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Décisions

CA Versailles, 12e ch., 2 octobre 2012, n° 11/02711

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Finex (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rosenthal

Conseillers :

Mme Brylinski, Mme Orsini

Avocats :

Me Chouteau, Me Trouve, SCP Bommart-Minault

T. com. Nanterre, du 24 mars 2011

24 mars 2011

Vu l'appel interjeté le 6 avril 2011 par X à l'encontre d'un jugement rendu le 24 mars 2011 par le tribunal de commerce de Nanterre qui :

* a débouté X de sa demande visant à lui attribuer un complément de prix, au titre de sa partie variable,

* l'a condamné à payer à la société Finex la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Vu les dernières écritures régulièrement signifiées et déposées au greffe le 25 juillet 2011, par lesquelles X demande à la cour :

*d'infirmer le jugement,

* de condamner la société Finex à verser à X une somme de 47.524 euros à titre de complément de partie variable du prix de cession des actions qu'il détenait dans la SA Jean Naudet, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2010, date de l'assignation,

*d'ordonner la capitalisation des intérêts,

* de condamner la société Finex au paiement d'une somme de 4.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, tant de 1ère instance que d'appel, avec distraction dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu les dernières écritures signifiées les 8 et 12 août 2011, aux termes desquelles la société Finex prie la cour de :

* déclarer X mal fondé en son appel,

* confirmer le jugement en toutes ses dispositions et débouter X de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

* condamner X au paiement d'une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, et d'une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;

SUR CE, LA COUR,

Considérant que, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé au jugement entrepris ainsi qu'aux écritures des parties; qu'il sera seulement rappelé que :

- la société Jean Naudet exerce l'activité d'expertise et évaluation des biens matériels et immatériels pour le compte de compagnies d’assurance ;

- par protocole d'accord signé le 13 décembre 1997, la Sarl Finex, aux droits de laquelle vient la SAS Finex, a acquis 2.498 des 2.500 actions composant le capital social de la société Jean Naudet, dont 624 actions appartenant à X ;

- aux termes de ce protocole, X, qui conservait une action sur les 625 actions qu'il détenait antérieurement, était confirmé dans son mandat de président jusqu'au 30 décembre 2000 et demeurait administrateur de la société ;

- le protocole d'accord prévoyait un prix de cession comportant une partie fixe ainsi qu'une partie variable liée aux résultats de la société, à l'issue de chacun des exercices 1997, 1998, 1999 et 2000 et payable au plus tard le 31 décembre suivant la clôture desdits exercices ;

- la partie variable du prix pour chacun des exercices considérés était acquise aux cédants, si le bénéfice net après impôt de la société Jean Naudet atteignait un résultat net dit 'résultat pivot' dont le montant était fixé, dans le protocole, à 4 300 000 francs pour l'exercice 2000, objet du litige ;

- en cas de différence entre le résultat réel et le 'résultat pivot' tel que fixé au protocole pour chacun des exercices, la partie variable était majorée ou minorée, selon le cas, de la moitié de cette différence et répartie entre les cédants au prorata de leur participation respective, soit notamment pour X, à hauteur de 624/2500, puis de 1.249/2500 après le décès de son épouse le 30 septembre 1999 ;

- la partie fixe et la partie variable du prix ont été réglées sans difficulté jusqu'à l'exercice 1999 ;

- sur la base d'un résultat net après impôts de 6.081.637 francs pour l'exercice 2000, X a reçu de la société Finex la somme de 445.053 francs au titre de la partie variable lui revenant ;

- Marie-Sophie X, fille de M X, qui avait cédé 797 actions de la société Jean Naudet, contestant le résultat réel ayant servi au calcul de la part variable qui lui était due au titre de l'exercice 2000 a réclamé, à ce titre, une somme complémentaire de 40 950 euros et, n'ayant reçu que 10.000 euros, a assigné la société Finex en paiement de dommages et intérêts ;

- par arrêt infirmatif du 26 juin 2008, la cour d'appel de Versailles a condamné la société Finex à verser à Mme X la somme de 30.950 euros à titre de dommages et intérêts en retenant que la société Finex avait calculé la part variable due à Madame X, au titre de l'exercice 2000, sur la base de comptes manifestement inexacts qui comptabilisaient, à tort, une provision de 250 000 francs pour créances douteuses, ainsi qu'une charge d'intérêts au profit de la société Finex pour un total de 1 553 942 francs et faisaient ainsi apparaître un résultat net de 6 081 637 francs au lieu de 7 315 800 francs ;

- le pourvoi contre cet arrêt formé par la société Finex a été rejeté par la Cour de cassation le 27 octobre2009 ;

- le 1er septembre 2010, X, se référant à ces arrêts et, au visa de l'article 1134 du code civil, a assigné la société Finex devant le tribunal de commerce de Nanterre, aux fins de la voir condamner à lui verser la somme de 47.524 euros avec intérêt au taux légal, au titre de la partie variable du prix de cession de ses actions qui lui était due ;

- c'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement dont appel qui a rejeté la demande de X ;

Sur l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 26 juin2008 :

Considérant que M X soutient que les décisions rendues par la cour d'appel de Versailles le 26 juin2008, et la cour de cassation le 27 octobre2009, dans le litige opposant Marie-Sophie X à la société Fidex sont revêtues de l'autorité de la chose jugée et s'imposent à tous, de sorte que le résultat à prendre à compte pour le calcul de la partie variable du prix des actions ne peut être que la somme de 7 329 569 francs retenue par la cour d'appel ;

Considérant toutefois que la Finex fait, à juste titre, valoir que M X ne peut se prévaloir de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 26 juin2008, dans une instance qui opposait Mme X à la société Finex et à laquelle il n'était pas partie ;

Que l’arrêt, qui n'a pas tranché dans son dispositif la question relative au montant réel du résultat net de la société Finex pour l'exercice 2000, est en outre dépourvu d'autorité de la chose jugée quant à cette question ;

Sur la demande principale :

Considérant que X, à l'appui de sa demande en paiement d'un complément de prix, soutient que le montant de la partie variable du prix de cession qui lui est dû, au titre de l'exercice 2000, a été calculé sur la base d'un résultat net de 6 081 637 francs qui ne correspond pas à la réalité, une provision pour créances douteuses à hauteur de 250 000 francs ayant été à tort comptabilisée ainsi qu'une charge d' intérêts au profit de la société mère Finex pour un total de 1 553 695 francs et que le résultat à prendre en compte pour le calcul de la partie variable du prix des actions cédées est en réalité de 7 329 569 francs ;

Qu'il fait valoir que ce résultat de 7 329 569 francs est celui qui apparaissait sur le premier bilan établi par l'expert-comptable de la société Jean Naudet ;

Que, s 'agissant de l'inscription de la provision de 250 000 francs pour créances douteuses, il précise que dans tous les comptes antérieurs de la société Jean Naudet, aucune provision pour créances douteuses n'avait jamais été inscrite, la raison en étant que la société Jean Naudet a pour clients presque exclusivement des compagnies d'assurance à la solvabilité avérée ;

Qu'il ajoute que la provision inscrite dans les comptes est curieusement une somme ronde et forfaitaire sans référence à aucune liste de factures impayées ni à une quelconque statistique susceptible de la justifier ;

Que, s'agissant de la comptabilisation d'intérêts au profit de la société Finex à hauteur de 1 558 695 francs, X soutient qu'aucun prêt n'a été consenti par la société Finex à la société Jean Naudet et qu'aucune dette d'intérêts ne pouvait dès lors être comptabilisée ;

Considérant que pour s'opposer à la demande, la société Finex fait valoir que la demande de X est fondée sur le protocole d'accord du 13 décembre1997 ; que ce protocole prévoit que la partie variable du prix est déterminée sur la base du résultat net après impôts de la société Jean Naudet ; que les comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2000 retiennent bien un résultat net de 6 081 637 francs et que retenir un autre chiffre reviendrait à faire échec aux termes clairs et précis du protocole, lesquels ne permettent pas l'utilisation d'un autre résultat net que celui régulièrement approuvé par l'assemblée générale de la société ;

Que la société Finex ajoute que ces comptes ont été soumis et approuvés par le conseil d'administration de la société Jean Naudet dont X était alors le président, puis soumis au vote de l'assemblée générale des actionnaires qui les a approuvés 'dans toutes leurs parties' et 'sans aucune réserve ' et qu'en présentant lesdits comptes au conseil d 'administration puis à l'assemblée générale, X a nécessairement renoncé à toute réclamation future sur les bases du calcul de la partie variable du prix fondé sur ces comptes ;

Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce qui est soutenu par la société Fidex, X est recevable à discuter le résultat net comptable de l'exercice 2000 sur la base duquel doit être calculée, aux termes du protocole dont il demande l'application, la partie variable du prix de ses actions; qu'aucune disposition du protocole ne lui interdit de contester le résultat net pris en compte pour ce calcul ni ne prévoit que les comptes de résultats tels qu'approuvés par l'assemblée générale des actionnaires s'imposeraient définitivement et irrévocablement entre les parties ;

Que la circonstance qu'il ait été président du conseil d'administration lors de l'arrêté des comptes de cet exercice et de leur approbation par l'assemblée générale du 30 juin 2001 et qu'il n'ait pas manifesté de désaccord n'est pas de nature à priver X du droit d'en contester aujourd'hui l'exactitude, étant observé, d'une part, que les deux autres administrateurs siégeant au conseil d'administration étaient le président de la société Finex et Mme Hebert, dont X précise sans être démenti qu'elle était l'épouse du fondateur de cette société et, d'autre part, qu'il n'était titulaire que d'une seule action lors du vote de l'assemblée générale du 30 juin 2001 tandis que la société Finex en détenait 2498, ce dont il résulte qu'il était largement minoritaire;

Considérant, ensuite, s'agissant de l'inscription de la provision de 250 000 francs pour créances douteuses dans les comptes de l'exercice 2000, qu'il résulte des pièces produites, d'une part, qu'aucune provision pour créances douteuses n'avait été comptabilisée pour les exercices 1997, 1998 et 1999, d'autre part, que le projet de comptes de l'exercice 2000, établi par l'expert-comptable, ne faisait apparaître aucune provision et qu'en outre, le rapport de gestion présenté à l'assemblée générale ordinaire du 30 juin 2001 en vue de l'approbation des comptes de l'exercice 2000 relevait la très nette augmentation du chiffre d'affaires et du résultat d'exploitation de la société sans faire état d'aucun risque de non recouvrement de créances ;

Qu'il apparaisse, au surplus, que la société Finex ne verse aux débats aucune pièce tendant à justifier la comptabilisation de la provision critiquée et ne soutient d'ailleurs pas, dans ses écritures, l'existence de créances douteuses qui aurait pu justifier la constitution de cette provision ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que c'est à bon droit que X soutient que la provision litigieuse n'était pas justifiée et n'avait pas à figurer dans les comptes ;

Considérant, enfin, s'agissant de la comptabilisation d'une charge d'intérêts dus à la société Finex à hauteur de 1 558 695 francs, que cette société ne soutient pas dans ses écritures que cette comptabilisation était justifiée ; qu'elle ne verse aucune pièce susceptible d'en établir la justification ; qu'il apparaît au contraire que cette charge d'intérêts ne figurait pas sur le projet de comptes versé au dossier ;

Qu'il peut être relevé que la société Finex ne reprend pas la thèse qu'elle avait soutenue lors de l'instance l'opposant à Mme X, selon laquelle les intérêts litigieux portaient sur une somme de 5 904 019, 18 francs de dividendes dont la distribution avait été approuvée par l'assemblée générale mais qu'elle avait laissée à la disposition de la société Jean Naudet ; qu'en tout état de cause, M X soutient, sans être démenti, que les dividendes auxquels avait droit la société Finex, titulaire de 2498 actions sur les 2500 composant le capital social de la société Jean Naudet, lui ont été réglés pour partie, l'autre partie figurant au passif de la société à la rubrique 'autres dettes' et ne constituant pas une dette de prêt pouvant donner lieu à la comptabilisation d'intérêts;

Qu'il résulte de ces éléments que M. X soutient à bon droit que la somme de 1 558 695 francs ne pouvait être comptabilisée au titre de charges d'intérêts ;

Considérant que la société Fidex fait, en outre valoir, pour s'opposer à la demande en paiement d'un complément de prix, que le résultat net de 7.329.569 Francs proposé par M. X ne repose sur aucune réalité comptable, dès lors que la réintégration des sommes critiquées de 250 000 francs et 1 553 942 francs aurait pour effet de porter le résultat net à hauteur de 7 885 579 francs et non de 7 329 569 francs ;

Considérant toutefois que le moyen ne peut valablement prospérer dès lors que le résultat de 7 329 569 francs est un résultat après impôt et qui tient donc compte de l'augmentation d'impôt sur les bénéfices générée par la suppression des charges d'exploitation et financières comptabilisées à tort ;

Considérant, dès lors que X est fondé en sa demande tendant à ce que la partie variable du prix de cession de ses actions soit calculée, au titre de l'exercice 2000, sur la base d'un résultat net de 7 329 569 francs ;

Qu'il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, dès lors que la société Finex ne conteste pas le calcul opéré par X sur la base de ce résultat, de condamner la société Finex à payer à X la somme de 47 524 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2010;

Qu'il soit également fait droit à la demande de capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil ;

Sur les autres demandes

Considérant que la société Finex ne peut qu'être déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, dès lors qu'il est fait droit à la demande principale de X ;

Considérant que la société Finex qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ;

Que les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile doivent bénéficier à X dans les conditions précisées au dispositif ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau,

Condamne la société Finex à payer à X la somme de 47 524 euros à titre de complément de la partie variable du prix de cession de ses actions, avec les intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2010

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article de l'article 1154 du code civil ;

Déboute la société Finex de sa demande de dommages-intérêts ;

Condamne la société Finex à payer à X la somme de 4500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de la société Finex sur ce fondement ;

Condamne la société Finex aux dépens tant de première instance que d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.