Cass. com., 5 janvier 2016, n° 14-19.584
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Monod, Colin et Stoclet, SCP Vincent et Ohl
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 17 avril 2014) et les productions, que M. X..., Mme Y... épouse X... (M. et Mme X...) et la société Financière Coudekerque, qui détenaient la majorité des actions composant le capital de la société par actions simplifiée Coudekerque distribution, devenue Comalim, (la société Comalim), exploitant un hypermarché sous l'enseigne Leclerc dans des locaux appartenant à la SCI Verhaege et Leroy (le bailleur), ont, le 20 octobre 1994, conclu avec M. Z..., la société SDH et la société Soridis, actionnaires minoritaires de la société Comalim et membres du Mouvement E. Leclerc (les actionnaires minoritaires) un pacte de préférence conférant un droit de priorité de rachat en cas de vente des titres de la société Comalim par l'un des signataires, le prix étant fixé, à défaut d'accord amiable, à dire d'expert ; que, le 28 août 2007, le bailleur a donné congé à la société Comalim ; que, le 31 août 2007, M. et Mme X... et la société Financière Coudekerque ont conclu avec la société ITM Alimentaire Nord, sous condition suspensive, une promesse de cession des titres de la société Comalim au prix de 7 500 000 euros, le cessionnaire déclarant faire son affaire personnelle de la situation issue de la résiliation du bail ; que, les cédants ayant notifié leur offre préalable aux actionnaires minoritaires, ceux-ci ont refusé le prix convenu et deux experts ont été désignés par les parties, un troisième l'étant par le président du tribunal de commerce ; que, cette procédure étant en cours, un protocole transactionnel a été conclu le 11 juillet 2008 entre le bailleur et la société Comalim, par lequel il était mis fin au bail moyennant une indemnité d'éviction de 7 400 000 euros ; que la société ITM Alimentaire Nord, repreneur des locaux, a versé au bailleur un droit d'entrée de 7 500 000 euros et a retiré son offre d'acquisition des actions de la société Comalim ; qu'estimant que ce protocole transactionnel avait été conclu en fraude du pacte de préférence, les actionnaires minoritaires et la Société coopérative du département de l'Artois (la société Scapartois) ont assigné en indemnisation et en annulation du protocole M. et Mme X... ainsi que la société Financière Coudekerque, qui ont reconventionnellement demandé l'annulation du pacte de préférence pour indétermination du prix ;
Attendu que les actionnaires minoritaires et la société Scapartois font grief à l'arrêt d'annuler le pacte de préférence alors, selon le moyen :
1°/ que la prédétermination du prix du contrat de vente envisagé ne constitue pas une condition de validité du pacte de préférence ; que la nullité d'une clause, contenue dans un pacte de préférence, fixant les modalités de détermination du prix de la vente envisagée n'affecte pas la validité du pacte lui-même ; qu'en considérant que la nullité de la clause fixant les modalités de détermination du prix entraînait nécessairement celle du pacte de préférence en son entier, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1591 du code civil ;
2°/ que la nullité d'une clause d'un contrat n'entraîne la nullité du contrat lui-même que si la stipulation exprimée par cette clause apparaît comme une condition dont les parties ont entendu faire dépendre l'existence de l'obligation ; qu'en considérant que la nullité de la clause fixant les modalités de détermination du prix entraînait celle du pacte de préférence en son entier, sans constater que cette clause avait été la cause impulsive et déterminante de la conclusion, par M. et Mme X..., du pacte de préférence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
3°/ que, comme le faisaient valoir les actionnaires minoritaires et la société Scapartois, les termes du pacte de préférence du 20 octobre 1994 avaient été repris dans les statuts de la société Coudekerque distribution ; qu'en relevant, pour juger que les dispositions de l'article 1843-4 du code civil n'avaient pas vocation à s'appliquer, que la cession prévue par le pacte de préférence ne constituait pas un cas de cession imposée au cédant par les dispositions légales ou par les statuts, la cour d'appel a dénaturé les statuts de la société et violé l'article 1134 du code civil ;
4°/ que l'article 1843-4 du code civil, qui vise « tous les cas où est prévu e la cession des droits d'un associé », s'applique à l'obligation imposée à un associé d'une société de céder en priorité ses actions aux autres associés ; qu'en relevant, pour juger que les dispositions de l'article 1843-4 du code civil n'avaient pas vocation à s'appliquer, que la cession prévue par le pacte de préférence ne constituait pas un cas de cession imposée au cédant par les dispositions légales ou par les statuts, la cour d'appel a violé l'article susvisé dans sa rédaction applicable au litige ;
5°/ que les dispositions d'ordre public de l'article 1843-4 du code civil ne peuvent être écartées par les parties ; qu'en considérant que l'application de ces dispositions devait être considérée comme ayant été nécessairement exclue par les parties, la cour d'appel a violé l'article susvisé ;
6°/ que l'article 1843-4 du code civil s'applique dès qu'il y a contestation sur le prix de cession des droits sociaux d'un associé ; que le désaccord exprimé par les bénéficiaires sur le prix de vente proposé par les cédants dans leur offre du 21 septembre 2007 et l'annulation de la clause relative aux modalités de détermination du prix ont fait nécessairement apparaître une contestation relative au prix de cession ; qu'en estimant, malgré l'existence d'une contestation, que l'article 1843-4 du code civil n'avait pas vocation à s'appliquer à titre subsidiaire, la cour d'appel a violé cet article ;
7°/ que le pacte de préférence n'est pas un contrat de vente ; qu'en particulier, contrairement au contrat de vente, le prix n'est pas un élément essentiel du pacte de préférence ; qu'en relevant, pour estimer que la nullité du pacte était absolue et qu'aucune confirmation ne pouvait être déduite de la mise en oeuvre, par M. et Mme X..., de la procédure d'évaluation prévue par le pacte, que le défaut de détermination du prix portait atteinte à un élément essentiel du contrat de vente, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1591 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt constate que le pacte prévoyait qu'à défaut d'accord sur le prix, le cédant devrait seulement indiquer le nombre d'actions dont la cession était envisagée et le nom de l'expert qu'il désignait ; qu'ayant relevé qu'aucune négociation n'est intervenue entre les parties après la notification du prix de cession par M. et Mme X... aux autres signataires, il retient que le cédant était ainsi définitivement engagé par l'offre de vente et devait se soumettre au prix déterminé par l'expertise et que les parties entendaient seulement fixer celui-ci par intervention de tiers en application de l'article 1592 du code civil ; qu'il relève que les directives données aux tiers évaluateurs pour la fixation du prix étant insuffisamment définies et n'étant pas connues de l'ensemble des parties au jour de la conclusion du pacte, les tiers évaluateurs étaient tenus de faire application de critères qui n'étaient pas déterminés, de sorte que le prix n'était pas déterminable ; qu'il ajoute que la mise en oeuvre par M. et Mme X... de la procédure d'évaluation prévue par le pacte ne pouvait être considérée comme un acte de confirmation de leur part ; que de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que le cédant avait perdu, par l'effet de ce contrat, la liberté de déterminer lui-même le prix de la cession, la cour d'appel a exactement déduit que la nullité de la stipulation relative à la fixation du prix affectait la convention en son entier ;
Et attendu, en second lieu, que M. et Mme X... et la société Coudekerque demandaient l'annulation du pacte de préférence, non des dispositions statutaires ; que l'arrêt retient que l'article 1843-4 du code civil n'est applicable qu'au cas de cession imposée au cédant par les dispositions légales ou par les statuts ; qu'en l'état de ce seul motif, abstraction faite de celui, surabondant, critiqué par la cinquième branche, la cour d'appel a statué à bon droit ;
D'où il suit que le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.