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Décisions

CA Versailles, 9e ch., 15 octobre 2014, n° 13/02257

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Larmanjat

Conseillers :

M. Ardisson, M. Aubac

Avocat :

Me Kerouredan

T. cor. Versailles, du 25 févr. 2013

25 février 2013

LE RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par arrêt avant dire droit du 29 janvier 2014 auquel il convient de se reporter pour l'exposé des faits, cette chambre a déclaré les appels recevables et a ordonné un supplément d'information.

Ce supplément d'information tendait à intégrer dans la présente procédure l'analyse de la nappe effectuée, sur instructions de l'agence régionale de santé, par suite du déversement de la citerne chargée sur le tracteur conduit par M René X....

Cette analyse effectuée, sur le caravaning des Bréviaires, le 17 avril 2012, soit cinq jours après les faits, conclut dans les termes suivants : « eau d'alimentation conforme aux exigences de qualité en vigueur pour l'ensemble des paramètres mesurés ».

Par conclusions déposées à l'audience de la cour, visées par le greffier et le président, l'avocat du prévenu sollicite la relaxe de ce dernier.

Le procureur général a requis la confirmation du jugement entrepris.

Le prévenu, qui a expliqué être exploitant agricole, céréalier, exploitant une surface d'environ 200 hectares, a indiqué avoir des revenus annuels de 20 000 ¿ environ. Il a eu la parole en dernier.

MOTIFS

Considérant que les faits reprochés à M René X..., tels que libellés dans la prévention, sont d'avoir, à l'intersection D 191/ D60, commune de Les Bréviaires, le 12 avril 2012, déversé une substance nuisible dans les eaux souterraines, superficielles ou de la mer, en l'espèce, environ 4650 litres du produit azoté M 39 et du synerspray dans les canalisations et fossés bordant les D 191 et D 60 ; que, selon les dispositions de l'article L 216-6 du code l'environnement, « le fait de jeter, déverser ou laisser s'écouler dans les eaux superficielles, souterraines, directement ou indirectement, un ou des substances quelconques dont l'action ou les réactions entraînent, même provisoirement des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune, à l'exception des dommages visés aux articles L 218-73 et L 432-2, ou des modifications significatives du régime normal d'alimentation en eau ou des limitations d'usage des zones de baignade, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 75 000 ¿ d'amende » ;

Considérant que, nonobstant les conclusions de cette analyse, effectuée au caravaning des Bréviaires, soit à un endroit éloigné du lieu de déversement, il résulte de l'enquête et des investigations que celui-ci a eu pour conséquence la nécessité de prendre, le 13 avril, soit le lendemain des faits, un arrêté préfectoral (no 000037/ 2012) interdisant la pêche et la consommation des poissons sur la commune des Bréviaires ; qu'il a également eu pour effet de suspendre le forage privé du camping précité alimentant les usagers de ce lieu en eau pour les besoins ménagers et sanitaires, obligeant, par voie de conséquence, les résidents de ce camping à se raccorder sur le réseau d'eau public ; qu'ainsi l'utilisation de l'eau par forage privé a été suspendu du 12 avril au 25 mai 2012 ;

Considérant que, s'agissant du produit contenu dans la cuve, il est établi qu'il s'agissait d'un mélange, d'une quantité supérieure à 4000 litres, composé d'une solution azotée M 39 et de Synerspray ; que comme l'indique le procès-verbal de transport et de constatations des gendarmes, le produit s'est déversé dans les fossés des routes départementales D 191 et D60 ; que ces fossés débouchent dans la rigole de liaison nord qui s'écoule jusque dans les étangs de Hollande (étangs de Bourneuf et de Pourras), situés au coeur de la forêt de Rambouillet, espace naturel protégé au titre de Natura 2000 ; que le procès-verbal précité souligne que « nous avons pu déterminer que l'engrais n'a pas été jusqu'aux étangs de Hollande, toutefois, à la première grosse pluie, l'engrais contenu dans les canalisations risque de se déverser dans les étangs » ;

Considérant que M Pascal Z..., directeur de la SMAGER, syndicat mixte d'aménagement de gestion des étangs et rigoles, a déclaré que ce type d'engrais provoque un enrichissement important des plans d'eau en les poussant à eutrophisation (accroissement des algues et des mortalités piscicoles) ; qu'après avoir déposé plainte à l'encontre du prévenu, M Z...a confirmé qu'à la première pluie, « le produit risque de se déverser dans la rigole de liaison et d'aller se déverser dans les deux étangs » ;

Considérant que M René X...a lui-même précisé que le produit M 39 est composé de 30 % d'azote, 30 % d'azote totale, 7, 5 % de N ammoniacal, 7, 5 % N Nitrique et 15 % N uréique ; que le synerspray est composé de 8 % d'azote, 6, 6 % d'oxyde de potassium et de soufre ;

Considérant que les fiches techniques relatives aux compositions de ces produits mentionnent :

Synerspray : 75 % de thiosulfate d'ammonium (Agrifix) et 25 % de thiosulfate de potasse solution ;

Que les fiches de données de sécurité mentionnent :

- pour l'agrifix (nom commercial du thiosulfate d'ammonium : « le produit déchargé dans l'eau peut donner lieu à une diminution importante de l'oxygène et à une augmentation de l'ammoniaque avec des conséquences négatives pour les organismes vivants », « protections pour l'environnement : éviter que le produit atteigne les égouts et les canalisations » ;

- pour Urea Ammonium Nitrate solution : dangers pour la santé : catégorie 2 : provoque une sévère irritation des yeux, l'ingestion accidentelle d'engrais à base d'urée entraîne des nausées, des vomissements violents et persistants, une excitation et des convulsions..., « conseils de prudence : porter un appareil de protection des yeux et du visage…. Éviter un déversement ou une fuite supplémentaire, si cela est possible sans danger. Ne pas laisser le produit pénétrer dans les canalisations, les égouts ou les cours d'eau. » ;

Considérant qu'il est donc établi que le mélange de produits contenu dans la cuve qui s'est accidentellement déversé sur la chaussée puis dans les fossés était bien constitué, en référence aux termes de l'article L 216-6 du code de l'environnement visé dans la prévention, de substances chimiques dont l'action ou les réactions entraînent, même provisoirement des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune ; qu'il est surtout établi que le déversement survenu le 12 avril 2012 a eu pour conséquence de décider, par arrêté préfectoral, l'interdiction de la pêche et la consommation des poissons sur la commune des Bréviaires et que, sur instructions de l'agence régionale de la santé, il a contraint les résidents du camping des bréviaires de se raccorder, durant plusieurs semaines, du jour des faits jusqu'au 25 mai suivant, au réseau public d'alimentation en eau plutôt que d'utiliser le forage rivé les alimentant en temps normal ; qu'ainsi, ce déversement a modifié provisoirement, durant plusieurs semaines, sur instructions des autorités sanitaires, le régime normal d'alimentation en eau des personnes résidant au camping des bréviaires ;

Considérant que, dans ses écritures, par la voix de son conseil, le prévenu sollicite sa relaxe en invoquant, sur le fondement des dispositions de l'article 121-3 du code pénal, le caractère non intentionnel du déversement et l'absence de pollution soulignée par les résultats de l'analyse ; que, compte tenu de la nature du délit visé à la prévention et de ses éléments constitutifs, il n'est pas utile d'invoquer les dispositions précités relatives aux infractions non intentionnelles ; que, de surcroît, les circonstances dans lesquelles M Gérard X...a transporté la citerne, dont l'usure a été constatée, sur une remorque, vieille de quarante ans, elle-même non équipée de sangles, laissent apparaître qu'en sa qualité d'agriculteur, expérimenté, le prévenu ne pouvait ignorer qu'un tel transport était dangereux et nécessitait des précautions qu'il n'a manifestement pas prises ; que ce comportement, délibéré, a eu pour résultat le déversement litigieux ; qu'en conséquence, l'intention coupable exigée par l'article 121-3 alinéa 1er du code pénal est en l'espèce constituée ;

Considérant que le jugement entrepris sera confirmé quant à la déclaration de culpabilité ; qu'il sera également confirmé sur la sanction prononcée, prise en adéquation de la gravité des faits mais aussi de leur caractère exceptionnel en regard de l'absence d'antécédent du prévenu ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,

- confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions

Dit que l'avertissement prévu par l'article 132-29 du code pénal a été donné au condamné ;

Si le condamné s'acquitte du montant des droits fixes de procédure et, s'il y a lieu, de l'amende dans un délai d'un mois à compter de ce jour, ce montant est diminué de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1. 500 ¿, le paiement de l'amende ne faisant pas obstacle à l'exercice des voies de recours et ce, en application de l'article 707-3 du code de procédure pénale. Dans le cas d'une voie de recours contre les dispositions pénales, il appartient à l'intéressé de demander la restitution des sommes versées.