CA Paris, 3e ch. B, 8 janvier 2009, n° 07/21656
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
CRC (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Monin-Hersant
Conseillers :
Mme Jourdier, M. Loos
Avoués :
SCP Fisselier - Chiloux - Boulay, Me Couturier
Avocats :
Me Chauvin, Me Tubiana
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte du 2 novembre 2004 faisant suite à un protocole du 23 juillet 2004, Monsieur Jean-Claude D. et Madame Jacqueline L. ont cédé à la société C.R.C. l'intégralité des 3700 actions composant le capital social de la société C. DEPANNAGE, ayant une activité de dépannage, transport de véhicules, spécialement enlèvement de véhicules sur la voie publique pour leur mise en fourrière.
L'acte de cession dans son article IX contenait une clause de non-concurrence, souscrite par les vendeurs pour une durée de cinq ans à compter de la cessation de toutes fonctions au sein de la société C. DEPANNAGE.
A la suite de la cession Monsieur D. a été nommé en qualité de directeur général de la société C. DEPANNAGE, mandat social dont il a été révoqué le 28 février 2007.
Par acte d'huissier de justice du 20 septembre 2007, Monsieur Jean-Claude D. a assigné la société C.R.C devant le Tribunal de Commerce de PARIS, demandant l'annulation de la clause de non-concurrence.
Par jugement rendu le 8 novembre 2007 et assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de PARIS a déclaré nulle la clause de non concurrence insérée dans l'acte de cession du 2 novembre 2004 ; il a retenu que le libellé de la clause était imprécis et laissait place à l'interprétation, que la durée de l'engagement ne pouvait être déterminée au jour de la cession, et que les conditions de la clause étaient disproportionnées par rapport à son objet .
Par acte du 18 décembre 2007, la société C.R.C. a déclaré faire appel de ce jugement.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Vu les dernières conclusions déposées au Greffe le 14 avril 2008 par la société C.R.C. , appelante, demandant à la Cour d'infirmer le jugement du 8 novembre 2007, de dire valable la clause litigieuse, ou bien à titre infiniment subsidiaire d'en restreindre l'application à la région Ile de France, et en tout état de cause d'ordonner à Monsieur D. sous peine d'astreinte de cesser toute activité contraire à cette clause;
Vu les dernières conclusions déposées au Greffe le 30 mai 2008 par Monsieur Jean-Claude D., intimé, tendant à la confirmation du jugement,
SUR CE,
Considérant qu'aux termes de la clause litigieuse, contenue dans l'acte de cession des actions de la société C. DEPANNAGE, Monsieur Jean-Claude D. en tant que vendeur de 51% du capital social s'est formellement interdit 'de créer et d'exploiter, sous quelque forme que ce soit, ou de s'intéresser directement ou indirectement, à quelque titre que ce soit, même comme associé commanditaire, à toutes activités se rapportant aux activités de transport, remorquage, fourrière, assistance pour tous véhicules automobiles, cycles, poids lourds'; que la convention précise que 'cet engagement de non-concurrence et de non-rétablissement prendra effet à compter de la cessation de toutes fonctions au sein de C. DEPANNAGE ou de FLASH DEPANN, et ce pour une durée de cinq (5) années, et couvrira le territoire de la France';
Considérant que Monsieur Jean-Claude D. soutient tout à la fois que cette clause est nulle en ce qu'elle est disproportionnée à son objet et à sa finalité légitime et l'empêche d'exercer une activité dans son secteur professionnel, mais néanmoins qu'elle ne lui interdit pas de devenir salarié au sein d'une entreprise ayant l'activité visée ;
Considérant que la société C.R.C. qui indique avoir comme activité celles de 'transport, fourrière dépannage et assistance de véhicules automobiles', soutient de son côté que la clause de non-concurrence était justifiée par la protection de ses intérêts légitimes comme acquéreur de la société C. DEPANNAGE et qu'elle n'a rien de disproportionné au regard de l'objet du contrat de cession dans lequel elle s'inscrivait; que la société C.R.C. soutient concomitamment que les termes de la clause interdisent à Monsieur Jean-Claude D. toute relation de quelque nature qu'elle soit avec un tiers concurrent, y compris une relation salariale;
Considérant que la clause ci-dessus rappelée avait manifestement pour objet de protéger, pendant la durée convenue et relativement aux activités décrites, les intérêts de la société C.R.C. en assurant à l'acquéreur de la société C. DEPANNAGE la pérennité de la clientèle, et donc de la valeur des droits cédés, après le départ du cédant qui en était le principal animateur ;
Que même si logiquement il était stipulé dans l'acte de cession qu'elle prendrait effet seulement à compter du départ de Monsieur Jean-Claude D., il n'en demeure pas moins que la clause litigieuse est bien limitée dans le temps ; qu'elle est également limitée dans l'espace, étant observé que la société C.R.C. affirme sans être contredite que son activité et celle de sa filiale s'étendent bien au-delà de l'Ile de France ;
Que cependant avant de pouvoir la dire valable il convient aussi de vérifier si la clause de non-concurrence est bien proportionnée à l'objet du contrat et si elle n’a pas pour résultat d'interdire à Monsieur Jean-Claude D. jusqu'en 2012 sur le territoire métropolitain toute activité professionnelle en relation avec sa compétence;
Considérant que telle qu'elle est rédigée, la clause ne vise pas expressément l'exécution d'un contrat de travail, les termes employés: 'créer, exploiter', 's'intéresser directement ou indirectement, à quelque titre que ce soit, même comme associé commanditaire', évoquant une exploitation personnelle ou tout au moins un intéressement à l'exploitation, à la gestion ou au capital d'une entreprise dans le domaine du 'transport, remorquage, fourrière, assistance pour tous véhicules automobiles, cycles, poids lourds'; que la convention n'interdit donc pas en tant que tel l'exercice d'un emploi salarié même au sein d'une entreprise exerçant dans le secteur prohibé; qu'elle n'a donc pas pour effet d'interdire pendant cinq ans à Monsieur D. d'exercer en France métropolitaine une activité professionnelle dans son domaine de compétence;
Que dans ces conditions la clause figurant à l'article IX du contrat de cession du 2 novembre 2004 n'est pas nulle, contrairement à ce qu'a décidé le tribunal de commerce dans son jugement du 8 novembre 2007 ;
Que néanmoins il y a lieu de rejeter la demande de cessation d'activité sous astreinte formulée par la société C.R.C. à l'encontre de Monsieur D. ; qu'en effet en l'état il n'est pas démontré que les conditions dans lesquelles il exerce son activité comme directeur commercial salarié de la S.A.S. Garage Jean J. constitue une violation des obligations souscrites dans la clause précitée ;
Considérant que chacune des parties succombant partiellement, un partage des dépens s'impose en équité, ainsi que le rejet des demandes formées en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
INFIRME le jugement frappé d’appel ;
Statuant à nouveau :
Déclare valable la clause de non-concurrence souscrite par Monsieur Jean-Claude D. en faveur de la société C.R.C. à l'article IX de l'acte de cession du 2 novembre 2004 ;
Rejette la demande de cessation d'activité sous astreinte formulée par la société C.R.C. à l'encontre de Monsieur D. ;
Rejette les demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Fait masse des dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront supportés pour moitié par chacune des parties ;
Accorde à la S.C.P. FISSELIER-CHILOUX-BOULAY et à Maître Luc COUTURIER, Avoués à la Cour, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.