Cass. 2e civ., 12 avril 2018, n° 17-15.527
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Flise
Avocats :
Me Rémy-Corlay, SCP Piwnica et Molinié
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 mars 2017), que M. Y..., Mme Z..., M. A... et Mme A... (les associés), associés de la société Études transformation et stockage (la société Sétec), ont conclu un contrat sous conditions suspensives de cession de la totalité des actions composant le capital social de la société Sétec, à la société Commerce 2020, représentée par la société Antinéa capital Sarl & Partners, société en commandite par actions de droit luxembourgeois représentée par la société Antinéa capital Sarl (les sociétés Antinéa), associé commandité, représenté par M. X... et M. C..., lui-même représenté par M. X... ; que les associés de la société Sétec ont été autorisés par le président d'un tribunal de commerce à pratiquer diverses saisies conservatoires pour sûreté et conservation d'une créance évaluée à 7 025 000 euros, correspondant au prix des parts sociales cédées, au préjudice de la société Commerce 2020, des sociétés Antinéa et de M. X... ; qu'après avoir pratiqué les mesures conservatoires, ils ont saisi un tribunal de commerce de diverses demandes de condamnation, pour un montant total de 2 305 340 euros, à l'encontre de M. X..., de la société Commerce 2020 et des sociétés Antinéa, lesquels ont sollicité du président du tribunal de commerce la rétractation des ordonnances, puis interjeté appel de l'ordonnance rejetant pour partie cette demande ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X..., la société Commerce 2020 et les sociétés Antinéa font grief à l'arrêt de déclarer les requêtes des associés de la société Sétec recevables, alors, selon le moyen :
1°/ que tout jugement doit être motivé et que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en déclarant recevables les requêtes des associés de la société Sétec, sans répondre aux conclusions par lesquelles les sociétés Commerce 2020, Antinéa et M. X... faisaient valoir que l'absence de communication de certaines pièces invoquées, alors même que ces pièces souffraient d'un défaut d'indication précise, portait atteinte au principe de la contradiction, en violation des articles 494 et 16 du code de procédure civile, la cour d'appel a méconnu les exigences des articles 455 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que tout jugement doit être motivé et que les motifs dubitatifs constituent un défaut de motifs ; que les sociétés Commerce 2020, Antinéa et M. X... faisaient valoir que l'absence de communication de certaines pièces invoquées portait atteinte au principe de la contradiction, en violation des articles 494 et 16 du code de procédure civile ; qu'en déclarant recevables les requêtes des associés de la société Sétec, aux motifs dubitatifs que "la requête rectificative présentée le 4 avril 2016 vise en pièce annexée une "note complémentaire" qui, à l'évidence ne peut concerner que l'identité des tiers saisis entre les mains desquels les mesures sont à exécuter, les autres pièces concernant celles afférentes à la requête du 7 mars 2016", la cour d'appel a méconnu les exigences des articles 455 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que seule est exigée, par l'article 494 du code de procédure civile, l'indication précise des pièces invoquées à l'appui de cette requête, à l'exclusion de leur communication entre les parties ; qu'en l'absence d'incident au sens de l'article 133 de ce code, les conclusions se bornant à alléguer un défaut de communication de pièces sont inopérantes ; que, dès lors, la cour d'appel n'avait pas à répondre aux conclusions de la société Commerce 2020, des sociétés Antinéa et de M. X... se prévalant de l'absence de communication de certaines des pièces invoquées à l'appui de la requête des associés de la société Sétec à fin d'être autorisé à pratiquer des mesures conservatoires ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen, pris en ses première, deuxième, sixième et septième branches :
Attendu que M. X..., la société Commerce 2020 et les sociétés Antinéa font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes et de les condamner aux frais irrépétibles et dépens, alors, selon le moyen :
1°/ que si ce n'est dans le cas où la mesure conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier, dans le mois qui suit l'exécution de la mesure, à peine de caducité, introduit une procédure ou accomplit les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire de la créance ayant permis la mesure conservatoire ; que la caducité de la mesure conservatoire doit être prononcée dès lors que la créance revendiquée pour l'obtention du titre exécutoire est inférieure au montant pour lequel la mesure conservatoire a été prise, le créancier ne cherchant pas à obtenir de titre exécutoire pour sa prétendue créance dans sa totalité ; qu'en refusant de prononcer la caducité des saisies conservatoires pratiquées pour paiement de la somme de 7 025 000 euros bien qu'elle ait constaté que la créance revendiquée pour laquelle un titre exécutoire était recherché n'était que de 2 305 340 euros, la cour d'appel a violé les articles L. 511-1 et L. 511-4 et l'article R. 511-7 du code des procédures civiles d'exécution ;
2°/ que si ce n'est dans le cas où la mesure conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier, dans le mois qui suit l'exécution de la mesure, à peine de caducité, introduit une procédure ou accomplit les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire de la créance ayant permis la mesure conservatoire ; que la caducité de la mesure conservatoire doit être prononcée dès lors que la créance revendiquée pour l'obtention du titre exécutoire est largement inférieure au montant pour lequel la mesure conservatoire a été prise, cette mesure portant alors une atteinte disproportionnée au droit de propriété du débiteur saisi ; qu'en refusant de prononcer la caducité des saisies conservatoires pratiquées pour paiement de la somme de 7 025 000 euros bien qu'elle ait constaté que la créance revendiquée pour laquelle un titre exécutoire était recherché n'était que de 2 305 340 euros, la cour d'appel a violé les articles L. 511-1 et L. 511-4 et l'article R. 511-7 du code des procédures civiles d'exécution ensemble l'article 1er du Premier protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°/ qu'en l'absence de titre exécutoire, il appartient au juge qui autorise la saisie conservatoire de caractériser l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe ; qu'en vertu du principe d'autonomie des sociétés, une société mère n'est pas tenue des engagements contractuels pris par sa filiale, sauf s'il est caractérisé que la société mère s'est immiscée dans la gestion de sa filiale et que cette immixtion était de nature à créer pour le cocontractant une apparence trompeuse propre à lui permettre de croire légitimement que la société était aussi son cocontractant, ou s'il est démontré que la filiale est fictive ; qu'en engageant la responsabilité des sociétés Antinéa, sans caractériser leur immixtion dans la société Commerce 2020 ni même l'apparence de fictivité de cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1165 (ancien) et 1842 du code civil ensemble l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
4°/ qu'en l'absence de titre exécutoire, il appartient au juge qui autorise la saisie conservatoire de caractériser l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe ; que le dirigeant d'une société n'est pas tenu, du seul fait de sa qualité de dirigeant, des engagements pris par cette société, sauf s'il est caractérisé qu'il s'est personnellement engagé pour le compte de la société ou qu'il a commis une faute intentionnelle d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal de ses fonctions sociales ; qu'en engageant la responsabilité de M. X..., sans caractériser un engagement personnel ou l'apparence d'une faute détachable de celui-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 (ancien) du code civil ensemble l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
Mais attendu, d'une part, que la saisie conservatoire rend indisponible les biens qui en sont l'objet sans toutefois en attribuer la propriété au saisissant et que, lorsque le saisissant engage ou poursuit une procédure en vue d'obtenir un titre exécutoire constatant une créance s'élevant à un montant moindre que celui pour lequel il a été autorisé sur requête à pratiquer la saisie, cette mesure peut faire l'objet, à la demande du saisi, d'une mainlevée partielle ou d'une substitution à la mesure initialement prise de toute mesure propre à sauvegarder les intérêts des parties ; que c'est dès lors sans violer l'article 1er du premier Protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que la cour d'appel a débouté la société Commerce 2020, les sociétés Antinéa et M. X... de leur demande tendant à ce que soient déclarées caduques les saisies conservatoires ;
Que, d'autre part, ayant constaté, par des motifs non critiqués, que la créance invoquée par les associés de la société Sétec à l'appui de leur requête à fin d'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire et celle que ceux-ci ont par la suite invoqué à l'appui de l'assignation de la société Commerce 2020, des sociétés Antinéa et de M. X... étaient fondées sur une cause factuelle unique, à savoir la non-réalisation du contrat de cession, c'est par une exacte application des articles L. 511-1, L. 511-4 et R. 511-7 du code des procédures civiles d'exécution que la cour d'appel a débouté ces derniers de leur demande tendant à la caducité des mesures conservatoires pratiquées ;
Qu'enfin, la cour d'appel ayant retenu que le principe d'une créance indemnitaire causée par la non-réalisation de la cession, même sous conditions suspensives, existait lors de la présentation de la requête et demeurait au jour où elle statuait, que ce principe de créance, dont seule l'apparence était requise, concernait autant la société Commerce 2020 que les personnes physiques et morales qui participent à sa gestion, et donc à la prise des décisions, les sixième et septième branches, sous le couvert d'un manque de base légale, ne tendent qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par la cour d'appel d'une apparence de créance fondée en son principe contre les sociétés Antinéa et M. X... ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu, qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les troisième, quatrième et cinquième branches du second moyen annexé, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.