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Décisions

Cass. com., 12 décembre 2018, n° 17-18.640

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

Me Galy, Me Le Prado

Rennes, du 7 mars 2017

7 mars 2017

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 4 mai 2007, M. et Mme Z... ont cédé à M. X... et à la société Fridu l'intégralité des parts sociales qu'ils détenaient dans le capital de la société Entreprise Z... (la société Z...) ; que l'acte de cession stipulait une clause de non-concurrence à la charge des cédants ; qu'alléguant que M. Z... violait cette clause en participant à l'exploitation de la société Z... NJS (la société NJS), gérée par son fils, M. X... a assigné M. Z... en responsabilité ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen :

1°/ que l'acte notarié de cession des actions de la SAS Entreprise Z... , en date du 4 mai 2007, prévoit que les cédants « - s'engagent envers le CESSIONNAIRE à n'entreprendre par eux-mêmes ou par l'intermédiaire de toute entreprise quelconque, y fussent-ils simple commanditaire, aucune activité similaire à celle de la société émettrice, - s'interdisent formellement le droit de créer, exploiter, ou faire valoir, directement ou indirectement, même à titre de simple associé commanditaire, aucun fonds de commerce de la nature de celui exploité par la société "Entreprise Z..." et de s'intéresser directement ou indirectement, soit comme dirigeant, directeur, employé, associé ou actionnaire, dans l'exploitation d'un semblable fonds », « le tout pendant une durée de cinq années », « à peine de tous dommages-intérêts et sans préjudice du droit pour le cessionnaire de faire cesser la contravention par toute voie de droit » ; que la cour d'appel, pour rejeter les demandes de M. X... et de la société Fridu contre M. Z..., cédant, a retenu que la clause de non-concurrence qui, en cas de doute, devait s'interpréter en faveur de celui qui s'oblige, interdisait uniquement à M. Z... pendant une durée de cinq ans à compter de l'acte soit d'entreprendre une activité, soit de créer, exploiter ou faire valoir un fonds de commerce similaire à celui du fonds de la société cédée ou de s'intéresser à l'exploitation d'un fonds de commerce similaire déjà existant, que le fait d'avoir été, avant la cession, déjà détenteur de parts dans la SARL gérée par son fils ne suffisait pas à caractériser une violation par le cédant de cette clause, seule une participation active à l'exploitation du fonds de commerce de la société NJS postérieurement à la cession étant proscrite, et que l'apport en compte courant ne peut dès lors être assimilé à une prise de participation au capital de la société NJS et ne suffit dès lors pas à caractériser la violation de la clause de non-concurrence à la charge de M. Z... ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause, et l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ que tout jugement doit, à peine de nullité, être motivé ; que la cour d'appel, pour rejeter les demandes de M. X... et de la société Fridu contre M. Z..., cédant, a écarté le grief tiré de contacts téléphoniques de M. Z... avec le représentant d'un fournisseur, en se fondant sur une confusion vraisemblable entre les deux sociétés Z... et NJS par ce représentant, dont elle a jugé « l'attestation » non crédible ; qu'en statuant ainsi, par des motifs dubitatifs, et sans s'expliquer sur l'aveu judiciaire invoqué par M. X... et la société Fridu, qui se prévalaient des termes de conclusions de M. Z... devant le tribunal de grande instance de Saint-Malo décrivant son intervention comme un "coup de main ponctuel" à son fils, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que l'aveu est la déclaration par laquelle une personne reconnaît pour vrai un fait de nature à produire contre elle des conséquences juridiques, peut être extrajudiciaire ou judiciaire ; que la cour d'appel, pour rejeter les demandes de M. X... et de la société Fridu contre M. Z..., cédant, a écarté le grief tiré de contacts téléphoniques de M. Z... avec le représentant d'un fournisseur, en se fondant sur une confusion vraisemblable entre les deux sociétés Z... et NJS par ce représentant, dont elle a jugé « l'attestation » non crédible ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la reconnaissance par M. Z..., dans des conclusions de première instance, de l'aide fournie à son fils pour préparer la réponse à un appel d'offres, dans le pour but d'obtenir des précisions techniques et tarifaires sur une préconisation d'isolation thermique par l'extérieur et les techniques dans le suivi et l'exécution de ce chantier, ne caractérisait pas un aveu de ce fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1354 ancien, repris à l'article 1383 du code civil ;

4°/ que l'acte notarié de cession des actions de la société Entreprise Z..., en date du 4 mai 2007, prévoit que les cédants « - s'engagent envers le CESSIONNAIRE à n'entreprendre par eux-mêmes ou par l'intermédiaire de toute entreprise quelconque, y fussent-ils simple commanditaire, aucune activité similaire à celle de la société émettrice, - s'interdisent formellement le droit de créer, exploiter, ou faire valoir, directement ou indirectement, même à titre de simple associé commanditaire, aucun fonds de commerce de la nature de celui exploité par la société "Entreprise Z..." et de s'intéresser directement ou indirectement, soit comme dirigeant, directeur, employé, associé ou actionnaire, dans l'exploitation d'un semblable fonds », « le tout pendant une durée de cinq années », « à peine de tous dommages-intérêts et sans préjudice du droit pour le cessionnaire de faire cesser la contravention par toute voie de droit » ; que la cour d'appel, qui a rejeté les demandes de M. X... et de la société Fridu contre M. Z..., cédant, tout en constatant que l'opération, qui bénéficiait à chacune des sociétés concernées, avait donné lieu en contrepartie à l'inscription le 28 février 2011 au compte courant de M. Z..., gérant de la SCI, dans la société NJS, de deux sommes de 1 315,60 euros correspondant à la créance de loyer, portant le solde créditeur du compte à 56 631,20 euros, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé les articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

5°/ que celui qui contrevient à une obligation contractuelle de ne pas faire doit des dommages-intérêts par le seul fait de la contravention ; que la cour d'appel, pour rejeter les demandes de M. X... et de la société Fridu contre M. Z..., cédant d'actions de la société Z... tenu d'une clause de non-concurrence, a retenu que le lien de causalité allégué entre la prétendue violation de la clause de non-concurrence et l'accroissement d'activité de la société NJS n'était pas démontré, et que d'autres éléments expliquaient la diminution du chiffre d'affaires réalisé par la société Z... avec la société HLM de la Rance pendant la période litigieuse, les deux sociétés étant en concurrence avec plusieurs autres sur le marché ; qu'en statuant ainsi, et tout en constatant que M. Joël Z... s'était engagé, notamment, à s'interdire de s'intéresser directement ou indirectement, soit comme dirigeant, directeur, employé, associé ou actionnaire, dans l'exploitation d'un aucun fonds de commerce de la nature de celui exploité par la société Z..., et des opérations sur le compte courant d'associé de M. Z... dans la société NJS, dont son fils était le dirigeant, la cour d'appel a violé les articles 1145 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir relevé que la clause de non-concurrence interdisait uniquement à M. Z..., pendant une durée de cinq ans à compter de l'acte de cession, d'entreprendre une activité, de créer, d'exploiter, de faire valoir un fonds de commerce similaire à celui du fonds de la société cédée ou de s'intéresser à l'exploitation d'un fonds de commerce similaire déjà existant, l'arrêt retient que seule une participation active à l'exploitation du fonds de commerce de la société NJS postérieurement à la cession est proscrite ; qu'il retient encore que, la clause de non-concurrence étant d'interprétation stricte et les apports en compte-courant étant une dette de la société, ces derniers ne peuvent pas être assimilés à une telle participation ; qu'en cet état, c'est par une interprétation souveraine de la clause, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté de ces termes rendait nécessaire, que la cour d'appel a retenu qu'une participation détenue avant la date de l'acte de cession dans la société gérée par le fils du cédant et que des apports en compte courant effectués dans cette même société ne caractérisaient pas une violation de l'obligation de non-concurrence ;

Attendu, en second lieu, qu'après avoir constaté que l'attestation établie par M. D..., représentant de la société 2PI, au sujet de contacts téléphoniques qu'aurait eus M. Z... avec ce dernier, entre les mois de mai et d'octobre 2009, pour demander des renseignements d'ordre technique et tarifaire relativement à un appel d'offres des HLM de la Rance, est utilement discutée par M. Z..., l'arrêt relève, d'abord, que le rédacteur de l'attestation a commis une confusion vraisemblable entre les sociétés Z... et NJS, et, ensuite, que les dates indiquées dans l'attestation sont incohérentes par rapport à la date de l'appel d'offres ; qu'il relève encore que la crédibilité de l'attestation, dont les incohérences ont été révélées, est de surcroît entachée par les affirmations de M. E..., sous-traitant de la société Z..., qui indique dans une attestation du 14 septembre 2011 "Lors de nos derniers contacts, M. X... essaie de nous faire dire qu'on a rencontré M. Z... père, à Dol ; c'est faux ; si ce n'est que dernièrement M. Z... a pris contact pour connaître les raisons de notre départ de la SAS Z... " ; qu'en cet état, c'est souverainement et sans statuer par un motif dubitatif, que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a estimé que les contacts téléphoniques, à supposer qu'ils aient existé, ne pouvaient pas être reliés à la gestion de la société NJS, en sorte qu'ils ne caractérisaient pas une violation de l'obligation de non-concurrence ;

Et attendu que la décision étant justifiée par les motifs vainement critiqués par les quatre premières branches, le grief de la cinquième branche, qui critique des motifs surabondants, est inopérant ;

D'où il suit que pour partie inopérant, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.