans sa rédaction alors en vigueur, l’article 632-1 du règlement général de l’AMF disposait que « toute personne doit s’abstenir de communiquer, ou de diffuser sciemment, des informations, quel que soit le support utilisé, qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications inexactes, imprécises ou trompeuses sur des instruments financiers émis par voie d’appel public à l’épargne au sens de l’article L. 411-1 du Code monétaire et financier, y compris en répandant des rumeurs ou en diffusant des informations inexactes ou trompeuses, alors que cette personne savait ou aurait dû savoir que les informations étaient inexactes ou trompeuses (...) » ;
Considérant qu’aucun de ces textes n’a, depuis lors, été modifié dans un sens plus doux ; qu’ils sont donc tous applicables à la présente espèce ;
− Sur l’annonce faite dans le communiqué du 27 novembre 2008 relative à l’évolution favorable de l’EBITDA ajusté liée à l’évolution favorable de l’activité de promotion immobilière
Considérant que l’EBITDA (« Earnings before interest, taxes, depreciation and amortization ») est calculé à partir du résultat opérationnel, sous déduction des éléments sans impact sur la trésorerie que sont les dotations aux amortissements et aux provisions, les intérêts et les taxes ;
Considérant que les notifications de griefs relèvent que « l’annonce faite dans le communiqué du 27 novembre 2008, imputant l’évolution favorable de l’EBITDA ajusté à l’évolution favorable de l’activité de promotion immobilière, qui jusqu’alors était en retrait par rapport aux prévisions annoncées début 2008, serait inexacte » ; qu’il est reproché à cette annonce, d’une part, d’attribuer l’évolution favorable de l’EBITDA ajusté du groupe à celle de l’activité de promotion résidentielle, d’autre part, d’affirmer que la rentabilité d’exploitation de cette activité s’améliorait alors que, selon les données chiffrées disponibles en interne, il était nécessaire de procéder à un double retraitement pour qu’elle affiche une progression ;
Considérant que l’annonce incriminée est ainsi rédigée : « L’EBITDA ajusté s’élève à 63,5 millions d’euros contre 29,6 millions d’euros pour la même période en 2007.
L’augmentation à 18 millions d’euros (contre 10 millions d’euros en juin 2008) de l’EBITDA sans vente d’actifs au cours des trois derniers mois confirme la tendance positive prévue en juin. La rentabilité d’exploitation de la promotion résidentielle s’est améliorée comme les projets majeurs de 2008 sont en train d’être comptabilisés et reconnus aux 3ème et 4ème trimestres, avec une marge moyenne de 20 à 25% pour les contributeurs les plus importants.
Le programme de ventes a contribué à l’EBITDA à la hauteur de 45 millions d’euros, 13 millions d’euros correspondant au gain net sur les prix de cession, comparés à la dernière évaluation enregistrée, et 32 millions d’euros correspondant aux bénéfices accumulés de la réévaluation comptabilisés depuis l’acquisition. » ;
Considérant que le communiqué relie l’amélioration de la rentabilité, non pas seulement à l’activité de promotion résidentielle, contrairement à ce qu’indique la notification de griefs, mais surtout au programme de ventes, dont il est précisé qu’il a contribué, à hauteur de 45 millions d’euros (13 millions d’euros + 32 millions d’euros) aux 63,5 millions d’euros d’EBITDA ; que ces informations chiffrées sur les ventes étant conformes aux données alors disponibles, le manquement manque en fait sur ce premier point ;
Mais considérant, en second lieu, que les indications sur l’amélioration de la « rentabilité d’exploitation de la promotion résidentielle » et sur la « marge moyenne de 20 à 25% pour les contributeurs les plus importants » laissent dans l’ombre le caractère fortement déficitaire de cette activité et ne font aucunement état de ce que, pour la période de juin à septembre 2008 :
- d’une part, il résultait du tableau établi par le directeur du contrôle de gestion et de la consolidation du groupe que le résultat opérationnel négatif de la promotion résidentielle s’était aggravé, étant passé de -34,6 millions d’euros à -41,5 millions d’euros,
- d’autre part, si l’EBITDA ajusté de cette activité s’était très légèrement redressé, passant de -6,316 à -4,825 millions d’euros, c’était au prix d’un double retraitement des cessions d’actifs et de l’allocation des frais centraux ;
Considérant qu’en omettant de fournir ces précisions, l’émetteur a délivré une information lacunaire, ne permettant pas au public de situer dans son contexte et d’apprécier en toute connaissance de cause l’évolution de l’activité de promotion résidentielle ; qu’en outre, aucune autre mention du communiqué ne permettait de nuancer l’affirmation sur l’amélioration de la rentabilité d’exploitation de cette activité ; que l’information dispensée n’était, dès lors, pas« exacte, précise et sincère » au sens de l’article 223-1 du règlement général de l’AMF ;
Considérant que ce second aspect du grief est donc caractérisé ;
− Sur les informations publiées au titre de la « trésorerie disponible et assimilés » dans les communiqués des 28 août et 27 novembre 2008
Considérant qu’il est également fait grief aux mis en cause, en violation de la norme IAS 7 § 6, de ne pas avoir retraité « certaines sommes significatives soumises à restriction » dans la communication du montant du poste « trésorerie disponible ou assimilés » figurant dans les comptes au 30 juin 2008, puis au 30 septembre 2008, respectivement publiés les 28 août et 27 novembre 2008, ou de ne pas avoir porté à la connaissance du public les restrictions affectant ces sommes ;
Considérant qu’aux termes du paragraphe 6 de la norme IAS 7 sur le « tableau des flux de trésorerie », celle-ci comprend les fonds en caisse et les dépôts à vue ; que les équivalents de trésorerie sont définis comme « les placements à court terme très liquides, qui sont facilement convertibles en un montant connu de trésorerie et qui sont soumis à un risque négligeable de changement de valeur » ; que le paragraphe 48 de la même norme prévoit en outre que « l’entreprise doit indiquer le montant des soldes importants de trésorerie et d’équivalents de trésorerie détenus par l’entreprise et non disponibles pour le groupe, et l’accompagner d’un commentaire de la direction » ;
Considérant, par ailleurs, que le paragraphe 28 de la norme IAS 34 sur l’information « financière intermédiaire » impose l’utilisation des mêmes méthodes comptables dans les états financiers annuels et intermédiaires ; qu’aux termes du paragraphe 10 de cette norme, si une entreprise publie un jeu d’états financiers résumés dans son rapport financier intermédiaire, ceux-ci doivent présenter « les notes supplémentaires dont l’omission aurait pour effet de rendre trompeurs les états financiers intermédiaires résumés » ; que le paragraphe 16 de la même norme prévoit que « [...] l’entreprise doit également indiquer tout événement ou toute transaction significatif pour la compréhension de la période intermédiaire : [...] c) la nature et le montant des éléments inhabituels du fait de leur nature, de leur importance ou de leur incidence, affectant les actifs, les passifs, les capitaux propres, le résultat net ou les flux de trésorerie » ;
Considérant que l’obligation d’information portant sur les soldes importants de trésorerie non disponibles s’applique donc dans les mêmes conditions aux états financiers intermédiaires et annuels ; que cette indisponibilité, lorsqu’elle est la résultante d’un événement significatif intervenu au titre de la période intermédiaire, doit figurer dans les états financiers de cette période, et pas seulement dans les états financiers annuels ;
Considérant que le communiqué de presse du 28 août 2008 sur les comptes au 30 juin 2008 indique que « Le groupe a clôturé la période avec 103 millions d’euros de liquidités ou d’équivalents » et reprend l’information disponible dans le bilan reproduit en page suivante ; que le communiqué du 27 novembre 2008 reproduit le bilan au30 septembre 2008 faisant état de « liquidité et équivalent de liquidité » de 103,5 millions d’euros ;
Mais considérant qu’il résulte de la traduction libre d’un courrier électronique adressé le 1 er août 2008 par le directeur du contrôle de gestion et de la consolidation du groupe à la direction d’ORCO (cote R898) que « la majeure partie des 60 millions de trésorerie de juin ne peut utiliser librement du fait de sommes placées sur des comptes bloqués dans le cadre de prêts bancaires ou de promotions immobilières » ; qu’au cours de leur audition par le rapporteur, les mis en cause ont confirmé qu’une distinction devait être faite, parmi les sommes incluses dans la trésorerie, entre celles dites « libres » ou « free cash », et celles dites « non libres », identifiées sous les vocables de « restricted cash » ou « treasury blocked » ; qu’aucune information relative au caractère non disponible de cette importante partie de la trésorerie n’a été donnée au marché à l’occasion de la publication des deux communiqués ;
Considérant que ce n’est qu’après, dans son communiqué du 7 avril 2009 relatif aux résultats de l’exercice 2008, qu’ORCO a informé le public de l’existence et du montant de la « trésorerie restreinte » déposée dans des « joint-venture », dont le retrait nécessitait l’approbation des deux parties, ou gagée, soit pour des programmes de développement, soit pour des prêts liés à l’acquisition de biens ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que n’était pas « exacte, précise et sincère », au sens de l’article 223-1 du règlement général de l’AMF, l’information sur le poste « trésorerie disponible et assimilés » figurant dans les communiqués des 28 août et 27 novembre 2008, ceux-ci n’ayant fourni aucune indication sur les sommes significatives, dont l’existence et l’ordre de grandeur étaient connus d’ORCO, qui n’étaient pas librement disponibles ; que ce grief est donc parfaitement caractérisé ;
− Sur le traitement comptable de l’emprunt obligataire tchèque dans les comptes au 30 juin 2008
Considérant qu’il est reproché au communiqué du 28 août 2008 d’avoir reproduit le bilan établi au 30 juin 2008 qui faisait apparaître, en violation des prévisions des paragraphes 60 et 65 de la norme IAS 1, un emprunt obligataire tchèque au titre des dettes financières à long terme alors que, compte tenu de la dégradation de la notation de Moody’s intervenue le 17 juin 2008, la société ne disposait plus d’un droit inconditionnel de différer à douze mois au moins le règlement de l’emprunt, qui aurait donc dû être reclassé en « dette courante » à court terme ;
Considérant qu’aux termes du paragraphe 60 de la norme IAS 1, « Un passif doit être classé en tant que passif courant lorsqu’il satisfait à l’un des critères suivants [...] (d) l’entité ne dispose pas d’un droit inconditionnel de différer le règlement du passif pour au moins douze mois à compter de la date de clôture » ; que le paragraphe 65de cette norme précise « Lorsqu’une entité n’a pas respecté un engagement prévu dans le cadre d’accords d’emprunt à long terme, avant ou à la date de clôture, avec pour effet de rendre le passif remboursable à vue, ce passif est classé en tant que passif courant, même si le prêteur a accepté, après la date de clôture mais avant l’autorisation de publication des états financiers, de ne pas exiger le paiement suite à ce manquement. Le passif est classé en tant que passif courant parce qu’à la date de clôture, l’entité ne dispose pas d’un droit inconditionnel de différer le règlement de ce passif pendant au moins douze mois à compter de cette date » ;
Considérant que, s’agissant des états financiers intermédiaires, il convient de rappeler qu’aux termes du paragraphe 16 de la norme IAS 34 « [...] l’entreprise doit également indiquer tout événement ou toute transaction significative pour la compréhension de la période intermédiaire : [...] c) la nature et le montant des éléments inhabituels du fait de leur nature, de leur importance ou de leur incidence, affectant les actifs, les passifs, les capitaux propres, le résultat net ou les flux de trésorerie » ; Considérant que l’article 10 du prospectus de l’emprunt obligataire visé le 6 janvier 2006 par l’Autorité de régulation tchèque autorise tout porteur d’obligation à en demander le remboursement anticipé en cas de dégradation de la note à long terme attribuée à l’émetteur ; qu’il résulte de la « Credit Opinion » publiée par Moody’s le 18 juin 2008 que, le 16 juin 2008, la « note émetteur » d’ORCO a été dégradée de B2 à B3, tandis que sa note nationale est passée de Baa3.cz à Ba1.cz ; qu’ainsi, dès le 18 juin 2008, la clause de défaut ouvrant droit à un remboursement anticipé était réalisée au bénéfice des porteurs d’obligations ; que ORCO ne disposait donc plus d’un droit inconditionnel de différer à au moins un an le règlement de ces obligations ; qu’au demeurant, il ressort des pièces du dossier que dès le 8 juillet 2008 - soit antérieurement au communiqué du 28 août 2008 - M. A a été informé de ce qu’une banque détentrice d’obligations envisageait de demander, sur le fondement de l’article 10 du prospectus, leur remboursement anticipé ;
Considérant, toutefois, que le communiqué litigieux, ainsi qu’un communiqué antérieur, en date du 7 août 2008, ont fourni au marché l’information relative à la dégradation de la notation et à ses conséquences ; que, dans le communiqué du 28 août 2008, il est notamment fait mention de demandes de particuliers à la suite desquelles « le groupe procèdera le 31 août au remboursement de 97 obligations (sur les 140 existantes) de l’obligation tchèque » ; qu’il est précisé, d’une part, que ce remboursement anticipé, d’un montant de 970 000 000 CZK, résulte de la mise en œuvre du droit accordé à chaque détenteur en cas de changement de notation de Moody’s, d’autre part, que toute nouvelle demande donnera lieu à remboursement le 30 septembre 2008 et que « Le groupe a déjà provisionné ces remboursements en trésorerie » ; que le marché a ainsi été informé de manière « exacte, précise et sincère » des effets, pour la société qui ne disposait plus d’un droit inconditionnel de différer à douze mois le règlement de l’emprunt obligataire tchèque, de la dégradation de la notation de Moody’s intervenue le 17 juin 2008 ; que, s’il est vrai qu’il aurait dû être procédé au reclassement de l’emprunt en dette courante, cette défaillance dans l’enregistrement comptable n’a pas, pour autant, privé le public de l’information qu’il devait recevoir sur l’« événement significatif » de la baisse de notation et sur les conséquences de cette dégradation sur l’exigibilité de l’emprunt tchèque ;
Considérant, en conséquence, que ce grief n’est pas caractérisé ;
− Sur l’annonce du 18 septembre 2008 selon laquelle « les actionnaires historiques n’avaient vendu aucune de leurs actions »
Considérant qu’il est, enfin, fait grief aux mis en cause d’avoir indiqué dans le communiqué de presse du 18 septembre 2008 que « les actionnaires historiques n’avaient vendu aucune de leurs actions » alors que la société Ott & Co, détenue par M. B, avait cédé, quelques jours auparavant, 235 402 titres ORCO et que la participation qu’elle détenait est passée de 12,04% au 31 juillet 2008 à 1,61% au 20 octobre 2008 ;
Considérant qu’il est établi et non contesté qu’afin de réduire ses engagements à l’égard d’une banque, qui avait consenti le 20 mars 2007 à la société Ott & Co une facilité de crédit utilisée à hauteur de 54,5 M€, a été organisée à partir du 31 juillet 2008, en accord avec M. B, une cession quotidienne des titres ORCO donnés en nantissement en garantie de ce prêt ; qu’ainsi, un nombre très significatif d’actions a été cédé, dont près de la moitié dans les deux jours entourant la publication du communiqué ; que, dès lors, l’information selon laquelle « les actionnaires historiques n’avaient vendu aucune de leurs actions », inexacte, ne satisfait pas aux exigences posées par l’article 223-1 du règlement général de l’AMF ; que le manquement est donc caractérisé ;
− Sur l’imputabilité des griefs Considérant que le manquement aux exigences d’exactitude, de précision et de sincérité que doit revêtir l’information financière publiée est imputable, sur le fondement des articles 223-1 et 632-1 du règlement général de l’AMF, à la société ORCO, auteur des communiqués des 28 août, 18 septembre et 27 novembre 2008 ;
Considérant qu’aux termes de l’article 221-1, dernier alinéa, du règlement général de l’AMF « les dispositions de la présente section sont également applicables aux dirigeants de l’émetteur » ;
Considérant qu’en sa qualité de président directeur général de la société ORCO, M. B, dont il est établi qu’il prenait activement part à la communication financière de l’émetteur, est le débiteur, au premier chef, de l’obligation de donner au marché une information exacte, précise et sincère ; qu’il ne justifie d’aucune circonstance particulière qui l’aurait privé de l’exercice de ses fonctions ;
Considérant qu’il était destinataire du courriel du 1er août 2008 faisant état du blocage d’une partie de la trésorerie ;
Considérant qu’en sa qualité de dirigeant de la société cessionnaire, M. B, parfaitement au fait des cessions de titres ORCO intervenues durant l’été 2008, indique avoir été retenu par une obligation familiale le 17 septembre 2008, lors de la rédaction du communiqué selon lequel « les actionnaires historiques n’avaient vendu aucune de leurs actions » ; qu’il ne conteste pas avoir été à l’origine de cette communication, destinée à rassurer le marché ; que, selon M. A, l’ensemble des communiqués de presse lui étaient systématiquement soumis pour approbation ; qu’il ne justifie d’aucune circonstance particulière qui l’aurait privé de l’exercice de ses fonctions ou mis dans l’impossibilité absolue d’empêcher la diffusion du communiqué litigieux, le 18 septembre 2008 ; que cette communication lui est dès lors imputable ; qu’on observera, en outre, qu’aucun communiqué rectificatif n’a été diffusé dans les jours qui ont suivi, le marché n’ayant été informé des cessions d’Ott & Co que le 12 novembre 2008 ; que les arguments de M. B sur le contexte de crise propre à la période, qui l’a conduit à retarder volontairement la diffusion de cette information rectificative, quelle qu’en puisse être la pertinence, sont sans effet sur la caractérisation et l’imputabilité du manquement de communication d’une information manifestement trompeuse commis le 18 septembre 2008 ;
Considérant, enfin, que M. B était le mieux placé pour mesurer le caractère inexact et insuffisamment précis de l’information communiquée le 27 novembre 2008 à propos de l’évolution favorable de l’activité de promotion résidentielle ;
Considérant, en conséquence, que tous les manquements retenus au titre de la mauvaise information du public sont imputables à M. B ;
Considérant qu’en droit des sociétés luxembourgeois, l’administrateur délégué est un administrateur ayant reçu le pouvoir de représenter la société à l’égard des tiers et en justice, ainsi que l’a reconnu, lors de son audition par le rapporteur, M. A, administrateur délégué et directeur administratif et financier de la société ORCO jusqu’en janvier 2009 ; que celui-ci était donc bien, au sens de l'article susvisé, le second dirigeant ;
Considérant qu’en cette double qualité d’administrateur délégué et de directeur administratif et financier, M. A intervenait, comme il l’a lui-même admis, dans « la partie financière » de la communication de l’émetteur ; qu’il a notamment été destinataire :
- du courriel auquel était joint le tableau établi par le directeur du contrôle de gestion et de la consolidation, présentant les chiffres relatifs à l’EBITDA ajusté du groupe et de chaque activité, qui faisait apparaître la nécessité de procéder à deux retraitements pour passer de -6,3 à -4,8 millions d’euros ;
- avant la publication des communiqués 28 août et 27 novembre 2008, du courriel du 1 er août 2008 sur le blocage d’une partie de la trésorerie, ainsi que des informations sur la dégradation de la note d’ORCO ;
Considérant, enfin, que M. A participait aux négociations conduites avec l’une des banques de la société Ott & Co à propos des demandes d’appels de marge dans le cadre des cessions non déclarées ; qu’il était en outre administrateur de cette dernière société ; qu’il a confirmé savoir que certains des titres ORCO que la société Ott & Co avait donnés en gage aux banques avaient été cédés (cote R65) ; qu’il a nécessairement pris part à l’élaboration du communiqué diffusé le 18 septembre 2008, dès lors que celui-ci comportait divers éléments financiers, notamment sur le remboursement de l’emprunt tchèque ; qu’en conséquence, la responsabilité de M. A doit, comme celle de M. B, être retenue au titre du manquement de communication d’une information manifestement trompeuse commis le 18 septembre 2008 ;
Considérant, dès lors, que tous les griefs qui viennent d’être retenus sont également imputables à M. A, celui-ci ne justifiant d’aucune circonstance particulière qui l’aurait privé de l’exercice de ses fonctions de dirigeant d’ORCO en charge de la partie financière de la communication ;
2. SUR LE GRIEF RELATIF À l’INFORMATION DELIVRÉE AU PUBLIC CONCERNANT LE PROGRAMME DE RACHAT D’ACTIONS
Considérant qu’il est reproché à ORCO d’avoir manqué aux obligations résultant des articles 241-2 et 241-4 du règlement général de l’AMF à l’occasion de la modification et de l’exécution de son programme de rachats d’actions, approuvé le 5 octobre 2007 ;
Considérant qu’il lui est plus précisément fait grief :
- d’une part, de ne pas avoir informé le marché de la décision de son assemblée générale du 22 février 2008 de modifier le programme de rachat de ses propres actions qui avait été voté le 5 octobre 2007 et communiqué au public le 12 novembre 2007, en portant de 5% à 10% la part maximale du capital pouvant être rachetée et en élargissant, entre 25 et 200 euros, la fourchette de prix initialement fixée entre 85 et 150 euros ;
- d’autre part, de ne pas avoir déclaré les opérations réalisées après le 31 décembre 2007 en exécution de son programme de rachat d’actions ;
− Sur la compétence de l’AMF
Considérant qu’aux termes de l’article 241-1 du règlement général de l’AMF, les dispositions relatives aux obligations d’information en matière de programme de rachat d’actions sont applicables aux sociétés dont les titres de capital sont admis aux négociations sur un marché réglementé et qui réalisent un programme de rachat de leurs titres en application des articles L. 225-209 et L. 225-217 du code de commerce, ainsi qu’à tout émetteur dont les titres, équivalents à ceux mentionnés au premier alinéa, émis sur le fondement d’un droit étranger, sont admis aux négociations sur un marché réglementé ;
Considérant qu’il n’importe que ORCO ait été tenue d’informer des franchissements de seuil le régulateur luxembourgeois, la CSSF ; qu’en effet, ses titres étant cotés sur le marché français, c’est de l’AMF que relève l’application des règles sur les obligations d’information spécifiques à la mise en œuvre du programme de rachat de titres et aux opérations effectuées dans ce cadre ;
− Sur le grief
Considérant qu’aux termes de l’article 241-2 du règlement général de l’AMF dans sa rédaction applicable à l’époque des faits : « I. Préalablement à la réalisation d’un programme de rachat de ses titres, tout émetteur publie selon les modalités fixées à l’article 221-3, le descriptif du programme qui comprend : 1°) la date de l’assemblée générale des actionnaires qui a autorisé le programme de rachat ou qui est appelée à l’autoriser ; (...) 5°) la part maximale du capital, le nombre maximal et les caractéristiques des titres que l’émetteur se propose d’acquérir ainsi que le prix maximum d’achat ; (...) II – Pendant la réalisation du programme de rachat, toute modification significative de l’une des informations énumérées au I doit être portée, le plus tôt possible, à la connaissance du public selon les modalités fixées à l’article 221-3 » ;
Considérant que l’article 221-3 dans sa version alors en vigueur prévoyait que : « I. - L'émetteur s'assure de la diffusion effective et intégrale de l'information réglementée définie à l'article 221-1.
II. - L'émetteur met en ligne sur son site internet les informations réglementées dès leur diffusion. Ces informations y sont conservées pendant au moins cinq ans à compter de leur date de diffusion. Lorsque l'émetteur n'a aucun instrument financier admis aux négociations sur un marché réglementé, la publication sur son site des informations réglementées vaut diffusion effective et intégrale au sens du I » ;
Considérant en outre que l’article 241-4 du règlement général de l’AMF disposait à l’époque des faits : « I. Tout émetteur pour lequel un programme de rachat de ses titres est en cours de réalisation :
1°) Informe le marché de toutes les opérations effectuées dans le cadre du programme de rachat au plus tard le septième jour de négociation suivant leur date d’exécution. Ces informations, établies selon les modalités précisées dans une instruction de l’AMF sont mises en ligne sur le site de l’émetteur ;
2°) Informe l’AMF selon une périodicité qui ne peut être supérieure à un mois (...) b) des opérations effectuées sur le marché réglementé ou hors marché, par voie d’acquisition, de cession ou de transfert en distinguant les opérations au comptant et par l’utilisation de produits dérivés, tant pour la période écoulée depuis la dernière déclaration que pour la période écoulée depuis le programme de rachat (...) » ;
Considérant, en premier lieu, qu’il n’est pas contesté qu’ORCO n’a pas publié de communiqué de presse portant à la connaissance du public le changement de son programme de rachat d’actions ; que ne peut être utilement invoquée l’information contenue sur son site internet, celle-ci ne valant « diffusion effective et intégrale », au sens du I de l'article 221-3 du règlement général de l’AMF, que pour les émetteurs n’ayant « aucun instrument financier admis aux négociations sur un marché réglementé » ; que le grief tiré de la violation de l’obligation d’informer le public de la modification du programme de rachat, telle que prévue par les articles 241-2 et 221-3 susvisés, est donc constitué ;
Considérant, en second lieu, que suffit à caractériser le manquement aux dispositions de l’article 241-4 du règlement général de l’AMF le constat qu’ORCO n’a pas procédé à l’information du public et de l’AMF sur les nombreuses acquisitions et cessions de ses propres titres survenues les 3 janvier 2008 (achats de 16 184 actions), 4 janvier 2008 (achat de 10 000 actions), 4 avril 2008 (achat de 20 000 actions), 25 avril 2008 (achat de 4 000 actions), 11 juin 2008 (achat de 5 000 actions), 8 juillet 2008 (achat de 2 000 actions), 15 juillet 2008 (achat de 10 000 actions), 2 octobre 2008 (vente de 90 720 actions) ; que ces opérations se sont étalées sur dix mois ; qu’elles ont porté, en tout, sur 157 904 titres, dont 67 184 acquis et 90 720 cédés ;
Considérant que l’absence d’information du public portant sur la modification du programme de rachat et sur les multiples opérations effectuées en application de ce programme de rachat est, à l’évidence, « de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché » au sens de l’article L. 621-14 du code monétaire et financier ; que, dès lors les manquements aux articles 241-2 et 241-4 susvisés sont caractérisés en tous leurs éléments ;
3. SUR LE GRIEF RELATIF AU MANQUEMENT D’INITIE
Considérant qu’il est fait grief à M. C d’avoir, en violation des articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF, cédé 17 784 actions ORCO entre le 15 décembre 2008 et le 10 février 2009, alors qu’il était détenteur, en tant que vice-président d’ORCO et membre du comité exécutif, d’une information relative à la dégradation significative de la situation financière du groupe ;
Considérant que, selon la notification de griefs, l’information a présenté les caractéristiques d’une information privilégiée dès le 14 décembre 2008, M. C ayant eu à cette date « communication de difficultés majeures rencontrées quant au financement du principal projet en Pologne du groupe ORCO (projet [...]), qui venaient s'ajouter aux difficultés de trésorerie du groupe, dont [M. C était] régulièrement informé au titre des prévisionnels de « cash flow» communiqués par M. A » ;
Considérant qu’aux termes de l’article 622-1 du règlement général de l’AMF, « toute personne mentionnée à l’article 622-2 doit s’abstenir d’utiliser l’information privilégiée en acquérant ou cédant, (...) pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, soit directement ou indirectement, les instruments financiers auxquels se rapporte cette information ou les instruments financiers auxquels ces instruments sont liés » ; que cette obligation d’abstention s’applique notamment à toute personne qui détient une information privilégiée en raison de sa qualité de membre des organes d’administration, de direction, de gestion ou de surveillance de l’émetteur ;
Considérant qu’aux termes de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, « une information privilégiée est une information, précise qui n’a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d’instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers qui leur sont liés.
Une information est réputée précise si elle fait mention d’un ensemble de circonstances ou d’un événement qui s’est produit ou qui est susceptible de se produire et s’il est possible d’en tirer une conclusion sur le cours quant à l’effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers ou des instruments financiers qui leur sont liés.
Une information, qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers dérivés qui leur sont liés est une information que l’investisseur raisonnable serait susceptible d’utiliser comme l’un des fondements de ses décisions d’investissements » ;
Considérant que de M. C, en sa double qualité de vice-président et de membre du comité exécutif d’ORCO, a reçu les courriels de M. A sur l’évolution de la trésorerie de la société, et notamment ceux des 25 juillet, 31 octobre et 1er décembre 2008, ce dernier comportant en pièce jointe le tableau de trésorerie qui faisait apparaître, au titre de la « treasury available », des montants négatifs de 612 000 € pour février 2009, 34,9 M€ pour mars 2009 et 23,4 M€ pour avril 2009 ; que, certes, ce tableau sur la capacité qu’avait ORCO à faire face à ses besoins en fonction de ses projets d’investissement a été établi pour lui permettre « d’ajuster les dépenses et les recettes et de gérer le degré d’avancement des projets en cours et de ceux à lancer », comme l’a indiqué M. A, et de procéder aux arbitrages nécessaires ; qu’il était toutefois révélateur de l’impossibilité où se trouvait la société de financer l’ensemble de son programme ;
Considérant que, figurant parmi les destinataires du courriel du 14 décembre 2008 sur le projet d’accord en cours de discussion avec la société en charge de la construction de la tour [...], il a pu constater que, si les négociations évoluaient dans un sens positif, ce qui permettait d’entrevoir « une lueur d’espoir », la poursuite du projet était remise en cause par la nécessité de trouver 72 M€ ; que la lecture de ce document, aussi nuancé soit-il, n’en mettait pas moins en lumière un problème considérable de financement ;
Considérant qu’il est également établi que M. C a été associé à la recherche, par ORCO, d’investisseurs extérieurs et informé des discussions conduites avec la société V à la fin de l’année 2008, à l’occasion notamment de la réunion des vice-présidents du 16 décembre 2008 ; qu’il a en outre été chargé de suivre l’accomplissement des « due diligences » à propos de l’offre de la société W, qui n’a finalement pas abouti ;
Considérant que, figurant sur la liste des « initiés de droit » établie par ORCO, M. C’était en possession d’éléments, certes parcellaires et nuancés, mais qui convergeaient, en ce qu’ils faisaient tous apparaître, chez ORCO, des difficultés financières :
- faisant obstacle à la réalisation de l’intégralité de ses projets,
- compromettant la réalisation du programme de construction de la tour [...],
- auxquelles il ne paraissait pas pouvoir être porté remède par une recherche d’investisseurs, celle-ci n’ayant jusqu’alors pas abouti ;
Considérant que si, pris isolément, aucun de ces éléments n’était assez « précis » au sens de l'article 621-1 du règlement général de l’AMF, ils constituent un ensemble de circonstances dont la réunion, la simultanéité et la convergence confèrent à l’information sur les difficultés de trésorerie auxquelles la société ne parvenait pas à faire face – et qui ont conduit à son placement sous sauvegarde judiciaire le 25 mars 2009 – un caractère suffisamment univoque et alarmant pour qu’il soit possible d’en tirer une conclusion sur l’évolution du titre ; que l’information atteint donc le degré de précision exigé par ce texte ;
Considérant qu’aucun des éléments ci-dessus rappelés n’a été porté à la connaissance du public, les courriels sur l’évolution de la trésorerie et le tableau du 1 er décembre 2008 étant, par nature, confidentiels ; qu’il en a été de même des négociations avec les sociétés V et W ; que ni la publication, le 15 décembre 2008 en Pologne, d’un article rédigé dans la langue de ce pays sur les difficultés du projet [...], ni la circonstance qu’un analyste financier ait, dans un document « strictement limité à l’usage privé du destinataire », considéré indispensable « que le groupe trouve un partenaire ayant une surface financière suffisante pour l’aider à traverser cette période difficile », ne peuvent suffire à donner à l’information un caractère public au sens du texte précité ; que le communiqué du 27 novembre 2008 ne saurait non plus être invoqué à ce titre, alors qu’il contenait des inexactitudes sur la trésorerie disponible ;
Considérant, enfin, que la conjonction de ces éléments inconnus du public était de nature, si elle était parvenue à la connaissance du marché, d’aggraver la tendance fortement baissière observée au cours du dernier trimestre 2008, en ce qu’un investisseur raisonnable aurait pu l’utiliser comme l’un des fondements de sa décision de vendre les actions ORCO ; qu’au demeurant, la mise de la société sous sauvegarde, dans le mois qui a suivi la fin des cessions incriminées, a entraîné une baisse du titre de 17,7% ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. C’était bien en possession d’une information privilégiée lorsqu’il a, du 15 décembre 2008 au 10 février 2009, procédé à 21 opérations de cession qui ont porté, en tout, sur 17 784 titres ORCO et lui ont évité une perte de l’ordre de 85 500 euros ; qu’interrogé à ce sujet lors de l’enquête, il a d’abord déclaré ne pas se souvenir avoir alors opéré une quelconque vente, puis admis la réalité de ces cessions, qui auraient été faites pour lui permettre de meubler l’appartement qu’il avait acquis plus d’un an auparavant ; qu’ensuite, il n’a plus mis en avant que la nécessité de régler l’échéance de mars 2009 de ses impôts ; que, lors de la séance, il a finalement indiqué que les ventes litigieuses avaient été motivées par la première et la seconde raisons ;
Considérant que, tenu à une obligation absolue d’abstention, M. C, initié primaire, n’a, à l’évidence, justifié d’aucune circonstance impérieuse susceptible de l’exonérer de sa responsabilité ; que le manquement est donc caractérisé en tous ses éléments ;
4. SUR LES SANCTIONS ET LA PUBLICATION
Considérant qu’en application de l’article L. 621-15 III c) du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur entre le 2 août 2003 et le 6 août 2008, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 1,5 million d’euros ou au décuple des profits éventuellement réalisés est encourue ; que pour les faits postérieurs au 6 août 2008, et jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 22 octobre 2010, le plafond de la sanction encourue est égal à 10 millions d’euros ou au décuple des profits éventuellement réalisés ;
Considérant que, pour les manquements relatifs à l’information financière telle qu’elle ressort des communiqués de presse des 28 août, 18 septembre et 27 novembre 2008, notifiés à la société ORCO, MM. B et A, la sanction encourue est celle prévue par la loi du 4 août 2008, soit 10 millions d’euros ou le décuple du montant des profits éventuellement réalisés ;
Considérant que, pour les manquements relatifs aux obligations déclaratives liées à la modification et l’exécution du programme de rachat de titres, notifiés à la société ORCO, à l’exception de la cession réalisée le 2 octobre 2008, soit postérieurement au relèvement du plafond à 10 millions d’euros, la sanction encourue est de 1,5 million d’euros ou du décuple des profits éventuellement réalisés ;
Considérant que le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages et les profits éventuellement réalisés ;
Considérant que les griefs retenus à l’encontre de la société ORCO, déjà sanctionnée le 8 décembre 2005 par la présente Commission pour un manquement à l’obligation d’information, sont multiples et ont en commun d’avoir empêché le public de prendre connaissance en temps utile de paramètres financiers significatifs ; que sera donc prononcée à son encontre une sanction de 100 000 euros ;
Considérant que seront infligées à M. B, toujours dirigeant d’ORCO, et à M. A, qui a quitté cette société, des sanctions pécuniaires, respectivement, de 80 000 euros et de 30 000 euros ;
Considérant que le manquement d’initié commis par M. C lui a permis d’éviter une perte de l’ordre de 85 500 euros ; que, compte tenu de la double qualité, de vice-président et de membre du comité exécutif d’ORCO, de M. C, qui figurait d’ailleurs sur la liste des initiés de droit, ce manquement revêt une extrême gravité; que sera donc prononcée à son encontre une sanction pécuniaire de 450 000 euros ;
Considérant que la publication de la présente décision n’est pas de nature à perturber gravement les marchés financiers ou à causer un préjudice disproportionné aux personnes sanctionnées ; qu’elle sera donc prononcée, mais sous une forme anonymisée en ce qui concerne M. A, dont l’insertion professionnelle doit être préservée ;
PAR CES MOTIFS,
Et après en avoir délibéré, sous la présidence de Mme Claude Nocquet, par Mme France Drummond, MM. Michel Pinault et Jean-Jacques Surzur, membres de la Commission des sanctions, en présence de la secrétaire de séance,
DÉCIDE DE :
- prononcer à l’encontre de la société ORCO une sanction pécuniaire de 100 000 € (cent mille euros) ;
- prononcer à l’encontre de M. B une sanction pécuniaire de 80 000 € (quatre-vingt mille euros) ;
- prononcer à l’encontre de M. A une sanction pécuniaire de 30 000 € (trente mille euros) ;
- prononcer à l’encontre de M. C une sanction pécuniaire de 450 000 € (quatre cent cinquante mille euros) ;
- publier la présente décision sur le site Internet de l’Autorité des marchés financiers, sous une forme préservant l’anonymat de M. A.