Cass. 1re civ., 13 mai 1986, n° 85-10.669
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ponsard
Rapporteur :
M. Sargos
Avocat général :
M. Gulphe
Avocats :
SCP Labbé et Delaporte, Me Ancel
Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué, que M. X... a fait l'objet d'un contrôle fiscal à l'issue duquel le vérificateur a estimé le montant du redressement à la somme de 5.766.000 francs ; que le percepteur d'Aunay-sur-Odon, invoquant les dispositions de l'article 54 du Code de procédure civile, a présenté au président du tribunal de grande instance une requête aux fins d'inscription provisoire d'hypothèque judiciaire sur des immeubles de M. X..., puis une requête complémentaire, et que, par une première ordonnance du 12 avril 1983 et une seconde du 9 mai 1983, le président de la juridiction a accueilli ces demandes ; que M. X... a ensuite assigné le percepteur en rétractation des deux ordonnances, mais qu'il a été débouté par la Cour d'appel ;
Attendu que M. X... fait grief à la juridiction du second degré d'avoir ainsi statué alors que, d'une part, le fond du litige, c'est-à-dire la validité des opérations de vérification et l'existence même de la créance fiscale relevant de la compétence de la juridiction administrative, il s'ensuivrait que les tribunaux de l'ordre judiciaire sont incompétents pour autoriser l'administration des impôts à prendre une inscription provisoire d'hypothèque judiciaire, alors que, d'autre part, les missions des comptables du Trésor ne peuvent concerner que le recouvrement d'une créance dûment constatée par un ordre de recette, de sorte que, la créance litigieuse résultant d'une simple notification de redressement, le percepteur n'avait pas le pouvoir de prendre des mesures conservatoires, et alors que, enfin, un redressement après vérification de comptabilité simplement notifié, et n'ayant pas fait l'objet d'un ordre de recette n'est pas une créance opposable au contribuable, mais constitue une mesure d'instruction, de sorte qu'il ne pourrait y avoir de créance paraissant fondée en son principe comme l'exige l'article 48 du Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, qu'il n'appartient qu'aux tribunaux de l'ordre judiciaire de connaître d'une procédure d'inscription provisoire d'hypothèque judiciaire, quelle que soit la qualité du créancier ou la nature de la créance invoquée ;
Attendu, ensuite, que les dispositions des articles 48 à 57 du Code de procédure civile, relatives aux mesures conservatoires, sont d'application générale et qu'il n'est pas nécessaire que le créancier dispose d'un titre, mais qu'il doit seulement justifier d'une créance paraissant fondée en son principe ; qu'il s'ensuit qu'à défaut d'une disposition expresse excluant l'application des articles précités en matière fiscale, la Cour d'appel a pu en faire application en considérant que la notification du redressement traduisait par l'apparence de sa réalité le bien-fondé en son principe de la créance fiscale ; que les trois premières branches du moyen ne peuvent donc être accueillies ; les rejette ;
Mais sur la quatrième branche du moyen :
Vu les articles 48, 53 et 54 du Code de procédure civile ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que l'inscription provisoire d'hypothèque judiciaire ne peut être autorisée qu'à titre exceptionnel en cas d'urgence et si le recouvrement de la créance, paraissant fondée en son principe, semble en péril ;
Attendu, cependant, que, bien que M. X... ait contesté dans ses conclusions l'urgence et le péril, la Cour d'appel ne s'est prononcée sur aucun de ces éléments, se bornant à retenir, pour décider du maintien des inscriptions, que le percepteur justifiait d'une créance paraissant fondée en son principe ; qu'en statuant ainsi, elle a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE et ANNULE l'arrêt rendu le 13 novembre 1984 entre les parties, par la Cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de de Rouen.