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Décisions

Cass. com., 6 octobre 2015, n° 13-27.419

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Pau, du 27 sept. 2013

27 septembre 2013

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 27 septembre 2013) et les productions, que M. X... a cédé à MM. Y... et Z..., ses associés, les parts qu'il détenait dans le capital de la société Techniques tradition fermetures (la société TTF), spécialisée dans la fabrication et la pose de menuiseries métalliques, et a démissionné de ses fonctions de gérant ; que reprochant à M. X... de violer la clause de non-concurrence contenue dans l'acte de cession en exerçant une activité concurrente au travers de la société Pays basque énergie solaire (la société PBES) qu'il avait créée quelques mois auparavant, MM. Y... et Z... ainsi que la société TTF les ont assignés en paiement de dommages-intérêts et en cessation de toute activité concurrente ; que M. X... et la société PBES ont opposé la nullité de la clause de non-concurrence et demandé des dommages-intérêts au titre d'un préjudice moral ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... et la société PBES font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à payer des dommages-intérêts à MM. Z... et Y... ainsi qu'à la société TTF et de rejeter leurs demandes alors, selon le moyen :

1°/ que, dans leurs conclusions d'appel, M. X... et la société PBES soutenaient que la clause de non-concurrence prévue à l'acte du 17 décembre 2008 ne protégeait aucun intérêt légitime et était disproportionnée, dans la mesure où le prix de vente des parts sociales de M. X... n'avait pas inclus la valeur de la clientèle de la société TTF ; qu'ils faisaient valoir que dans ces conditions, le cédant ne pouvait en outre se voir imposer une obligation de non-concurrence ; que dès lors, en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si la clause de non-concurrence n'était pas nulle faute de protéger un intérêt légitime, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1131 et 1134 du code civil, ensemble le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ;

2°/ que l'acte de cession du 17 décembre 2008 stipulait en son article 4 que « par décision d'assemblée générale extraordinaire du 26 septembre 2008, la collectivité des associés a autorisé le cédant à constituer et gérer une société exerçant une activité non concurrente à celle de la société TTF à compter du 1er octobre 2008. Par ailleurs, le cessionnaire déclare être parfaitement informé du mandat de gérance qu'exerce le cédant dans la société Dubuscoa (¿). Le cédant s'engage par les présentes à ne pas participer ou s'intéresser directement ou indirectement dans toute entreprise, autre que celles mentionnées ci-dessus, dont l'objet serait similaire à celui de la société dont il cède les parts, et ce dans un rayon de 20 kms du siège social actuel et pour une durée de cinq années à compter du jour de la signature du présent acte » ; qu'il résultait de ces stipulations que l'interdiction, prévue au troisième alinéa de l'article 4, de participer ou s'intéresser dans une entreprise ayant un objet similaire à la société TTF dans un rayon de 20 kms et pour une durée de cinq ans, ne s'appliquait pas à la société visée au premier alinéa ; que la cour d'appel a elle-même constaté que la société mentionnée au premier alinéa était la société PBES ; que dès lors, en appliquant la clause de non-concurrence prévue au troisième alinéa à l'activité de M. X... au sein de la société PBES, la cour d'appel a méconnu la loi des parties et a violé l'article 1134 du code civil ;

3°/ qu'une clause de non-concurrence n'est valable que si elle est proportionnée aux intérêts légitimes à protéger ; qu'en l'espèce, l'article 4, alinéa premier, de l'acte du 17 décembre 2008, qui rappelait que le cédant avait été autorisé à créer et gérer une société exerçant une activité non-concurrente à compter du 1er octobre 2008, ne prévoyait aucune limitation, ni dans le temps ni dans l'espace, à l'interdiction ainsi faite à M. X... d'exercer une activité concurrente via cette société ; qu'il en résultait la nullité de la clause de non-concurrence prévue au premier alinéa ; que dès lors, à supposer que la cour d'appel ait entendu donner effet à cette clause, elle a violé les articles 1131 et 1134 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant retenu que la clause de non-concurrence, limitée dans le temps à cinq ans et dans l'espace à un rayon de 20 kilomètres depuis le siège de la société TTF, était indispensable à la protection des intérêts légitimes de cette société afin d'éviter toute intervention de son ancien gérant dans le même domaine et auprès de la même clientèle, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a pu décider que la clause était licite ;

Attendu, d'autre part, qu'après avoir reproduit les termes de l'article 4 de l'acte de cession stipulant l'exclusion de l'activité de M. X... au sein de la société Dubuscoa dont il était le gérant, l'autorisation de créer la société PBES sous réserve de l'exercice d'une activité non concurrente de celle de la société TTF et de l'engagement de M. X... « de ne pas participer ou s'intéresser directement ou indirectement dans toute entreprise, autre que celles mentionnées ci-dessus », c'est sans méconnaître la loi du contrat que la cour d'appel, par une interprétation de la volonté des parties rendue nécessaire par le rapprochement de ces éléments, a retenu que la clause devait être appliquée à toute activité de M. X... concurrente de celle de la société TTF ;

Et attendu, enfin, que le moyen, en sa troisième branche, procède d'une dénaturation de l'article 4 de l'acte ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen :

Attendu que M. X... et la société PBES font le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1°/ que la clause de non-concurrence stipulée à l'article 4, troisième alinéa, de l'acte de cession du 17 décembre 2008, interdisait à M. X... de « participer ou s'intéresser directement ou indirectement » dans une entreprise ayant un objet social similaire à la société TTF ; que dès lors, en se bornant à relever que certains documents de la société Saint Paul faisaient figurer le numéro de fax de la société PBES ainsi que le numéro de portable de M. X... comme responsable technique, et qu'il existait des flux financiers entre les sociétés Saint Paul et PBES, pour affirmer que M. X... était « impliqué » dans cette société, sans constater d'actes par lesquels ce dernier aurait effectivement participé ou aurait été intéressé dans cette entreprise, et par lesquels il aurait exercé une activité concurrente via cette société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

2°/ que la cour d'appel s'est bornée à relever, au sujet de la société AD-M, que le gérant de cette société était le fils de M. X..., et que le fax mentionné sur les devis de cette société était celui de la société PBES ; qu'à supposer qu'elle ait entendu déduire de ces motifs inopérants que M. X... avait participé ou s'était intéressé dans la société AD-M et qu'il avait ainsi méconnu son obligation de non-concurrence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

3°/ que dans leurs conclusions d'appel, M. X... et la société PBES soulignaient que les factures entre la société Dubuscoa et la société PBES mentionnaient toutes qu'elles concernaient des prestations de sous-traitance ; qu'ils soutenaient que la sous-traitance ne faisait pas partie de l'objet social de la société TTF, qu'elle n'était donc pas interdite par la clause de non-concurrence, et que la société PBES pouvait parfaitement accepter des commandes de sous-traitance délivrées par la société Dubuscoa, laquelle était expressément exclue du champ de la clause de non-concurrence ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que dans leurs écritures d'appel, M. X... et la société PBES faisaient valoir que l'activité de dépannage, non visée par la clause de non-concurrence, n'était plus exercée par la société TTF, et qu'elle n'entrait donc pas dans le champ de la clause ; qu'ils soulignaient que parmi les factures correspondant à des prestations conclues directement avec les clients, beaucoup concernaient des dépannages ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que la responsabilité délictuelle suppose un lien de causalité entre la faute et le préjudice ; qu'en l'espèce, en se fondant sur la diminution du chiffre d'affaires de la société TTF pour condamner M. X... et la société PBES à réparer son préjudice économique, sans constater que la baisse du chiffre d'affaires aurait été causée par les activités soi-disant répréhensibles de ces derniers, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant relevé que les factures de dépannage et de sous-traitance concernaient une activité de pose de menuiseries métalliques, PVC, miroiterie, la cour d'appel a répondu aux conclusions prétendument délaissées, en retenant que ces activités étaient similaires à celle prohibée par la clause ;

Attendu, en deuxième lieu, que sous le couvert du grief non fondé d'un manque de base légale, le moyen, en ses deux premières branches, ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond, en vertu de laquelle ils ont estimé que M. X... avait participé directement ou indirectement à une activité concurrente de celle de la société TTF ;

Et attendu, en troisième lieu, qu'ayant constaté, d'un côté, la baisse significative du chiffre d'affaires de la société TTF entre les années 2008 et 2010, de l'autre, le développement très rapide de l'activité similaire exercée par la société PBES après la signature par M. X... de l'acte de cession, ce dont il ressortait que les agissements fautifs de ce dernier et de la société PBES avaient causé un préjudice économique à la société TTF, la cour d'appel, qui en a souverainement apprécié l'étendue, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.