Cass. 3e civ., 20 mai 1998, n° 96-14.080
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Beauvois
Rapporteur :
M. Villien
Avocat général :
M. Baechlin
Avocats :
SCP Delaporte et Briard, SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, SCP Boulloche, Me Parmentier, Me Odent
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 13 février 1996), que, de 1975 à 1977, la société Semcoda a fait édifier un groupe d'immeubles, sous la maîtrise d'oeuvre de MM. A... et Z..., architectes, par la société Sormae, devenue Société auxiliaire d'entreprise Rhône-Alpes et Centre (SAEC), qui a sous-traité des travaux à divers professionnels ; que des désordres ayant été constatés, le syndicat des copropriétaires et un copropriétaire agissant à titre individuel ont assigné le maître de l'ouvrage, les constructeurs et leurs assureurs en réparation de leur préjudice ; qu'en appel, quatre-vingt-dix-neuf autres copropriétaires sont intervenus volontairement ;
Sur le premier moyen : (sans intérêt) ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l'article 2270 du Code civil ;
Attendu que pour rejeter les demandes du syndicat des copropriétaires portant sur le coût des travaux de reprise des désordres d'infiltration affectant les ouvrages des façades nord, est et ouest, l'arrêt retient qu'après réparation efficace des désordres initiaux, de nouvelles infiltrations concernant les mêmes ouvrages sont apparues, mais sont dues, selon l'expert, à d'autres origines, et que les demandes sont nouvelles et irrecevables comme prescrites ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la détermination de la cause des désordres est sans incidence sur le droit à réparation des victimes invoquant l'article 1792 du Code civil, sans rechercher, alors qu'elle avait constaté que des infiltrations sur les mêmes façades avaient été dénoncées dans le délai de garantie décennale, si les nouveaux désordres ne constituaient pas l'aggravation de celles-ci, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;
Et sur le troisième moyen :
Vu l'article 2270 du Code civil ;
Attendu que pour rejeter les demandes du syndicat des copropriétaires portant sur le coût des travaux de reprise des désordres d'infiltration affectant la dalle-balcon et le garde-corps préfabriqué, l'arrêt retient que l'expert avait antérieurement relevé ce désordre, que les fissures correspondantes avaient été " remises en état " en 1986, et que les demandes actuelles du syndicat, portant sur des traces très visibles de fuites relevées dans le dernier rapport du technicien, mais ayant une autre origine, sont nouvelles et irrecevables comme tardives ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la détermination de la cause des désordres est sans incidence sur le droit à réparation des victimes invoquant l'article 1792 du Code civil, sans rechercher, alors qu'elle avait constaté que des infiltrations affectant ces ouvrages avaient été dénoncées dans le délai de garantie décennale, si les nouveaux désordres ne constituaient pas l'aggravation de celles-ci, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;
Et sur le quatrième moyen :
Vu l'article 1353 du Code civil ;
Attendu que pour rejeter les demandes complémentaires du syndicat des copropriétaires tendant à l'allocation du coût de reprise de désordres, l'arrêt retient que cette demande est fondée sur une " expertise " officieuse diligentée à la demande du syndicat, qui n'est pas opposable aux autres parties ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le compte rendu de visite établi à la requête du syndicat des copropriétaires avait été versé aux débats ainsi qu'il résulte des pièces de la procédure et que, dès lors, il valait comme élément de preuve soumis à la libre discussion des parties, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le cinquième moyen :
Vu l'article 2270 du Code civil ;
Attendu que pour déclarer irrecevable l'intervention des copropriétaires agissant à titre individuel autres que M. X..., l'arrêt retient que si l'assignation émanant du syndicat des copropriétaires est intervenue dans le délai décennal, l'intervention de ces copropriétaires, formée plus de dix ans après la réception des ouvrages, est prescrite, et que l'action du syndicat n'a pas eu pour effet d'interrompre la " prescription décennale " à l'égard des autres intéressés, qui entendaient faire état de préjudices personnels ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si l'action des copropriétaires ne tendait pas à obtenir réparation de préjudices personnels découlant des vices de construction dénoncés par le syndicat avant l'expiration du délai de garantie décennale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes formées par le syndicat des copropriétaires de la Résidence La Fontaine pour les désordres affectant les ouvertures des façades nord, est et ouest, les dalles-balcons et les garde-corps préfabriqués, constatés par l'expert Y... dans son troisième rapport en date du 5 août 1993, en ce qu'il a déclaré inopposable aux autres parties l' " expertise officieuse " diligentée par le syndicat des copropriétaires, et en ce qu'il a déclaré irrecevable l'intervention des copropriétaires autres que M. X..., l'arrêt rendu le 13 février 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon.