AMF, 30 mai 2015, n° SAN-2015-10
AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Membres :
M. Field, M. Millou
Président :
Mme Tric
La 2ème section de la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (ci-après : « AMF ») :
Vu le code monétaire et financier et notamment ses articles L. 621-14, L. 621-15, L. 553-1, L. 532-18-2 ;
Vu l’article 111-5 du code pénal ;
Vu le règlement général de l’AMF et notamment ses articles 212-15, 212-16, 221-1, 223-1, 223-1-A, 223-2, 313-2, 313-6, 314-1, 314-3 et 315-66 ;
Vu les notifications de griefs du 9 janvier 2014 adressées aux sociétés Tekka Group et Bryan Garnier & Co Limited, ainsi qu’à MM. B, C et A ;
Vu la lettre du Président de l’AMF du 9 janvier 2014 transmettant copie des notifications de griefs au Président de la Commission des sanctions, en application de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier ;
Vu la décision du Président de la Commission des sanctions du 20 janvier 2014 désignant Mme Anne-José Fulgéras, membre de la Commission des sanctions, en qualité de rapporteur ;
Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 21 janvier 2014, informant les mis en cause de la désignation de Mme Anne-José Fulgéras en qualité de rapporteur et de la faculté qui leur était offerte d’être entendus, à leur demande, conformément au I de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier ;
Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 22 janvier 2014, informant les mis en cause, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, de la faculté qui leur était offerte de demander la récusation du rapporteur dans un délai d’un mois, dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3° et R. R. 621-39-4 du même code ;
Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception des 2 décembre 2014, du 22 décembre 2014 et 6 janvier 2015 par lesquelles le rapporteur invitait les mis en cause à être entendus ;
Vu les procès-verbaux d’auditions du 18 décembre 2014 et des 13, 14 et 15 janvier 2015 ;
Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 11 mars 2015 adressées aux mis en cause portant convocation à la séance de la Commission des sanctions du 16 avril 2015 auxquelles était joint le rapport du rapporteur ;
La Commission des sanctions
Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 11 mars 2015 informant les mis en cause de la composition de la Commission des sanctions lors de la séance du 16 avril 2015, appelée à statuer sur les griefs notifiés, et de leur faculté de demander la récusation d’un ou plusieurs de ses membres ;
Vu la lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 15 janvier 2015 invitant la Selarl MDP Mandataires judiciaires Associés à se présenter à la séance de la Commission des sanctions du 16 avril 2015 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Après avoir entendu au cours de la séance publique du 16 avril 2015 :
- Mme Anne-José Fulgéras en son rapport ;
- M. Malo Carton, représentant le Directeur général du Trésor, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ;
- Mme Virginie Adam, représentant le Collège de l’AMF ;
- M. B, tant en son nom personnel qu’en sa qualité de président-directeur général de la société Tekka Group ;
- Me Frank Martin Laprade, conseil de M. B ;
- M. C de Falletans tant en son nom personnel qu’en sa qualité de président-directeur général de la société Bryan Garnier & Co Limited, accompagné de Mme […], Managing Director - Head of Corporate Finance ;
- Mes Muriel Goldberg Darmon et Guillaume Guérin, conseils de M. C de Falletans et de la société Bryan Garnier & Co Limited ;
- M. A ;
- Mes Francesca Parrinello et Florence Vilain, conseils de M. A ;
- Mme Christina Dubois-Leblanc, représentant la Selarl MDP Mandataires judiciaires Associés, accompagnée de Me Patricia Seigle, conseil de la Selarl ;
Les personnes mises en cause ayant eu la parole en dernier.
FAITS ET PROCEDURE
I. FAITS
La société Tekka Group (ci-après : « Tekka ») était une société anonyme à conseil d’administration, dirigée par M. B en qualité de président-directeur général, spécialisée dans la conception, la fabrication et la commercialisation d’implants et de dispositifs médicaux dédiées aux domaines de la chirurgie cranio-maxillo-faciale, de l’orthodontie et de l’implantologie.
En vue de son introduction en bourse, Tekka a enregistré auprès de l’AMF un document de base, le 18 janvier 2011, et une note d’opération visée le 27 janvier 2011 qui prévoyait une fourchette de prix applicable à l’offre à prix ouvert et au placement global entre 13,15 euros à 15,15 euros par action.
La note d’opération précisait également, au paragraphe § 3.1 intitulé « Fonds de roulement net », que les besoins de trésorerie de Tekka au cours des douze mois suivant la date du visa du prospectus étaient estimés à 4 millions d’euros et détaillait, au paragraphe § 3.2, la situation des capitaux propres consolidés au 30 novembre 2010 « hors résultat de la période, et de l’endettement financier net consolidés au 30 novembre 2010, établis selon le référentiel comptable adopté par la Société ».
Pour l’établissement de ces documents et la réalisation de cette opération, Tekka a été assistée, d’une part, de la société Bryan Garnier & Co Limited (ci-après : « Bryan Garnier ») intervenant en tant que « Coordinateur Global, Chef de file, Listing sponsor et Teneur de livre », et d’autre part, de M. A, commissaire aux comptes, associé du cabinet […], à qui avaient été confiées notamment les missions d’audit et de revue des comptes consolidés, ainsi que l’établissement de la lettre de fin de travaux.
Le 8 février 2011, Tekka a conclu un contrat de garantie et de placement avec Bryan Garnier et annoncé au public l’admission de ses titres aux négociations sur le marché Alternext de Nyse Euronext Paris, réalisant une levée de fonds de 11,25 millions d’euros à un prix de 10,85 euros par action.
Le règlement-livraison des actions est intervenu le 11 février 2011 et le début des négociations des titres de la société en cotation continue, le lundi 14 février 2011.
A cette occasion, Tekka a annoncé au marché la mise en oeuvre d’un contrat de liquidité d’un montant de 1,6 million d’euros, conclu avec Bryan Garnier le 10 février 2011, pour intervenir « sur le Marché en vue de favoriser la liquidité […] des titres ainsi que d’éviter des décalages de cours non justifiés par la tendance de marché ».
Le vendredi 22 juillet 2011, après la séance de bourse, les résultats annuels consolidés pour l’exercice clos au 31 mars 2011 ont été communiqués au public par Tekka, qui annonçait que la « progression du chiffre d’affaires reste insuffisante par rapport aux objectifs que la société s’est fixés ». Ce communiqué précisait également que « depuis la clôture de l’exercice 2010/11, la trésorerie a évolué de façon défavorable et ne présente plus un niveau semblable à celui apparaissant dans les comptes au 31 mars 2011. Cette dégradation est la conséquence d’une combinaison de plusieurs évènements intervenus sur la fin de l’exercice et postérieurement à la clôture, notamment la progression insuffisante du chiffres d’affaires par rapport aux objectifs que la société s’était fixés ainsi qu’un financement du besoin en fonds de roulement des filiales plus important que celui prévu initialement ».
Lors de la séance de bourse du lundi 25 juillet 2011, le cours du titre Tekka a enregistré une chute de 41%, passant de 8,64 euros à la clôture du 22 juillet à 5,05 euros à la clôture du 25 juillet, après un plus bas à 4,70 euros, 104 493 titres ayant été échangés.
Le 24 janvier 2012, les résultats semestriels de Tekka au 30 septembre 2011 ont été publiés, faisant apparaître une perte d’exploitation de 3,4 millions d’euros contre 0,70 million d’euros au 30 septembre 2010.
Le 24 mai 2012, le tribunal de commerce de Lyon a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de Tekka, qu’il a convertie en liquidation judiciaire le 4 septembre 2012.
La radiation de la cote des titres Tekka est intervenue le 11 octobre 2012, après que la cession des actifs de la société Tekka a été autorisée par le tribunal de commerce le 20 juin 2012.
II. PROCEDURE
Le 29 mars 2012, le Secrétaire général de l’AMF a ouvert une enquête sur « l’information financière de la société Tekka Group à compter du 18 janvier 2011 », étendue par décision du 7 novembre 2012 au marché du titre Tekka à compter du 18 janvier 2011.
Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 22 juillet 2013, la Direction des enquêtes et des contrôles de l’AMF (ci-après : la « DEC ») a adressé à Tekka, Bryan Garnier, à MM. B, A et C, une lettre circonstanciée exposant « son analyse sur les principaux éléments de fait et de droit recueillis par les enquêteurs ».
En réponse, Mes Francesca Parrinello et Florence Vilain ont fait valoir des observations pour le compte de M. A par lettres des 13 et 16 septembre 2013, Bryan Garnier et M. C ont présenté des observations communes le 16 septembre 2013 et M. B a présenté ses observations à la lettre circonstanciée qui lui avait été adressée à titre personnel par courrier du 22 septembre 2013.
Le 4 décembre 2013, la DEC a rendu son rapport d’enquête, lequel a été examiné, conformément aux dispositions de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, par la Commission spécialisée n°1 du Collège de l’AMF lors de sa séance du 13 décembre 2013.
Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 9 janvier 2014, le président de l’AMF a notifié des griefs à l’ensemble des mis en cause en les informant, d’une part, de la transmission de la lettre de notification au président de la Commission des sanctions pour attribution et désignation d’un rapporteur, et d’autre part, du délai de deux mois dont ils disposaient pour présenter des observations écrites en réponse aux griefs énoncés dans cette lettre, ainsi que de la possibilité de se faire assister de toute personne de leur choix et de prendre connaissance des pièces du dossier dans les locaux de l’AMF.
En substance, il est reproché :
- à la société Tekka et à M. B, président-directeur général à l’époque des faits, d’avoir, en violation des articles 223-1 et 223-2 du règlement général de l’AMF, d’une part, manqué à l'obligation d'information du public à l'occasion de la publication de la note d'opération du 27 janvier 2011, d’autre part, tardé à communiquer « dès que possible » au marché une information privilégiée relative à la dégradation des résultats annuels de la société Tekka ;
- à M. A d’avoir « participé à la diffusion d'une fausse information au sens de l'article 632-1 du règlement général de l’AMF » à l’occasion de « l'élaboration de la lettre de fin de travaux » en s’affranchissant des obligations professionnelles visées à l'article 212-15 Il du règlement général de l'AMF ;
- à la société Bryan Garnier et à M. C, en sa qualité de dirigeant, d’avoir contrevenu à l’article L. 533-1 du code monétaire et financier et aux articles 314-3 et 212-16 du règlement général de l’AMF « à l’occasion : du placement des titres Tekka dans le cadre de l’introduction en bourse de la société Tekka, de la cession des titres Tekka en mars 2011 et de l’information financière diffusée dans la note d’opération élaborée l’occasion de l’introduction ».
Par décision du 20 janvier 2014, le président de la Commission des sanctions a désigné Mme Anne-José Fulgéras en qualité de rapporteur, ce dont les mis en cause ont été informés par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 21 janvier 2014 rappelant à chacun la faculté d’être entendu, à leur demande, conformément à l’article R. 621-39 I du code monétaire et financier.
Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 22 janvier 2014, les mis en cause ont été informés, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, qu’ils disposaient du délai d’un mois pour demander la récusation du rapporteur dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code.
Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception des 3 février, 17 février et 13 mars 2014, le délai consenti aux mis en cause pour présenter leurs observations en réponse a été prorogé au 10 avril 2014, à la suite des demandes formulées les 30 janvier, 11 février et 11 mars 2014.
Des observations écrites, tendant à ce que tous les griefs notifiés soient écartés, ont été déposées par M. A le 9 avril 2014, par M. B le 10 avril 2014 et par Bryan Garnier et M. C le 11 avril 2014.
Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 2 décembre 2014, le rapporteur a invité M. A, Bryan Garnier prise en la personne de son représentant légal et M. Oliver Garnier à titre personnel à se présenter à des auditions qui se sont respectivement tenues le 18 décembre 2014 et les 14 et 15 janvier 2015.
Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception des 22 décembre 2014 et 6 janvier 2015, le rapporteur a respectivement invité M. B et Tekka prise en la personne de son représentant légal à l’époque des faits à des auditions qui ont eu lieu le 13 janvier 2015.
Par lettre du 22 janvier 2015, des pièces complémentaires ont été versées à la procédure, conformément aux engagements pris par M. C lors de son audition.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 26 janvier 2015, le rapporteur a demandé la traduction de ces éléments en langue française, ce que les conseils du mis en cause ont refusé le 4 février 2015.
Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 11 mars 2015, auxquelles était joint le rapport du rapporteur, les mis en cause ont été convoqués à la séance de la Commission des sanctions du 16 avril 2015 et informés du délai de quinze jours dont ils disposaient pour présenter des observations en réponse, conformément aux dispositions du III de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier, ainsi que de leur droit à se faire assister de tout conseil de leur choix, selon les dispositions du II de l’article R. 621-40 du code monétaire et financier.
Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du même jour, les mis en cause ont été informés de la composition de la Commission des sanctions lors de la séance ainsi que du délai de quinze jours dont ils disposaient, en application des articles R. 621-39-2, R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du code monétaire et financier, pour demander la récusation d’un ou de plusieurs de ses membres.
Des observations en réponse au rapport du rapporteur ont été déposées le 27 mars 2015 pour le compte de Bryan Garnier et MM. C et B.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 31 mars 2015, la Selarl Mandataires judiciaires Associés représentée par Mes Patrick-Paul Dubois et Marie Dubois Perotti, liquidateurs de la société Tekka Group, a été invitée à se présenter à la séance de la Commission des sanctions du 16 avril 2015, conformément à l'article R. 621-40 Il du code monétaire et financier.
MOTIFS DE LA DECISION
I. SUR LES GRIEFS NOTIFIÉS À M. B ET LA SOCIÉTÉ TEKKA
1°) Sur le grief tiré de la violation de l’article 223-1 du règlement général de l’AMF
Considérant qu’il est reproché à Tekka un manquement à la bonne information du public à l’occasion de la publication de la note d’opération visée par l’AMF le 27 janvier 2011, en violation des dispositions de l’article 223-1 du règlement général de l’AMF ; que ce manquement serait également imputable à M. B, en qualité de président-directeur général de la société à l’époque des faits, en application des dispositions de l’article 221-1 du règlement général de l'AMF ;
Considérant que l’article 223-1 du règlement général de l’AMF, inchangé depuis la date des faits, prévoit que « l'information donnée au public par l'émetteur doit être exacte, précise et sincère » ; que cette exigence est placée sous le Titre II – Information périodique et permanente, du Livre II relatif aux « Emetteurs et à l’information financière » du règlement général de l’AMF ; que l’article 223-1 A du même règlement précise qu’« au sens de la présente section, le terme « émetteur » désigne toute entité ou toute personne morale dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation organisé au sens de l'article 524-1 ou sont supports d'un contrat à terme ou d'un titre financier admis aux négociations sur un marché réglementé » ;
Considérant qu’en l’espèce, le document de base que Tekka a enregistré auprès de l’AMF le 18 janvier 2011 et la note d’opération visée par l’AMF le 27 janvier 2011 constituent ensemble le prospectus, mis à la disposition du public à l’occasion de « l’inscription aux négociations sur le marché Alternext Paris NYSE-Euronext de l’intégralité des 2 745 760 actions existantes composant le capital de la société Tekka Group » ; que l’introduction en bourse de Tekka sur le marché Alternext n’est intervenue que le 8 février 2011 ; que le grief notifié, qui porte sur la qualité de l’information contenue dans un prospectus relatif à une première admission aux négociations sur un système multilatéral de négociation organisé imposé au Titre I – Offre au public ou admission aux négociations sur un marché réglementé de titres financiers, du Livre II du règlement général de l’AMF, et relevant donc de ce cadre règlementaire spécifique, et non sur l’information périodique et permanente due par l’émetteur, ne relève pas du champ d’application matériel de l’article 223-1 du règlement général de l’AMF ; que le grief, qui manque en droit, sera écarté ;
2°) Sur le grief tiré de la violation de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF
Considérant qu’il est reproché à Tekka de n’avoir pas communiqué « dès que possible » l’information privilégiée relative à la dégradation des résultats annuels résultant des comptes consolidés de l’exercice clos au 31 mars 2011, en violation des dispositions de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF, la publication des résultats annuels, initialement prévue le 7 juillet 2011, n'ayant finalement été effectuée que le 22 juillet 2011 alors que les comptes consolidés avaient été arrêtés par le conseil d'administration dès le 17 juin 2011 ; que ce manquement serait également imputable à M. B, en qualité de président-directeur général de la société à l’époque des faits, en application des dispositions de l’article 221-1 du règlement général de l'AMF ;
Considérant que l’article 223-2, I, du règlement général de l’AMF, inchangé depuis la date des faits, prévoit que « Tout émetteur doit, dès que possible, porter à la connaissance du public toute information privilégiée définie à l'article 621-1 et qui le concerne directement » ; que l’article 621-1 du même règlement, applicable à l’époque des faits et non modifié depuis dans un sens moins sévère prévoit qu’« une information privilégiée est une information précise qui n'a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d'instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui si elle était rendue publique, serait susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d'instruments financiers qui leur sont liés ; / Une information est réputée précise si elle fait mention d'un ensemble de circonstances ou d'un événement qui s'est produit ou qui est susceptible de se produire et s'il est possible d'en tirer une conclusion quant à l'effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers concernés ou des instruments financiers qui leur sont liés. / Une information, qui si elle était rendue publique, serait susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d'instruments financiers dérivés qui leur sont liés est une information qu'un investisseur raisonnable serait susceptible d'utiliser comme l'un des fondements de ses décisions d'investissement » ;
Considérant qu’il convient donc de rechercher si l’information en cause a un caractère privilégié, et, dans l’affirmative, si elle a été portée à la connaissance du public dès que possible ;
A. Sur le caractère privilégié de l’information
Considérant que dans le cadre de l’introduction de Tekka sur le marché Alternext survenue le 8 février 2011, les résultats publiés par la société, notamment les résultats semestriels au 30 septembre 2010 présentés dans le document de base, montraient une croissance soutenue, le groupe atteignant presque une marge brute d'autofinancement positive ; que s’agissant des « Principaux facteurs ayant une incidence sur l’activité et le résultat », la société expliquait que : « Depuis sa création, Tekka a connu un développement rapide passant de 235 K€ de chiffre d’affaires l’année de sa création en 2000/2001 à 12.2 M€ en 2009/2010, soit un taux de croissance annuel moyen de 55% sur la période (…) » ; que Bryan Garnier justifiait alors la valorisation de Tekka entre 45 et 50 millions d’euros en précisant que « (…) la société devrait pouvoir générer 37% de croissance annuelle moyenne de ses revenus d’ici 2015 et atteindre le break-even opérationnel dès l’exercice 2011/2012 » ; qu’au regard de ces résultats, des raisons de l’offre proposée et des objectifs affichés, le public pouvait raisonnablement anticiper une amélioration du résultat ainsi qu’une atteinte corrélative du seuil de rentabilité ;
Considérant que le procès-verbal des délibérations du 17 juin 2011 établit que le conseil d’administration de Tekka a définitivement arrêté les comptes sociaux et consolidés de l’exercice clos le 31 mars 2011 ; qu’il résulte de ces comptes une perte de 3,7 millions d’euros contre 2 millions au 31 mars de l’exercice précédent ; que la dégradation du résultat net consolidé de Tekka est donc significative ;
Considérant que la clôture de cet exercice n’est intervenue que quelques semaines après l’introduction de Tekka sur le marché Alternext le 8 février 2011 ; que la dégradation de la situation des comptes de Tekka au 31 mars 2011 constituait donc, au lendemain de son introduction en bourse, une circonstance dont il était « possible de tirer une conclusion », en l'occurrence négative, sur le cours du titre ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’information relative à la dégradation de la situation des comptes de Tekka au 31 mars 2011 était précise au sens de l’article 621-1 du règlement général à compter du 17 juin 2011 ;
Considérant que le public n’a pas été informé de la dégradation des résultats annuels avant le communiqué du 22 juillet 2011, de sorte que l’information est demeurée confidentielle avant cette date ;
Considérant qu’à l’occasion de la publication des résultats annuels le 22 juillet 2011, Tekka a annoncé au marché que la « progression du chiffre d’affaires reste insuffisante par rapport aux objectifs que la Société s’était fixés » ; que s’agissant des perspectives, la société Tekka expliquait que : « la Société anticipe un creusement de ses pertes opérationnelles au premier semestre de l’exercice en cours (…). Cette dégradation est la conséquence d’une combinaison de plusieurs évènements intervenus sur la fin de l’exercice et postérieurement à la clôture, notamment la progression insuffisante du chiffre d’affaires par rapport aux objectifs que la Société s’était fixés ainsi qu’un financement du besoin en fonds de roulement des filiales plus important que celui prévu initialement » ; qu’ainsi, l’information selon laquelle les résultats de Tekka sur l’exercice clos au 31 mars 2011 étaient fortement dégradés était susceptible d’être utilisée par un investisseur raisonnable comme l'un des fondements de ses décisions d'investissement, de sorte que si elle avait été rendue publique, elle aurait été susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ; que d’ailleurs la publication de cette information s’est traduite par une baisse de - 41% du cours du titre Tekka le 25 juillet 2011 ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’information relative à la dégradation de la situation des comptes présentait les caractéristiques d’une information privilégiée au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF le 17 juin 2011 ;
B. Sur le caractère tardif de la communication de l’information privilégiée au public
Considérant qu’il n’est pas contesté que l’information privilégiée n’a été communiquée au public que le 22 juillet 2011 ;
Considérant pourtant que dès le 11 mars 2011, la société en charge de la communication financière de Tekka avait annoncé par courriel « être prêt(e) pour diffuser le communiqué de presse des résultats annuels le 6 juillet à 17H45 » et qu’une réunion « sfaf » se tiendrait le 7 juillet 2011 à 17h30 » ; qu’aucune explication du report n’a pu être fournie par la mise en cause ;
Considérant que, dans sa réponse à la lettre circonstanciée, M. B a fait valoir « que s'agissant du prétendu retard avec lequel nous aurions publié nos comptes annuels », « nous avions pourtant plus d'une semaine d'avance sur l'échéance légale du 31 juillet 2011 » ; que, cependant, l’obligation de l’article 223-1 du règlement général de l’AMF s’impose quelle que soit la nature de l’information détenue par l’émetteur dès lors que celle-ci présente un caractère privilégié ; que la circonstance que cette information privilégiée doive être communiquée au titre de l’information périodique, ne dispense pas l’émetteur de la communiquer dès que possible ;
Considérant qu’interrogé par le rapporteur, M. B a déclaré : « J'ai découvert la notion « d'information privilégiée » à travers les questions posées par les enquêteurs lors de l'audition qui s'est tenue à Casablanca mais je ne suis pas sûr de l'avoir toujours comprise » ; qu’il a également indiqué : « compte tenu des états financiers intermédiaires figurant dans le prospectus, je n'avais pas anticipé une telle perte allant au-delà du double dans les comptes de l'exercice clos au 31 mars 2011. […] Donc les comptes étaient plus mauvais que ce que nous attendions et nous avons été surpris » ; qu’ainsi informé de la dégradation des résultats de Tekka dès le 17 juin 2011, le mis en cause ne peut soutenir que la décision de « différer légèrement » la publication des comptes annuels allait « dans le sens d’une amélioration de la qualité de l’information finalement mise à la disposition du public le 22 juillet 2011 » ;
Considérant que, dans son réponse à la notification de griefs, le mis en cause a invoqué le bénéfice de l’exception posée au II de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF, aux termes duquel « l'émetteur peut, sous sa propre responsabilité, différer la publication d'une information privilégiée afin de ne pas porter atteinte à ses intérêts légitimes, sous réserve que cette omission ne risque pas d'induire le public en erreur et que l'émetteur soit en mesure d'assurer la confidentialité de ladite information en contrôlant l'accès à cette dernière […] » ; que, cependant, à défaut d’avoir démontré un quelconque intérêt légitime susceptible de justifier le report de la communication des comptes de l’exercice clos au 31 mars 2011, la société ne peut se prévaloir du bénéfice des dispositions du II de l’article 223-2 précité ;
Considérant qu’en ne portant à la connaissance du public que le 22 juillet 2011 l’information relative à la dégradation des résultats de la société Tekka qui était devenue privilégiée depuis le 17 juin 2011, soit plus d’un mois après, Tekka a méconnu l’obligation posée à l’article 223-2 du règlement général de l’AMF ; que le manquement, de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché au sens de l’article L. 621-14 du code monétaire et financier, est caractérisé ;
Considérant que le manquement à l’article 223-2 du règlement général de l’AMF est par principe imputable à l’émetteur, sur qui pèse l’obligation d’information permanente ; que le manquement est ainsi imputable à la société Tekka ; qu’à moins que des circonstances particulières ne les aient privées de l’exercice total ou partiel de leurs fonctions, les dirigeants de l’émetteur doivent répondre, en application de l’article 221-1 du règlement général de l’AMF, des manquements aux dispositions de l’article 223-2 précité ;
Considérant que M. B, président-directeur général de Tekka à l’époque des faits, a présidé la séance du conseil d’administration du 17 juin 2011 à l’occasion de laquelle les comptes consolidés ont été arrêtés ; que le mis en cause ne peut, par ailleurs, invoquer le rôle tenu par d’autres personnes, cette circonstance, à la supposer établie, pouvant seulement être prise en compte pour la détermination du montant de la sanction encourue par lui ; que le manquement lui est donc imputable en sa qualité de dirigeant au sens de l’article 221-1 du règlement général de l’AMF ;
II. SUR LES GRIEFS NOTIFIÉS À M. A
Considérant qu’il est fait grief à M. A, en sa qualité de commissaire aux comptes, d’avoir participé, en ne relevant pas dans sa lettre de fin de travaux des « incohérences dans le tableau de l'endettement au 30 novembre 2010 » et dans « le chiffrage de l'insuffisance en fonds de roulement », à la diffusion d’une fausse information au sens de l’article 632-1 du règlement général de l’AMF ; que du fait de l’absence d’observations dans la lettre de fin de travaux sur les § 3. 1 et § 3. 2 de la note d’opération, due au manque de vérifications particulières qui lui incombaient en application de l’article 212-15, II, du règlement général de l'AMF, l’attestation du président-directeur général de Tekka, M. B, figurant au paragraphe § 1. 2 de la note d’opération, se trouvait dénuée de précision, d’exactitude et était même trompeuse ;
Considérant que s’agissant du tableau de l'endettement financier au 30 novembre 2010, présenté au paragraphe « 3.2 CAPITAUX PROPRES ET ENDETTEMENT » de la note d’opération, la notification de griefs relève qu’il ne faisait pas apparaître les retards de paiement des fournisseurs pour un montant de 1,6 million d’euros ; que s’agissant du chiffrage du besoin en fonds de roulement à 4 millions d’euros mentionné dans le paragraphe « 3.1 FONDS DE ROULEMENT NET » de la note d’opération, la notification de griefs retient que cette estimation ne tenait compte ni des lignes de caisse non renouvelables pour 1 million d’euros, exigibles au lendemain de l’introduction en bourse, ni des investissements industriels « requis pour l’atteinte des flux de trésorerie d’exploitation retenus dans le chiffrage » ;
Considérant que M. A, invoquant les dispositions de l’article 111-5 du code pénal, soutient que les dispositions de l’article 212-15, II du règlement général de l’AMF mettent à la charge des commissaires aux comptes des obligations qui ne résultent « d’aucune disposition de droit européen, ni d’aucune disposition législative de droit français régissant le prospectus à publier lors de l’introduction en bourse d’une société » ; qu’il en déduit que l’AMF a « excédé ses pouvoirs en édictant l’article 212-15 II de son règlement, sans délégation légale et en contravention avec l’article L. 821-2 du code de commerce et l’article L. 621-7 du code monétaire et financier » ; qu’il soulève en conséquence, par voie d’exception, l’illégalité des dispositions de l’article 212-15, II du règlement général de l'AMF ;
Considérant qu’aux termes de l’article 111-5 du code pénal « les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs, réglementaires ou individuels et pour en apprécier la légalité lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis » ;
Considérant que, d’une part, si elle peut être regardée comme un « tribunal » au sens de l’article 6 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la Commission des sanctions de l’AMF n’appartient pas à l’ordre judiciaire pénal et n’est pas une juridiction au regard du droit interne, de sorte qu’elle n’est pas compétente pour connaître d’une exception d’illégalité soulevée devant elle au visa de l’article 111-5 du code pénal ; que, d’autre part, la Commission des sanctions n’est pas davantage une juridiction compétente en matière disciplinaire pour apprécier l’exception d’illégalité des règlements ; qu’en conséquence, le moyen tiré de l’exception d’illégalité d’une disposition du règlement général de l’AMF n’est pas recevable devant la Commission des sanctions ;
Considérant que le mis en cause invoque encore la nullité de la poursuite pour atteinte au principe de la légalité des délits et des peines au motif que l'article 212-15, II du règlement de l'AMF renvoie pour la définition des obligations mises à la charge des commissaires aux comptes, à un communiqué de la Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes (ci-après : « CNCC ») du 9 novembre 2005 qui n’a jamais été adopté comme norme d'exercice professionnel et ne constitue qu’une « simple doctrine professionnelle, sans force juridique contraignante »; qu’en conséquence, la notification de griefs ne peut, selon lui, valablement l’invoquer comme support de la procédure de sanctions ;
Considérant toutefois que la notification de griefs adressée à M. A expose que le mis en cause pourrait « avoir commis un manquement à la bonne information du public », en violation de l’article 632-1 du règlement général de l’AMF, à l'occasion de la publication par Tekka de la note d'opération visée par l'AMF le 27 janvier 2011 ; qu’à l’appui du grief notifié, l’acte de poursuite détaille, d’une part, les faits retenus par le Collège à l’encontre de Tekka sur le fondement de l’article 223-1 du règlement général de l’AMF et développe, d’autre part, les « conséquences en matière d’information donnée au public » des faits précédemment relevés en déterminant la qualification juridique qu’ils sont susceptibles de recevoir à l’encontre de M. A, en sa qualité de commissaire aux comptes ; que la circonstance que le communiqué de la CNCC du 9 novembre 2005 précise les dispositions de l’article 212-15, II du règlement général de l’AMF quant aux « vérifications particulières du commissaire aux comptes sur la déclaration sur le fonds de roulement net et la déclaration sur le niveau des capitaux propres et de l’endettement, contenues dans une note d’opération », est sans incidence sur la régularité de la procédure dès lors qu’elle n’en constitue pas le fondement légal ; qu’elle n’est pas davantage constitutive d’une irrégularité de l’acte de poursuite, la notification de griefs comportant les faits reprochés et les textes législatifs et réglementaires constituant le fondement des poursuites ; que le moyen n’est pas fondé ;
Considérant que M. A soulève enfin, au soutien de la nullité de la notification de griefs, « l’impossibilité d’un manquement à l’article 632-1 du règlement général de l’AMF en l’absence de communication au public de la lettre de fin de travaux » ; que toutefois le mis en cause conteste en réalité le bien-fondé du manquement qui lui est reproché; qu’en conséquence, ce moyen relève d’un examen au fond ;
Considérant que l’article 632-1 du règlement général de l’AMF, qui n’a pas été modifié dans un sens plus doux, énonçait dans sa version applicable à l’époque des faits que : « Toute personne doit s’abstenir de communiquer, ou de diffuser sciemment, des informations, quel que soit le support utilisé, qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications inexactes, imprécises ou trompeuses sur des instruments financiers émis par voie d’appel public à l’épargne au sens de l’article L. 411-1 du code monétaire et financier, y compris en répandant des rumeurs ou en diffusant des informations inexactes ou trompeuses, alors que cette personne savait ou aurait dû savoir que les informations étaient inexactes ou trompeuses (…) » ;
Considérant qu’aux termes de l’article 212-15, II du règlement général de l’AMF, les commissaires aux comptes « procèdent à une lecture d'ensemble des autres informations contenues dans un prospectus, un document de référence ou, le cas échéant, leurs actualisations ou leurs rectifications. Cette lecture d'ensemble ainsi que, le cas échéant, les vérifications particulières sont effectuées conformément à une norme de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes relative à la vérification des prospectus » ;
Considérant que le grief reproché au mis en cause ne concerne pas la diffusion d’une fausse information intervenue dans le cadre de la mission légale des commissaires aux comptes ou d’une diligence qui lui serait directement liée ; qu’il serait la conséquence du non-respect des obligations professionnelles prescrites à l’article 212-15, II du règlement général de l’AMF et de la communication de la CNCC du 9 novembre 2005 à laquelle se réfère la notification de griefs ; que cette communication informe « les commissaires aux comptes des vérifications particulières qu’ils seront amenés à mettre en oeuvre sur la « déclaration sur le fonds de roulement net » et la « déclaration sur le niveau des capitaux propres et de l'endettement contenues dans une note d’opération » ;
Considérant cependant que cette communication n’a pas de valeur règlementaire faute de constituer une norme d’exercice professionnel homologuée par arrêtée du Garde des sceaux, Ministre de la Justice ; que la lettre de fin de travaux, si elle citée au paragraphe 1.2 de la note d’opération intitulé « Déclaration de la personne responsable », n’a fait l’objet d’aucune communication au public ;
Considérant qu’en conséquence, le grief tiré de la diffusion d’une fausse information n’est pas constitué ;
III. SUR LES GRIEFS NOTIFIÉS À LA SOCIÉTÉ BRYAN GARNIER ET M. C
Considérant qu’il est fait grief à Bryan Garnier d’avoir, en qualité de prestataire de services d'investissement, manqué à ses obligations professionnelles dans le cadre de l'introduction en bourse de Tekka, lors de la cession des titres Tekka en mars 2011 et lors de la diffusion de l’information financière dans la note d'opération élaborée à l'occasion de l'introduction en bourse ; que ces manquements seraient également imputables à M. C, à titre personnel, en sa qualité de dirigeant de Bryan Garnier, en application des articles 313-6, 315-73 et 313-2 du règlement général de l'AMF ;
Considérant qu’il convient donc de rechercher si des manquements ont été commis durant chacune des trois périodes ;
1) Sur le placement des titres Tekka dans le cadre de son introduction en bourse
Considérant que selon les notifications de griefs, à l’issue de la période d’offre, le 8 février 2011, les souscriptions ne permettaient pas d’atteindre le seuil de 75% nécessaire au déclenchement de l’augmentation de capital ; que Bryan Garnier aurait alors conclu un accord avec X qui aurait « accepté de souscrire à l’introduction en bourse à hauteur de 1,5 million d’euros moyennant l’engagement de Bryan Garnier de lui racheter ses 138 248 titres dès le premier jour de cotation, au prix de 11,067 euros, ce qui représentait une rémunération de 2% » ; que la rémunération d’un montant de 30 000 euros aurait été intégrée au titre des « frais de règlement-livraison » puis refacturée à Tekka le 10 février 2011 ; que le rachat de la souscription de X aurait été réalisé le 14 février 2011 par le biais d’un contrat de liquidité signé le 10 février 2011, non prévu par la note d’opération, conduisant Tekka à détenir dès le premier jour de cotation « 136 271 de ses propres titres » ;
Considérant que les notifications de griefs retiennent « qu’au regard des modalités d'affectation et de rémunération mises en place par Bryan Garnier, empreintes d'opacité, de partialité, révélant un non-respect de l'intérêt des clients et une atteinte à l'intégrité des marchés, le placement des titres dans le cadre de l'introduction en bourse de Tekka n'aurait pas été effectué par Bryan Garnier dans le respect des articles L. 533-1 du code monétaire et financier et 314-3 du règlement général de l'AMF » ;
Considérant que l’article L. 533-1 du code monétaire et financier, aux termes duquel « Les prestataires de services d'investissement agissent d'une manière honnête, loyale et professionnelle, qui favorise l'intégrité du marché », est rendu applicable par l’article L. 532-18-2 du même code « aux succursales mentionnées à l’article L. 532-18-1 pour ce qui concerne les services fournis sur le territoire de la France métropolitaine » ; que l’article 314-3 du règlement général de l’AMF, selon lequel « Le prestataire de services d'investissement agit d'une manière honnête, loyale et professionnelle qui sert au mieux l'intérêt des clients et favorise l'intégrité du marché. Il respecte notamment l'ensemble des règles organisant le fonctionnement des marchés réglementés et des systèmes multilatéraux de négociation sur lesquels il intervient », est rendu applicable par l’article 314-1, alinéa 2, du même règlement « aux services d'investissement et services connexes fournis en France par des succursales établies en France par des prestataires de services d'investissement agréés dans d'autres États parties à l'accord sur l'Espace économique européen » ;
A. Sur la souscription de la société X
Considérant que selon la note d’opération du 27 janvier 2011, l’offre présentée aux investisseurs devait faire l’objet d’une garantie de placement par Bryan Garnier, agissant en qualité de listing sponsor ; qu’aux termes des stipulations du contrat, conclu le 8 février 2011, soit le dernier jour de la période de souscription, Bryan Garnier s’engageait « à défaut de faire souscrire par des investisseurs en France, ainsi qu’à l’étranger, la totalité des Actions nouvelles, à souscrire lui-même la totalité desdites Actions Nouvelles au prix Définitif à la Date de Réalisation » ; qu’en contrepartie des services fournis dans le cadre des opérations d’introduction en bourse, il percevrait notamment « une commission de succès de 4,00% HT sur la totalité des sommes versées par tout investisseur dans le cadre de la souscription dans le cadre de l’IPO » ; que cependant, les relevés du compte bancaire de Bryan Garnier du mois de février 2011 font apparaître que le listing sponsor n’était financièrement pas en mesure de respecter cet engagement dans sa totalité ; qu’interrogé sur ce point, M. C a reconnu en audition devant les enquêteurs : « Nous étions garants de l'opération. Cela devait se boucler. On avait pris en compte propre 900 000 euros, deux fois nos fees sur l'opération. Il manquait encore 1.5 million » ;
Considérant qu’il n’est pas contesté qu’au 8 février 2011, le seuil de 75% requis pour le déclenchement de l’augmentation de capital décidée par le conseil d’administration de Tekka le 25 janvier 2011, à hauteur de 11,25 millions d’euros, n’était pas encore atteint et que la société X a souscrit pour 1,5 million d’euros le dernier jour du placement ;
Qu’à cet égard, les mis en cause font valoir que « X a pu se voir affecter une part significative du placement, compte tenu de sa capacité d'investissement », mais que « Bryan Garnier n’a conclu aucun accord ferme le 8 février 2011 avec X aux termes duquel Bryan Garnier serait tenu juridiquement de racheter la participation ainsi prise dans Tekka après l’introduction en bourse » ;
Considérant, cependant, qu’aux termes d’un courriel adressé par le « Head of Primary Sales » de Bryan Garnier, le 8 février 2011 à 17h45, au dirigeant de la société X, le premier indique : « […] Comme convenu, Bryan Garnier s'engage à vous racheter 138 248 actions TEKKA au prix de 10 8717 euros le lundi 14 février » ; que contrairement à ce qu’affirment les mis en cause, ce courriel établit bien l’existence d’un accord portant sur une prestation, une contrepartie et une date de remboursement ;
Considérant par ailleurs que le Managing Director – Head of Corporate Finance de Bryan Garnier a confirmé au cours de l’enquête que « le placement était compliqué. X a indiqué vouloir prendre des titres mais les revendre dans la foulée c’est-à-dire juste après l’IPO. On n’a pas trouvé mieux donc on a pris » ; qu’il a ajouté que « Sans X il n'y avait pas 75%. Notre idée était de replacer ces titres post-IPO et de ne pas les laisser sur le bilan de Tekka » ; qu’au sujet de ce placement, le dirigeant de la société X a enfin déclaré : « j'ai investi pour l'aider mais ça n'était pas un dossier que je voulais porter dans le temps. Je voulais rester 24 ou 48h, avec l'assurance de sortir. On a donc discuté de la rémunération : on est tombé d'accord sur 2%. Cet accord s'est concrétisé par téléphone. De mémoire, Bryan Garnier s'engageait à racheter ma position ou à trouver une contrepartie […]. Pour répondre à votre question, cela peut s'assimiler à du portage ou à un prêt » ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la souscription de X, qui ne correspondait pas aux obligations convenues au titre du contrat de garantie de placement, avait pour but d’atteindre le seuil de 75% nécessaire à la réalisation d’une opération à laquelle elle était par ailleurs intéressée ; que Bryan Garnier - dont la trésorerie ne permettait pas à elle seule d’honorer la garantie de placement – a eu recours au « portage » de 138 248 actions Tekka par X à hauteur de 1,5 million d’euros, octroyant à cette dernière une rémunération de 2% ;
B. Sur le contrat de liquidité
Considérant qu’un contrat de liquidité, non mentionné dans la note d’opération du 27 janvier 2011, a été conclu le 10 février 2011, selon lequel Tekka a mis à disposition de Bryan Garnier des titres ou espèces pour favoriser la liquidité des transactions ; que la somme de 1,6 million d’euros a été portée au crédit du compte de liquidité ;
Considérant qu’il ressort du dossier que 136 271 des 138 248 actions Tekka détenues par X ont été rachetées le 14 février 2011 dans le cadre du contrat de liquidité conclu le 10 février 2011 ; que les mis en cause, loin de contester la réalité de l’opération de rachat en bloc de la souscription de X, font valoir que la mise en place du contrat de liquidité, comme l’intervention à l’achat réalisée par son biais, étaient conformes à la réglementation ;
Considérant que si la décision AMF du 1er octobre 2008 a admis le contrat de liquidité comme une pratique de place, un tel contrat doit uniquement permettre « d'éviter des décalages de cours non-justifiés par la tendance du marché, vis[ant] précisément à favoriser une interaction adéquate entre l'offre et la demande et constituent un facteur essentiel dans la sauvegarde du libre jeu des forces du marché » ;
Considérant que le rachat de 136 371 actions Tekka souscrites par X pour un montant d’environ 1,5 million d’euros, représentant plus de 90% des espèces qui lui étaient allouées, a été réalisé le 14 février 2011, soit le jour même de la communication au marché du contrat de liquidité et le premier jour de cotation des titres ; que cette intervention, qui non seulement ne respectait pas les stipulations contractuelles prévoyant une entrée en vigueur au lendemain de sa publication, soit le 15 février 2011, mais de surcroît ne répondait pas aux objectifs poursuivis par la mise en place d’un contrat de liquidité, lequel doit normalement permettre de maintenir « le libre jeu des forces du marché » et non d’assurer le respect d’un engagement convenu, hors marché, à l’époque du placement « à défaut d’autres investisseurs », a conduit l’émetteur à racheter ses propres titres au lendemain de son introduction en bourse ; qu’ainsi, le Managing Director – Head of Corporate Finance a indiqué aux enquêteurs : « Tekka a racheté les titres via le contrat de liquidité qui avait été dimensionné pour ça et signé le jour même » ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que malgré le fait que Bryan Garnier ait réalisé une partie de l’investissement en compte propre, les investisseurs – qui n’ont été informés de la conclusion du contrat de liquidité qu’au premier jour de cotation de bourse – ne pouvaient déduire du seul prospectus ni que la réalisation de l’opération avait été possible à raison du portage des titres par X à hauteur de 1,5 million d’euros contre rémunération, ni que Tekka procèderait au rachat d’une partie de ses propres titres au lendemain de son introduction en bourse grâce aux fonds levés, alors que la levée de fonds devait lui permettre de renforcer sa trésorerie et d’assurer la continuité de son exploitation ;
Considérant que Bryan Garnier, agissant en qualité de listing sponsor, a joué un rôle déterminant dans le processus d’introduction en bourse ; que sa présence était précisément destinée à renforcer la confiance des investisseurs ; qu’alors qu’il est manifeste que le marché ne pouvait appréhender les conditions réelles dans lesquelles l’introduction en bourse de Tekka s’est finalement déroulée, la garantie de placement annoncée aux investisseurs dans la note d’opération était, quant à elle, de nature à les rassurer sur la viabilité de l’opération ; qu’il s’ensuit que le placement des titres dans le cadre de l'introduction en bourse de Tekka n'a pas été effectué par Bryan Garnier dans le respect des dispositions des articles L. 533-1 du code monétaire et financier et 314-3 du règlement général de l'AMF précités ;
2°) Sur la cession des titres Tekka en mars 2011
Considérant que les notifications de griefs retiennent que Bryan Garnier et M. C auraient profité les 3 et 4 mars 2011 de la hausse du cours et des volumes acheteurs sur le titre Tekka « pour céder en priorité, y compris par blocs, l'intégralité de la ligne détenue en compte propre » tel que cela ressort du tableau établi par Bryan Garnier le 4 mars 2011, conduisant à une cession limitée des titres pour le compte de l’émetteur ; qu’ils auraient ainsi manqué à leur obligation d'agir « d'une manière honnête, loyale et professionnelle, qui favorise l'intégrité du marché » prévue à l’article L. 533-1 du code monétaire et financier ;
Considérant que les mis en cause rappellent que le contrat de liquidité est soumis au principe de « spécialisation » selon lequel le contrat doit avoir pour « seuls objets de favoriser la liquidité des transactions et la régularité des cotations des titres de l'Emetteur ou éviter les décalages de cours non justifiés par la tendance du marché » et que ce principe, dont les termes sont explicités par la Charte de déontologie AMAFI du 28 janvier 2008 concernant les contrats de liquidité, renvoie, pour sa mise en oeuvre, au principe d’indépendance, qui exige que l’animateur soit « seul juge de l’opportunité des interventions effectuées au regard, tant de l’objet du contrat de liquidité que du souci d’assurer sa continuité » ; qu’ils en déduisent qu’ils n'étaient tenus d’une obligation d'abstention concernant le titre Tekka ni par la réglementation boursière, ni par une clause contractuelle et soutiennent n’avoir mis en oeuvre qu’une cession progressive de la participation de Bryan Garnier dans Tekka, sur plusieurs jours de bourse, dans le cadre de la politique de gestion de sa trésorerie et de son compte propre ;
Considérant cependant qu’à la suite des interventions décidées par Bryan Garnier ayant conduit au rachat de la souscription de X par Tekka au lendemain de son introduction en bourse, le contrat de liquidité s’est retrouvé presque exclusivement investi en titres Tekka dès le premier jour de cotation, alors que la charte de déontologie AMAFI précitée prévoit également le principe de proportionnalité, selon lequel : « Les moyens détenus sur le compte de liquidité doivent être proportionnés aux objectifs assignés au contrat de liquidité. En aucun cas, le compte de liquidité ne peut être utilisé à des fins de stockage de titres » ;
Considérant que le reporting du contrat de liquidité établi par Bryan Garnier le 24 février 2011, soit juste avant les cessions litigieuses des 3 et 4 mars 2011, fait apparaître que le contrat était toujours à cette date presque exclusivement investi en titres, le solde espèces étant de 97 638,59 euros sur les 1 600 000 euros alloués au contrat ; qu’il s’en déduit que le contrat de liquidité, au regard des espèces disponibles, ne pouvait plus intervenir que dans un sens, à savoir à la vente ;
Considérant que s’il n’est pas en soi critiquable que les mis en cause aient cédé les titres détenus en compte propre « à la faveur d’une hausse de cours du titre », il ressort des éléments du dossier qu’ils ont surtout cédé l’intégralité de leur position Tekka lors des séances de bourse des 3 et 4 mars 2011, alors que sur ce point, M. C avait lui-même déclaré aux enquêteurs que : « Le contrat de liquidité devait être réduit dès que possible, à partir du lendemain par cession de blocs, afin de ne pas peser sur le marché » ;
Considérant qu’il est donc manifeste que malgré la composition originelle du contrat de liquidité, essentiellement investi en titres dès sa conclusion et dont il résultait qu’il ne pouvait fonctionner dans des conditions normales d’animation du cours, Bryan Garnier a cédé « en priorité » les titres qu’il avait souscrits, détenus en compte propre ; que dès lors, il importe peu que Bryan Garnier ait ou pas « recherché à réaliser une plus-value » ;
Considérant qu’il résulte de l’analyse des conditions de mise en oeuvre du contrat de liquidité que l’irrégularité qui l’affectait à sa conclusion a persisté dans le cadre de son exécution, le prestataire de services d’investissement ayant en outre privilégié la cession intégrale de la ligne détenue en compte propre lors des séances de bourse des 3 et 4 mars 2011 ; d’où il suit que le manquement à l’article L. 533-1 du code monétaire et financier est caractérisé ;
3°) Sur l’information financière diffusée dans la note d’opération élaborée à l’occasion de l’introduction de Tekka
Considérant qu’aux termes des notifications de griefs, « l’absence de diligences professionnelles réalisées sur le chiffrage de l’insuffisance en fonds de roulement » ainsi que « l’absence de mention des retards de paiement des dettes fournisseurs pour 1,6 million d’euros » dans la note d’opération constitueraient un manquement aux dispositions de l'article 212-16, III du règlement général de l'AMF ;
Considérant que l'article 212-16, III du règlement général de l'AMF impose que : « Lorsqu'une ou des personnes morales ou entités, prestataires de services d'investissement ou non, qui sont agréées par l'entreprise de marché ou le prestataire de services d'investissement gestionnaires d'un système multilatéral de négociation organisé au sens de l'article 524-1 participent sur ce système à une offre au public portant sur des titres de capital, cette ou ces personnes morales ou entités attestent auprès de l'AMF avoir effectué les diligences professionnelles d'usage et n'avoir décelé dans le contenu du prospectus aucune inexactitude ni aucune omission significative de nature à induire l'investisseur en erreur ou à fausser son jugement » ;
Considérant que les « diligences professionnelles d’usage » auxquelles se réfère l’article 212-16, III, du règlement général de l’AMF sont précisées par le code professionnel FBF/AFEI, qui prévoit que : « Les diligences sont, de manière générale, réalisées par le Prestataire au travers, d’une part, de vérifications sur pièces opérées à partir de divers documents remis par la Société et, d’autre part, d’entretiens avec les principaux responsables de la Société appartenant à sa direction et à ses principales fonctions (financière, juridique, marketing, personnel). Elles ont pour objet de permettre au Prestataire d’obtenir de la Société les éléments d’information nécessaires à la délivrance de son attestation » ; qu’à ce titre, le prestataire de services d’investissement « n’a pas à vérifier l’exhaustivité, la véracité et la sincérité des informations écrites et orales fournies par la Société » ni « à effectuer des diligences entrant dans les missions des commissaires aux comptes, ou à valider leurs diligences » ;
Considérant que la mise en oeuvre de ce contrôle doit permettre au prestataire de services d’investissement de mettre en évidence « toute divergence significative » entre les informations rendues publiques par la société (ou un tiers) et la documentation recueillie à cette occasion, afin de vérifier que « les principaux éléments d’information concernant la Société sont correctement reflétés par le prospectus qui doit être soumis au visa de l’AMF » ; que l’obligation mise à la charge du prestataire de services d’investissement en application des dispositions précitées s’ajoute à celle de l’émetteur en matière d’information financière, ainsi qu’aux diligences des commissaires aux comptes, et instaure ainsi un contrôle de cohérence supplémentaire dans le cadre d’une « offre au public portant sur des titres de capital » qui serait présentée sur un système multilatéral de négociation ;
Considérant, en premier lieu, qu’il ressort du §3.1 de la note d’opération que le besoin en fonds de roulement représentait « le montant nécessaire à la poursuite de son exploitation au cours des 12 mois suivants la date de visa de l’Autorité des Marchés Financiers » ;
Considérant que bien qu’elle ait attesté, le 27 janvier 2011, soit le jour du visa de l’AMF, n’avoir relevé, au terme de ses diligences, « aucune inexactitude ni omission significative de nature à induire l’investisseur en erreur ou à fausser son jugement », Bryan Garnier n’a pu fournir aux enquêteurs aucune « explications sur le chiffrage » du besoin en fonds de roulement ; qu’en particulier, l’audition du Vice President Corporate Finance au sein de Bryan Garnier met en évidence que les données et explications fournies par la société Tekka étaient soit inexactes soit inexistantes ; qu’à cet égard, les mis en cause ne peuvent soutenir n’avoir pas procédé eux-mêmes à cette évaluation pour tenter de s’exonérer de leur responsabilité dès lors que les diligences réalisées dans le cadre de l’établissement du bussiness plan auraient dû les conduire à évaluer ce besoin, indispensable à l’établissement du budget prévisionnel lui-même ;
Considérant, en second lieu, qu’il ressort des échanges intervenus le 19 janvier 2011 entre plusieurs salariés de Bryan Garnier que l’évolution défavorable de la trésorerie de Tekka comme le retard dans le paiement des fournisseurs, étaient manifestement connus en interne, dès le 19 janvier 2011, soit avant que l’AMF n’ait donné son visa sur la note d’opération litigieuse ; que la circonstance qu’aucune mention relative au retard fournisseur n’apparaisse dans les rapports d’audit du commissaire aux comptes non plus que dans l’attestation du dirigeant de la société Tekka est indifférente à la caractérisation du manquement ; qu’en conséquence, il ressort de ce qui précède que Bryan Garnier a manqué aux dispositions de l’article 212-16, III, du règlement général de l’AMF ;
Considérant que le non-respect des obligations professionnelles mises à la charge des prestataires de services d’investissement à l'occasion du placement des titres Tekka dans le cadre de son introduction en bourse, de la cession des titres Tekka en mars 2011 et de l’information financière contenue dans la note d’opération caractérise un manquement aux articles L. 533-1 du code monétaire et financier, 314-3 et 212-16 III du règlement général de l’AMF ; que ces griefs sont donc imputables à Bryan Garnier ;
Considérant que ces manquements sont également reprochés à M. C, à titre personnel, en sa qualité de dirigeant de la société mise en cause au sens de l’article 313-6 du règlement général de l'AMF ;
Considérant qu’aux termes de l’article 313-6, alinéa 1er, du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction issue de l’arrêté du 15 mai 2007, non modifiée par l’arrêté du 3 octobre 2011 : « La responsabilité de s’assurer que le prestataire de services d’investissement se conforme à ses obligations professionnelles mentionnées au II de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier incombe à ses dirigeants et, le cas échéant, à son instance de surveillance » ; qu’aux termes de l’article 315-73 du règlement général de l’AMF, en vigueur à l’époque des faits, et repris en substance à l’article 315-66 du même règlement « les dispositions des chapitres III, IV et V du présent titre s'appliquent aux personnes concernées mentionnées au II de l'article 313-2. / Les règles adoptées en vertu des chapitres III, IV et V du présent titre par le prestataire de services d'investissement et s'appliquant aux personnes concernées mentionnées au II de l'article 313-2 constituent pour celles-ci une obligation professionnelle. / Les dispositions des chapitres IV et V du présent titre s'appliquent aux personnes concernées mentionnées au II de l'article 313-2 des succursales établies en France par des prestataires de services d'investissement agréés dans d'autres États parties à l'accord sur l'Espace économique européen » ; qu’enfin, aux termes de l’article 313-2, II du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction issue de l’arrêté du 5 août 2008, non modifiée par l’arrêté du 11 décembre 2013 : « une personne concernée est toute personne qui est : / 1° Un gérant, membre du conseil d'administration, du conseil de surveillance ou du directoire, directeur général ou directeur général délégué, tout autre mandataire social ou agent lié mentionné à l'article L. 545-1 du code monétaire et financier du prestataire de services d'investissement » ;
Considérant, en l’espèce, que M. C, « company director » de la société Bryan Garnier & Co Ltd, et responsable en France et à l’étranger de la succursale parisienne, a la qualité de dirigeant au sens de l’article 313-6 du règlement général de l’AMF ; qu’il a également la qualité de personne concernée au sens de l’article 313-2 du règlement général de l’AMF ; que les manquements aux articles L. 533-1 du code monétaire et financier, 314-3 et 212-16 III du règlement général de l’AMF lui sont donc également imputables ;
SANCTIONS ET PUBLICATION DE LA DÉCISION
I. SUR LES SANCTIONS
Considérant que les faits se sont déroulés entre le 18 janvier et le 25 juillet 2011 et sont susceptibles de donner lieu au prononcé d’une sanction contre les personnes mises en cause sur le fondement de l’article L. 621-15, II du code monétaire et financier, dans sa version applicable à l’époque des faits ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 621-15, III du même code, les sanctions applicables sont : « a) Pour les personnes mentionnées aux 1° à 8°, 11°, 12°, 15° à 17° du II de l'article L. 621-9, l'avertissement, le blâme, l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des services fournis, la radiation du registre mentionné à l'article L. 546-1 ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ; / b) Pour les personnes physiques placées sous l'autorité ou agissant pour le compte de l'une des personnes mentionnées aux 1° à 8°, 11°, 12°, 15° à 17° du II de l'article L. 621-9, l'avertissement, le blâme, le retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle, l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des activités ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 15 millions d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés en cas de pratiques mentionnées aux c et d du II ou à 300 000 euros ou au quintuple des profits éventuellement réalisés dans les autres cas ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne morale sous l'autorité ou pour le compte de qui agit la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ; / c) Pour les personnes autres que l'une des personnes mentionnées au II de l'article L. 621-9, auteurs des faits mentionnés aux c et d du II, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ; les sommes sont versées au Trésor public » ;
Considérant que le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements et en tenant compte de la situation des mis en cause ;
Considérant que le retard de communication de l’information privilégiée relative à la dégradation des résultats de Tekka a masqué le fait que la société aurait dû renoncer à s’introduire en bourse ; qu’il est de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés ; qu’il sera sanctionné par une sanction pécuniaire de 250 000 euros à l’encontre de la société Tekka et de 150 000 euros à l’encontre de M. B ;
Considérant que les manquements de la société Bryan Garnier ont été commis par un prestataire de services d’investissement averti et agréé en qualité de listing sponsor par l’entreprise de marché qui avait parfaitement conscience du caractère déterminant de la souscription de la société X dans la réalisation de l’introduction en bourse à laquelle elle était intéressée, et qu’elle savait que les conditions de cette opération différaient de celle décrite dans le prospectus ; que les cessions des titres Tekka ont dégagé une plus-value de 95 000 euros ; qu’il sera prononcé contre elle une sanction pécuniaire de 200 000 euros ;
Considérant qu’il convient d’infliger à M. C, dirigeant de Bryan Garnier, une sanction pécuniaire de 25 000 euros ;
II. SUR LA PUBLICATION
Considérant que la publication de la présente décision ne risque ni de perturber gravement les marchés financiers ni de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause ; que sa publication sera dès lors ordonnée mais sous une forme préservant l’anonymat des personnes qui ne sont pas parties à la procédure ou mises hors de cause ;
PAR CES MOTIFS,
Et ainsi qu’il en a été délibéré, sous la présidence de Mme Marie-Hélène Tric, par MM. Bernard Field et Lucien Millou, membres de la 2ème section de la Commission des sanctions, en présence de la secrétaire de séance,
DECIDE DE :
- mettre hors de cause M. A ;
- prononcer à l’encontre de la société Tekka Group une sanction pécuniaire de 250 000 (deux cent cinquante mille) euros ;
- prononcer à l’encontre de M.B une sanction pécuniaire de 150 000 (cent cinquante mille) euros ;
- prononcer à l’encontre de la société Bryan Garnier and Co limited une sanction pécuniaire de 200 000 (deux cent mille) euros ;
- prononcer à l’encontre de M. C une sanction pécuniaire de 25 000 (vingt-cinq mille) euros ;
- publier la présente décision sur le site Internet de l’Autorité des marchés financiers.