CC, 3 décembre 2009, n° 2009-595 DC
CONSEIL CONSTITUTIONNEL
Décision
Loi organique relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Guy CANIVET, Jacques CHIRAC, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, M. Jean-Louis PEZANT, Mme Dominique SCHNAPPER et M. Pierre STEINMETZ
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution, dans sa rédaction résultant de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée relative à la Nouvelle-Calédonie ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code de l'organisation judiciaire ;
Vu le code de procédure pénale ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que la loi organique soumise à l'examen du Conseil constitutionnel a été prise sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ; que cette loi a été adoptée dans le respect des règles de procédure prévues par les trois premiers alinéas de l'article 46 de la Constitution ;
- SUR LES NORMES DE RÉFÉRENCE :
2. Considérant que l'article 29 de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 susvisée a introduit dans la Constitution un article 61-1 qui dispose : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. - Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article " ; que son article 30 a notamment inséré, à l'article 62 de la Constitution, un deuxième alinéa qui dispose : " Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause " ;
3. Considérant, d'une part, que le constituant a ainsi reconnu à tout justiciable le droit de soutenir, à l'appui de sa demande, qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit ; qu'il a confié au Conseil d'État et à la Cour de cassation, juridictions placées au sommet de chacun des deux ordres de juridiction reconnus par la Constitution, la compétence pour juger si le Conseil constitutionnel doit être saisi de cette question de constitutionnalité ; qu'il a, enfin, réservé au Conseil constitutionnel la compétence pour statuer sur une telle question et, le cas échéant, déclarer une disposition législative contraire à la Constitution ;
4. Considérant, d'autre part, que la bonne administration de la justice constitue un objectif de valeur constitutionnelle qui résulte des articles 12, 15 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'il appartient au législateur organique, compétent pour déterminer les conditions d'application de l'article 61-1 de la Constitution, d'assurer la mise en œuvre de cet objectif sans méconnaître le droit de poser une question prioritaire de constitutionnalité ;
- SUR L'ARTICLE 1er :
5. Considérant que l'article 1er de la loi organique introduit dans l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée un chapitre II bis intitulé : " De la question prioritaire de constitutionnalité " ; que ce chapitre comporte trois sections consacrées aux dispositions applicables respectivement devant les juridictions relevant du Conseil d'État ou de la Cour de cassation, devant le Conseil d'État et la Cour de cassation et, enfin, devant le Conseil constitutionnel ;
. En ce qui concerne les dispositions applicables devant les juridictions relevant du Conseil d'État ou de la Cour de cassation :
6. Considérant que la section 1 du chapitre II bis précité comporte les articles 23-1 à 23-3 relatifs aux dispositions applicables devant les juridictions relevant du Conseil d'État ou de la Cour de cassation ;
- Quant à l'article 23-1 :
7. Considérant qu'aux termes de l'article 23-1 : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'État ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office.
" Devant une juridiction relevant de la Cour de cassation, lorsque le ministère public n'est pas partie à l'instance, l'affaire lui est communiquée dès que le moyen est soulevé afin qu'il puisse faire connaître son avis.
" Si le moyen est soulevé au cours de l'instruction pénale, la juridiction d'instruction du second degré en est saisie.
" Le moyen ne peut être soulevé devant la cour d'assises. En cas d'appel d'un arrêt rendu par la cour d'assises en premier ressort, il peut être soulevé dans un écrit accompagnant la déclaration d'appel. Cet écrit est immédiatement transmis à la Cour de cassation " ;
8. Considérant, en premier lieu, qu'en exigeant que le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution soit présenté dans un écrit distinct et motivé, le législateur organique a entendu faciliter le traitement de la question prioritaire de constitutionnalité et permettre que la juridiction saisie puisse juger, dans le plus bref délai afin de ne pas retarder la procédure, si cette question doit être transmise au Conseil d'État ou à la Cour de cassation ;
9. Considérant, en deuxième lieu, que les termes de l'article 61-1 de la Constitution imposaient au législateur organique de réserver aux seules parties à l'instance le droit de soutenir qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit ; que, par conséquent, la dernière phrase du premier alinéa de l'article 23-1, qui fait interdiction à la juridiction saisie de soulever d'office une question prioritaire de constitutionnalité, ne méconnaît pas la Constitution ;
10. Considérant, en troisième lieu, que le quatrième alinéa de l'article 23-1 interdit que la question prioritaire de constitutionnalité soit présentée devant la cour d'assises ; qu'une telle question pourra être posée au cours de l'instruction pénale qui précède le procès criminel ; qu'elle pourra également être posée à l'occasion de la déclaration d'appel d'un arrêt rendu par la cour d'assises en premier ressort ou du pourvoi en cassation formé contre un arrêt rendu par la cour d'assises en appel et sera transmise directement à la Cour de cassation ; que le législateur organique a entendu tenir compte, dans l'intérêt de la bonne administration de la justice, des spécificités de l'organisation de la cour d'assises et du déroulement du procès devant elle ; que, dans ces conditions, l'interdiction de poser une question prioritaire de constitutionnalité devant la cour d'assises ne méconnaît pas le droit reconnu par l'article 61-1 de la Constitution ;
11. Considérant, dès lors, que l'article 23-1 n'est pas contraire à la Constitution ;
- Quant à l'article 23-2 :
12. Considérant qu'aux termes de l'article 23-2 : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies :
" 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;
" 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;
" 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux.
" En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative d'une part aux droits et libertés garantis par la Constitution et d'autre part aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation.
" La décision de transmettre la question est adressée au Conseil d'État ou à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou les conclusions des parties. Elle n'est susceptible d'aucun recours. Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu'à l'occasion d'un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige " ;
13. Considérant, en premier lieu, que les trois conditions qui déterminent la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité ne méconnaissent pas l'article 61-1 de la Constitution ; que la condition prévue par le 2° de l'article 23-2 est conforme au dernier alinéa de l'article 62 de la Constitution qui dispose : " Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles " ; qu'en réservant le cas du " changement des circonstances ", elle conduit à ce qu'une disposition législative déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel soit de nouveau soumise à son examen lorsqu'un tel réexamen est justifié par les changements intervenus, depuis la précédente décision, dans les normes de constitutionnalité applicables ou dans les circonstances, de droit ou de fait, qui affectent la portée de la disposition législative critiquée ;
14. Considérant, en second lieu, qu'en imposant l'examen par priorité des moyens de constitutionnalité avant les moyens tirés du défaut de conformité d'une disposition législative aux engagements internationaux de la France, le législateur organique a entendu garantir le respect de la Constitution et rappeler sa place au sommet de l'ordre juridique interne ; que cette priorité a pour seul effet d'imposer, en tout état de cause, l'ordre d'examen des moyens soulevés devant la juridiction saisie ; qu'elle ne restreint pas la compétence de cette dernière, après avoir appliqué les dispositions relatives à la question prioritaire de constitutionnalité, de veiller au respect et à la supériorité sur les lois des traités ou accords légalement ratifiés ou approuvés et des normes de l'Union européenne ; qu'ainsi, elle ne méconnaît ni l'article 55 de la Constitution, ni son article 88-1 aux termes duquel : " La République participe à l'Union européenne constituée d'États qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 " ;
15. Considérant, dès lors, que l'article 23-2 n'est pas contraire à la Constitution ;
- Quant à l'article 23-3 :
16. Considérant qu'aux termes de l'article 23-3 : " Lorsque la question est transmise, la juridiction sursoit à statuer jusqu'à réception de la décision du Conseil d'État ou de la Cour de cassation ou, s'il a été saisi, du Conseil constitutionnel. Le cours de l'instruction n'est pas suspendu et la juridiction peut prendre les mesures provisoires ou conservatoires nécessaires.
" Toutefois, il n'est sursis à statuer ni lorsqu'une personne est privée de liberté à raison de l'instance, ni lorsque l'instance a pour objet de mettre fin à une mesure privative de liberté.
" La juridiction peut également statuer sans attendre la décision relative à la question prioritaire de constitutionnalité si la loi ou le règlement prévoit qu'elle statue dans un délai déterminé ou en urgence. Si la juridiction de première instance statue sans attendre et s'il est formé appel de sa décision, la juridiction d'appel sursoit à statuer. Elle peut toutefois ne pas surseoir si elle est elle-même tenue de se prononcer dans un délai déterminé ou en urgence.
" En outre, lorsque le sursis à statuer risquerait d'entraîner des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d'une partie, la juridiction qui décide de transmettre la question peut statuer sur les points qui doivent être immédiatement tranchés.
" Si un pourvoi en cassation a été introduit alors que les juges du fond se sont prononcés sans attendre la décision du Conseil d'État ou de la Cour de cassation ou, s'il a été saisi, celle du Conseil constitutionnel, il est sursis à toute décision sur le pourvoi tant qu'il n'a pas été statué sur la question prioritaire de constitutionnalité. Il en va autrement quand l'intéressé est privé de liberté à raison de l'instance et que la loi prévoit que la Cour de cassation statue dans un délai déterminé " ;
17. Considérant que ces dispositions imposent à la juridiction saisie de surseoir à statuer jusqu'à la décision du Conseil d'État ou de la Cour de cassation ou, s'il a été saisi, du Conseil constitutionnel, tout en réservant les cas où, en raison de l'urgence, de la nature ou des circonstances de la cause, il n'y a pas lieu à un tel sursis ; que, dans le cas où la juridiction statuera au fond sans attendre la décision du Conseil d'État ou de la Cour de cassation ou, s'il a été saisi, du Conseil constitutionnel, la juridiction saisie d'un appel ou d'un pourvoi en cassation devra, en principe, surseoir à statuer ; qu'ainsi, dans la mesure où elles préservent l'effet utile de la question prioritaire de constitutionnalité pour le justiciable qui l'a posée, ces dispositions, qui concourent au bon fonctionnement de la justice, ne méconnaissent pas le droit reconnu par l'article 61-1 de la Constitution ;
18. Considérant, toutefois, que la dernière phrase du dernier alinéa de l'article 23-3 peut conduire à ce qu'une décision définitive soit rendue dans une instance à l'occasion de laquelle le Conseil constitutionnel a été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité et sans attendre qu'il ait statué ; que, dans une telle hypothèse, ni cette disposition ni l'autorité de la chose jugée ne sauraient priver le justiciable de la faculté d'introduire une nouvelle instance pour qu'il puisse être tenu compte de la décision du Conseil constitutionnel ; que, sous cette réserve, l'article 23-3 n'est pas contraire à la Constitution ;
En ce qui concerne les dispositions applicables devant le Conseil d'État et la Cour de cassation :
19. Considérant que la section 2 du chapitre II bis précité comporte les articles 23-4 à 23-7 relatifs aux dispositions applicables devant le Conseil d'État et la Cour de cassation ;
- Quant aux articles 23-4 et 23-5 :
20. Considérant qu'aux termes de l'article 23-4 : " Dans un délai de trois mois à compter de la réception de la transmission prévue à l'article 23-2 ou au dernier alinéa de l'article 23-1, le Conseil d'État ou la Cour de cassation se prononce sur le renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. Il est procédé à ce renvoi dès lors que les conditions prévues aux 1° et 2° de l'article 23-2 sont remplies et que la question est nouvelle ou présente un caractère sérieux " ; que son article 23-5 dispose que : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'État ou la Cour de cassation. Le moyen est présenté, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Il ne peut être relevé d'office.
" En tout état de cause, le Conseil d'État ou la Cour de cassation doit, lorsqu'il est saisi de moyens contestant la conformité d'une disposition législative d'une part aux droits et libertés garantis par la Constitution et d'autre part aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur le renvoi de la question de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.
" Le Conseil d'État ou la Cour de cassation dispose d'un délai de trois mois à compter de la présentation du moyen pour rendre sa décision. Le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité dès lors que les conditions prévues aux 1° et 2° de l'article 23-2 sont remplies et que la question est nouvelle ou présente un caractère sérieux.
" Lorsque le Conseil constitutionnel a été saisi, le Conseil d'État ou la Cour de cassation sursoit à statuer jusqu'à ce qu'il se soit prononcé. Il en va autrement quand l'intéressé est privé de liberté à raison de l'instance et que la loi prévoit que la Cour de cassation statue dans un délai déterminé. Si le Conseil d'État ou la Cour de cassation est tenu de se prononcer en urgence, il peut n'être pas sursis à statuer " ;
21. Considérant, en premier lieu, que la dernière phrase du premier alinéa de l'article 23-4 et la dernière phrase du troisième alinéa de l'article 23-5 prévoient que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité si " la question est nouvelle " ; que le législateur organique a entendu, par l'ajout de ce critère, imposer que le Conseil constitutionnel soit saisi de l'interprétation de toute disposition constitutionnelle dont il n'a pas encore eu l'occasion de faire application ; que, dans les autres cas, il a entendu permettre au Conseil d'État et à la Cour de cassation d'apprécier l'intérêt de saisir le Conseil constitutionnel en fonction de ce critère alternatif ; que, dès lors, une question prioritaire de constitutionnalité ne peut être nouvelle au sens de ces dispositions au seul motif que la disposition législative contestée n'a pas déjà été examinée par le Conseil constitutionnel ; que cette disposition n'est pas contraire à la Constitution ;
22. Considérant, en deuxième lieu, que le deuxième alinéa de l'article 23-5 impose que, lorsqu'une question de constitutionnalité est soulevée pour la première fois devant le Conseil d'État ou la Cour de cassation ou lorsque ces derniers examinent un recours formé contre une décision rendue dans une instance à l'occasion de laquelle la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité a été refusée, les moyens de constitutionnalité soient examinés par priorité avant les moyens tirés du défaut de conformité d'une disposition législative aux engagements internationaux de la France ; que, pour les motifs identiques à ceux énoncés au considérant 14, cette disposition n'est pas contraire à la Constitution ;
23. Considérant, en troisième lieu, que les deux dernières phrases du dernier alinéa de l'article 23-5 permettent qu'une décision définitive soit rendue dans une instance à l'occasion de laquelle le Conseil constitutionnel a été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité et sans attendre qu'il ait statué ; que, sous la même réserve que celle énoncée au considérant 18, ces dispositions ne sont pas contraires à la Constitution ;
24. Considérant, en quatrième lieu, que, pour des motifs identiques à ceux énoncés aux considérants 8, 9, 13 et 17 de la présente décision, le surplus des articles 23-4 et 23-5 n'est pas contraire à la Constitution ;
- Quant à l'article 23-6 :
25. Considérant qu'aux termes de l'article 23-6 : " Le premier président de la Cour de cassation est destinataire des transmissions à la Cour de cassation prévues à l'article 23-2 et au dernier alinéa de l'article 23-1. Le mémoire mentionné à l'article 23-5, présenté dans le cadre d'une instance devant la Cour de cassation, lui est également transmis.
" Le premier président avise immédiatement le procureur général.
" L'arrêt de la Cour de cassation est rendu par une formation présidée par le premier président et composée des présidents des chambres et de deux conseillers appartenant à chaque chambre spécialement concernée.
" Toutefois, le premier président peut, si la solution lui paraît s'imposer, renvoyer la question devant une formation présidée par lui-même et composée du président de la chambre spécialement concernée et d'un conseiller de cette chambre.
" Pour l'application des deux précédents alinéas, le premier président peut être suppléé par un délégué qu'il désigne parmi les présidents de chambre de la Cour de cassation. Les présidents des chambres peuvent être suppléés par des délégués qu'ils désignent parmi les conseillers de la chambre " ;
26. Considérant que ces dispositions, relatives aux règles constitutives des formations de jugement de la Cour de cassation pour l'examen des questions prioritaires de constitutionnalité qui lui sont transmises ou qui sont soulevées devant elle, ont le caractère organique ; qu'elles ne méconnaissent aucune règle ou aucun principe constitutionnel ;
- Quant à l'article 23-7 :
27. Considérant que l'article 23-7 prévoit que le Conseil d'État ou la Cour de cassation saisit le Conseil constitutionnel par une décision motivée accompagnée des mémoires ou des conclusions des parties ; que le Conseil constitutionnel n'étant pas compétent pour connaître de l'instance à l'occasion de laquelle la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, seuls l'écrit ou le mémoire " distinct et motivé " ainsi que les mémoires et conclusions propres à cette question prioritaire de constitutionnalité devront lui être transmis ; que cet article impose également que le Conseil constitutionnel reçoive une copie de la décision motivée par laquelle le Conseil d'État ou la Cour de cassation décide de ne pas le saisir ; qu'en prévoyant, en outre, la transmission de plein droit de la question au Conseil constitutionnel si le Conseil d'État ou la Cour de cassation ne s'est pas prononcé dans un délai de trois mois, le législateur organique a mis en œuvre les dispositions de l'article 61-1 de la Constitution qui disposent que le Conseil d'État ou la Cour de cassation " se prononce dans un délai déterminé " ; que, dès lors, ces dispositions sont conformes à la Constitution ;
28. Considérant que les dispositions des articles 23-4 à 23-7 doivent s'interpréter comme prescrivant devant le Conseil d'État et la Cour de cassation la mise en œuvre de règles de procédure conformes aux exigences du droit à un procès équitable, en tant que de besoin complétées de modalités réglementaires d'application permettant l'examen, par ces juridictions, du renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité, prises dans les conditions prévues à l'article 4 de la loi organique ; que, sous cette réserve, le législateur organique n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence ;
En ce qui concerne les dispositions applicables devant le Conseil constitutionnel :
29. Considérant que la section 3 du chapitre II bis précité comporte les articles 23-8 à 23-12, relatifs à l'examen des questions prioritaires de constitutionnalité par le Conseil constitutionnel ;
30. Considérant que l'article 23-8 énumère les autorités avisées de la saisine du Conseil constitutionnel ; que son article 23-10 impose à ce dernier de statuer dans un délai de trois mois et prévoit le caractère contradictoire de la procédure applicable devant lui ainsi que le principe de la publicité des audiences ; que son article 23-11 dispose que ses décisions sont motivées et énumère les autorités auxquelles elles sont notifiées ; qu'enfin, son article 23-12 prévoit une majoration de la contribution de l'État à la rétribution des auxiliaires de justice qui prêtent leur concours au titre de l'aide juridictionnelle lorsque le Conseil constitutionnel est saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité ; que ces dispositions ne méconnaissent aucune exigence constitutionnelle ;
31. Considérant qu'aux termes de l'article 23-9 : " Lorsque le Conseil constitutionnel a été saisi de la question prioritaire de constitutionnalité, l'extinction, pour quelque cause que ce soit, de l'instance à l'occasion de laquelle la question a été posée est sans conséquence sur l'examen de la question " ; qu'en déliant ainsi, à compter de la saisine du Conseil constitutionnel, la question prioritaire de constitutionnalité et l'instance à l'occasion de laquelle elle a été posée, le législateur a entendu tirer les conséquences de l'effet qui s'attache aux décisions du Conseil constitutionnel en vertu, d'une part, du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution et, d'autre part, du 2° de l'article 23-2 de la loi organique ; que cet article ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle ;
32. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sous les réserves énoncées aux considérants 18, 23 et 28, l'article 1er n'est pas contraire à la Constitution ;
- SUR L'ARTICLE 3 :
33. Considérant que l'article 3 insère après le premier alinéa de l'article 107 de la loi organique du 19 mars 1999 susvisée un alinéa aux termes duquel : " Les dispositions d'une loi du pays peuvent faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité, qui obéit aux règles définies par les articles 23-1 à 23-12 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel " ;
34. Considérant qu'en application de l'article 77 de la Constitution qui dispose que " certaines catégories d'actes de l'assemblée délibérante de la Nouvelle-Calédonie pourront être soumises avant publication au contrôle du Conseil constitutionnel ", l'article 99 de la loi organique du 19 mars 1999 susvisée a défini le domaine des " lois du pays " de la Nouvelle-Calédonie et son article 107 leur a conféré " force de loi " dans ce domaine ; qu'il s'ensuit que l'article 3 précité est conforme à l'article 61-1 de la Constitution qui prévoit que la question prioritaire de constitutionnalité est applicable aux dispositions législatives ;
- SUR LES AUTRES DISPOSITIONS :
35. Considérant que l'article 2, qui insère dans le code de justice administrative, le code de l'organisation judiciaire, le code de procédure pénale et le code des juridictions financières des dispositions de coordination avec les dispositions de l'article 1er, ne méconnaît aucune exigence constitutionnelle ;
36. Considérant que l'article 4 prévoit que les modalités d'application de l'article 1er sont fixées dans les conditions prévues par les articles 55 et 56 de l'ordonnance organique du 7 novembre 1958 susvisée et précise, en outre, que le règlement intérieur du Conseil constitutionnel fixe les règles de procédure applicables " devant lui " ; que ce renvoi au décret en conseil des ministres, après consultation du Conseil constitutionnel et avis du Conseil d'État, n'est pas contraire à la Constitution ;
37. Considérant que l'article 5 fixe l'entrée en vigueur de la loi organique le premier jour du troisième mois suivant celui de sa promulgation ; que la loi organique sera ainsi applicable aux instances en cours à la date de son entrée en vigueur ; que, toutefois, seules les questions prioritaires de constitutionnalité présentées à compter de cette date dans un écrit ou un mémoire distinct et motivé seront recevables ; que cet article ne méconnaît aucune exigence constitutionnelle ;
38. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sous les réserves énoncées aux considérants 18, 23 et 28, la loi organique relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution n'est pas contraire à la Constitution,
D É C I D E :
Article premier.- Sous les réserves énoncées aux considérants 18, 23 et 28, la loi organique relative à application de l'article 61-1 de la Constitution n'est pas contraire à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.