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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 2 juin 2020, n° 17/18974

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Labeyrie Fine Foods (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Hébert-Pageot

Conseillers :

Mme Texier, Mme Dubois-Stevant

T. com. Paris, du 5 juill. 2017, n° 2016…

5 juillet 2017

FAITS ET PROCÉDURE :

Dans le cadre d'une restructuration de ses activités, le groupe B. a créé en 2010 la société B. Distribution Surgelés, à laquelle, par traité du 26 mai 2010, elle a apporté l'activité de distribution et de commercialisation de ses produits surgelés.

Parallèlement, le 11 juin 2010, les sociétés Savane B., Saveurs de France- B., B. Distribution, B. SA et M.Guy S. ont signé avec la société Financière de Kiel, devenue la société Labeyrie Fine Foods (LFF) un protocole-cadre de cession de l'activité du groupe B.. Ce protocole comporte une garantie traitant des contrats clients et des contrats significatifs et de leur liste exhaustive.

Le 6 août 2010, la société Labeyrie Fine Foods a fait l'acquisition de la nouvelle entité la société B. Distribution Surgelés, qui a changé de dénomination pour devenir Labeyrie Traiteur Surgelés.

La société cédée était en relations commerciales avec la société Ceges, de droit belge, qui distribuait des produits surgelés sucrés sous la marque ' Fauchon' en Belgique et au Luxembourg.

La société Labeyrie, alléguant avoir découvert après la cession l'existence du contrat Ceges, distribuant des produits concurrents à celui qu'elle commercialisait, a notifié à la société Ceges le 17 janvier 2011, la rupture de leurs relations commerciales avec un préavis de 3 mois. S'en est suivi un contentieux en Belgique, la société Ceges ayant saisi le tribunal de commerce de Bruxelles le 4 mars 2013 aux fins d'indemnisation du préjudice découlant de la dénonciation du contrat.

Par jugement du 22 avril 2015, dont il n'a pas été relevé appel, le tribunal de commerce de Bruxelles a condamné la société Labeyrie Traiteur Surgelés, après expertise à payer à la société Ceges, 60.421,35 euros à titre de solde d'indemnité compensatoire de préavis de 6 mois (une provision de 60.000 euros ayant été allouée à ce titre par jugement du 4 mars 2013), 150.634,58 euros à titre d'indemnité complémentaire, les intérêts judiciaires depuis le 23 mars 2011 sur les montants de 112.421,35 euros et 150.634,58 euros et 306,04 euros de frais de citation.

Parallèlement à cette procédure en Belgique, les sociétés Labeyrie Fine Foods et Labeyrie Traiteur Surgelés ont, le 1er octobre 2015, mis en oeuvre la garantie prévue au titre de la violation par les cédants de l'article 6.2.4 du protocole cadre.

Les sociétés B. n'ayant pas donné suite à cette demande de garantie, les sociétés Labeyrie Fine Foods et Labeyrie Traiteur Surgelés ont, le 29 décembre 2015, fait assigner les sociétés Jacquet B. Distribution, Jacquet B. et Savane B. devant le tribunal de commerce de Paris en paiement de 391.899,07 euros et de 100.000 euros de dommages et intérêts.

Par jugement du 5 juillet 2017, le tribunal de commerce de Paris a débouté les sociétés Labeyrie Fine Foods et Labeyrie Traiteur Surgelés de leurs demandes et les a condamnées in solidum à payer à chacune des trois sociétés défenderesses 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

La société Labeyrie Fine Foods a relevé appel de cette décision le 13 octobre 2017.

Par conclusions n°3 déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 22 mars 2019, la SAS Labeyrie Fine Foods demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses prétentions relatives au paiement de la somme de 391.899,07 euros et de celle de 100.000 euros, statuant à nouveau, de la dire recevable et fondée en ses demandes, de juger que les sociétés Jacquet B. Distribution, Jacquet B. et Savane B. ont failli dans l'exécution de leurs obligations de déclarations et de garanties prévues au protocole cadre et réitérée à l'article 4 du Closing Memorandum, et ont refusé de mauvaise foi d'exécuter leur obligation d'indemnisation, en conséquence condamner solidairement les sociétés Jacquet B. Distribution, Jacquet B. et Savane B. à lui payer 391.899,07 euros avec intérêts de retard au taux légal à compter du 29 décembre 2015, date de l'assignation, ordonner la capitalisation des intérêts à compter du 29 décembre 2015, 100.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-exécution de mauvaise foi des engagements contractuels avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, 60.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 11 mars 2019, la SA Savane B., la SA Jacquet B. (venant aux droits des sociétés B. SA et Saveurs de France B.), et la SAS Jacquet B. Distribution (venant aux droits de la société B. Distribution) demandent à la cour confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter la société Labeyrie Fine Foods de toutes ses prétentions, subsidiairement de constater que les recapitalisations de Labeyrie Traiteur Surgelés auxquelles la société Labeyrie Fine Foods a procédé couvrent des pertes d'exploitation dont il n'est pas démontré qu'elles aient un lien avec la condamnation prononcée par le tribunal de commerce de Bruxelles et que la perte de valeur de la participation de Labeyrie Fine Foods dans la société Labeyrie Traiteur Surgelés n'est pas établie et ne saurait être imputée au Groupe B., en conséquence rejeter toutes les demandes de l'appelante et la condamner au paiement de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, s'ajoutant à l'indemnité allouée en première instance et aux entiers dépens.

SUR CE,

- Sur la demande de garantie

Labeyrie Fine Foods demande à être garantie par les sociétés B. des condamnations prononcées à son encontre par le tribunal de commerce de Bruxelles au profit de la société Ceges. Elle se prévaut du caractère incomplet et inexact des déclarations faites par les cédants à l'article 6 du protocole cadre, réitérées à l'article 4 du closing memorandum, relativement aux contrats en cours, en ce que le contrat avec Ceges ne figurait pas dans cette liste définie comme exhaustive et fait valoir que la garantie due par les cédants au titre de ce manquement contractuel doit s'appliquer.

Le protocole- cadre comporte un article 6 relatif à la garantie des Cédants

L'article 6.0, intitulé ' Caractère complet des déclarations préalables des Cédants', stipule 'Les Cédants déclarent et garantissent qu'ils ont révélés au Cessionnaire toutes les informations importantes concernant l'Activité Surgelés et/ou nécessaire à l'évaluation de l'Activité Surgelés. Notamment, les Cédants déclarent et garantissent que la liste de Contrats Clients visés à l'Annexe B et de Contrats Significatifs autres que les Contrats Clients visés à l'Annexe C sont exhaustives et complètes à l'exception de l'énonciation, purement indicative compte tenu de leur quantum, des fournisseurs de matières premières.'

L'article 6.1 décline les garanties relatives aux Opérations préalables à la Date de Réalisation (visant à préserver la continuité de l'activité et les relations commerciales existantes), tandis que l'article 6.2 se rapporte aux 'Garanties des Cédants à compter de la Date de Réalisation': garantie de consistance, garantie concernant les salariés transférés et continuité de l'activité 'Surgelés' au sein de B. Ditribution Surgelés (BDS). Dans ce paragraphe 'à compter de la Date de Réalisation', au point 6.2.3, les Cédants garantissent au Cessionnaire la continuité de l'exploitation de BDS et de l'Activité Surgelés au sein de BDS, notamment et sans que cette liste soit limitative, la continuité des Contrats Significatifs [....].

L'article 6.2.4 énonce in fine les conséquences de l'inexactitude des déclarations et des garanties des Cédants: 'Les Cédants Personnes Morales s'engagent solidairement à indemniser le Cessionnaire, ou si le Cessionnaire, en fait la demande, BDS, de l'intégralité de tout préjudice supporté par ce dernier, et résultant d'une inexactitude des déclarations et garanties visées dans le Présent Protocole et le cas échéant dans le traité d'Apport ou dans les accords visés à l'article 7.3 du présent Protocole ayant pour cause ou pour origine un fait ou un événement antérieur à la Date de Réalisation.'

La société Ceges était à l'époque du traité d'apport de l'activité 'Surgelés' à BDS, un distributeur qui commercialisait les produits surgelés B. sur la Belgique et le Luxembourg auprès d'une clientèle constituée de grandes et moyennes surfaces.

Dans le cadre de la procédure engagée par la société Ceges suite à la rupture de son contrat par Labeyrie Fine Foods, le tribunal de commerce de Bruxelles a jugé, le 4 mars 2013, que la relation contractuelle entre Ceges et Labeyrie Traiteur Surgelés s'analysait en une concession de vente exclusive, considérant que Ceges avait acheté des produits à B. depuis 2001 pour les revendre sur les marchés belges et luxembourgeois jusqu'en janvier 2011, qu'elle effectuait des rapports réguliers à B., l'informait des problèmes de commercialisation qu'elle pouvait rencontrer, que les parties s'entendaient sur les objectifs de vente à réaliser, que les résultats de Ceges étaient évalués par B., que B. était au courant du référencement de ses produits auprès des clients de Ceges, les parties se concertant sur la promotion à faire des produits et que cet ensemble d'éléments traduisait une relation stable et organisée ayant pour objet d'autoriser Ceges à distribuer les produits B., excédant de simples opérations d'achats/ventes successives, et a retenu que Ceges avait l'exclusivité de la distribution de la marque B. dans ces pays, ne subissant pas la concurrence des centrales d'achat actives uniquement en France.

Il est constant que le contrat Ceges, objet du litige, ne figurait pas dans la liste des Contrats Clients (Annexe B du protocole) et a bien été transféré à la société Labeyrie Fine Foods dans le cadre du changement d'actionnariat de BDS, la difficulté provenant de ce que Labeyrie Fine Foods n'a pas voulu conserver les relations commerciales avec ce client qui distribuait un produit concurrent du sien sur les marchés belges et luxembourgeois, la société cessionnaire soutenant qu'elle aurait agi différemment si elle avait été informée de l'existence de ce contrat avant la cession.

Les parties ne s'entendent ni sur les caractéristiques des contrats devant figurer dans l'annexe B, ni sur le caractère exhaustif de cette liste.

Les sociétés B. allèguent que le contrat Ceges n'avait pas à figurer dans le liste des ' Contrats Clients', l'annexe B n'étant pas une liste de tous les clients, mais seulement de ceux dont la relation contractuelle constituait au sens du protocole 'un Contrat Client', dont le maintien était une condition suspensive de l'opération et contestent en conséquence tout manquement contractuel dans leurs déclarations de ce chef.

La société Labeyrie Fine Foods réplique que tous les clients de l'activité surgelés existant au jour du protocole- cadre et du closing devaient figurer dans l'annexe B et que le tribunal a dénaturé les dispositions du protocole en retenant que seuls les contrats clients comportant une faculté de cessation anticipée devaient figurer sur cette liste et renversé les responsabilités en retenant que Labeyrie Fine Foods qui avait eu accès dans la data room au listing de l'ensemble des clients ne devait s'en prendre qu'à son insuffisance de vérification.

S'agissant du caractère exhaustif de la liste, les termes de l'article 6.0 sont dépourvus de toute ambiguïté, en ce qu'ils énoncent que les cédants déclarent et garantissent que les listes des annexes B et C'sont exhaustives et complètes', hors fournisseurs de matière première, ce que n'était pas Ceges.

C'est de manière inopérante que les sociétés B. se réfèrent aux dispositions du Traité d'apport, joint au protocole-cadre, pour soutenir que cette liste n'était pas exhaustive, ce traité ayant été conclu entre les seules sociétés B. Distribution et B. Distribution Surgelés (BDS) et la circonstance que cet apport est intervenu en vue de la cession à Financière Kiel (Labeyrie Fine Foods) n'est pas susceptible de remettre en cause les dispositions spécifiques relatives à la garantie donnée par les cédants sur le caractère complet de leurs déclarations en vue de la réalisation de l'acquisition par Labeyrie Fine Foods.

Il convient à présent de rechercher si le contrat Ceges s'analyse ou non en un contrat client ou significatif au sens du protocole-cadre devant être listé de façon exhaustive.

Le protocole-cadre définit en ces termes les 'Contrats Clients': 'désigne les contrats avec les clients de l'Activité Surgelés, qui sont listés en Annexe B'. Ainsi, la seule caractéristique énoncée se rapporte à l'activité surgelés. La société Ceges distribuait les produits surgelés et ambiants de B. , de sorte que la nature de ses prestations entre bien dans le cadre de cette définition.

Les 'Contrats Clients' font partie des 'Contrats Significatifs', ces derniers désignant selon le protocole-cadre ' tout contrat existant à la date des présentes ou nouvellement conclu entre la date du protocole et la Date de Réalisation, nécessaire à l'exploitation normale et continue de l'Activité Surgelés par BDS ou dont la résiliation implique une discontinuité de l'exploitation de l'Activité Surgelés, un dysfonctionnement de BDS ou affecte de façon défavorable la situation financière de BDS, la rentabilité, l'activité ou les perspectives de développement de BDS et/ou de l'Activité Surgelés dans les 6 mois suivants la Date de Réalisation pour les Contrat Clients ( lesquels sont tous des Contrats Significatifs) et, dans les 12 mois suivants la Date de Réalisation s'agissant des autres Contrats Significatifs (dont une liste indicative figure en Annexe C).

Il résulte de cette définition que tout Contrat Client est un Contrat Significatif au sens du protocole. Le contrat Ceges était d'ailleurs important et sa résiliation de nature à affecter de façon défavorable la situation de la société et son développement. Il ressort en effet des pièces au débat que Ceges était à la fois le plus important client du groupe B. à l'international et l'unique client pour la Belgique et le Luxembourg, réalisant à l'international un chiffre d'affaires de l'ordre de 900.000 euros à 1.000.000 d'euros selon les années, sur un total de 1.574.000 euros sur l'Europe de l'Ouest en 2009.

Il s'ensuit qu'étant un 'Contrat Client', le contrat Ceges devait figurer dans l'annexe B, déclarée comme exhaustive par les cédants.

Les sociétés B. entendent toutefois limiter la portée de cette déclaration aux seules conditions suspensives prévues dans le protocole-cadre.

Si la liste des Contrat Clients figurant à l'annexe B sert effectivement de base à l'une des conditions suspensives stipulées au bénéfice du cessionnaire, le point 4.1.2 (h) du protocole prévoyant ' Transfert de l'intégralité des Contrats Clients contenant une clause permettant au cocontractant la cessation anticipée du contrat (tels que listés à l'Annexe B). Cette condition sera réputée réalisée par la remise au Cessionnaire des courriers par lesquels les Clients acceptent le principe du transfert de leur contrat à BDS et le transfert des Actions de BDS à la société Fiancière de Kiel.', aucune disposition du pacte ne permet cependant de réduire la portée des déclarations et donc l'application de la garantie édictée à l'article 6.0 à cette condition suspensive. L'article 6.0 vise en effet un engagement des cédants à garantir l'exhaustivité de cette liste, et non pas un accord des deux parties au protocole sur une liste exhaustive de Contrats Clients à prendre en compte dans le cadre des conditions suspensives.

Les sociétés B. arguent également que cet engagement ne visait qu'à garantir au cessionnaire la cession des clients essentiels au bon fonctionnement de la société BDS et le chiffre d'affaires y étant attaché. Cependant, si cette liste permettait de cibler les contrats essentiels devant être maintenus après la cession afin de garantir au cessionnaire la stabilité du chiffre d'affaires, il n'en demeure pas moins qu'en l'absence de disposition restreignant la portée des déclarations, celles-ci ont une portée générale, étant destinées à donner à l'acquéreur une complète connaissance des cocontractants relevant de la catégorie ' Contrats Clients'.

C'est en conséquence de manière infondée que les sociétés B. rejettent l'application de cette garantie en ce que le litige ne porte ni sur les conditions suspensives de la transaction, ni sur la perte d'un Contrat Client existant, rien ne permettant dans cet article inséré dans le chapitre dédié aux diverses garanties, d'en réduire le périmètre à ces situations.

Les sociétés B. opposent ensuite les dispositions de l'acte de cession signé le 6 août 2010, qui limitent, selon elles, les déclarations des cédants à celles énoncées à l'article 4, lequel ne comporte aucune déclaration concernant la liste des clients transférés ou des contrats commerciaux. Elles ajoutent qu'au contraire, l'acquéreur a dispensé les vendeurs, à l'article 5 de l'acte de cession, de déclarations complémentaires à celles énoncées.

La société Labeyrie Fine Foods réplique qu'il est sans incidence qu'aucune déclaration spécifique complémentaire sur les Contrats Clients ne figure dans l'acte de cession des titres, celui-ci n'étant qu'un simple contrat d'application du protocole-cadre, et que les obligations claires pesant sur le groupe B. au titre des articles 6.0 et 6.2.4 du pacte régissent l'intégralité de la transaction.

A l'article 5 de l'acte de cession, l'acquéreur a déclaré avoir connaissance du fait que le patrimoine de la société provient de l'apport partiel d'actif réalisé par la société B. Distribution et a dispensé en conséquence expressément les vendeurs de l'énonciation par ces derniers de déclarations complémentaires à celles ci-avant énoncées sur la situation de la société.

Ces dispositions n'emportent aucune renonciation de l'acquéreur à se prévaloir des déclarations faites par les cédants et des garanties qui y sont attachées.

A l'article 4, les vendeurs ont effectué diverses déclarations donnant des informations sur les caractéristiques de la société BDS (4.2), l'agrément donné à la cession d'actions (4.3), les actions cédées et leurs caractéristiques (4.4 et 4.10), les comptes sociaux de la société ( 4.5), la liberté de transmission des actions (4.6), l'activité de la société, la régularité de la vie sociale( 4.7 et 4.8), la responsabilité pénale de la société (4.9), les filiales et participations (4.11), l'absence de litige en cours (4.12), l'absence de modification des opérations préalables à la date de cession visées à l'article 6.1.2 du protocole cadre (4.13) sans avoir obtenu l'accord préalable de Financière de Kiel et ont garanti à l'acquéreur que toutes les informations figurant dans la présente Convention, sont exactes, complètes et sincères et qu'aucune des déclarations faites à l'article 4 ne contient aucune fausse information ou n'omet un fait nécessaire pour que les déclarations ne soient pas trompeuses. L'article 6.1 (ii) prévoit l'indemnisation de toute inexactitude insuffisance, absence d'exhaustivité, erreur ou mission de l'une quelconque des déclarations faites à l'article 4.

Il ne saurait être déduit de l'absence de déclaration relative aux Contrats Clients dans cet article, l'impossibilité pour l'acquéreur de se prévaloir des déclarations figurant au protocole, dès lors que l'article 6 de l'acte de cession 'GARANTIE', en son point 6.6 'Engagement de continuité de l'exploitation de la Société' ajoute : 'Sans préjudice des stipulations ci-dessus, les Parties rappellent expressément qu'il a en outre été stipulé au sein de l'article 6.2.3 du Protocole-Cadre une garantie consentie par les Cédants Personnes Morales (désignant collectivement et solidairement les sociétés Saveurs de France, Savane B., B. Distribution et B. SA),au profit du Cessionnaire (désignant au Protocole-Cadre la société Financière de Kiel ou toute société la contrôlant ou contrôlée par elle), ayant pour objet de garantir la continuité de l'exploitation de la Société et de l'Activité Surgelés au sein de celle-ci.'.

Il résulte de cette disposition que l'acte de cession n'a pas mis un terme à la garantie donnée à l'article 6.2 du protocole-cadre, mais que celle-ci s'ajoute à celles de l'acte de cession, étant rappelé que les cédants ont garanti avoir révélé au cessionnaire toutes les informations importantes concernant l'activité surgelés et/ou nécessaire à 'l'évaluation de l'Activité Surgelés', notamment les Contrats Clients (6.0 du protocole-cadre).

Dès lors qu'il a été établi que les vendeurs n'avaient pas fourni une liste exhaustive des Contrats Clients, ayant omis le contrat Ceges, ils doivent garantie de ce défaut d'exhaustivité à la société Labeyrie Fine Foods.

L'obligation pour les cédants d'indemniser le cessionnaire de l'intégralité de tout préjudice résultant d'une inexactitude (6.2.4 du protocole) n'implique toutefois pas que les sociétés B. prennent en charge les condamnations prononcées par le tribunal de commerce de Bruxelles, celles-ci résultant de la décision prise unilatéralement par la société Labeyrie Fine Foods de rompre le contrat conclu avec Ceges et des conditions de cette rupture.

En revanche, l'absence d'exhaustivité de la liste des Contrats Clients a empêché Labeyrie Fine Foods d'être pleinement informée du contrat Ceges, d'en apprécier, avant la cession, le caractère, selon elle, inconciliable avec les produits qu'elle distribuait déjà, et de mesurer l'incidence financière d'une éventuelle résiliation. Il en résulte que la déclaration inexacte des sociétés B. a fait perdre à la société Labeyrie Fine Foods une chance de négocier les conditions de son acquisition en considération de la situation du contrat Ceges.

Afin de permettre aux parties de s'expliquer contradictoirement sur cette perte de chance, il y a lieu d'ordonner la réouverture des débats à l'audience du lundi 19 octobre 2020 à 14 heures et de surseoir à statuer sur les demandes d'indemnisation de la société Labeyrie Fine Foods.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement en ce qu'il a débouté les sociétés Labeyrie Fine Foods et Labeyrie Traiteur Surgelés de leur demande d'indemnisation au titre des déclarations et garanties souscrites par les sociétés B. et en ce qu'il les a condamnées in solidum au paiement de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Surseoit à statuer sur la demande d'infirmation de la disposition du jugement ayant rejeté la demande de dommages et intérêts complémentaires de la société Labeyrie Fine Foods pour inexécution de mauvaise foi,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

- Dit que les sociétés B. ont manqué à leurs déclarations en ne mentionnant pas le contrat Ceges dans la liste exhaustive des Contrats Clients et sont tenues à garantie à l'égard de la société Labeyrie Fine Foods,

- Avant dire droit sur les préjudices allégués par la société Labeyrie Fine Foods, ordonne la réouverture des débats à l'audience du lundi 19 octobre 2020 à 14 heures et invite les parties à s'expliquer sur la perte de chance pour la société Labeyrie Fine Foods d'avoir pu négocier son acquisition à d'autres conditions,

- Surseoit à statuer sur les demandes d'indemnisation, sur les prétentions fondées sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens.