Cass. 1re civ., 17 novembre 1999, n° 97-21.823
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lemontey
Rapporteur :
M. Bargue
Avocat général :
M. Sainte-Rose
Avocats :
SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Delaporte et Briard
Attendu que, lors d'une manifestation d'agriculteurs, les installations de la société Gondolfruit ont été incendiés et la marchandise entreposée pour le compte de la société Faure, depuis placée en redressement judiciaire, a été détruite ; que la société Gondolfruit a invoqué la force majeure et la compagnie d'assurances a décliné sa garantie, invoquant une exclusion de celle-ci ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses quatre branches, formé par le mandataire de la société Faure ès qualités :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Nîmes, 19 juin 1997) d'avoir débouté la société Faure, déposante, de son action indemnitaire contre le dépositaire et son assureur, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en décidant que l'intrusion des émeutiers dans les locaux où était entreposée la marchandise constituait un événement de force majeure exonérant le dépositaire de son obligation de restitution, puisque ce dernier n'avait commis aucune faute lorsque, au moment de la formation du contrat, il avait accepté régulièrement et sans fraude d'assurer la conservation de la marchandise, se fondant ainsi sur un critère inopérant pour apprécier tant l'absence de faute que l'existence de la force majeure, la cour d'appel a violé les articles 1927 et 1929 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'en retenant, pour affirmer que la société Gondolfruit n'avait pas pu prévoir l'intrusion des émeutiers dans ses entrepôts et la destruction consécutive des marchandises dont elle avait la garde, que les locaux sinistrés avaient un caractère privé, bien que cette circonstance ne fût pas de nature à caractériser l'imprévisibilité de l'événement allégué comme constituant un cas de force majeure, la cour d'appel a violé l'article 1929 du Code civil ; alors, ensuite, qu'en énonçant que les manifestants avaient même échappé au contrôle des forces de l'ordre, sans préciser sur quel élément de preuve elle se serait fondée pour constater un tel fait, la cour d'appel n'a pas motivé sa décision de retenir le caractère imprévisible et irrésistible de l'événement allégué comme constituant un cas de force majeure ; et alors, enfin, que la cour d'appel a omis de répondre aux conclusions de la société Faure faisant valoir qu'à l'époque où les marchandises avaient été confiées au dépositaire, se déroulaient diverses manifestations d'agriculteurs contre les produits d'importation étrangère et que, compte tenu de l'état d'esprit dans lequel évoluaient ces émeutes qui étaient parfaitement connues, des exactions étaient prévisibles, de sorte qu'il appartenait à la société Gondolfruit de prendre toutes mesures utiles pour protéger ses locaux ainsi que les marchandises qui y étaient entreposées ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté que la destruction des marchandises entreposées dans la chambre froide se trouvant dans les locaux de la société Gondolfruit résultait de l'incendie allumé par des agriculteurs dont la manifestation avait dégénéré en émeute, et que les émeutiers avaient échappé au contrôle des forces de l'ordre ; qu'elle a retenu souverainement que l'événement était irrésistible ; que, par ce seul motif, elle a légalement justifié sa décision caractérisant ainsi la force majeure ;
Et sur le second moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident formé par la société Gondolfruit, pris en leurs diverses branches :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et de la convention d'assurance que les conditions particulières renvoient, dans leur paragraphe 6° s'appliquant aux " Pertes de produits en entrepôts frigorifiques ", aux conventions spéciales disposant, dans leur article e), que sont garanties les pertes de marchandises stockées dans les chambres frigorifiques des entrepôts qui, par suite de variation de la température des chambres froides ou de fuite des fluides frigorifiques ou de tout autre fluide servant à l'installation, pour autant que ces phénomènes résultent d'actes d'attentats et de vandalisme pour tous dommages autres que ceux d'incendie ou d'explosions ; que, sans dénaturer ces conventions, la cour d'appel a exactement décidé qu'était exclu de la garantie l'incendie résultant de l'acte de vandalisme commis, en l'espèce, par les manifestants dans la chambre de conservation ; d'où il suit qu'aucun des griefs faits par les diverses branches des deux moyens des pourvois principal et incident n'est fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi principal et le pourvoi incident.