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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 7, 12 mai 2016, n° 14/26120

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Europacorp (SA)

Défendeur :

Président de l'Autorité des Marchés Financiers

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Michel- Amsellem

Conseillers :

Mme Luc, Mme Faivre

AMF, du 27 oct. 2014

27 octobre 2014

Sur les faits

La société Europacorp est la société holding du groupe Europacorp. Au travers des sociétés qui le composent, ce groupe assure tous les stades du cycle de production, d'exploitation et de distribution de ses films qu'ils soient cinématographiques, télévisés ou publicitaires et de leurs produits dérivés, tant en France qu'au niveau international.

Les titres d'Europacorp sont admis à la négociation sur le compartiment C d'Eurolist Paris.

Au cours des exercices 2010 et 2011, le groupe, dont les exercices comptables courent du 1er avril au 31 mars de chaque année, a subi une rapide et forte dégradation de son résultat net.

Dans le contexte du changement de gouvernance intervenu en juillet 2010, des dénonciations sont parvenues à l'AMF.

Sur la procédure

Le 24 mai 2011, le Secrétaire général de l'AMF a ouvert une enquête portant sur

" l'information financière de la société Europacorp, à compter du 31 mars 2009 ".

A l'issue de celle-ci, la Direction des enquêtes et des contrôles a, par lettres recommandées avec demande d'avis de réception du 12 octobre 2012, informé Europacorp et ses commissaires aux comptes, de manière circonstanciée, des faits éventuellement susceptibles de leur être reprochés au regard des constats des enquêteurs.

Après examen du rapport d'enquête, élaboré le 15 janvier 2013 en tenant compte des observations produites par la société Europacorp et les commissaires aux comptes, le Collège, lors de sa séance du 1er février 2013, a décidé de notifier des griefs à la société Europacorp et aux commissaires aux comptes, par lettres recommandées avec demande d'avis de réception du 21 février 2013.

Il a été ainsi reproché :

- à la société Europacorp, en violation de l'article 223 1 du règlement général de l'AMF, de ne pas avoir communiqué une information exacte, précise, et sincère au public, dans son communiqué de presse du 15 avril 2010 ainsi que dans ses comptes consolidés au 31 mars 2009 et au 31 mars 2010 ;

- aux commissaires aux comptes, en violation de l'article 632-1 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, d'avoir manqué à leur obligation de s'abstenir de diffuser une information inexacte, imprécise ou trompeuse à l'occasion de la publication de leurs rapports sur les comptes consolidés au 31 mars 2009 et au 31 mars 2010.

Au vu de ces griefs et du rapport dressé par son rapporteur, la Commission des sanctions de l'AMF a considéré que trois manquements sur sept étaient caractérisés et a rendu, le 27 octobre 2014, la décision suivante :

- mis hors de cause les commissaires aux comptes ;

- prononcé à l'encontre de la société Europacorp une sanction pécuniaire de 200 000 € (deux cent mille euros) ;

Elle a décidé de publier sa décision sur le site Internet de l'Autorité des marchés financiers, dans des conditions propres à assurer l'anonymat des sociétés mises hors de cause.

Dans cette décision, la Commission des sanctions n'a pas retenu deux sous-griefs notifiés à la société Europacorp portant sur l'information au public, dans ses comptes consolidés au 31 mars 2009 et au 31 mars 2010, concernant la valorisation pour chacun des exercices, du logiciel Lisa et du goodwill de la société DogProductions.

Vu le recours formé contre cette décision par la société Europacorp le 29 décembre 2014 ;

Vu le recours incident formé par le Président de l'AMF contre cette décision le 20 février 2015 ;

Vu les conclusions déposées au greffe de la cour par la société Europacorp, les 12 janvier, 1er octobre 2015 et 21 janvier 2016 ;

Vu les conclusions déposées au greffe de la cour par le Président de l’AMF, les 20 février et 14 décembre 2015 ;

Après avoir entendu à l'audience publique du 18 février 2016 en leurs observations orales, les conseils de la société Europacorp, la représentante du Président de l' AMF et le Ministère public, la requérante ayant eu la parole en dernier et eu la possibilité de répliquer ;

Par son mémoire du 12 janvier 2015, complété par des conclusions des 1er octobre 2015 et 21 janvier 2016, la société Europacorp demande à la cour de :

Au titre de la fin de non- recevoir,

- Dire et juger irrecevable le recours formé à titre incident par le Président de l'AMF;

- Ecarter des débats l'intégralité de son argumentaire ;

- Constater que l'AMF n'a pas produit d'observations écrites ;

Au fond,

- Constater que l'AMF n'était pas fondée à sanctionner Europacorp à raison de la qualité de l'information contenue dans son communiqué de presse en date du 15 avril 2010 ;

- Constater que l'AMF n'était pas fondé à sanctionner Europacorp à raison de la qualité de l'information contenue dans ses comptes consolidés au 31 mars 2009 et 31 mars 2010 ;

- Constater que la sanction pécuniaire prononcée par l'AMF à l'encontre d'Europacorp n'est justifiée ni dans son principe ni dans son montant ;

En conséquence,

- Annuler ou réformer la  décision en date du 27 octobre 2014 aux termes de laquelle la Commission des sanctions de l'AMF a décidé de "prononcer à l'encontre de la société Europacorp une sanction pécuniaire de 200 000 € (deux cent mille euros)" à raison d'une prétendue violation de l'article 223-1 du règlement de l'AMF ;

En tout état de cause,

- Dire n'y avoir lieu à sanction ;

- Condamner l'AMF à verser à la société Europacorp la somme de 10000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner le Président de l'AMF ès qualité à verser à la société Europacorp la somme de 10000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Les condamner aux dépens.

A l'appui de ses demandes et à titre liminaire, sur la recevabilité du recours formé par le Président de l'AMF, la société Europacorp considère que ce recours est irrecevable aux termes de l'article 122 du code de procédure civile  et de l'article 6§1 de la  Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle fait valoir que le recours du collège, au sens des dispositions de l'article L. 621-30 du code monétaire et financier, est l'équivalent du recours du ministère public dans les procédures civiles et pénales, qu'en ce sens l'appel incident du ministère public ne saurait permettre à la Cour de statuer sur des questions étrangères à l'objet de l'appel principal l'ayant précédé, que les dispositions non attaquées par l'appel principal acquièrent l'autorité de la chose jugée. Elle considère que le Président de l'AMF, pour former un recours contre une décision de mise hors de cause, aurait dû respecter le délai de deux mois de l'article L. 621-30. Elle ajoute qu'aux termes de l'article R 641-46 du code monétaire et financier c'est à l'AMF, et non à son Président, de communiquer ses observations écrites, qu'au surplus, ces observations ont été communiquées le 14 décembre 2015, alors que la cour avait expressément donné à l'AMF un délai expirant le 8 septembre 2015 pour produire ses observations, qu'à cet effet, les écritures déposées hors délai, qui plus est par le Président de l'AMF agissant à titre personnel, doivent être sanctionnées d'irrecevabilité.

La société Europacorp conclut que l'exigence d'un procès équitable impose qu'une juridiction disciplinaire de première instance ne soit pas partie au recours contre ses propres décisions.

Quant au bien-fondé des manquements, la société Europacorp considère s'agissant du communiqué de presse du 15 avril 2010, que c'est à tort qu'elle a été sanctionnée à raison de manquements à l'article 223-1 du règlement général de l'AMF, relatif à l'obligation faite à l'émetteur coté de fournir au public une information exacte, précise et sincère. Elle soutient que l'utilisation du mot "perte" n'est pas fautive, car il ne s'agissait pas d'une information privilégiée au sens des dispositions de l'article 621-1 du règlement général de l'AMF. Elle ajoute que l'indication du très faible niveau attendu de la marge opérationnelle n'est pas une "indication bien moins claire et pertinente" que l'annonce d'un résultat négatif, qu'il est évident de déduire le fait que la société est en perte dès lors que sa marge opérationnelle est annoncée comme devant être "particulièrement réduite", que même un investisseur très peu averti l'aurait fait. Elle fait valoir que les analystes financiers, et le marché en général ont parfaitement intégré que cette communication constituait une prévision de pertes. Elle conclut que personne n'a été trompé sur l'importante dégradation financière de la société au cours des années 2009 et 2010, que les informations sont donc exactes, précises et sincères.

S'agissant de la description de la règle d'amortissement des frais préliminaires, la société Europacorp fait valoir que le rapport d'enquête ne remet pas en cause l'exactitude de la règle dans la mesure où seule son éventuelle imprécision est mentionnée et même si cette imprécision était caractérisée, elle ne serait pas suffisante pour justifier un manquement.

S'agissant des griefs écartés par la Commission des sanctions, la société Europacorp fait valoir, concernant la valorisation du logiciel Lisa, que l'information publiée dans les comptes consolidés au 31 mars 2009 et 2010 était exacte, précise et sincère, qu'à cet effet, c'est à bon droit que la Commission des sanctions de l'AMF a considéré que l'information en question ne contrevenait pas aux exigences de l'article 223-1 du règlement général de l'AMF.

Concernant la valorisation du goodwill de la société DogProductions, la société Europacorp soutient qu'aucun élément du dossier ne permet de déterminer un éventuel caractère exagérément optimiste de l'estimation produite dans les comptes consolidés au 31 mars 2009 et 2010, que l'information était exacte, précise et sincère, que le grief a été écarté à juste titre par la Commission des sanctions de l'AMF.

S'agissant de la sanction pécuniaire, la société Europacorp considère que la sanction n'est pas fondée car les deux manquements qui lui sont reprochés n'ont pu avoir un effet négatif sur la protection des investisseurs ou sur le bon fonctionnement du marché au sens des dispositions de l'article L. 621-14 du code monétaire et financier, qu'elle n'a commis aucun abus de marché au sens de l'article L. 621-15. Elle ajoute que la sanction n'est en aucune façon justifiée quant à son montant, celui-ci étant fixé conformément à l'article L. 621-15 en fonction de la gravité du manquement et des avantages ou profits tirés de ce manquement. La société Europacorp conclut qu'elle n'a retiré aucun profit de la publication litigieuse, et que le caractère grave des manquements reprochés apparaît considérablement exagéré.

Par son mémoire du 20 février 2015, le Président de l'AMF demande à la cour de :

- Rejeter l'ensemble des prétentions de la société Europacorp ;

- Réformer la décision entreprise en tant qu'elle n'a pas retenu les sous-griefs relatifs à l'information donnée au public par la société Europacorp dans ses comptes consolidés au 31 mars 2009 et au 31 mars 2010, concernant la valorisation pour chacun des exercices, du logicel Lisa et du goodwill de la société DogProductions.

- Confirmer la décision entreprise en tant qu'elle a retenu à l'encontre de la société Europacorp les manquements relatifs à la publication du communiqué de presse du 15 janvier 2010 concernant l'information donnée par la société Europacorp au public dans ses comptes consolidés au 31 mars 2009 et au 31 mars 2010 s'agissant de l'exposé de la règle des frais préliminaires ;

- Réformer la décision entreprise en tant qu'elle a prononcé à l'encontre de la société Europacorp une sanction pécuniaire de 200 000 euros ;

- Prononcer à son encontre une sanction pécuniaire de 300 000 euros.

Par son mémoire du 14 décembre 2015, le Président de l'AMF demande à la cour de:

Rejeter la fin de non-recevoir soulevée par le requérant dans son mémoire récapitulatif en réplique déposé le 1er octobre 2015 ;

Dire que le recours incident formé par le Président de l'AMF à l'encontre de la décision de la Commission des sanctions du 27 octobre 2014 et les moyens qu'il développe sont recevables.

S'agissant de la recevabilité du recours incident formé par le Président de l'AMF, l'Autorité considère qu'aux termes des dispositions de l'article L. 621-30 du code monétaire et financier, dans sa version applicable à l'époque des faits, il n'est fait aucune distinction entre le recours dit "principal" et le recours dit "incident". L'AMF fait valoir, à cet effet, que les textes applicables ne limitent pas le recours incident du Président de l'AMF à l'objet du recours principal, de sorte que le recours formé par le Président de l'AMF en l'espèce constitue un recours incident recevable. Elle ajoute qu'en aucune façon, il ne peut être déduit des articles 509 et 515 du code de procédure pénale que l'appel incident du ministère public est limité par l'objet de l'appel principal des autres parties. Elle conclut qu'en l'absence de texte ou de décision limitant l'objet de l'appel incident du ministère public à celui de l'appel principal, le Président de l'AMF a la possibilité de critiquer les points de la décision attaquée qui ne sont pas contestés par le requérant.

S'agissant de la recevabilité des moyens venant au soutien de la décision litigieuse, le Président de l'AMF soutient qu'aucun principe, aucune règle, ni aucune décision ne viendraient limiter les parties dans les observations qu'elles entendent soumettre à la Cour au soutient de leur prétention. Il conclut que rien ne s'oppose à ce qu'il présente à l'appui de son recours incident des moyens venant au soutien de certaines appréciations portées par la décision attaquée.

A l'audience, la société Europacorp a fait valoir, à titre liminaire, qu'elle s'opposerait à tout exposer oral qui serait présenté au nom de l'AMF.

Madame l'Avocate générale a conclu, à l'audience, à la confirmation de la décision entreprise.

Sur ce

I- Sur la procédure

Sur l'audience

En application de l'article R 621-46 §VII du code monétaire et financier, à l'audience, les parties sont entendues en leurs observations. Lorsque le Président de l’AMF n'a pas exercé de recours, celle-ci peut présenter des observations orales après les autres parties. (')

Dans la présente affaire, le Président de l’AMF ayant formé un recours incident, c'est Madame Alice G. expressément désignée par le Président de l'AMF pour le représenter qui a pris la parole en précisant qu'elle intervenait exclusivement au soutien dudit recours.

La demande de la société Europacorp est donc devenue sans objet.

Sur la fin de non-recevoir

La société Europacorp soulève l'irrecevabilité du recours incident du Président de l'AMF et fait valoir en premier lieu, que ce recours est nécessairement limité au seul objet du recours principal qui l'a précédé, en deuxième lieu, que son recours doit aussi être déclaré irrecevable en ce qu'il défend la décision de la Commission des sanctions, en troisième lieu, que les observations produites par le Président de l'AMF, le 14 décembre 2015, doivent être écartées car elles sont intervenues au-delà du délai posé par le calendrier procédural.

1°) S'agissant de l'objet du recours incident, aux termes de l'article L621-30 alinéa 2 du code monétaire et financier, " les décisions prononcées par la Commission des sanctions peuvent faire l'objet d'un recours par les personnes sanctionnées et par le Président de l’AMF, après accord du collège. En cas de recours d'une personne sanctionnée, le Président de l'autorité peut, dans les mêmes conditions, former un recours ".

En application de l'article R 621-46 § VI alinéa 2 du code monétaire et financier, " la cour d'appel peut, sur le recours principal ou incident du Président de l’AMF, soit confirmer la décision de la Commission des sanctions, soit l'annuler ou la réformer en tout ou partie, dans un sens favorable ou défavorable à la personne mise en cause. ".

En l'occurrence, selon l'analyse de la société Europacorp, le recours incident ne pouvait porter sur les sous-griefs qui avaient été écartés par la Commission des sanctions. Pour justifier cette limitation, elle compare le Président de l'AMF et le chef du parquet pénal et conclut qu'à l'instar de ce dernier, le Président de l’AMF exerce au nom du collège, les poursuites dans le domaine des marchés financiers réglementés. Elle rappelle qu'en matière criminelle, le procureur général ne peut faire appel de la décision d'une cour d'assises qui a acquitté un accusé.

Pour autant que cette comparaison soit opérante, la société Europacorp omet d'indiquer qu'en matière correctionnelle, l'appel incident du procureur de la République à l'égard d'un jugement qui a relaxé le prévenu est recevable. De manière générale, en matière correctionnelle, sur l'appel du parquet, qu'il soit principal ou incident, la cour se trouve saisie de la cause entière quant à l'action publique et dispose des pouvoirs les plus larges, puisqu'elle peut confirmer ou infirmer le jugement, en tout ou en partie, dans un sens favorable ou défavorable au prévenu.

2°) Il convient, en raison du caractère sui-generis de la procédure instaurée par les dispositions du code monétaire et financier, de s'en tenir à l'interprétation littérale des textes des  articles L621-30 et R621-46 du code monétaire et financier : en effet, l'article L621-30 précise que le recours principal est formé par " une personne sanctionnée " et l'article R621-46 qui énonce les pouvoirs de la cour d'appel en cas de recours principal ou incident du Président de l' AMF, ne fait pas dépendre l'étendue de ses pouvoirs, du fait qu'elle est saisie d' une décision qui sanctionne la totalité des griefs ou n' en sanctionne qu'une partie.

Il se déduit de cette absence de distinction, que la cour d'appel doit statuer non seulement à l'égard des griefs qui lui sont soumis par le recours principal mais aussi à l'égard de ceux qui lui sont soumis par le Président de l'AMF dans le cadre de l'appel incident, peu important qu'il s'agisse de griefs sanctionnés ou non en première instance.

En conséquence, le moyen tiré du fait que le Président de l’AMF ne serait pas recevable à invoquer des griefs non sanctionnés, doit être écarté.

3°) S'agissant du moyen relatif au fait que le Président de l'AMF défendrait la décision de la Commission des sanctions du chef des griefs qu'elle a sanctionnés et ainsi ne respecterait pas les exigences du procès équitable posées par l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, il y a lieu de rappeler, ainsi que le faisait observer la société Europacorp dans son précédent moyen, que le Président de l' AMF agit en qualité d'autorité de poursuite et ne représente pas l'organe de l'AMF qui prononce les sanctions. C'est d'ailleurs à lui seul qu'est ouvert le recours incident et non à la Commission des sanctions. Agissant dans ce cadre, le Président de l’AMF ne peut être assimilé à l'autorité décisionnelle de première instance et en tant que partie, peut demander confirmation de la décision sur les points qu'il estime fondés.

Il ne saurait donc lui être reproché de porter atteinte à l'impartialité de la cour d'appel.

Ce moyen sera aussi écarté.

4°) S'agissant du moyen tiré de la méconnaissance du calendrier procédural, il ressort de l'ordonnance rendue le 24 octobre 2015 par le magistrat délégué par le premier Président, que le calendrier avait été rédigé de la manière suivante : " L'AMF pourra déposer des observations sur la fin de non-recevoir du recours formé à titre incident par son Président au plus tard le 15 décembre 2015. "

En l'occurrence, les observations ont été légitimement déposées par le Président de l'AMF, le 14 décembre 2015, ce qui, à l'évidence, s'imposait puisqu'il était l'auteur du recours, en dépit de l'erreur matérielle commise dans l'ordonnance mentionnant l'AMF plutôt que son Président.

Le calendrier de procédure a pour finalité de permettre le respect du principe du contradictoire dans les échanges entre les parties avant l'audience.

En l'occurrence, dans la mesure où la société Europacorp en sa qualité de requérante principale avait soulevé dans son mémoire en réplique, l’irrecevabilité du recours incident formé par le Président de l'AMF, le magistrat délégué par le premier Président a fixé un nouveau calendrier de procédure pour permettre un nouvel échange de conclusions.

Dès lors que l'ordonnance a pour objet d'autoriser explicitement des observations en duplique à la fin de non-recevoir soulevée à la suite du recours incident et qu'elle a été notifiée à toutes les parties dont le Président de l'AMF, ce dernier a formé des observations qu'il a fait notifier dans le délai imparti par l'ordonnance. Il n'a donc pas porté atteinte aux droits de la défense.

Pour ces motifs, le moyen tiré de la tardiveté des observations en réplique du Président de l'AMF ne saurait être retenu.

En définitive, il ressort de l'ensemble des motifs sus-visés que l'appel incident du Président de l'AMF est recevable.

II- Sur le fond

Selon l'article 223-1 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers " l'information donnée au public par l'émetteur doit être exacte, précise et sincère. "

Sur les sept griefs reprochés à la société Europacorp au titre de l'obligation d'information susvisée, la Commission des sanctions de l’AMF en a retenu trois qui ont été sanctionnés, étant précisé que deux d'entre-eux concernent les comptes consolidés au 31 mars 2009 et 2010.

Les quatre autres qui ont été écartés, concernent aussi les comptes consolidés au 31 mars 2009 et 2010 et font l'objet du recours incident du Président de l'AMF.

Les sept griefs seront examinés successivement.

1°) Sur le grief concernant le communiqué de presse du 15 avril 2010

Il est reproché à l'émetteur, la société Europacorp, d'avoir délivré une information qui ne correspondait pas aux caractéristiques prévues par l'article 223-1 susvisé, en ce qu'elle a annoncé l’» anticipation d'une marge opérationnelle réduite malgré un chiffre d'affaire 2009-2010 attendu en forte hausse ".

Selon la Commission des sanctions, en omettant d'annoncer des résultats annuels prévisionnels, opérationnel et net, négatifs, le communiqué n'était pas suffisamment précis et sincère.

Pour justifier du caractère précis de l'information, la société Europacorp fait valoir que dans la mesure où il n'est pas fait grief à la société Europacorp de ne pas avoir communiqué une information privilégiée sur l'anticipation de résultats négatifs, les investisseurs n'avaient pas à être alertés sur cette information qui ne pouvait pas encore être considérée comme précise.

La société Europacorp ajoute qu'elle n'avait pas non plus à faire une information prévisionnelle sur les résultats (profit warning) au prétexte qu' un analyste financier aurait fait une prévision inadaptée.

Il lui est apparu aussi peu important qu'elle ne communique que sur la marge opérationnelle dès lors que les agrégats de " marge opérationnelle " et de " résultat opérationnel " sont corrélés puisqu'il suffit de déduire les frais généraux de la marge pour obtenir le résultat.

Mais il est constant qu'une information précise est une information complète. Cela implique, en particulier, que tous les éléments nécessaires à la compréhension de l'information soient donnés dans le communiqué.

Or la société Europacorp reconnaît elle-même que c'était à l'investisseur de déduire lui-même l'estimation du résultat à partir du communiqué qui n'évoquait que la marge opérationnelle et les frais généraux.

En outre, l'expression de " marge réduite " employée dans l'intitulé du communiqué, réitérée dans l'intitulé du paragraphe et seulement amendée dans le corps de celui-ci avec l'adverbe " particulièrement ", laisse penser qu'il y aura une diminution du résultat mais non un résultat négatif c'est-à-dire une perte.

Or même s'il s'agissait d'un communiqué prévisionnel, donc facultatif pour l'émetteur, ce dernier avait cependant l'obligation de délivrer une information complète, d'autant que c'était la première fois dans la vie de la société Europacorp, que ses résultats allaient être négatifs.

La société Europacorp fait valoir qu'aucun reproche ne lui a été adressé concernant les communiqués de presse des 12 novembre et 30 novembre 2009. A cet égard, il y a lieu d'observer que le premier communiqué de presse annonce dans les perspectives, un chiffre d'affaires qui se dégrade et par voie de conséquence, une marge opérationnelle " particulièrement réduite " ; quant au second, non seulement, il énonce dès l'abord " des résultats semestriels dégradés " mais ensuite, il décrit dans un tableau comparé des années 2009 et 2008, les agrégats financiers qu'il retient avec des données chiffrées, dont le chiffre d'affaires, la marge opérationnelle et les différents types de résultat.

Ainsi tant le communiqué prévisionnel du 12 novembre que celui du 30 novembre sur les résultats semestriels, ne laissent place à aucune ambiguïté.

En revanche, le communiqué litigieux du 15 avril 2010 annonce " un chiffre d'affaires en forte hausse " et une " marge opérationnelle réduite " ; cette description même qualitative, qui oppose implicitement une forte hausse à une baisse, ne permet pas de déduire une prévision de résultat négatif.

Pour tous ces motifs, l'information donnée au public dans le communiqué de presse du 15 avril 2010 qui était insuffisante, n'était pas précise.

Pour justifier du caractère sincère de l'information, la société Europacorp fait valoir que personne n'a été trompé sur l'importante dégradation de sa situation financière.

Cependant, il ressort des pièces communiquées et notamment :

- L'analyse de l'entreprise d'analyse financière Gilbert D. sur la valeur Europacorp en date du 15 avril 2010 dans laquelle l'analyste financier indique dans le paragraphe " avertissement sur les résultats ", "( ') nous allons donc être amenés à revoir en baisse nos estimations de résultats qui s'avèrent trop optimistes. Nous les actualiserons après un contact prévu avec le management prévu ce jour. " ;

- Le compte-rendu par le service de la direction des enquêtes de l’AMF de l'audition de l'analyste financier de Gilbert D. qui à la question " pourquoi aviez-vous besoin d'élément plus précis ", répond " le communiqué ne parlait que de résultat opérationnel réduit. Il me fallait des informations complémentaires pour pouvoir modéliser mes prévisions comme l'évolution des frais généraux ( ') " et à la question : " auriez-vous pu mettre à jour vos prévisions sur la simple base des informations énoncées par la société Europacorp dans leur communiqué de presse ", répond " ça aurait été vraiment hasardeux compte tenu du caractère très succint du communiqué et il est fréquent pour les analystes de mettre à jour leurs prévisions après une réunion avec la société. " ;

Ces éléments mettent en évidence que l'information diffusée par la société Europacorp dans le communiqué de presse du 15 avril 2010, en raison de son caractère insuffisant, était susceptible d'induire le public en erreur.

A cet égard, l'allégation de la société Europacorp selon laquelle l'analyste de Natixis ne s'était pas trompé, est insuffisante à prouver que l'information était sincère. En effet, l'analyse de Natixis, se limite à énoncer une tendance à savoir " la faiblesse des résultats " sans donner une estimation chiffrée comme le fait le cabinet Gilbert D..

Or, compte tenu du caractère succinct de l'information communiquée par la société Europacorp, le public pouvait en déduire aussi bien des résultats prévisionnels positifs que négatifs. L'information était aussi rendue trompeuse par son caractère incomplet.

En outre, elle ne correspondait pas au niveau de connaissance qu'avait la société Europacorp de ses prévisions financières au 15 avril 2010.

En effet, à la lecture des procès-verbaux du comité d'audit en date du 17 mars 2010 et de la délibération du conseil d'administration du 1er avril 2010 (pièces 32 et 34 de l'AMF), il est avéré que les dirigeants disposaient déjà, à ces dates, d'informations suffisamment précises sur les prévisions de résultats annuels négatifs pour l'exercice 2009-2010.

Pour tous ces motifs, l'information contenue dans le communiqué de presse du 15 avril 2010 n'était pas sincère.

En conclusion, le grief selon lequel l'information contenue dans le communiqué de presse du 15 avril 2010 n'était pas précise et sincère, est établi et les moyens de la société Europacorp doivent être rejetés.

2°) Sur l'exposé de la règle relative aux frais préliminaires

a) Dans les comptes consolidés arrêtés au 31 mars 2009

Le grief reproché à la société Europacorp porte sur l'énoncé de la règle de traitement des frais préliminaires qui figure dans les notes annexes aux comptes consolidés du 31 mars 2009.

Cette règle définit les frais préliminaires et leur traitement comptable.

Elle est ainsi énoncée : " Les frais préliminaires qui sont comptabilisés en immobilisations incorporelles conformément à la norme IAS38 représentent essentiellement les frais d'acquisition des droits d'exploitation cinématographiques existants (convention d'option) et les frais d'adaptation en vue de l'obtention d'un scénario dont le Groupe envisage à moyen terme la mise en production. Ils sont individualisés et revus projet par projet à chaque clôture. Les frais préliminaires n'ayant pas abouti à une décision de tournage de film sont considérés comme abandonnés et passés en charge au plus tard dans un délai de trois ans à compter de leur activation. Ce principe n'est cependant pas applicable pour les projets activés depuis plus de trois ans mais pour lesquels il existe des engagements de production spécifiques déjà signés. "

A la lecture de cette définition, il s'avère que les frais préliminaires sont d'un point de vue comptable, des investissements soumis aux normes comptables internationales IAS-IFRS, en l'occurrence la norme IAS 38.

La Commission des sanctions ne remet en cause ni la qualification des frais préliminaires en élément d'actif inscrit au bilan, ni le principe de leur dépréciation qui correspond à une consommation de ressources et les fait entrer dans le compte de résultat en tant que charge. Elle sanctionne le libellé de la dérogation au principe de dépréciation qui stipule que " le principe n'est pas applicable pour les projets activés depuis plus de trois ans mais pour lesquels il existe des engagements de production spécifiques déjà signés. "

La sanction se fonde sur le fait que cet énoncé est imprécis et inexact car ce n'est pas la signature d'un engagement de production qui conduit à ne pas passer en charges les frais préliminaires activés depuis plus de trois ans mais la décision de la direction générale de maintenir le projet car il a une chance d'aboutir.

La société Europacorp considère que le manquement n'est pas caractérisé concernant les comptes arrêtés au 31 mars 2009, dans la mesure où, d'une part, la Direction des enquêtes a considéré que ce point ne devait pas donner lieu à grief pour les comptes consolidés arrêtés au 31 mars 2011 alors que la rédaction était identique, d'autre part, que les engagements de production résultent d'une multitude de cas possibles comme " des autorisations de dépenser signées en interne aux équipes de développement, un pré-engagement d'acteur, un paiement fait à un auteur pour rectifier un script, des options diverses. ". Elle ajoute que ces engagements n'ont pas vocation à être rendus publics et qu'en tout état de cause, la modification de rédaction intervenue en 2012 est anodine.

En l'occurrence, au vu des pièces communiquées (pièces 36, 37,39 communiquées par l'AMF):

- Mémo de travail issu des dossiers de travail du cabinet des commissaires aux comptes concernant la revue des frais préliminaires au 31 mars 2009 qui fait référence à la règle de dérogation à la dépréciation au bout d'un délai de trois ans ainsi énoncée par eux : " ce principe n'est toutefois pas applicable pour les projets activés depuis plus de trois ans mais sur lesquels il existe des engagements déjà signés, ou pour lesquels le management estime que la probabilité que le projet passe en production est particulièrement élevé. " Ce mémo de travail explique aussi que deux projets de films comptabilisés en frais préliminaires depuis plus de trois ans, n'ont pas lieu d'être dépréciés car " ils l'ont compris ainsi à la suite d'une discussion avec le management " ;

- Procès-verbal d'audition de Monsieur Jean-Julien B., ancien directeur général de la société Europacorp qui, à la question de savoir qui prenait la décision de déprécier ou non un projet de film répond : " c'était une décision conjointe entre le producteur et moi. In fine c'est moi qui donnais l'instruction de déprécier le film, mais selon la probabilité de mise en production estimée par le producteur. "

- Procès-verbal d'audition de Monsieur Régis M., contrôleur financier, de la société Europacorp : " la décision de déprécier ou non le projet (de film) émanait de Monsieur Le P. (ex-producteur de la société Europacorp), du directeur financier et le cas échéant le directeur général et émane désormais du directeur général. Ils se basent sur leur connaissance du projet et je pense, sur l'avancement des discussions." Sur interpellation de la direction des enquêtes : " Il ne nous appartient pas à la direction financière de juger la pertinence de la décision de déprécier ou non les projets, prise par le DG. "

Il ressort que l'exposé de la dérogation au principe de dépréciation des frais préliminaires, en ce qu'il ne désigne comme critère de dérogation que des projets de film pour lesquels il existe des engagements de production déjà signés, est insuffisant à montrer que c'est en réalité, le directeur général qui décide de la dépréciation des frais préliminaires sur la base des informations qu'il reçoit des services de la société quant à la probabilité que le projet de film soit mis en production.

Le critère réel n'est donc pas un engagement signé par la société avec un tiers, mais un faisceau d'informations rendant probable la production d'un film.

D'ailleurs, la société Europacorp reconnait, tout en considérant que cette modification est anodine, que dans les comptes consolidés au 31 mars 2012 " afin de clarifier les éventuelles ambiguïtés que l'enquête aurait révélées " la dérogation fait, désormais, référence " à des marques d'intérêt réelles ou lorsque la société considère que la durée de développement ne remet pas en cause la probabilité de mise en tournage à terme du projet. "

Pour tous ces motifs, il est établi que l'énoncé de la règle de dépréciation des frais préliminaires dans l'annexe aux comptes consolidés arrêtés au 31 mars 2009, est une information communiquée au public qui n'était à ce jour, ni exacte, ni précise.

b) Dans les comptes consolidés arrêtés au 31 mars 2010

Il n'est pas contesté par les parties que la règle de dépréciation des frais préliminaires est la même au 31 mars 2010 que dans les comptes arrêtés au 31 mars 2009 et qu'elle a été appliquée de la même manière par la société Europacorp.

Dans ces conditions, l'énoncé de la règle de dépréciation des frais préliminaires dans l'annexe aux comptes consolidés arrêtés au 31 mars 2010, est une information communiquée au public qui n'était à ce jour, ni exacte, ni précise.

3°) Sur la valorisation du logiciel Lisa

a) Dans les comptes consolidés arrêtés au 31 mars 2009

En février 2008, dans le cadre de l'acquisition de la société Roissy Films, la société Europacorp a obtenu le logiciel LISA qui avait permis à cette société de gérer son catalogue de 500 films. Ce logiciel, conçu par un salarié de la société, était utilisé à la fois dans le cadre interne et par des tiers, tels TF1, Pathé, UGC, MK2. La société Roissy Films avait confié à titre gratuit à la société Infotel, la maintenance du logiciel, à charge pour elle de se faire rémunérer par les clients finaux.

Le prix d'acquisition de la société Roissy Films par la société Europacorp s'est élevé à 41,4 M€ dont 2M€ au titre du logiciel LISA.

Ce logiciel a été reconnu séparément du goodwill et enregistré dans les comptes consolidés de la société Europacorp au 31 mars 2008, au titre des immobilisations incorporelles pour une valeur de 2M€, avec un amortissement linéaire de 200 000 euros par an.

Au vu du mémo interne en date de novembre 2009 des commissaires aux comptes communiqué aux débats par l’AMF ( pièce 5), " l'évaluation de 2 M€ correspondait, selon la direction de la société la société Europacorp, à l'estimation du coût d'acquisition minimal que le groupe la société Europacorp aurait eu à débourser pour l'acquisition d'un outil informatique comparable. La valeur économique de cet actif était également justifiée par les flux futurs attendus de l'exploitation des droits de licence détenus par le groupe sur cet outil. "

La notification de grief porte sur la justification de la valorisation du logiciel dans les comptes consolidés arrêtés au 31 mars 2009.

La Commission des sanctions a décidé d'écarter ce grief, au motif qu'en l'absence d'indice de perte de valeur, aucun test de dépréciation ne devait être effectué.

Le Président de l’AMF a formé un recours incident sur ce point, considérant que les griefs liés au logiciel LISA ne sont pas fondés sur une erreur de valorisation mais sur le fait que la société Europacorp n'a pas suffisamment documenté la valeur de son actif au bilan et n'a donc pas donné de crédibilité à la valeur retenue et présentée dans ses comptes consolidés. Par conséquent, l'information concernant la valeur du logiciel LISA ne serait ni précise, ni exacte, ni sincère.

En défense, la société Europacorp fait valoir que la question des tests de dépréciation liés à la projection de flux de trésorerie directement générés par le logiciel, n'est pas directement pertinente, s'agissant d'un actif essentiellement destiné à l'usage interne. En tout état de cause, compte tenu des difficultés de sa commercialisation, la société Europacorp a décidé d'accélérer la dépréciation de ce logiciel en deux temps, au-delà de l'amortissement annuel initial prévu sur 20 ans.

En l'espèce, la cour relève que dans la note annexe aux comptes consolidés, il est précisé que " le poste- autres immobilisations incorporelles- est essentiellement constitué des droits afférents au logiciel LISA, acquis en même temps que la société Roissy Films et qui ont été valorisés, lors de l'allocation de première acquisition de cette société, à deux millions d'€. Au 31 mars 2009, ce logiciel est amorti à hauteur de 200 000 €. "

Selon la norme IAS36, en cas d'identification d'un indice selon lequel un actif pourrait avoir perdu de sa valeur, il convient d'évaluer la valeur recouvrable de ce dernier par un test de dépréciation d'actif.

Au vu des pièces communiquées aux débats (5,8,10,17,40 par l'AMF) :

-mémo interne en date de novembre 2009 des commissaires aux comptes : " notre compréhension est qu'à ce jour, les droits de licence (du logiciel LISA) n'ont généré aucun revenu pour le Groupe, et que les renégociations de contrats de licence avec les utilisateurs de ce logiciel n'ont pas encore été entamées. Compte tenu de ces faits, nous souhaiterions obtenir des informations concernant la justification de la valeur économique de cet actif au 31 mars 2009. ". Cette note fait ensuite état de la consultation juridique demandée par la société Europacorp en mai 2009 au cabinet d'avocats Feral-Schuhl-Sainte-Marie et déduit de cette consultation, qu'une rénégociation des termes du contrat de maintenance et de partenariat conclu avec Infotel est nécessaire ; ce mémo conclut que dans la mesure où cette dernière ne répond pas aux courriers qui lui sont envoyés et refuse la restitution des codes sources, " une phase contentieuse est envisageable. " ;

-extrait de la synthèse des commissaires aux comptes sur les comptes consolidés clos au 31 mars 2009 présenté au comité d'audit du 11 juin 2009, relatif au logiciel Lisa, dans laquelle ils demandent des informations concernant la justification du maintien de la valeur économique de cet actif au 31 mars 2009 ;

- procès-verbal de l'audition par les enquêteurs de la Direction des enquêtes de la société L., commissaires aux comptes " ce logiciel (LISA) était un point d'attention pour le collège des commissaires aux comptes. Tous les six mois, nous demandions au DAF où ils en étaient. Nous avons constaté que l'utilisation du logiciel n'était pas étendue aux films déjà terminés de la société Europacorp, comme annoncé au départ. Nous avons également constaté qu'aucun accord de commercialisation n'avait été conclu pour ce logiciel et donc qu'aucune redevance n'avait été perçue. ".

A la question des enquêteurs qui observent que ce logiciel n'est pas intégré au goodwill et demandent s'il peut être considéré comme une immobilisation incorporelle parce qu'il est générateur de flux futurs, le commissaire aux comptes répond " oui, (') il générait une économie de flux du fait de l'absence de paiement de la maintenance et la société Europacorp avait prévu de le commercialiser, ce qui aurait été source de de flux complémentaires.

Question : c'est donc que les flux futurs étaient prévus et pris en compte '

Réponse : oui. S'ils avaient voulu l'exploiter en interne, ils ne l'auraient peut-être pas isolé. Nous n'aurions peut-être pas accepté qu'il soit valorisé indépendamment et amorti en interne. "

-lettre d'affirmation sur les comptes consolidés au 31 mars 2009 indiquant que " au mieux de notre connaissance, nous vous confirmons que la valeur économique de cet actif est justifiable par le déploiement et l'utilisation du logiciel au sein du Groupe et des flux futurs attendus de l'exploitation par tous moyens des droits détenus par le Groupe la société Europacorp sur cet outil. (') Au 30 septembre 2009, le Groupe procèdera à une réévaluation de cet actif en fonction de l'avancement de ses négociations pour concéder des droits d'utilisation sur le logiciel et des objectifs de revenus relatifs. " ;

Il ressort qu'entre la date d'acquisition de la société Roissy Films en février 2008 et la date d'arrêté des comptes le 31 mars 2009, aucun revenu n'a été généré par le logiciel LISA.

Or s'agissant d'une immobilisation incorporelle, la norme IAS38 stipule que les éléments immatériels sont immobilisés à condition que l'entreprise puisse en retirer des avantages économiques futurs et que le coût de ces actifs puisse être mesuré de façon fiable.

Dans la mesure où la société Roissy Films avait tiré des ressources de ce logiciel par la vente de licences d'utilisation, l'anticipation par la société Europacorp de flux futurs générés par l'exploitation du logiciel était concevable.

Cependant, à la fin du premier exercice comptable, la société Europacorp n'avait effectué aucune démarche en ce sens et le contrôleur financier lors de son audition devant Madame le rapporteur de la Commission des sanctions a indiqué qu'il " n'y avait pas de personnel dédié à la commercialisation du logiciel et ce n'était pas la priorité. "

Celui-ci reconnait aussi qu'il n'y a pas de document permettant de justifier du processus de valorisation du logiciel, que " les échanges ont été surtout oraux ".

Il est ainsi établi qu'à la date du 31 mars 2009, il n'y a pas eu de revenu généré par le logiciel et, de surcroît, les projections de flux de trésorerie par l'exploitation du logiciel ne reposent sur aucun document exposant un raisonnement financier fiable concernant l'évaluation de ces flux.

Or il appartient à la société Europacorp de justifier de la valorisation retenue pour ces actifs.

En l'absence de commercialisation du logiciel au 31 mars 2009 et alors qu'aucune démarche n'avait encore été faite à cette date et qu'aucune priorité n'était accordée à cette commercialisation, il ne pouvait être affirmé que l'absence de revenus était due à un retard dont il n'est pas établi qu'il était involontaire pour être pertinent.

Compte tenu de l'absence de volonté caractérisée de la société Europacorp de commercialiser le logiciel LISA, il ne pouvait être déduit que la performance économique de ce logiciel serait bonne à la fin de l'exercice 2009.

Il se déduit, au contraire, de cette absence de volonté un indice de perte de valeur au sens du paragraphe 12 de la norme IAS36 et les démarches ultérieures qu'elle entreprendra à la demande des commissaires aux comptes, ne suffisent pas à démentir cette attitude.

Compte tenu de l'indice de perte de valeur, la société Europacorp aurait dû procéder à un test de dépréciation de la valeur du logiciel Lisa.

A défaut, la valeur retenue au titre de l'immobilisation incorporelle représentée par le logiciel LISA dans les comptes consolidés n'est pas fiable. La valeur communiquée au public ne revêt donc pas les caractères d'une information exacte, précise et sincère.

La décision de la Commission des sanctions sera, en conséquence, réformée concernant ce grief.

c) Dans les comptes consolidés arrêtés au 31 mars 2010

Compte tenu des importantes incertitudes juridiques qui sont apparues au cours de l'exercice 2009-2010 quant à la renégociation du contrat passé avec la société Infotel et donc sur la capacité de ce logiciel à générer des revenus pour la société Europacorp, il n'est pas contesté qu'il existait un indice de perte de valeur justifiant qu'elle procède à un test de dépréciation.

En outre, les éléments communiqués par la société Europacorp aux enquêteurs pour justifier de la valorisation du logiciel LISA (pièce 10) qui reposent sur l'estimation du coût minimal qu'elle aurait dû décaisser pour l'acquisition d'un logiciel équivalent et sur une estimation des revenus de maintenance espérés, ne répondent ni au principe de permanence des méthodes comptables, ni aux principes énoncés dans la norme IAS36.

A défaut pour la société Europacorp de justifier, selon des règles reconnues, la valeur retenue dans ses comptes arrêtés au 31 mars 2010, il n'est pas établi que cette valeur communiquée au public est exacte, précise et sincère.

La décision de la Commission des sanctions sera donc réformée sur ce point.

4°) Sur la valorisation du goodwill de la société DogProductions

La société DogProductions, qui a été créée par Monsieur Luc B. en vue de produire des films publicitaires, a été acquise en 2002 par la société Europacorp.

La valeur nette de l'écart d'acquisition ou " goodwill " de la société DogProductions était de 1,72M€ dans les comptes consolidés arrêtés au 31 mars 2009.

Le goodwill a été intégralement déprécié au 31 mars 2011 et l'annexe des comptes consolidés indique que " le suivi des valeurs des écarts d'acquisition a fait apparaître des pertes de valeur au 31 mars 2011. Les dépréciations suivantes ont donc été comptabilisées au cours de l'exercice: 1727 milliers d'euros sur l'écart d'acquisition relatif à l'entité DogProductions. "( rapport d'enquête annexe 3-11).

Il est constant que des tests de valorisation ont été effectués pour les exercices clos le 31 mars 2009 et le 31 mars 2010, mais ils n'ont pas été suivis de dépréciation du goodwill.

Le grief reproché à la société Europacorp consiste à ne pas avoir justifié " de manière suffisamment documentée " la valeur d'un écart d'acquisition qui aurait dû entrainer la comptabilisation d'une dépréciation.

Il ressort de la décision de la Commission des sanctions qu'elle n'a pas retenu de manquement au titre de ces griefs pour les comptes consolidés au 31 mars 2009 et au 31 mars 2010.

a) sur la valorisation du goodwill dans les comptes consolidés au 31 mars 2009

La Commission des sanctions fonde sa décision sur le fait qu'elle ne disposait pas des éléments nécessaires lui permettant d'établir que la société Europacorp aurait dû enregistrer une dépréciation du goodwill de DogProductions au 31 mars 2009, au surplus pour la totalité de sa valeur nette comptable.

A l'appui de son recours incident, le Président de l’AMF fait valoir qu'aucune pièce ne vient étayer le budget prévisionnel 2009-2010, pas plus que les trois projets de films publicitaires cités dans le chiffre d'affaires prévisionnels ; il ajoute que de surcroît, le rapport de gestion de DogProductions n'évoque pas les mêmes projets, ce qui démontre l'absence totale de fiabilité des éléments pris en compte dans le projet de budget prévisionnel. La société Europacorp étant dans l'incapacité de justifier du maintien de la valeur du goodwill de DogProductions à hauteur de 1,7M€ à son bilan, l'information communiquée au public ne lui confère pas le caractère de précision et d'exactitude requis.

Pour justifier le maintien de la valeur du goodwill dans les comptes consolidés, la société Europacorp fait valoir que des tests de dépréciation ont été effectués et que les hypothèses retenues dans le business plan représentaient " la meilleure estimation de la direction concernant l'ensemble des conditions économiques " au sens du paragraphe 33 de la norme IAS36.

Au vu des pièces communiquées (par l’AMF :15, 17 ) :

- Procès-verbal d'audition par les enquêteurs de Monsieur Hervé M., producteur chez DogProductions de septembre 2009 à septembre 2010 :

A la question sur les éléments sur lesquels il se basait pour déterminer les prévisions de DogProductions, il répond " de manière générale, pour les différents projets, il s'agissait d'une discussion avec les clients. L'objectif était avant tout de relancer l'activité de DogProductions . "

- Procès-verbal de l'audition du cabinet de commissaires aux comptes L. par Madame le rapporteur de la Commission des sanctions

A la question : à quel moment, le budget prévisionnel est-il réalisé et est-ce le seul document qui vous est présenté, il est répondu : " Sur DogProductions, oui. Je comprends que le document peut paraître succint. Mais il ne s'agit que de DogProductions. Les documents relatifs à la société Europacorp sont bien davantage documentés.

Dans ce document, il y a quand même des libellés avec des commentaires. Ce type de document est préparé par la direction opérationnelle de DogProductions et revu par le contrôle de gestion de la société Europacorp. Les chiffres sont documentés et challengés en interne par le contrôle de gestion de la société Europacorp. " ;

A la question : Pouvez-vous nous expliquer cette différence entre le montant de la valeur recouvrable du goodwill de DogProductions ( ici valeur d'utilité) hors projet de Luc B. qui est de 1,8M€ pour le cabinet de commissaires aux comptes E.&Y. , alors qu'elle est de 2,6M€ selon vous '

Réponse : son calcul doit résulter de son test d'impairment incluant une analyse de sensibilité.

En conclusion de l'entretien, le commissaire aux comptes Monsieur L. intervient pour déclarer que " dans le grief concernant le goodwill de DogProductions, il s'agit de savoir sur quel exercice, il convenait de déprécier l'actif. Nous avons jugé qu'il convenait en fonction des circonstances, de laisser à la société le temps nécessaire pour mener à bien les engagements qu'elle avait pris devant nous. C'est quand il est apparu que ces engagements n'étaient pas tenus que nous avons décidé de demander la dépréciation de ces deux actifs. Le service des enquêtes a un jugement différent 3 ou 4 ans après les faits. (') Je souhaite souligner que nous sommes sur une divergence d'appréciation des faits et non sur une divergence d'application des règles d'audit ou des règles comptables. ",

il ressort de ces déclarations, qu'aucun engagement formalisé, ne serait-ce que précontractuel, ne vient étayer l'élaboration des prévisions de revenu qui auraient permis à la société Europacorp de maintenir la valeur de son actif dans ses comptes.

Or selon la norme IAS36, pour effectuer le test de valorisation du goodwill, il est nécessaire d'estimer la juste valeur et la valeur d'utilité de l'actif et de retenir la plus élevée des deux, pour établir la valeur recouvrable d'un actif et la comparer à sa valeur nette comptable.

L'annexe aux comptes consolidés arrêtés au 31 mars 2009 précise les modalités d'application de la règle d'évaluation de la valeur d'utilité, en spécifiant que " les flux futurs de trésorerie correspondent à des prévisions de trésorerie à 5 ans extrapolés au-delà de cet horizon à l'infini par l'application d'un taux de croissance de 2% et actualisé à un taux approprié à la nature des activités, soit 10,5%. "

Mais elle ne contient aucune précision quant aux projets retenus pour effectuer le test.

En outre, selon les observations du Président de l'AMF, non contestées sur ce point, le budget prévisionnel de la société Europacorp ne désigne pas les mêmes projets que le rapport de gestion de DogProductions au 31 mars 2009.

Ces éléments suffisent à démontrer que les documents financiers communiqués au public au titre des comptes consolidés arrêts au 31 mars 2009, ne sont pas fiables.

Il ne saurait être argué de la norme IAS36§134d) qui autorise une société à ne pas communiquer au public une description de chacune des hypothèses clés sur lesquelles elle a fondé ses projections de trésorerie ni une description de son approche pour déterminer les valeurs affectées à chaque hypothèse clé, lorsque la valeur comptable du goodwill affectée à l'unité, n'est pas importante par comparaison à la valeur comptable totale des goodwill de l'entité.

En effet, s'il n'est pas contesté que le goodwill de DogProductions ne représentait que 13% de la valeur totale des goodwills du groupe alors que le goodwill de Roissy Films en représentait 84% , il ressort d'un document interne du cabinet d'audit E.&Y. communiqué ( pièce AMF 26) que le goodwill de DogProductions est cité parmi les trois goodwill les plus significatifs de la société.

Par ailleurs, ce n'est pas parce qu'il n'y a pas lieu d'alourdir la documentation des comptes consolidés s'agissant de goodwill sans importance, que pour autant, la société qui valorise le goodwill de ses actifs, quelle que soit leur importance, est dispensée de pouvoir expliciter par des éléments fiables son estimation.

En l'espèce, aucune des pièces communiquées ne permet de déterminer avec certitude les données prises en compte par la société Europacorp pour évaluer le goodwill de la société DogProductions au 31 mars 2009.

Dans ces conditions, à défaut de connaître avec certitude les données d'évaluation du goodwill, l'information communiquée au public concernant le goodwill de la société DogProductions arrêté au 31 mars 2009, ne revêtait pas les caractères d'une information exacte, précise et sincère.

La décision de la Commission des sanctions sera réformée sur ce point.

b) sur la valorisation du goodwill dans les comptes consolidés au 31 mars 2010

La Commission des sanctions fonde sa décision sur le fait que si le test de dépréciation se révèle insuffisant en termes de justifications et de documentation des hypothèses au regard de la norme IAS36, néanmoins les circonstances de l'espèce permettent de considérer qu'au jour de la publication des comptes consolidés et de leur annexe, les prévisions prises en compte justifiant le maintien de la valorisation de DogProductions à 1,7M€ apparaissent raisonnables, puisque le chiffre d'affaires retenu pour effectuer le test est déjà atteint et que d'autres contrats sont en cours de finalisation; au surplus, la société Europacorp a attiré l'attention des investisseurs sur la sensibilité du test réalisé.

A l'appui de son recours, le Président de l’AMF fait valoir comme précédemment, la différence entre les projets de film pris en compte dans le budget prévisionnel sur la base duquel est effectué le test de valorisation et les projets énoncés dans le rapport de gestion de DogProductions, démontrant à nouveau l'absence de fiabilité des éléments pris en considération par la société Europacorp pour effectuer le test de dépréciation du goodwill au 31 mars 2010. Il ajoute qu'aucun élément ne vient non plus justifier la marge de 19% retenue pour les 5 exercices à venir alors qu'elle n'était que de 15% dans les prévisions de l'exercice précédent et que ce dernier avait confirmé les mauvais résultats de la société depuis plusieurs années.

Concernant les comptes consolidés au 31 mars 2010, la société Europacorp fait valoir le même argumentaire que précédemment.

Au vu des pièces communiquées (par l’AMF :22,24,25,26,36):

- Courriel de Monsieur Regis M. à Monsieur Raphael D., DAF, en date du 6 mai 2010 et qui a pour objet " Impairment Dog et Intervista " :

" nous avons à l'actif des comptes conso, un goodwill sur Dog (1727k€). Nous avons fait, comme pour chaque clôture annuelle, un premier projet de test d'impairment. Celui-ci ne fait pas apparaître de perte de valeur (on a travaillé dans ce sens') mais j'attire ton attention sur le fait qu'on est vraiment très, très limite'

Nous ne sommes donc pas à l'abri (loin de là) d'un éventuel ajustement ds cacs en la matière. J'estime le risque d'ajustement éventuel entre 500K€ et 1000k€. Ce risque d'ajustement est chaque année plus élevé compte tenu du montant des pertes récurrentes réalisées par l'entité concernée." ;

- Procès-verbal de la réunion du comité d'audit du 16 juin 2010 : " concernant la valorisation du goodwill de DogProductions et qui s'élève à une valeur nette de 1,7M€, les commissaires aux comptes considèrent que les hypothèses retenues sont ambitieuses. Ils s'assureront donc, lors des prochaines clôtures, de la cohérence de ces estimations. Monsieur X (membre du comité d'audit) souligne que le goodwill constaté sur la société DogProductions est peu significatif au regard de celui constaté sur la société Roissy Films qui s'élève à 15,7M€. Il demande alors si cette valorisation est justifiée et fait l'objet d'un suivi. Monsieur Régis M. précise que le test d'impairment consistant à rechercher d'éventuels indices de pertes de valeur relatives à cet actif est en cours de réalisation ('). "

- Procès-verbal d'audition de Monsieur Regis M., contrôleur financier de la société Europacorp, à la question portant sur le courriel susvisé mentionnant " on est vraiment très très limite " , lui demandant ce qu'il voulait dire par cette expression, il répond " je voulais attirer l'attention de mon supérieur sur le fait qu'on avait du mal à développer cette activité. A l'époque, mon avis, ce qui n'engage que moi, était qu'il fallait passer par une dépréciation, mais je ne suis pas forcément compétent pour apprécier la capacité à développer cette activité et à la conduire. "

- Test de dépréciation du goodwill de DogProductions au 31 mars 2010 dressé par la société Europacorp qui fait apparaître au 31 mars 2010 un résultat net avant impôt de -314 762 € et pour les 5 années suivantes, prévoit un résultat net avant impôt en augmentation de 19% ;

- Note du cabinet de commissaires aux comptes E. et Y. rappelant qu'au 31 mars 2011, les goodwills les plus signicatifs de la société Europacorp sont DogProductions , Roissy Films et la société Europacorp Télévision ; qu'un indice de perte de valeur a été identifié à la fin de l'exercice clos le 31 mars 2010 " La direction de la société Europacorp nous a affirmé être en cours de réorganisation de la structure de la société, pour diminuer ses frais fixes et nous a présenté un budget prévisionnel dégageant un résultat bénéficiaire à court terme. Au 31 mars 2011, la réorientation stratégique autour du concept de " Brand Content " ne répond plus aux hypothèses qui nous avaient été présentées l'année précédente. Le goodwill de Dog est donc déprécié au 31 mars 2011. "

il ressort de ces documents, que l'évaluation du goodwill n'est fondée sur aucune donnée certaine, que l'un des projets, qui est justifié par un contrat et une facture communiqués à la cour ( pièces 28 et 30) et postérieurs à l'arrêté des comptes consolidés clos au 31 mars 2010, n'apparait pas dans le budget prévisionnel de la société Europacorp mais seulement dans le rapport de gestion de DogProductions.

En outre, il s'agit d'un projet exceptionnel à partir duquel il ne peut être déduit que l'activité de films publicitaires de DogProductions est relancée alors que cette société qui employait dans le passé une cinquantaine de salariés, n'en emploie plus qu'un dans le cadre d'un contrat à durée déterminée, qu'il ressort de l'audition de ce salarié, Monsieur Hervé M., que Monsieur Luc B., fondateur de la société Europacorp n'était pas intéressé de " travailler dans la publicité " et que depuis 2006, la société connait une baisse d'activité progressive.

Cette situation est corroborée à la fois par la déclaration faite par Monsieur M., contrôleur de gestion de la société Europacorp dans le procès-verbal d'audition sus-visé qui observe dans le cadre de ses fonction, qu’» on avait du mal à développer l'activité de DogProductions. " et par les observations des commissaires aux comptes lors de la réunion du comité d'audit.

Dès lors les taux d'actualisation retenus par la société Europacorp pour évaluer les flux de trésorerie des 5 années futures et que rappelle l'annexe aux comptes consolidés arrêtés au 31 mars 2010, ne sont étayés par aucune donnée fiable qui la rendrait sincère.

Pour ces motifs, à défaut de fiabilité sur les données d'évaluation du goodwill, l'information communiquée au public concernant le goodwill de la société DogProductions arrêté au 31 mars 2010, ne revêt pas les caractères d'une information exacte, précise et sincère.

La décision de la Commission des sanctions sera réformée sur ce point.

5°) Sur la sanction

Il ressort de la décision contestée que la Commission des sanctions a prononcé une sanction de 200 000 euros à l'encontre de la société Europacorp sur le fondement de l'article L621-15 II c) au titre de trois manquements sur les sept griefs qui avaient été notifiés à la société Europacorp, considérant qu'ils portaient atteinte à la qualité de l'information donnée au public.

Dans le recours incident, le Président de l' AMF invite la cour à aggraver la sanction prononcée, soulignant que les manquements relatifs à la valorisation des actifs incorporels dans les comptes consolidés sont d'autant plus importants que leur évaluation peut être délicate car elle requiert plus particulièrement la mise en œuvre d'estimation par la société et qu'en outre pour le goodwill de DogProductions, elle avait spécifié dans l'annexe des comptes consolidés arrêtés au 31 mars 2010, que " le suivi des valeurs d'acquisition n'avait pas fait apparaître de perte de valeur " et l'avait accompagné d'un test de sensibilité , pour conforter et rassurer l'investisseur dans sa perception de la décision de la société de maintenir la valeur du goodwill, alors qu'elle savait qu'elle n'avait pas réalisé le test de dépréciation conformément aux prescriptions de la norme IAS36.

La société Europacorp fait valoir que la sanction n'est justifiée ni dans son principe, ni dans son montant.

Elle considère qu'il n'est pas démontré que les manquements ont porté atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché.

Concernant le communiqué de presse du 15 avril 2010, elle estime qu'il ne contenait pas d'information trompeuse et s'agissant du manquement au titre des frais préliminaires, elle rappelle que la direction des enquêtes n'avait pas retenu de grief au titre de l'exercice comptable 2010-2011, alors que la rédaction de la dérogation au principe de dépréciation n'avait pas encore été modifiée.

De manière générale, la cour rappelle que la sanction des manquements est soumise au principe de proportionnalité et de nécessité.

En l'occurrence, s'agissant de chacun des sept griefs notifiés à la société Europacorp, ils ont été examinés dans les motifs susvisés et il a été établi qu'ils correspondaient à des manquements à l'obligation de l'émettrice de communiquer au public une information exacte, précise et sincère. Ces manquements à la qualité de l'information communiquée au public par l'émettrice portent atteinte par nature à la protection des investisseurs.

Compte tenu du nombre de manquements retenus à l'encontre de la société Europacorp et du fait que quatre d'entre-eux portent sur des éléments incorporels dont l'évaluation dans les comptes consolidés communiqués au public, est effectuée sur la base de l'estimation faite par l'émettrice elle-même, il est nécessaire de prononcer une sanction qui, au regard de la nature et de la gravité des faits et des circonstances qui les entourent et qui viennent d'être rappelées et en l'absence d'élément justifiant de la situation financière actuelle de la société Europacorp, sera fixée à 300 000 euros.

La décision de la Commission des sanctions sera réformée sur ce point.

III- Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées.

La société Europacorp est condamnée aux dépens de l'appel.

Par ces motifs, la Cour

Dit recevable l'appel incident du Président de l'AMF ;

Réforme la décision de la Commission des sanctions en tant qu'elle n'a pas retenu les griefs (ou sous-griefs) relatifs à l'information communiquée au public par la société Europacorp dans ses comptes consolidés arrêtés au 31 mars 2009 et 31 mars 2010 concernant la valorisation du logiciel LISA et du goodwill de DogProductions;

Réforme la décision de la Commission des sanctions en tant qu'elle a prononcé à l'encontre de la société Europacorp, une sanction de 200 000 euros ;

Statuant à nouveau :

- Prononce à l'encontre de la société Europacorp une sanction pécuniaire de 300 000 euros ;

- Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la société Europacorp aux dépens de l'appel.