Cass. com., 21 juin 2017, n° 15-11.154
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 novembre 2014), que par un contrat du 3 décembre 2009, la société Yack énergie (la société Yack) a confié à la société Air la construction de bâtiments, en vue de l'exploitation d'une installation photovoltaïque dont l'électricité serait revendue à la société EDF, stipulant une condition suspensive relative à l'obtention, par la société Yack, d'un financement ; que reprochant à la société Yack l'abandon du projet, la société Air l'a assignée en résiliation du contrat à ses torts et en paiement de la clause pénale ; que la société Yack a soulevé une exception d'incompétence territoriale ; que la société Air a été mise en liquidation judiciaire, Mme X... étant désignée mandataire liquidateur ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Yack fait grief à l'arrêt de dire mal fondée l'exception d'incompétence territoriale alors, selon le moyen :
1°/ que si des stipulations spéciales peuvent déroger aux stipulations générales c'est à la condition que leur objet et leur champ d'application soient précisément délimités ; qu'à défaut de telles précisions, les clauses attributives de compétence qui se contredisent ou sont inconciliables sont inapplicables et laissent place à l'application des règles de compétence de droit commun ; qu'en faisant application de l'une de ces clauses au seul motif qu'elle figurait formellement dans une partie du contrat consacrée à diverses « conditions particulières » sans s'expliquer sur son objet particulier et son champ d'application et en écartant par là même une clause qui recouvrait expressément tous les cas de contestations relatifs à « l'exécution du présent contrat », la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134 du code civil, ensemble les articles 42 et 48 du code de procédure civile ;
2°/ qu'une clause figurant parmi les conditions particulières d'un contrat n'a vocation à prévaloir sur une clause insérée parmi les conditions générales que s'il est établi que la première a fait l'objet de la part de la partie à laquelle elle est opposée d'un examen particulier, plus attentif que celui qui a porté sur des conditions générales empruntées à un modèle de contrat standardisé ; qu'en ayant fait prévaloir la clause attributive de compétence territoriale insérée dans les conditions dites spéciales sur la clause générale, sans constater que la société à laquelle cette clause était opposée y avait porté une attention particulière en participant activement à sa négociation et, plus généralement, sans donner de justification à ce choix qui ne s'imposait pas dans un contrat non standardisé, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard des articles 42 et 48 du code de procédure civile ;
3°/ que si une clause peut déroger aux règles de compétence territoriale lorsqu'elle a été convenue entre des personnes ayant contracté en qualité de commerçant, c'est à la condition qu'elle ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à laquelle elle est opposée et qu'elle soit dépourvue de toute équivoque ; qu'il n'en va pas ainsi lorsqu'une convention comporte deux clauses attributives de compétence territoriale contradictoires et inconciliables du fait que leur champ d'application respectif n'est pas précisé et que rien n'indique que l'une ait fait l'objet d'un examen plus attentif que l'autre de la part des parties ; que de telles clauses doivent être réputées non écrites et laisser place à l'application des règles légales de compétence ; qu'en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel a violé l'article 48 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que si les conditions générales du contrat indiquaient qu'en cas de contestation sur son exécution, il serait fait attribution de juridiction aux tribunaux de Montpellier, les parties avaient, par les conditions particulières de ce même contrat, spécifiquement stipulé qu'en cas de désaccord, elles en faisaient attribution au tribunal de commerce de Paris, l'arrêt retient que les dispositions spéciales dérogent aux stipulations générales ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire que les parties avaient ainsi expressément exprimé leur intention de porter tout différend devant le tribunal de commerce de Paris ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Yack fait grief à l'arrêt de prononcer à ses torts la résiliation du contrat et de la condamner au paiement d'une certaine somme au titre de la clause pénale alors, selon le moyen :
1°/ que le bénéficiaire d'une promesse de contrat sous condition suspensive d'obtention d'un prêt ou de tout autre accord, effectue les diligences requises et n'empêche pas l'accomplissement de la condition lorsqu'il présente au moins une demande conforme aux caractéristiques stipulées au contrat et restée infructueuse ; qu'en énonçant, pour dire que la société Yack énergie avait fait échouer le projet et défaillir la condition de financement, qu'elle n'avait pas répondu à la demande de la société EDF de renégociation des conditions techniques et financières du projet et de versement du premier acompte qui n'étaient pas des conditions conformes à l'engagement initialement pris par Yack énergie tel qu'il était stipulé au contrat conclu avec la société Air, la cour d'appel a violé l'article 1178 du code civil ;
2°/ que toute condition doit être accomplie de la manière que les parties ont vraisemblablement voulu qu'elle le fut ; que, de surcroît, le débiteur d'une obligation assortie d'une condition suspensive ne peut être tenu pour responsable de la défaillance de la condition si celle-ci est imputable à un tiers ou au fait du prince ; qu'il en résulte que la cour d'appel ne pouvait tenir la société Yack énergie pour responsable de la défaillance de la condition d'obtention d'un financement sans rechercher, comme l'y invitaient les conclusions de l'appelante, si les demandes de la société EDF, relatives à des conditions nouvelles à remplir et des démarches à entreprendre, ne revenaient pas à modifier sensiblement les prévisions contractuelles initiales, pour pouvoir bénéficier des dispositions transitoires accompagnant le changement du tarif de l'électricité prévu par l'arrêté du 12 janvier 2010 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, privant sa décision de base légale au regard des articles 1175 et 1178 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que dans le cadre de la baisse du prix d'achat de l'électricité résultant de l'arrêté du 12 janvier 2010 et des dispositions transitoires de l'arrêté du 16 mars 2010, la société EDF a, par lettre du 8 avril 2010, indiqué que l'installation était susceptible de relever des conditions d'achat antérieures, à la condition d'un accord sur la proposition technique et financière et du versement du premier acompte avant le 11 janvier 2010, et que la société Yack n'y a donné suite que le 30 juin 2010 ; qu'il relève encore qu'en réponse, la société EDF, rappelant sa lettre, a indiqué qu'elle se trouvait dans l'attente des éléments indispensables à ce qu'une suite favorable soit donnée au projet ; qu'il en déduit que la société EDF n'a pas fait du paiement du premier acompte au 11 janvier 2010 une condition de validité à l'admission au bénéfice des dispositions transitoires ; que de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que la société EDF avait proposé le maintien des conditions conformes à l'engagement initialement pris par la société Yack dans ses relations avec la société Air, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a pu retenir qu'en ne versant pas le premier acompte dès réception de la lettre du 8 avril, la société Yack avait fait défaillir la condition de financement ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que la société Yack fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement de la clause pénale alors, selon le moyen :
1°/ qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l ‘ arrêt encourue sur les deux premiers moyens entraînera par voie de conséquence la censure de la décision en ce qu'elle se prononce sur le remboursement de l'acompte et sur l'évaluation des préjudices ;
2°/ qu'en énonçant pour dire irrecevable la demande de dommages et intérêts formée par la société Yack énergie, que celle-ci n'avait pas déclaré sa créance, sans rechercher si les fautes commises par la société Air ne devaient pas être prises en considération dans l'appréciation de la responsabilité de la société Yack et du montant de l'indemnité à laquelle cette dernière était condamnée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1152 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, que le rejet des premier et deuxième moyens rend sans portée le grief de la première branche ;
Et attendu, d'autre part, qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni de ses conclusions d ‘ appel que la société Yack, qui soutenait que la force majeure l'exonérait de sa responsabilité et demandait reconventionnellement réparation d'un préjudice distinct, ait soutenu que les fautes de la société Air devaient être prises en considération dans la détermination de sa responsabilité et du montant de l'indemnité à laquelle elle était condamnée ; que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Yack énergie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à Mme X..., en qualité de mandataire liquidateur de la société Air, et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille dix-sept.