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Décisions

CA Amiens, 1re ch. civ., 15 septembre 2017, n° 15/05861

AMIENS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Axcif (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Coulange

Conseillers :

Mme Liberge, M. Maimone

Avocats :

Me André, Me Bachy

TI de Soissons, du 11 sept. 2015

11 septembre 2015

DECISION :

Suivant acte sous seing privé du 20 juin 2012, la SARL AXCIF immobilier a donné en location à X… une maison à usage d'habitation située commune de Mercin et Vaux, 7, allée de la Perle, moyennant un loyer mensuel de 850 euros.

Se plaignant de ce que les loyers n'étaient pas payés depuis le mois de juillet 2014, la société AXCIF Immobilier a fait délivrer à X… le 7 octobre 2014 un commandement de payer la somme en principal de 2550 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 18 septembre 2014, ledit commandement rappelant la clause résolutoire insérée au bail.

Par acte d'huissier en date du 12 janvier 2015, la SARL AXCIF a fait assigner X… devant le tribunal d'instance de Soissons aux fins de voir :

- condamner X… à lui payer la somme de 5950 euros, arrêtée au 1er janvier 2015,

- -constater la résiliation du bail liant les parties, acquise de plein droit par le jeu de la clause résolutoire,

- ordonner l'expulsion de X… des lieux loués dès la signification du jugement à intervenir,

- condamner X… à lui verser jusqu'à son départ une indemnité d'occupation équivalente au montant des loyers et charges,

- condamner X… à lui payer une indemnité de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

À l'audience du 12 juin 2015, la SARL AXCIF a maintenu ses prétentions initiales, sollicitant toutefois la condamnation de X… à lui verser la somme de 9350 euros à titre d'arriéré de loyers et charges arrêté le 15 mai 2015.

X… a demandé à titre principal que les prétentions adverses soient déclarées irrecevables et mal fondées, subsidiairement l'octroi de délais de paiement de 10 mois et le paiement d'une somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 11 septembre 2015 le tribunal d'instance de Soissons a :

- déclaré recevable les prétentions émises par la SARL AXCIF,

- constaté que le bail s'est trouvé résilié par l'effet de la clause résolutoire depuis le 7 décembre 2014,

- dit qu'à défaut pour X… d'avoir libéré les lieux 15 jours après la signification du jugement il serait procédé à son expulsion et celle de tous occupants de son chef avec l'assistance de la force publique si besoin est, et au transport des meubles laissés dans les lieux dans tel local qu'il plaira à la SARL AXCIF aux frais et risques de l'expulsé,

- -condamné X… à payer à la SARL AXCIF la somme de 9350 euros au titre des arriérés de loyers et charges arrêtés au 12 juin 2015,

- débouté X… de sa demande de délais de paiement,

- fixé à 850 euros par mois à compter du 7 décembre 2014 l’indemnité d'occupation irrégulière,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné X… au paiement de la somme de 900 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné X… aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 3 décembre 2015 X… a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de conclusions récapitulatives déposées et notifiées suivant la voie électronique le 1er mars 2016, expressément visées, elle demande à la Cour, au visa de son état de liquidation, de :

- déclaré irrecevable toute action en paiement introduite par la société AXCIF à son encontre,

- condamner la société AXCIF au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner en tous les dépens dont distraction au profit de Maître Dominique André, avocat aux offres de droit.

Par conclusions déposées et notifiées suivant la voie électronique le 30 mars 2016, expressément visées, la SARL AXCIF Immobilier sollicite de la Cour qu'elle :

- la reçoive en ses demandes et observations et l'y déclare bien fondée,

- dise et juge X… non fondée en son appel, l'en déboute et la déboute de l'ensemble de ses demandes,

- confirmes-en toutes ses dispositions la décision entreprise,

- y ajoutant, condamne X… à lui payer une indemnité de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens d'appel dont distraction est requise au profit de Maître Bertrand Bachy, avocat.

Par ordonnance en date du 8 juin 2016 le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de radiation de l'affaire formée en application de l'article 526 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 1er mars 2017, l'affaire étant renvoyée à l'audience de plaidoiries du 7 avril 2017.

MOTIFS :

Comme en première instance X… rappelle qu'une procédure de liquidation judiciaire simplifiée a été ouverte à son égard par jugement du tribunal de commerce de Saint-Quentin en date du 1er août 2014, et soutient que son état de liquidation personnelle entraînait la nécessité pour la société AXCIF d'appeler en la cause le liquidateur, qu'à défaut la demande en paiement formée à son encontre est irrecevable, « eu égard à la suspension des poursuites ». Elle affirme que si l'article L641-13 du code de commerce dispose : « la créance de loyer d'habitation du débiteur échue postérieurement au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de ce dernier n'est pas une créance née pour les besoins du déroulement de la procédure », ce dispositif ne peut entraîner l'affirmation selon laquelle les poursuites individuelles seraient autorisées à l'encontre du créancier en état de liquidation judiciaire.

La SARL AXCIF Immobilier expose que X… a cessé de payer le loyer à partir de juillet 2014, rappelle les dispositions de l'article L641-13 du code de commerce, affirme que le champ d'application de l'article L622-14 du même code est restreint à la résiliation du bail des immeubles donnés à bail au débiteur et utilisés pour l'activité de l'entreprise, qu'en l'espèce il s'agissait d'un bail d'habitation et que X… n'exploitait pas d'activité commerciale dans les locaux loués à usage d'habitation, que tout au plus l'irrecevabilité soulevée pourrait porter sur la demande de règlement du terme de juillet 2014 , que l'action en résiliation de bail fondée sur le non-paiement de loyers échus postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective était ainsi « parfaitement possible ».

Il est constant :

- d'une part que le bail objet du litige est un bail d'habitation consenti à X… et que celle-ci n'y a jamais exercé d'activité commerciale,

- d'autre part que le premier loyer dont le paiement est poursuivi est celui du mois de juillet 2014, inclus dans la somme (2550 euros, soit les loyers des mois de juillet à septembre) réclamée au commandement de payer délivrer le 7 octobre 2014,

- enfin que le tribunal de commerce de Saint-Quentin a prononcé par jugement du 1er août 2014 l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l'égard de X… ' agent commercial : construction de maison ', désignant en qualité de liquidateur la SELARL Grave-Randoux en la personne de Me Grave, puis par jugement du 27 mars 2015, a mis fin, au motif que des sanctions personnelles étaient envisagées à l'encontre de la débitrice, à l'application des règles de la liquidation judiciaire simplifiée et ordonné qu'il soit fait application de la procédure de liquidation judiciaire prévue aux articles L640-1 et suivants du code de commerce à l'égard de X….

Pour déclarer la SARL AXCIF recevable en ses prétentions dirigées contre X…, le tribunal a énoncé que « Selon l'article L641-13 du code de commerce, '' la créance de loyer d'habitation du débiteur échue postérieurement au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de ce dernier n'est pas une créance née pour les besoins du déroulement de la procédure'' » et que « En l'espèce le logement loué n'est pas utilisé par X… pour l'activité de son entreprise ».

A titre liminaire la Cour, observe que chacune des parties cite dans ses écritures, dans les mêmes termes que le jugement (sus-rappelés) les dispositions de l'article L641-13 du code de commerce, que toutefois ces termes sont inexacts, l'article L641-13 étant ainsi rédigé, dans sa version en vigueur au 1er août 2014 issues de l'ordonnance nº2014 ' 326 du 12 mars 2014 :

« I. Sont payées à leur échéance les créances nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou « prononce la liquidation judiciaire :

« - si elles sont nées pour les besoins du déroulement de la procédure ou du maintien provisoire de l'activité « autorisé en application de l'article L641 ' 10 ;

« - si elles sont nées en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant le maintien de l'activité ou « en exécution d'un contrat en cours décidée par le liquidateur ;

« - ou si elles sont nées des besoins de la vie courante du débiteur, personne physique.

« En cas de prononcé de la liquidation judiciaire, sont également payées à leur échéance, les créances nées « régulièrement après le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire « mentionnées au I de l'article L622 ' 17.

« II. Lorsqu'elles ne sont pas payées à l'échéance, ces créances sont payées par privilège avant toutes les « autres créances, sans préjudice des droits de rétention opposables à la procédure collective, à l'exception « de celles qui sont garanties par le privilège établi aux articles L3253 ' 2,L3253 ' 4 et L7313 '8 du code du « travail, des frais de justice nés régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du « déroulement de la procédure, de celles qui sont garanties par le privilège établi par l'article L611 ' 11 du « présent code et de celles qui sont garanties par des sûretés immobilières.

« III. Leur paiement se fait dans l'ordre suivant :

« 1º Les créances de salaires dont le montant n'a pas été avancé en application des articles L3253-6 et L3253-8 à L3253-12 du code du travail ;

« 2º Les prêts consentis ainsi que les créances résultant de la poursuite d'exécution des contrats en cours « conformément aux dispositions de l'article L622-13 du présent code....

« 3º Les sommes dont le montant a été avancé en application du cinquièmement de l'article L3253 ' 8 du « code du travail ;

« 4º Les autres créances, selon leur rang.

« IV. Les créances impayées perdent le privilège que leur confère le II du présent article si elles n'ont pas été « portées à la connaissance du mandataire judiciaire, de l'administrateur lorsqu'il en est désigné ou du « liquidateur au plus tard dans le délai de six mois à compter de la publication du jugement ouvrant ou « prononçant la liquidation ou, à défaut, dans le délai d'un an à compter de celles du jugement arrêtant le « plan de cession. Lorsque cette information porte sur une créance déclarée pour le compte du créancier en « application de l'article L 622-24, elle rend caduque cette déclaration si le juge n'a pas statué sur « l'admission de la créance. »

Il s'avère par ailleurs que lorsque la SARL AXCIF invoque le champ d'application de l'article L622-14 du code de commerce, elle se réfère en réalité aux dispositions de l'article L641-12 du même code, étant rappelé, comme elle fait d'ailleurs, que le bail litigieux étant à usage d'habitation n'est pas concerné par ces dernières dispositions.

S'agissant d'un contrat de bail, contrat à exécution successive, il y a lieu de considérer que la créance de loyer naît au fur et à mesure des contreprestations et, dès lors, que la créance dont la SARL AXCIF poursuit le recouvrement à l'encontre de sa locataire est née antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de celle-ci à hauteur de 850 euros (le loyer du mois de juillet 2014) et postérieurement audit jugement pour le surplus (les loyers courus à compter du mois d'août 2014).

En ce qui concerne la créance née antérieurement au jugement du 1er août 2014, c'est à bon droit que X… invoque à l'encontre de la SARL AXCIF l'arrêt des poursuites individuelles, lequel résulte de l'article L622-21 du code de commerce. Il est constant que la SARL AXCIF, soumise à la procédure de vérification des créances dans le cadre de la procédure collective, n'a cependant pas déclaré sa créance entre les mains du liquidateur et n'a pas appelé en la cause le mandataire judiciaire. Comme l'admet d'ailleurs à titre subsidiaire la SARL AXCIF, ses prétentions ne sont donc pas recevables en l'absence de déclaration et d'appel en cause du liquidateur, en ce qu'elles portent sur la dette de loyer du mois de juillet 2014 (850 euros). Le jugement déféré sera réformé en ce sens.

En revanche, s'agissant des prétentions relatives aux loyers postérieurs au jugement du 1er août 2014, X… est mal fondée à invoquer l'arrêt des poursuites. Il apparaît en effet que cette créance de la SARL AXCIF est née des besoins de la vie courante du débiteur personne physique, plus précisément du besoin de X… de se loger, et qu'elle relève ainsi de la catégorie des créances soumises au régime de faveur des créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture, lesquelles sont payées à échéance et, contrairement aux autres créances nées postérieurement au jugement, ne subissent pas le même sort que les créances nées antérieurement audit jugement, notamment l'arrêt des poursuites individuelles, la nécessité de déclaration et de l'appel en cause du liquidateur. Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef.

Non critiquées à titre subsidiaire par X…, les autres dispositions du jugement par lesquelles le tribunal a constaté la résiliation du bail par l'effet de la clause résolutoire depuis le 7 décembre 2014, ordonné la libération des lieux et à défaut l'expulsion de X…, enfin condamné cette dernière à payer à la SARL AXCIF la somme de 9350 euros au titre des loyers et indemnités d'occupation, seront confirmées conformément à la demande de l'intimée, étant observé toutefois que, X… ayant libéré les lieux le 5 juin 2015, depuis le mois d'août 2014 ce sont dix mois de loyer puis d'indemnité d'occupation qui sont dus, soit une somme de 8500 euros et non 9350 euros, le jugement étant réformé en ce sens.

Le tribunal a exactement statué sur les frais et dépens.

Eu égard au sens du présent arrêt, il y a lieu de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles et dépens d'appel qu'elle a pu exposer.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant après débats publics, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirmes-en toutes ses dispositions le jugement rendu le 11 septembre 2015 par le tribunal d'instance de Soissons, sauf en ce qu'il a déclaré recevables les prétentions de la SARL AXCIF Immobilier portant sur la créance de loyer antérieure au 1er août 2014, et condamné X… au paiement de la somme de 9350 euros.

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare non recevables les prétentions de la SARL AXCIF Immobilier portant sur le loyer dû antérieurement au 1er août 2014.

Condamne X… à payer à la SARL AXCIF Immobilier la somme de 8500 euros au titre des loyers et indemnités d'occupation arrêtés au 5 juin 2015.

Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres frais et dépens d'appel.