Cass. crim., 26 février 2002, n° 01-85.895
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
Mme Agostini
Avocat général :
M. Davenas
Avocat :
SCP Waquet, Farge et Hazan
Vu le mémoire produit ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 22 de la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992, 121-3 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Pierre X... coupable, ès qualités de directeur de la raffinerie Shell à Berre-l'Etang, d'avoir jeté, déversé ou laissé s'écouler dans les eaux territoriales directement ou indirectement une ou des substances quelconques ayant entraîné des effets nuisibles sur la santé ou des dommages sur la flore ou la faune et, en répression, l'a condamné à la peine de 40 000 francs d'amende ;
" aux motifs qu'il est fait grief à Jean-Pierre X..., ès qualités de directeur de la raffinerie Shell à Berre-l'Etang, d'avoir omis de prendre toutes les précautions utiles lors d'une opération de vidange de cuves et d'avoir laissé s'écouler un rejet de fioul dans l'étang de Berre ; que le prévenu n'a pas contesté que du fioul s'était déversé dans l'étang de Berre à l'occasion d'une opération de vidange de cuves ; qu'il a toutefois souligné le caractère accidentel de cette pollution due à l'état défectueux des flexibles utilisés mais aussi à l'intervention d'un tiers qui, après travaux d'entretien, avait omis de replacer en mode de fonctionnement automatique la pompe de relevage du déshuileur ; qu'il convient toutefois de faire application plus modérée de la loi pénale, le prévenu n'ayant pas d'antécédents judiciaires et justifiant des dispositions prises pour remédier à l'avenir à ces problèmes, d'autant qu'il a été relevé par les enquêteurs que la pollution constatée n'avait eu aucun effet néfaste sur la flore et la faune ;
" alors, d'une part, qu'en déclarant Jean-Pierre X... coupable, ès qualités de directeur de la raffinerie Shell à Berre-l'Etang, d'avoir jeté, déversé ou laissé s'écouler dans les eaux territoriales directement ou indirectement une ou des substances quelconques ayant entraîné des effets nuisibles sur la santé ou des dommages sur la flore ou la faune, au visa de l'article 22, alinéa 3, de la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992, alors même que l'infraction ainsi retenue relevait, en réalité, de l'article 22, alinéa 1er, de la loi du 3 janvier 1992, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors, d'autre part, qu'en retenant le prévenu dans les liens de la prévention pour avoir jeté, déversé ou laissé s'écouler dans les eaux territoriales directement ou indirectement une ou des substances quelconques ayant entraîné des effets nuisibles sur la santé ou des dommages sur la flore ou la faune, infraction prévue et réprimée par l'article 22, alinéa 1er, de la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992, tout en énonçant expressément "qu'il a été relevé par les enquêteurs que la pollution constatée n'avait eu aucun effet néfaste sur la flore et la faune", la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors, encore, que l'infraction prévue à l'article 22, alinéa 3, de la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 n'est constituée que pour autant que des "déchets en quantité importante" ont été jetés ou abandonnés par le prévenu ; que, dès lors, en se bornant à relever que du fioul s'était déversé dans l'étang de Berre à l'occasion d'une opération de vidange de cuves, sans constater que le fioul répandu dans les eaux territoriales l'aurait été en quantité importante, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale ;
" alors de surcroît, que l'infraction en cause suppose soit une faute volontaire, soit une négligence fautive ayant abouti à la pollution incriminée ; que faute de caractériser l'un ou l'autre, la cour d'appel, qui n'a nullement contesté le caractère ponctuel et accidentel du déversement, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" alors, enfin, que l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal, le 1er mars 1994, marque la disparition des délits matériels ; que toute infraction suppose désormais une intention coupable ; que, par suite, faute d'avoir caractérisé l'intention coupable de Jean-Pierre X... de mettre en danger les eaux territoriales de manière délibérée, la cour d'appel n'a pas, derechef, légalement justifié sa décision " ;
Vu l'article L. 216-6 du Code de l'environnement ;
Attendu que constitue le délit de pollution prévu et réprimé par ce texte, le fait de jeter, déverser ou laisser s'écouler dans les eaux superficielles, souterraines ou les eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales, directement ou indirectement, une ou des substances quelconques dont l'action ou les réactions entraînent, même provisoirement, des effets nuisibles sur la santé, ou des dommages à la flore ou à la faune, ou des modifications significatives du régime normal d'alimentation en eau, ou des limitations d'usage des zones de baignade ;
Attendu que, pour déclarer Jean-Pierre X... coupable de cette infraction, les juges relèvent que du fioul s'est déversé dans un étang à l'occasion d'une opération de vidange de cuves ; qu'ils ajoutent que la pollution constatée n'a eu aucun effet néfaste sur la faune et la flore ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a relevé l'absence d'un élément constitutif de l'infraction, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le premier moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 29 mars 2001 ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.