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Décisions

CA Rennes, ch. 5, 26 avril 2017, n° 14/07476

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Société civile SCI LE GUERAUD

Défendeur :

ASSOCIATION NATIONALE POUR LA FORMATION PROFESSIONNELLE DES ADULTES

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avocats :

Me François Xavier MICHEL, SCP BARRIERE - EYQUEM - LAYDEKER, Me Charlotte LALLEMENT

CA Rennes n° 14/07476

25 avril 2017

Vu le jugement, frappé du présent appel, rendu le 26 juin 2014 par le tribunal de grande instance de Nantes, qui a :

• constaté que le coût des dégradations locatives s'élève à la somme de 2.250 € ; dit que le dépôt de garantie versé par les locataires servira partiellement à assurer la charge des dits travaux ;

• condamné en conséquence la SCI Le Guéraud à restituer le surplus à l'AFPA à hauteur de la somme de 6.834,44 € ;

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ; condamné l'AFPA aux dépens en ce compris le coût du rapport d'expertise pour un montant de 1.625,26 € ;

• condamné l'AFPA à payer à la SCI Le Guéraud la somme de 1.200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

• rejeté la demande d'exécution provisoire ;

Vu les conclusions, en date du 10 septembre 2015, de la SCI Le Guéraud, appelante ;

Vu les conclusions, en date du 9 février 2015, de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), intimée ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 12 janvier 2017 ;

Vu les conclusions d'intervention volontaire, en date du 20 février 2017, de l'établissement public

industriel et commercial Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (EPIC AFPA), tendant à :

• dire et juger l'intervention volontaire de l'EPIC AFPA recevable et bien fondée ; dire et juger que l'EPIC AFPA vient aux droits de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes ;

• dire et juger la SCI Le Guéraud mal fondée en son appel ; confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nantes ;

en conséquence,

• dire et juger que le coût des réparations locatives à la charge de l'EPIC AFPA s'élève à la somme de 2.250 € ;

• Après compensation avec le dépôt de garantie détenu par la SCI Le Guéraud,

• condamner'la 'SCI Le Guéraud'à payer'à l'EPIC AFPA la somme de 6.834,44 € ; débouter la SCI Le Guéraud de l'ensemble de ses demandes au titre de pertes de loyers ; réformer le jugement en ce qu'il a condamné l'AFPA au paiement d'une indemnité'fondée sur les dispositions de l'article 700 et aux dépens ;

• débouter la SCI Le Guéraud de ses demandes fondées sur l'article 700 et les dépens ; condamner la SCI Le Guéraud payer à l'EPIC AFPA la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens comprenant le coût de l'expertise ;

Vu les dernières conclusions, en date du 16 février 2017, de la SCI Le Guéraud, appelante, tendant à :

décerner acte à l'EPIC AFPA de son intervention volontaire ; infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nantes le 24 juin 2014 ;

et statuant à nouveau,

• dire et juger que l'AFPA a manqué à ses obligations contractuelles et qu'elle est responsable de dégradations affectant la chose louée ;

en conséquence,

• condamner l'AFPA à payer à la SCI Le Guéraud la somme de 13.260 € avec revalorisation sur la base de l'indice BT01 à compter du dépôt du rapport d'expertise (30 novembre 2011) et jusqu'à la date du jugement à intervenir, à titre de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice lié aux frais de remise en état de la chose louée ;

• condamner l'AFPA à payer à la SCI Le Guéraud la somme de 126.852,51 €, à titre de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice lié à la perte de loyers ;

• débouter en conséquence l'AFPA de sa demande de remboursement du dépôt de garantie ; condamner l'AFPA à payer à la SCI Le Guéraud la somme de 8.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

• confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'AFPA aux entiers dépens, qui comprendront les frais d'expertise pour un montant de 1.625,36 € ;

Motifs

Sur quoi, la cour

Il y a lieu d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture, de prononcer celle ci au jour de l'audience et de donner acte à l'établissement public industriel et commercial Agence nationale pour

la formation professionnelle des adultes (EPIC AFPA) de son intervention aux lieu et place de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA).

Par contrat en date du 25 juin 1990 à effet au 1er mai 1990, l'Union des Assurances de Paris iard, aux droits de laquelle vient la SCI Le Guéraud, a donné à bail à l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) des locaux à usage de bureaux situés au troisième étage d'un immeuble dénommé L. Robert, d'une superficie totale de 404 m² moyennant un loyer principal annuel de 238.360 francs, soit 43.197,95 € HT.

Il a en outre été prévu le versement par l'AFPA, à titre de dépôt de garantie, d'une somme de 59.590 francs, soit 9.084,44 €.

Après divers renouvellements de ce bail conclu pour une durée initiale de neuf années, l'AFPA a donné congé des locaux et a quitté les lieux au mois de septembre 2010.

1 A l'occasion de son départ, elle a fait dresser, le 24 septembre 2010, un procès verbal de constat d'état des lieux par huissier de justice, en présence d'un représentant du Cabinet Hémon, gérant le bien pour la SCI Le Guéraud.

Par courrier recommandé en date du < 14 octobre 2010, le Cabinet Hémon a mis en demeure l'AFPA de valider un devis de réparations locatives d'un montant de 51.953,65 €.

L'AFPA a contesté ce devis et par courrier en date du 17 janvier 2011, le Cabinet Hémon lui a transmis un nouveau devis de remise en état d'un montant de 20.138,25 € sur la base d'un rapport de visite de M. H. et d'un devis de l'entreprise de peinture Blin Hercent, tout en précisant que le bailleur demandait non seulement la prise en charge du coût des travaux de réfection mais aussi une indemnité de six mois de loyer pour la durée des travaux et la nécessité d'une relocation.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 28 janvier 2011, l 'AFPA a de nouveau contesté cette évaluation et a proposé la prise en charge de travaux de réparation à hauteur de 2.853 € HT.

2 En l'absence d'accord, la SCI Le Guéraud a saisi le juge des référés, par acte d'huissier de justice en date du 10 février 2011, aux fins d'obtenir la désignation d'un expert judiciaire. Par ordonnance en date du 19 mai 2011, le juge des référés a désigné M. Dominique V. en qualité d'expert.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 30 novembre 2011.

Par acte d'huissier de justice en date des 16 et 20 février 2012, la SCI Le Guéraud a fait assigner l'AFPA devant le tribunal de grande instance de Nantes aux fins d'obtenir réparation des dégradations.

Par le jugement déféré, le tribunal a estimé que, compte tenu de l'importance du coefficient de vétusté applicable en l'espèce, il y avait lieu de considérer que la réfection du sol et des murs incombait au bailleur. S'agissant des autres désordres, s'appuyant sur le rapport d'expertise judiciaire, le tribunal a estimé que ces derniers étaient à la charge du preneur et a constaté que le coût des dégradations locatives s'élevait à la somme de 2.250 €. Le tribunal a décidé que le dépôt de garantie versé par les locataires servirait en conséquence partiellement à assurer la charge des dits travaux et la SCI Le Guéraud a été condamnée à rembourser le surplus à l'AFPA, soit la somme de 6.834,44 €. Au titre des pertes de loyer, le tribunal a rejeté la demande de la SCI Le Guéraud en relevant que les désordres locatifs mis à la charge de l'AFPA ne sont pas de nature à empêcher une mise en location de l'immeuble et qu'en tout état de cause, il est incontestable, comme l'a rappelé l'expert judiciaire à juste titre, que l'immeuble a été loué pendant 20 ans sans que la SCI Le Guéraud ne justifie de travaux de rénovation, de sorte que l'état de vétusté avancé de l'immeuble ne saurait être reproché

aujourd'hui au preneur. Enfin, le tribunal a constaté qu'il ressortait des éléments du dossier que l'inertie du bailleur pour trouver une solution avait duré près de trois mois, de sorte qu'il ne pouvait sérieusement être soutenu que les pertes de loyers seraient imputables à l'AFPA.

La SCI Le Guéraud reproche au premier juge de ne pas avoir retenu la responsabilité de l'AFPA à raison de ses manquements à ses obligations d'entretien et de restitution des locaux en bon état. Elle sollicite l'octroi du montant établi par l'expert judiciaire à savoir 11.050 € HT ou 13.260 € TTC, compte tenu du nouveau taux de TVA.

3 L'EPIC AFPA répond que l'expert n'a relevé dans son rapport aucun défaut d'entretien ou usage anormal des locaux. Il conclut à la confirmation du jugement déféré qui a chiffré à la somme de 2.250 € le coût des réparations locatives.

Le premier juge a rappelé avec précision les textes applicables en la matière, à savoir des articles 1728 et 1732 du code civil. L'appelante fait aussi référence à l'article 1755 qui dispose qu'aucune des réparations réputées locatives n'est à la charge des locataires, quand elles ne sont occasionnées que par vétusté ou force majeure. Il ressort de ces textes qu'un locataire ne saurait être tenu de remplacer ou remettre à neuf ce qui, malgré un entretien convenable, a été détérioré par le simple usage normal et légitime de la chose louée ou la vétusté.

Après 20 ans passés dans les lieux, les quelques traces de perforation de la moquette dans certains bureaux liées à la fixation au sol de mobiliers et d'équipements divers ainsi que les traces de scellements et de fixations grossièrement rebouchées au niveau des murs, relevées par l'expert judiciaire, ne peuvent constituer des dégradations mais ont été causées par un usage normal et légitime de la chose louée, étant précisé que le bailleur n'a fait aucuns travaux de rénovation des sols et des murs pendant 20 ans alors que la durée de vie de tels revêtements ne saurait excéder 15 ans. Le premier juge en a parfaitement déduit que la remise en état des revêtements muraux et des sols incombait totalement au bailleur.

L'EPIC AFPA n'a jamais contesté devoir réparer les trous dans les dalles de faux plafond, remplacer trois tubes de néon, réparer un urinoir et replacer une double porte. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a chiffré à la somme de 2.250 € le montant des réparations incombant au preneur. En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné la SCI Le Guéraud à rembourser au preneur le dépôt de garantie après déduction du montant des réparations locatives.

Le premier juge a justement relevé que les désordres locatifs minimes n'étaient pas de nature à empêcher une mise en location de l'immeuble. Dès lors, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages intérêts pour perte de loyers formée par la SCI Le Guéraud.

Par contre, il convient de relever que la SCI Le Guéraud a d'abord exigé de son preneur un montant de réparations à hauteur de 51.953,65 €, puis un montant de 20.138,25 €, et enfin un montant de 13.260 € alors que le locataire a proposé dès le 28 janvier 2011 une somme de 2.853 € HT. Le jugement déféré, confirmé par la cour, a chiffré le montant des réparations locatives à une valeur inférieure à la somme proposée par le locataire. Dans ces conditions, les dépens de première instance et d'appel, qui comprendront ceux du référé et de l'expertise, seront mis à la charge de la SCI Le Guéraud. Le jugement déféré sera alors infirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à l'établissement public industriel et commercial Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (EPIC AFPA) la charge des frais exposés par lui non compris dans les dépens. Il y a lieu de condamner la SCI Le Guéraud à lui verser une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré sauf sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;