Cass. com., 29 septembre 2015, n° 14-15.767
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Boutet-Hourdeaux, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois
Sur le premier et le second moyens, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 11 février 2014), qu'en vertu d'un pacte d'actionnaire prévoyant une possibilité de rachat des titres par détermination de leur valeur à dire d'expert, au jour de la levée de l'option, M. et Mme X..., MM. Michel et Patrice Y..., M. Z... (les cessionnaires) ont souhaité acquérir les titres de la société Holkem détenus par Mme A... ; que la cession ayant été déclarée parfaite par un jugement du 23 novembre 2007, une expertise a été ordonnée en application de l'article 1843-4 du code civil ; que, critiquant le rapport pour les conditions dans lesquelles il avait pris en compte les obligations convertibles en actions et les provisions pour risques et charges, les cessionnaires en ont demandé l'annulation ;
Attendu que les cessionnaires font grief à l'arrêt de rejeter leur demande et de fixer le montant des sommes dues à Mme A... en fonction du prix évalué par l'expert alors, selon le moyen :
1°/ que l'erreur grossière commise par l'expert entraîne la nullité de l'estimation ; qu'en retenant que l'expert avait exactement appliqué l'article 1843-4 du code civil en faisant son évaluation à la date de la cession, soit celle de la levée de l'option, le 6 novembre 2006, quand l'ordonnance de désignation précisait que l'expert avait pour mission de « fixer la valeur des actions et le prix de cession par rapport à l'exercice précédant la levée de l'option, soit le 6 novembre 2006 », ce dont il résultait que la date de référence à laquelle l'expert devait se placer était celle de la clôture de l'exercice précédant le 6 novembre 2006 et non celle-ci, de sorte qu'en modifiant le sens de la mission qui lui était confiée, l'expert avait commis une erreur grossière et qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1843-4 du code civil ;
2°/ qu'à supposer que l'expert ait pu retenir comme date d'évaluation celle du 6 novembre 2006, il appartenait à la cour d'appel de rechercher s'il avait commis une erreur grossière en fixant la valeur de la société au moyen d'une extrapolation à partir de la valeur de la société au 30 septembre 2006 sans justification juridique, comptable, économique ou financière, ainsi que les exposants le soulignaient dans leurs conclusions, et qu'en ne le faisant pas, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1843-4 du code civil ;
3°/ qu'en se bornant à s'assurer que l'expert avait justifié des raisons pour lesquelles il n'admettait pas de considérer les obligations convertibles au même titre que des actions ou écartait des provisions, sans trancher elle-même les contestations élevées sur ces points par les appelants dans leurs conclusions pour apprécier l'existence d'une erreur grossière reprochée à l'expert, la cour d'appel a refusé d'exercer son office, commettant un excès de pouvoir en violation de l'article 4 du code civil ;
4°/ que les obligations convertibles en actions donnent accès au capital ; qu'il en résulte que leur évaluation ne peut se faire à la valeur comptable d'émission, mais en relation avec la valeur économique des actions et qu'en ne recherchant pas si, en fonction de cette valeur, il n'y avait pas lieu de traiter les obligations convertibles comme des actions, comme cela était soutenu, toutes opérations que l'expert avait refusé de retenir, commettant ainsi une erreur grossière, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1843-4 du code civil ;
Mais attendu que l'expert désigné en application de l'article 1843-4 du code civil a toute latitude pour déterminer la valeur des actions selon les critères qu'il juge opportuns ; qu'après avoir relevé que l'expert s'était expliqué sur les modalités de son évaluation, précisant la méthode qu'il avait choisie en indiquant les motifs pour lesquels il excluait certaines d'entre elles, et qu'il avait longuement répondu aux dires des parties, explicitant les raisons pour lesquelles il n'admettait pas de considérer les obligations convertibles au même titre que les actions et avait écarté les provisions pour risques, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que l'expert a exactement appliqué l'article 1843-4 du code civil en faisant cette évaluation, conformément aux termes du pacte d'actionnaire, à la date de la cession, soit celle de la levée de l'option ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu son office et n'avait pas à procéder aux recherches invoquées aux deuxième et quatrième branches, que ses constatations rendaient inopérantes, a pu retenir que l'expert-comptable n'avait commis aucune erreur grossière d'estimation ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.