Cass. crim., 25 octobre 2017, n° 16-80.238
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Soulard
Rapporteur :
Mme Pichon
Avocats :
SCP Thouin-Palat et Boucard, SCP Waquet, Farge et Hazan
Attendu que, n'étant pas parties à la procédure, M. Y...et Z... ès qualités ne tirent d'aucune disposition légale la faculté de déposer un mémoire ;
Que, dès lors, leur mémoire est irrecevable ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire commun aux demandeurs, et les observations complémentaires produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'en mars 2000, l'organisme Tracfin a informé les autorités judiciaires de soupçons de blanchiment à l'occasion d'opérations immobilières à hauteur de plus de 100 millions de francs portant sur d'importantes propriétés au Cap d'Antibes, le Château de la Garoupe, le Clocher de la Garoupe et la villa Altaïr, effectuées par l'intermédiaire de la société d'investissements France immeubles (Sifi) gérée par M. X..., qui a bénéficié de fonds en provenance de la société suisse Ovaco AG, en lien avec Boris A..., mathématicien russe ayant fait fortune après l'effondrement du régime soviétique, et de la société Runicom Ltd ; qu'à l'issue d'une information judiciaire ouverte le 1er mars 2002, le juge d'instruction de Marseille, par ordonnance du 31 juillet 2013, a constaté l'extinction de l'action publique à l'encontre de Boris A..., mis en examen pour blanchiment, en raison de son décès intervenu le 23 mars 2013 et renvoyé devant le tribunal correctionnel M. X...des chefs de blanchiment de manière habituelle et en utilisant les facilités que procurait l'exercice de l'activité professionnelle d'agent immobilier et d'abus de bien sociaux et la société Sifi, pour blanchiment aggravé ; que le tribunal correctionnel, par jugement du 9 mars 2015, a déclaré les prévenus coupables des faits reprochés, et, en répression, a notamment prononcé la confiscation du domaine de la Garoupe, propriété de la société Sifi ; que les prévenus et le ministère public ont interjeté appel ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 324-1 du code pénal, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt partiellement confirmatif attaqué a déclaré les prévenus coupables de blanchiment aggravé ;
" aux motifs que, sur le blanchiment aggravé, le délit initial visé dans la prévention, est le délit d'abus de confiance et de recel d'abus de confiance commis au préjudice des sociétés Runicom SA et Runicom Ltd ; que ces qualifications ont été retenues puisqu'il s'agit de sociétés de droit étranger ce qui exclut les qualifications d'abus de biens sociaux prévues et sanctionnées par le code de commerce ; que plus précisément le délit de blanchiment aggravé reproché à M. X...se caractériserait par l'utilisation de fonds provenant de la société suisse Runicom SA par l'intermédiaire de la société de droit suisse Ovaco Ag et de Runicom Ltd, société immatriculée à Gibraltar ; que ces fonds ont servi :
- à un apport par Runicom Ltd de 5 000 000 de dollars lors de l'acquisition du château de la Garoupe le 16 décembre 1996 ;
- au financement de l'acquisition du clocher de la Garoupe le 31 juillet 1997 à hauteur de 85 000 000 francs puis le transfert le 12 août 1997 d'un supplément de 7 000 000 francs (dont 1 700 000 francs à titre de commission) par Runicom SA ;
à la perception d'une commission supplémentaire de 300 000 francs le 20 mars 1998 pour l'achat du clocher ;
- à l'acquisition de la villa Altaïr le 26 août 2001 à hauteur de 76 000 000 francs avec l'argent provenant de la revente du clocher de la Garoupe à la société Fotopark ;
- à l'emploi de fonds à hauteur de 7 000 000 francs entre 1997 et 1998 à des locations fictives entre la société Pigi et la société Ruco Trading dont 2 000 000 de dollars provenant de Runicom Ltd ;
- au financement par l'intermédiaire de la société panaméenne Marcampéon, de travaux d'entretien du château et du clocher et de frais alimentaires pour un montant de 7 000 000 francs et de 450 000 dollars ; que la même prévention est reprochée à la SARL Sifi à l'exception de la perception des deux commissions de 1 700 000 francs puis de 300 000 francs versées à la suite de l'achat du clocher et des locations fictives à hauteur de 2 000 000 de dollars ; que pour justifier du renvoi de M. X...et de la société Sifi devant le tribunal correctionnel puis de leur condamnation par le tribunal il est soutenu que le prêt, contracté par la société Runicom pour un apport en capital statutaire, a été détourné au profit de la société Ovaco Ag et sa filiale française Sifi, pour l'acquisition d'un bien immobilier en France ; que la société Ovaco Ag constituait un des rouages de l'entreprise d'une part de dissimulation du véritable propriétaire du bien et d'autre part de l'origine des fonds ; qu'Ovaco Ag n'avait d'autre activité que de recevoir les fonds en provenance notamment des sociétés Runicom et d'assurer leur transmission vers les comptes de la société Sifi puisqu'il n'a pas été constaté dans la comptabilité Sifi de remboursement fait au profit d'Ovaco Ag ou de Runicom ; qu'aucune justification ni aucun lien juridique ou financier ne permettent de justifier ces versements ; qu'outre l'achat des propriétés, plusieurs documents viennent confirmer que l'organisation des locations des villas ne correspond pas à une réalité ; qu'elle est adaptée par M. X..., les associés d'Ovaco Ag et les assistants de M. A...en fonction des besoins en trésorerie, pour couvrir les dépenses de gestion courantes (salaires, prestation de sécurité, assurances...), les travaux de mise en valeur des propriétés, les charges exceptionnelles (redressements fiscaux...) mais aussi les dépenses personnelles des locataires qui ne sont autres que la famille ou des amis de M. A...; qu'ainsi en raison de sa profession, de la durée et de la nature des relations qu'il entretenait avec les proches collaborateurs de MM. A...et B..., de ses initiatives et des actes qu'il a accomplis, M. X...connaissait les montages élaborés pour occulter l'origine des fonds obtenus frauduleusement ; que selon la défense des prévenus, personne physique et personne morale, la relaxe s'impose pour le délit de blanchiment ; que pour la défense le fait que l'utilisation des fonds se soit réalisée au travers de diverses sociétés ne saurait établir une preuve de blanchiment ; que l'utilisation en cascade de sociétés pour réaliser une opération d'achat ou de location, ou les deux, n'est pas obligatoirement la preuve d'une opération malhonnête d'autant que les opérations immobilières contestées étaient conformes à l'objet social de la société Runicom SA et de Runicom Ltd tel que défini par leurs statuts ; que pour la défense les infractions d'abus de confiance et de recel d'abus de confiance retenues dans l'ordonnance de renvoi qui seraient à l'origine du délit de blanchiment aggravé ne sont en rien caractérisées tant en ce qui concerne les fonds provenant de la société Runicom SA que ceux versés par Runicom Ltd en raison des relations d'affaires existant entre MM. A...et B...; que la société Runicom SA et Runicom Ltd qui faisaient partie d'un même groupe pouvaient régler les sommes dues par Sibneft à M. A...; que l'élément intentionnel du délit c'est-à-dire la connaissance du caractère frauduleux des financements n'est pas rapporté ; que M. A...était considéré alors comme l'un des hommes les plus riches de Russie ; que de plus jusqu'en 2004 aucune obligation de vigilance n'était mise à la charge des agents immobiliers ; qu'ils ont donc agi en conformité avec les lois en vigueur à l'époque des faits ; que le tribunal ne pouvait pas faire une application rétroactive de la loi du 5 mars 2007 et prononcer la confiscation des biens de la société Sifi sur le fondement de ce texte ; qu'en réponse à ces arguments, la cour notera tout d'abord que la prévention vise la réception entre début 1997 et fin 1998 sur les comptes des sociétés Sifi et Gii devenue Pigi d'environ 7 000 000 fancs, somme virée à partir du compte de la société Ovaco Ag et provenant des comptes de la société Runicom Ltd ; que cela fait manifestement double emploi avec les poursuites visant le deuxième versement d'un montant de 7 000 000 francs effectué le 12 Août 1997 pour financer l'achat du clocher de la Garoupe et le paiement en espèce de travaux d'entretien et de frais alimentaires avec le compte bancaire suisse de Marcampéon de Novembre 1997 à Juin 1998 ; que le jugement sera donc infirmé sur la culpabilité de M. X...de ce chef ; que s'agissant de l'achat du clocher de la Garoupe en Juillet 1997, il résulte des nombreuses vérifications effectuées par le magistrat instructeur sur l'origine des sommes de 85 000 000 francs et 7 000 000 francs, fournies par Runicom SA à cette occasion que les fonds provenaient d'un prêt de restructuration consenti par la banque russe Sbs Agro ; que cette banque a consenti à Runicom SA un prêt structurel numéro 213K le 30 juillet 1997 mais qui devait être remboursé à un taux de 20 % le 1er décembre 1997 mais qui n'a pas été remboursé ; que M. C..., porteur d'une action dans Ovaco Ag et administrateur de cette société à compter du 6 août 1997, s'est rendu à Moscou pour vérifier l'origine des fonds d'Ovaco Ag ; qu'il a déclaré que l'argent provenait de Runicom SA et mis à la disposition d'Ovaco Ag par une chaîne de prêts assurant la conversion du capital étranger en capital propre ; qu'il est manifeste que ces fonds n'ont pas été utilisés selon les finalités envisagées pour assurer la pérennité et la bonne marche de Runicom SA mais pour assurer les dépenses personnelles de M. A...et permettre selon M. B...de régler ses dettes personnelles à l'égard de son protecteur ; qu'il résulte des explications fournies par MM. A...et par Abramovitch par-delà le litige qui les oppose que les sommes considérables versées par ce dernier servaient à assurer le train de vie, l'acquisition et l'entretien des biens immobiliers de M. A...sans qu'il ait été jamais envisagé, convenu ou exigé que ce dernier procède à quelque remboursement ou restitution que ce soit ; qu'ainsi M. D..., bras droit de M. B...avait obtenu en juillet 1997 des fonds de la banque Sbs Agro pour restructurer Runicom SA ; qu'alors qu'il devait en faire un usage déterminé, M. B..., qui contrôlait Runicom SA, a détourné à son profit ces fonds pour régler ses dettes envers M. A...; qu'il a d'ailleurs reconnu qu'il avait assuré les dépenses personnelles de M. A...de 1996 à 1999 ; qu'alors que M. B...et ses collaborateurs devaient utiliser les fonds conformément à l'intérêt social de Runicom SA société de droit suisse, ils les ont dilapidés au préjudice des créanciers et au profit de la société Ovaco Ag qui était contrôlée par M. A...et dans laquelle ils n'ont pas d'intérêts ; que ces prêts, même si les statuts prévoient la possibilité d'y recourir et même s'il s'agit d'opérations effectuées entre les sociétés d'un même groupe, ne sont ni justifiés ni licites puisqu'ils ont imposé des sacrifices démesurés mettant en péril Rumicom SA qui a d'ailleurs déposé ultérieurement le bilan ; que l'achat du clocher, les commissions, les travaux d'entretien et les dépenses personnelles de M. A...ont été réglées par la société Sifi ; que cependant le compte ouvert à la banque Monte Paschi à Nice par la société Sifi ayant été approvisionné par les virements effectués par la maison mère, la société suisse Ovaco Ag, il ne peut être imputé à M. X...la connaissance de l'origine frauduleuse de ces fonds ; qu'en effet il avait pour interlocuteurs directs d'une part M. A...et d'autre part Ovaco Ag qui est dirigée par M. Hans-Peter E...; que cette société écran était utilisée par M. A...pour alimenter la société Sifi avec les fonds remis par M. B...par le biais d'une autre société qu'il contrôlait, la société Commodo ; qu'il en est par conséquent de même du remploi du prix de la vente du clocher pour l'achat de la villa Altaïr ; que sur les contrats de locations conclus entre la société Pigi et la société Ruco Trading aucun élément de preuve n'est apporté pour établir le caractère fictif de ces contrats qui ont été réellement conclus avec des sociétés off-shore sous la mouvance de M. A...; que les villas étaient effectivement occupées et les loyers payés ; qu'il n'est pas établi que M. X...a eu connaissance de l'origine illicite des fonds versés pour le paiement des loyers par la société Runicom Ltd puisque si les 2 000 000 $ ont transité par la société Ruco Trading c'est avec cette société que les contrats ont été signés ; qu'à défaut de caractériser l'élément intentionnel du délit de blanchiment aggravé imputable à M. X...c'est-à-dire la connaissance des détournements commis par les dirigeants de Runicom SA et Runicom Ltd, pour le financement de l'acquisition du clocher de la Garoupe à hauteur de 85 000 000 francs ainsi que de 7 000 000 francs (dont 1 700 000 francs à titre de commission) puis la perception d'une commission supplémentaire de 300 000 francs, l'acquisition de la villa Altaïr avec l'argent provenant de la revente du clocher de la Garoupe et le financement des contrats de locations, le jugement sera infirmé sur la culpabilité de M. X...de ces chefs de prévention ; que le jugement sera infirmé à l'égard de la société Sifi dont la responsabilité pénale sera écartée en raison du renvoi de son gérant du chefs de ces poursuites ; que les fonds remis pour le compte de M. A...par Ovaco Ag à sa filiale la société Sifi provenaient de différentes sources et en partie de virements effectués par Runicom SA et Runicom Ltd ; que si M. X...peut arguer de ce qu'il ne connaissait pas la provenance des fonds remis à la société Sifi par sa maison mère, il n'en va manifestement de même ni pour les 5 000 000 $ virés directement sur le compte bancaire de la société Sifi lors de l'achat du château de la Garoupe ni pour les sommes transitant par la société Marcampéon pour le financement de travaux d'entretien et des frais de nourriture des occupants ; que M. X...est un gérant de société particulièrement avisé qui a une longue expérience en matière de transactions immobilières sur la Côte d'Azur ; que c'est en toute connaissance de cause qu'il a proposé d'être le gérant de la société Sifi, filiale de la société suisse Ovaco SA ; que c'est un homme d'affaires trop expérimenté pour ne pas s'être alerté du paiement sans cause au profit de la société qu'il dirige par la société Runicom Ltd de la somme de 5 000 000 $ dont elle est manifestement dépossédée sans aucune contrepartie ; que M. X...ne s'est pas inquiété qu'une somme aussi importante provienne non pas de la maison mère, Ovaco Ag mais d'un tiers, la société Runicom Ltd, pour le bénéfice de M. A...; qu'en sa qualité de gérant M. X...ne peut de bonne foi soutenir qu'il ignorait l'origine frauduleuse de ces fonds compte tenu du contexte dans lequel l'acquisition du château est intervenue ; qu'il lui appartenait d'être particulièrement attentif à l'origine des fonds permettant de mener à bien l'opération immobilière qu'il pilotait ; qu'en sa qualité de gérant de la société Sifi, il a eu recours pour procéder à l'achat du château de la Garoupe à une somme de 5 000 000 $ appartenant à la société Runicom Ltd qui n'a aucun lien juridique ou capitaliste avec la SARL Sifi ; qu'il ne pouvait ignorer que les sociétés commerciales sont des entités autonomes dotées de patrimoines distincts dont la confusion avec le patrimoine d'autres personnes, morales ou physiques, est prohibée ; qu'il ne pouvait lui échapper que les fonds ainsi versés par un virement bancaire directement sur le compte de la SARL Sifi par la société Runicom Ltd sans aucune contrepartie et en dehors de toute obligation contractuelle était contraire à l'intérêt social de la société Runicom Ltd qui assumait ainsi en partie la charge financière de l'acquisition d'un bien immobilier qui n'entrerait pas dans ses actifs ; qu'entre Novembre 1997 et Juin 1998, M. X...bénéficiaire économique de la société panaméenne Marcampéon a obtenu directement de la société Runicom Ltd 7 000 000 francs et 450 000 $ provenant de banques autrichienne et française ; que n'agissant ni pour Ovaco Ag ni pour la société Sifi, il savait que des fonds provenaient d'une société dans laquelle M. A...n'avait aucun intérêt ; que les transferts de fonds de Runicom Ltd vers Marcampéon n'avaient aucune justification juridique ou économique ; que c'est donc en toute connaissance de cause que M. X...a apporté un concours actif à ces opérations sans qu'il puisse se retrancher ici derrière Ovaco Ag ; qu'en raison de ses contacts et interventions avec les différents intervenants il ne pouvait ignorer que les fonds ainsi utilisés pour faire face à des dépenses sans aucun lien avec Runicom Ltd, étaient détournés au détriment de Runicom Ltd lors de leur remise à Marcampéon ;
" 1°) alors que l'infraction de blanchiment suppose pour être constituée que soit rapportée à titre préalable la preuve d'une infraction originaire ; que si la cour d'appel s'attache à caractériser l'infraction originaire d'où proviendraient les fonds transférés par la société Runicom à la société Ovaco – un abus de confiance commis par détournement d'un prêt – faits pour lesquels les prévenus sont relaxés, elle ne caractérise en revanche aucun délit ni aucun crime à l'origine des sommes transférées de la société Runicom Ltd vers les sociétés Sifi et Marcampéon ; que, les sociétés Runicom et Runicom Ltd étant deux entités distinctes, et Runicom Ltd ayant pour objet social les transactions immobilières, il appartenait à la cour d'appel de rechercher spécifiquement en quoi les fonds provenant de cette dernière auraient eu une origine frauduleuse ; que faute d'avoir caractérisé l'infraction d'origine préalable au blanchiment des sommes provenant de la société Runicom Ltd, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" 2°) alors que l'infraction de blanchiment suppose pour être constituée que soit rapportée au titre de l'élément intentionnel la preuve de la connaissance, par son auteur, de la provenance frauduleuse des fonds objets de l'infraction ; que la société Runicom Ltd ayant pour objet social les transactions immobilières et, en l'absence d'obligation de vigilance ou de déclaration de soupçon à l'époque des faits, les prévenus n'étant pas tenus de rechercher précisément la teneur et la valeur juridique de l'accord passé entre leur interlocuteur – M. A...– et la société apporteuse de fonds, la cour d'appel ne pouvait se fonder sur le seul fait que les fonds provenaient d'une société dans laquelle M. A...n'avait pas d'intérêt pour en déduire que les prévenus avaient nécessairement eu conscience de l'origine frauduleuse des fonds transférés ; qu'en considérant néanmoins que l'infraction de blanchiment était caractérisée à l'encontre de M. X...et de la société Sifi, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale " ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 324-1 du code pénal, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt partiellement confirmatif attaqué a déclaré les prévenus coupables de blanchiment aggravé,
" aux motifs déjà cités au premier moyen ;
" 1°) alors que s'agissant de la somme de 5 000 000 $ provenant de la société Runicom Ltd pour financer l'achat du château de la Garoupe, le virement reçu sur le compte bancaire de la Sifi – qui avait à plusieurs reprises rappelé la nécessité de verser le prix pour conclure l'achat – ne comportait aucune indication de provenance ; qu'en imputant à M. X...une prétendue connaissance de l'origine des fonds, sans s'expliquer sur quels éléments ou quelles pièces du dossier elle se fonde pour affirmer qu'au moment de l'achat, M. X...aurait eu la moindre connaissance de l'auteur du virement, la Cour d'appel a privé sa décision de motifs et renversé la charge de la preuve ;
" 2°) alors que le paiement par un tiers étant légal, la seule circonstance – à la supposer connue de M. X...– que la société Runicom Ltd aurait été l'auteur du virement destiné à payer le prix était insusceptible à elle seule de caractériser la connaissance d'une infraction ;
" 3°) alors que M. X...et la Sifi faisaient clairement valoir dans leurs conclusions d'appel, totalement délaissées, que les fonds reçus de la société Runicom Ltd correspondaient à une dette de M. B...envers M. A...(acquéreur réel du château) et que si MM. B...et A...n'étaient pas d'accord sur la qualification de cette dette, ils étaient d'accord sur son principe, ce qui expliquait le paiement fait par Runicom Ltd pour financer une acquisition dont le dernier destinataire devait être M. A...; qu'en s'abstenant totalement de s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a totalement privé sa décision de motifs ;
" 4°) alors que s'agissant des sommes de 7 000 000 francs et 450 000 $ reçues de la société Runicom Ltd par la société Marcampeon, M. X...et la Sifi faisaient valoir que ces sommes avaient été utilisées à l'entretien des immeubles achetés par M. A...et aux frais exposés par celui-ci pendant ses séjours ; que leur versement par Runicom Ltd correspond également à l'apurement de ses dettes par M. B..., par l'intermédiaire de cette structure, M. B...ayant déclaré, lors d'un procès au Royaume-Uni qui opposait les parties, qu'il était « le principal bailleur de fonds de son (celui de M. A...) mode de vie » ; qu'en s'abstenant totalement de s'expliquer sur ce point, de nature à exclure toute origine frauduleuse des fonds, la cour d'appel a encore totalement privé sa décision de motifs " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour confirmer partiellement le jugement et déclarer M. X...et la société Sifi coupables de certains faits de blanchiment aggravé d'abus de confiance et de recel commis au préjudice de la société Runicom Ltd pour avoir acquis, pour le compte de Boris A..., le château de la Garoupe à hauteur de plus de 24 millions de francs à l'aide d'un virement de 5 millions de dollars opéré sur instruction de la société Runicom Ltd, et pour avoir reçu sur le compte de la société Marcampéon, dont M. X...était l'ayant-droit économique, les sommes de 7 millions de francs et 450 000 dollars provenant de la société Runicom Ltd et réaffecté ces sommes au paiement de travaux et de frais des propriétés, le château et le clocher de la Garoupe, l'arrêt retient notamment que ces fonds provenaient de la société Runicom Ltd, immatriculée à Gibraltar, contrôlée, au même titre que la société Runicom, par M. B..., que la société Runicom Ltd avait pour objet social notamment la transaction immobilière et avait des engagements à long terme en matière de négoce de produits pétroliers avec la société pétrolière russe Sibneft et que les fonds litigieux ont été utilisés, par l'intermédiaire des sociétés Sifi, constituée à cette fin, et Marcampéon, pour participer à l'achat d'un bien immobilier et financer des frais y afférents, et ce, pour le compte de Boris A...; qu'il relève que M. B...a ainsi assuré le financement des acquisitions et des dépenses personnelles effectuées en réalité au profit de Boris A...qui n'avait aucun intérêt dans la société Runicom Ltd et que le transfert des fonds de cette société vers les sociétés Sifi et Marcampéon, dénuées de lien juridique ou capitalistique, n'avait aucune justification économique ou juridique ;
Que les juges ajoutent que M. X..., homme d'affaires particulièrement avisé qui a une longue expérience en matière de transactions immobilières sur la Côte d'Azur, ne peut arguer qu'il ne connaissait pas la provenance des fonds, qu'il a, en toute connaissance de cause, proposé d'être le gérant de la société Sifi et qu'il ne pouvait ignorer que le versement direct de ces sommes, sans aucune contrepartie et en dehors de toute obligation contractuelle, était contraire à l'intérêt social de la société Runicom Ltd qui assumait ainsi en partie la charge financière d'un bien immobilier qui n'entrerait pas dans ses actifs et qu'en raison de ses contacts avec les différents intervenants, il ne pouvait pas davantage ignorer que les sommes utilisées pour faire face aux différentes dépenses étaient détournées de la société Runicom Ltd lors de leur remise à la société Marcampéon ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui établissent avec suffisance l'existence d'une infraction principale ayant procuré les sommes litigieuses et la connaissance par le prévenu, professionnel de l'immobilier et gérant de sociétés, de leur origine frauduleuse, la cour d'appel, qui a caractérisé le délit en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel et répondu aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle, a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 241-3, 4° du code de commerce, 121-1 du code pénal, 459, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré M. X...coupable d'abus de biens sociaux ;
" aux motifs que les délits d'abus de biens sociaux au préjudice d'une société anonyme à responsabilité limitée, sont établis puisqu'il résulte de l'instruction que M. X...a pris l'initiative de faire virer sur le compte bancaire suisse de la société Marcampéon qu'il dirige : qu'en 1997 la somme de 1 700 000 francs qui auraient dû revenir à la société Prestige Immobilier au titre de sa commission d'agent immobilier lors de l'achat du clocher de la Garoupe, pour favoriser la société Prestige House and Boats dont il est actionnaire ; qu'en 1998 la somme de 300 000 francs toujours pour favoriser la société Prestige House and Boats dont il est actionnaire, si ce n'est pas au préjudice de la société Prestige Immobilier dans les mêmes conditions qu'en 1997, en tout cas au préjudice de la société Prestige Immobilier Gestion International dont il est gérant et qui n'a pas perçu cet argent pour le paiement des prestations de service qu'elle avait effectuées ; que dans ses dernières explications M. X...justifie le recours au compte bancaire suisse de Marcampéon par la nécessité de financer certains travaux en liquide et hors facture ; que c'est en toute connaissance de cause que M. X...a détourné en utilisant la société Marcampéon qu'il dirige, au préjudice des sociétés Prestige Immobilier et Prestige Immobilier Gestion International, dont il est le gérant, les sommes de 1 700 000 puis de 300 000 francs qui devaient leur revenir, pour renflouer la trésorerie de la société Prestige House and Boat dans laquelle il est actionnaire ; que M. X...a tout d'abord reconnu ces faits avant de revenir sur ses déclarations concernant la destination de la somme de 300 000 francs détournée en 1998 ; qu'il ne peut être valablement soutenu que ces opérations sont intervenues dans l'intérêt du groupe ; que même si M. X...est présent et a des intérêts dans plusieurs sociétés dont les activités se complètent, on ne se trouve pas véritablement en présence d'un groupe puisque les concours entre sociétés ne se réalisent que par des contrats fictifs ayant pour seul objet des transferts de trésorerie et qui ne s'inscrivent pas dans une véritable politique de groupe ;
" 1°) alors que l'infraction d'abus de biens sociaux prévue à l'article L. 241-3, 4° du code de commerce suppose pour être caractérisée que l'opération litigieuse ait été commise par le gérant de la société victime et qu'elle ait porté sur les biens ou le crédit de cette société ; que les sommes dont le détournement est reproché à M. X...proviennent des sociétés Runicom SA, Runicom Ltd, Ruco Trading et Ovaco, et ont été directement transférées à la société Marcampéon ; que M. X...n'étant le gérant d'aucune des quatre sociétés dont les fonds proviennent, aucun abus de biens sociaux ne pouvait lui être reproché concernant les virements effectués au profit de la société Marcampéon ; qu'en le déclarant néanmoins coupable de ces faits, la cour d'appel a méconnu l'article L. 241-3, 4° du code de commerce et le principe de personnalité de la responsabilité pénale ;
" 2°) alors que M. X...a exposé dans ses écritures d'appel que les virements litigieux étaient justifiés par l'exécution de prestations par la société Marcampéon ; que ladite société ayant pour objet social la construction, l'achat, l'échange, la location et l'acquisition de propriétés immobilières, il était en effet logique qu'elle soit intervenue aux côtés des sociétés Prestige Immobilier et Prestige Immobilier Gestion International dans le cadre de l'acquisition et de l'entretien du clocher de la Garoupe ; qu'en ne recherchant pas si les opérations litigieuses n'avaient pas eu une contrepartie du fait de la prestation de services fournie par la société Marcampéon, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision ;
" 3°) alors que n'est pas constitutif d'un abus de biens sociaux le concours financier apporté par le gérant d'une société à une autre entreprise d'un même groupe, lorsque celui-ci est dicté par un intérêt économique, social ou financier commun, apprécié au regard d'une politique élaborée pour l'ensemble de ce groupe, et qu'il n'est pas démuni de contrepartie ou ne rompt pas l'équilibre entre les engagements respectifs des diverses sociétés ; que la cour d'appel constate que la société Prestige Houses and Boats détenait la majorité du capital des sociétés Prestige Immobilier et Prestige Immobilier Gestion International et avait financé ces dernières à leurs débuts, que sa dirigeante était également l'associée de M. X...dans la société Marcampéon, et que le versement des sommes litigieuses à la société Marcampéon avait eu pour objet de récompenser les apports financiers de la société Prestige Houses and Boats ; que la cour d'appel qui, pour rejeter le moyen tiré de ce que les mouvements financiers litigieux étaient justifiés par l'existence d'un groupe de société, après avoir relevé que les sociétés impliquées avaient un lien capitalistique entre elles, qu'elles avaient les mêmes gérants ainsi que des activités complémentaires, qu'enfin elles procédaient régulièrement à des transferts de trésorerie, se borne à invoquer sans en justifier l'absence de politique de groupe, n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a ainsi privé sa décision de base légale " ;
Attendu que, pour déclarer M. X...coupable d'abus de biens sociaux pour avoir encaissé sur le compte de la société Marcampéon, dont il était l'ayant-droit économique et le gérant de fait, une somme d'1, 7 millions de francs correspondant à une partie de la commission de transaction immobilière portant sur le clocher de la Garoupe ainsi qu'une somme de 300 000 francs de rémunérations complémentaires dues respectivement à la société Prestige immobilier et à la société Prestige immobilier gestion internationale dont il était le gérant de droit, et écarter le fait justificatif de l'existence de l'intérêt d'un groupe de sociétés, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que le fait de faire indûment attribuer à une société dont le prévenu est le gérant de fait des commissions et rémunérations dues par des tiers à d'autres sociétés dont il est le gérant de droit est constitutif d'un abus de biens sociaux, et, pour échapper aux prévisions de l'article L. 241-3, 4° du code de commerce, les versements effectués par un dirigeant d'une société, à une autre entreprise du même groupe dans laquelle il est intéressé directement ou indirectement, doivent être dictés par un intérêt économique, social ou financier commun, apprécié au regard d'une politique élaborée pour l'ensemble de ce groupe, et ne doivent ni être dépourvus de contrepartie ni rompre l'équilibre entre les engagements respectifs des diverses sociétés concernées, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, la cour d'appel, qui a caractérisé le délit en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel et répondu aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à ladite Convention, de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, des articles 111-3, 111-4, 131-39, 8° et 324-9 du code pénal, dans leur version applicable au moment des faits, et des articles préliminaire et 591 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt partiellement confirmatif attaqué a ordonné la confiscation du château de la Garoupe ;
" aux motifs que pour prononcer la confiscation des sommes de la SARL Sifi inscrites au crédit du compte ouvert au Crédit Lyonnais ainsi que celle du château de la Garoupe dont la SARL Sifi est propriétaire, le tribunal s'est fondé sur les dispositions de l'article 131-21 du code pénal qui dispose que la peine complémentaire de confiscation est encourue de plein droit pour les crimes et les délits punis d'une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à un an à l'exception des délits de presse ; que toutefois cette peine complémentaire issue de la loi du 5 mars 2007 n'est pas applicable aux faits visés dans l'ordonnance de renvoi prise par les juges d'instruction, pour une période de prévention antérieure allant de 1996 à 2003 ; que cependant, l'article 324-9 du code pénal issu de la loi du 13 mai 1996 applicable à l'époque des faits, disposait notamment que les peines encourues par les personnes morales déclarées pénalement responsables des délits de blanchiment étaient celles mentionnées à l'article 131-39 relatif aux peines applicables aux personnes morales ; qu'au 8° de l'article 131-39, il était prévu la peine complémentaire de confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou qui en est le produit ; que c'est donc sur le fondement de ce texte que sera prononcée la confiscation de la propriété appartenant à la société Sifi et qui est le produit du délit de blanchiment dont celle-ci s'est rendue coupable par son gérant, puisque 5 millions de dollars provenant du délit d'abus de confiance commis au préjudice de la société Runicom Ltd ont servi à financer une partie de l'achat du château de la Garoupe ;
" 1°) alors que le principe du contradictoire exige que les prévenus soient mis en mesure de discuter tant la nature des faits reprochés que les peines qui leur sont applicables ; qu'en faisant application de textes répressifs non visés à la prévention, les articles 324-9 et 131-39 du code pénal dans leur version applicable au moment des faits, dont les parties n'ont pas été en mesure de débattre, pour prononcer la peine de confiscation, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire ;
" 2°) alors que nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ; que l'article 131-39, dans sa rédaction applicable au moment des faits, prévoyait que la peine de confiscation ne pouvait porter que sur la chose qui avait servi ou était destinée à commettre l'infraction ou qui en était le produit ; que l'infraction de blanchiment au titre de laquelle la peine de confiscation est prononcée en l'espèce porte sur 5 millions de dollars ; que ce n'est que dans cette mesure que le château de la Garoupe pouvait être considéré comme étant le produit de l'infraction poursuivie ; qu'en ordonnant néanmoins la confiscation de l'entière propriété de la société Sifi, la cour d'appel a prononcé une peine non prévue par les textes et ainsi violé le principe de légalité des peines " ;
Attendu que, pour confirmer la confiscation du château de la Garoupe, propriété de la société SIFI, condamnée pour des faits de blanchiment commis en 1996, 1997 et 1998, l'arrêt retient que l'article 324-9 du code pénal issu de la loi du 13 mai 1996 applicable à l'époque des faits, disposait notamment que les peines encourues par les personnes morales déclarées pénalement responsables des délits de blanchiment étaient celles mentionnées à l'article 131-39 relatif aux peines applicables aux personnes morales et qu'au 8° de cet article, il était prévu la peine complémentaire de confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou qui en est le produit ; que les juges ajoutent que c'est sur le fondement de ce texte que sera prononcée la confiscation de la propriété appartenant à la société Sifi et qui est le produit du délit de blanchiment dont celle-ci s'est rendue coupable par son gérant, puisque 5 millions de dollars provenant du délit d'abus de confiance commis au préjudice de la société Runicom Ltd ont servi à financer une partie de l'achat du château de la Garoupe ;
Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors qu'en application combinée des articles 324-9, 2°, 131-39, 8°, 131-48 et 131-21 du code pénal en vigueur à la date des faits, la personne morale coupable de blanchiment encourait la confiscation, totale ou partielle, de la chose qui est le produit de l'infraction, la cour d'appel, qui pouvait confirmer une telle mesure sur le fondement de textes non visés à la prévention, n'a pas méconnu les dispositions et les principes invoqués ;
Qu'ainsi le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.