Cass. com., 1 avril 2003, n° 00-11.645
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Attendu, selon l'arrêt déféré, que les consorts de Stéfani et la société civile d'exploitation agricole de Menet (la SCEA) ont cédé à M. X..., M. Y... et à la société Faber (les acquéreurs) la totalité des parts de la SARL Pruneaux de Menet (la SARL) ; que la SCEA et M. Jacques Z... ont assorti cette cession d'une garantie de passif ;
que la SCEA et MM. Jacques et Santé Z... ont été mis en redressement judiciaire le 14 avril 1995 ; qu'à la suite d'un litige avec la société France Prune, les acquéreurs ont demandé la mise en uvre de la garantie de passif ; que la SARL a en outre demandé le paiement de créances qu'elle estimait détenir sur la SCEA ; que l'arrêt a accueilli ces différentes demandes ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que les consorts Z... et la SCEA reprochent à l'arrêt d'avoir dit que les acquéreurs sont les créanciers de M. Jacques Z... et de la SCEA à concurrence d'une somme de 939 858 francs, alors, selon le moyen, que la clause de garantie de passif insérée dans les actes de cession de parts du 16 juin 1994 garantissait les cessionnaires "de toute diminution d'actif ou de passif nouveau, notamment fiscal, qui pourrait se révéler d'ici à l'expiration du délai de reprise de l'administration, ayant une origine antérieure au jour de la présente cession, dans la mesure où elle n'a pas été provisionnée ou inscrite au bilan de la SARL" ; que la cour d'appel a constaté que dès 1991, date des premières cessions de parts sociales, les acquéreurs exerçaient le contrôle de la SARL et que M. Y... avait dès cette date un véritable rôle de dirigeant ; que MM. Z... et la SCEA exposaient en conséquence que la non-inscription, à titre provisionnel, de la créance litigieuse au bilan de la SARL résultait d'une décision imputable à M. Y... seul ; qu'en décidant que MM. Z... et la SCEA devaient garantir cette créance en application de la clause de garantie de passif, dès lors qu'il était indifférent pour son application que le cessionnaire était au courant du procès ayant généré ce passif, sans rechercher si cette créance pouvait être considérée comme "révélée" postérieurement à la cession, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que la clause de garantie de passif devait jouer dès l'instant où, comme en l'espèce, un passif antérieur, qui n'avait pas été inscrit ou provisionné au bilan, se révélait après la cession ; qu'il retient également que cette clause avait été signée par les cédants en toute connaissance de cause, et qu'il était indifférent pour son application que le cessionnaire ait été au courant du procès qui avait généré ce passif ; qu'ainsi la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 50 et 53 de la loi du 25 janvier 1985, devenus les articles L. 621-43 et L. 621-46 du Code de commerce ;
Attendu que l'arrêt déclare les acquéreurs créanciers de M. Jacques Z... et de la SCEA pour les sommes de 939 858 francs et 40 777 francs, et la SARL créancière de la SCEA pour les sommes de 600 000 francs et de 156 286,70 francs, sans constater que ces créances avaient été déclarées à la procédure collective ou avaient fait l'objet d'un relevé de forclusion ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que les créances qui n'ont pas été déclarées et n'ont pas donné lieu à relevé de forclusion sont éteintes, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le même moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 55 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 621-48 du Code de commerce ;
Attendu que l'arrêt dit que les acquéreurs sont créanciers de M. Jacques Z... et de la SCEA à concurrence des sommes retenues par le jugement du 15 décembre 1995, qui comportent des intérêts conventionnels à compter du 30 août 1989, et que la SARL est créancière de la SCEA pour les sommes de 600 000 francs et de 156 286,70 francs, augmentées des intérêts au taux légal à compter du 31 mai 1995 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le jugement d'ouverture du redressement judiciaire arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, la cour d'appel a violé la disposition susvisée ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, sauf celle qui déclare la SARL Faber, M. X... et M. Y... mal fondés en leurs demandes à l'encontre de M. Santé Z..., l'arrêt rendu le 13 octobre 1999, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.