Cass. soc., 13 juillet 2016, n° 16-40.209
COUR DE CASSATION
Arrêt
Autre
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Frouin
Rapporteur :
Mme Sabotier
Avocat général :
Mme Berriat
Avocat :
SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor
Attendu qu'attraite en justice par sept cent soixante-douze salariés qu'elle avait licenciés pour motif économique, la société Goodyear Dunlop tires France a soulevé devant le conseil de prud'hommes deux questions prioritaires de constitutionnalité ;
Sur la première question prioritaire de constitutionnalité :
Attendu que la première question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« L'article L. 1235-3, alinéa 2, du code du travail visant à octroyer au salarié, licencié pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, lorsque le licenciement est opéré dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés, porte-t-il atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, et notamment au principe d'égalité devant la loi et à la liberté d'entreprendre ? » ;
Attendu que les dispositions législatives critiquées sont applicables au litige ;
Attendu que la disposition contestée a déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision n° 2007-561 DC rendue le 17 janvier 2008 par le Conseil constitutionnel ; que cependant, la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-715 DC du 5 août 2015 constitue un changement des circonstances de droit qui justifie le réexamen de la disposition législative critiquée ;
Et attendu que la question posée présente un caractère sérieux, en ce que le traitement différencié des entreprises selon leur taille pour l'indemnisation du préjudice subi par leurs salariés, qui résulte de l'article L. 1235-3 du code du travail, est susceptible de méconnaître le principe d'égalité devant la loi ;
D'où il suit qu'il y a lieu de renvoyer la première question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel ;
Sur la seconde question prioritaire de constitutionnalité :
Attendu que la seconde question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les articles L. 1233-1 et L. 1233-3 à L. 1233-7 du code du travail portent-ils atteinte, dans leur ensemble, aux droits et libertés que la Constitution garantit, et notamment à l'article 34 de la Constitution, à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle ? » ;
Attendu que les dispositions contestées sont applicables au litige ;
Mais attendu, d'abord, que les articles L. 1233-3 à L. 1233-7 du code du travail ont déjà été déclarés conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision n° 2001-455 DC rendue le 12 janvier 2002 par le Conseil constitutionnel pour ce qui concerne l'article L. 321-1 modifié par l'article 108 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 et recodifié aux articles L. 1233-3 à L. 1233-4, et dans les motifs et le dispositif de la décision n° 89-257 DC rendue le 25 juillet 1989 par le Conseil constitutionnel pour ce qui concerne l'article L. 321-1-1 modifié par l'article 25-II de la loi n° 89-549 du 2 août 1989 et recodifié aux articles L. 1233-5 à L. 1233-7 ; qu'aucun changement dans les circonstances de droit ou de fait n'est depuis intervenu qui, affectant la portée des articles L. 1233-3 à L. 1233-7 critiqués, en justifierait le réexamen ;
Attendu, ensuite, que les dispositions de l'article L. 1233-1 du code du travail, dont l'objet se borne à définir les employeurs auxquels sont applicables les dispositions relatives au licenciement économique, et celles de l'article L. 1233-4-1 dont l'objet est de garantir l'effectivité du droit au reclassement du salarié, lequel découle de l'alinéa 5 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, lorsque l'entreprise ou le groupe auquel elle appartient est implanté pour partie hors du territoire national, ne heurtent aucun des principes constitutionnels invoqués ;
D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la seconde question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel ;
PAR CES MOTIFS :
RENVOIE au Conseil constitutionnel la première question prioritaire de constitutionnalité ;
DIT N'Y AVOIR LIEU DE LUI RENVOYER la seconde question prioritaire de constitutionnalité.