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Décisions

Cass. crim., 13 décembre 1972, n° 72-90.997

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rolland

Rapporteur :

M. Chapar

Avocat général :

M. Albaut

Avocats :

Me Lépany, Me Gauthier

Pau, du 29 févr. 1972

29 février 1972

SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION, PRIS DE LA VIOLATION ET FAUSSE APPLICATION DES ARTICLES 6, 8, ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, 177 DU CODE PENAL, ENSEMBLE VIOLATION DE L'ARTICLE 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810 POUR DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE, "EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE RETIENT COMME N'ETANT PAS COUVERT PAR LA PRESCRIPTION UN DELIT DE CORRUPTION QUI, A LE SUPPOSER ETABLI, RESULTERAIT D'UN PACTE ANTERIEUR AUX MARCHES PASSES LES 3 FEVRIER ET 1ER MARS 1966 PAR LA SOCIETE FRANCE-BOISSONS AVEC L'ENTREPRISE PASQUIERS, QUI AURAIT ALORS PROMIS AU DEMANDEUR DE LUI VERSER UNE COMMISSION DE 3 307 FRANCS POUR OBTENIR LESDITS MARCHES ;

"ALORS QU'IL RESULTE DE CETTE CONSTATATION QUE L'INFRACTION, A LA SUPPOSER ETABLIE, AVAIT ETE COMMISE A UNE DATE ANTERIEURE AU 1ER MARS 1966 (L'INDICATION DU 1ER AOUT 1966 QUI FIGURE AU JUGEMENT ETANT LE RESULTAT D'UNE ERREUR DE PLUME) ;

D'OU IL SUIT QU'A LA DATE DE LA PLAINTE, SOIT LE 3 AVRIL 1969, LE FAIT VISE A LA PREVENTION ETAIT COUVERT PAR LA PRESCRIPTION SANS QUE L'EXECUTION DU PACTE ILLICITE PAR LA REMISE DU CHEQUE LE 10 JUIN 1966 PUISSE CARACTERISER LA REITERATION DU DELIT QUI ETAIT ALORS CONSOMME ET DONT LA REPRESSION NE DEPENDAIT PLUS DE L'EXECUTION OU DE LA NON-EXECUTION DU PACTE" ;

ATTENDU QUE X... EST PREVENU DE CORRUPTION ET QU'IL EST NOTAMMENT RETENU CONTRE LUI D'AVOIR PERCU LE 10 JUIN 1966 EN UN CHEQUE UNE SOMME D'ARGENT A TITRE DE COMMISSION SUR DES TRAVAUX EXECUTES POUR LES SOCIETES DONT IL ETAIT L'EMPLOYE ;

ATTENDU QUE LES POURSUITES AYANT ETE ENGAGEES LE 3 AVRIL 1969 PAR UNE PLAINTE AVEC CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE DESDITES SOCIETES, C'EST A BON DROIT QUE LES JUGES ONT DECLARE QUE MOINS DE TROIS ANS S'ETANT ECOULES ENTRE LES FAITS POUVANT CONSTITUER LE DELIT ET LE COMMENCEMENT DES POURSUITES, LA PRESCRIPTION N'ETAIT PAS ACQUISE ;

QU'EN EFFET LORSQUE LE DELIT DE CORRUPTION EST CARACTERISE PAR LA PERCEPTION ILLICITE DE DONS, PRESENTS, COMMISSIONS, ESCOMPTES OU PRIMES, C'EST SEULEMENT DU JOUR DE CETTE PERCEPTION QUE COURT LE DELAI DE PRESCRIPTION ;

D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN NE SAURAIT ETRE ACCUEILLI ;

MAIS SUR LE SECOND MOYEN DE CASSATION, PRIS DE LA VIOLATION ET FAUSSE APPLICATION DES ARTICLES 177 DU CODE PENAL ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, ENSEMBLE VIOLATION DE L'ARTICLE 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810, POUR DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE, "EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE CONDAMNE LE DEMANDEUR POUR CORRUPTION PASSIVE D'EMPLOYE, AUX MOTIFS QU'IL AURAIT, ETANT AU SERVICE DE LA SEULE SOCIETE UNION FRANCO-BELGE DE BRASSERIES, CONVENU AVEC L'ENTREPRISE PASQUIERS DE SE FAIRE VERSER PAR CELLE-CI UNE COMMISSION SUR LE PRIX DES TRAVAUX EFFECTUES POUR LES PARTIES CIVILES, SANS CARACTERISER AUCUN DES ELEMENTS DE L'INFRACTION QU'IL PRETEND SANCTIONNER ;

"ALORS QUE LE JUGE DU FOND, QUI CONSTATE QUE LE DEMANDEUR ETAIT AU SERVICE DE L'UNION FRANCO-BELGE DE BRASSERIES, SE REFERE GLOBALEMENT AUX "PARTIES CIVILES" SANS RECHERCHER POUR LE COMPTE DE LAQUELLE DES TROIS SOCIETES LES TRAVAUX DE L'ENTREPRISE PASQUIERS AVAIENT ETE COMMANDES ET EXECUTES ;

QU'EN OUTRE IL EST CONSTANT QUE CES TRAVAUX ONT ETE COMMANDES ET PAYES PAR LA SEULE SOCIETE FRANCE-BOISSONS AVEC LAQUELLE LE DEMANDEUR N'A JAMAIS EU AUCUN LIEN DE SUBORDINATION ;

QU'AINSI LE JUGE DU FOND NE CONSTATE PAS QUE LA PASSATION DES MARCHES PASQUIERS AURAIT CONSTITUE UN ACTE DE L'EMPLOI DU DEMANDEUR, D'AUTANT QU'IL RESULTE DES SPECIFICATIONS DU JUGE DU FOND QU'IL N'EST PAS DE L'EMPLOI D'UN DIRECTEUR COMMERCIAL DE PASSER UN MARCHE DE TRAVAUX DE MACONNERIES ;

ET QU'ENFIN IL N'EST PAS ETABLI PAR LES FAITS ENONCES QUE LE DEMANDEUR, AU SERVICE DE LA SEULE UNION FRANCO-BELGE DE BRASSERIES, AURAIT AGI A L'INSU DE CE "PATRON" OU CONTRE LA VOLONTE DE CE DERNIER" ;

ATTENDU QUE TOUT JUGEMENT OU ARRET DOIT CONTENIR LES MOTIFS PROPRES A JUSTIFIER SA DECISION ;

QUE L'INSUFFISANCE DES MOTIFS EQUIVAUT A LEUR ABSENCE ;

ATTENDU QU'IL RESULTE DES ENONCIATIONS DE L'ARRET ATTAQUE ET DU JUGEMENT DONT IL ADOPTE LES MOTIFS QUE X... QUI ETAIT "DIRECTEUR COMMERCIAL DE LA SOCIETE UNION FRANCO-BELGE DE BRASSERIE DU 1ER JANVIER 1965 AU 28 FEVRIER 1968 ET CHEF DU SERVICE DES VENTES A COMPTER DU 1ER JUILLET 1962 DE LA SOCIETE BRASSERIE ET MALTERIE LE PHENIX DONT LA SOCIETE FRANCE-BOISSONS EST UNE FILIALE A ENCAISSE UN CHEQUE DE 3 307 FRANCS" A TITRE DE COMMISSION "POUR DES TRAVAUX EFFECTUES POUR LE COMPTE DES SOCIETES PLAIGNANTES" ;

ATTENDU QU'EN OMETTANT DE PRECISER POUR LE COMPTE DE LAQUELLE DES TROIS SOCIETES PLAIGNANTES LES TRAVAUX AVAIENT ETE FAITS ET LES ACTES DES FONCTIONS OU DE L'EMPLOI QUE LE PREVENU A ACCOMPLIS OU S'EST ABSTENU D'ACCOMPLIR, D'INDIQUER ENFIN SI LA CONVENTION PASSEE ENTRE LE CORRUPTEUR ET LE CORROMPU A PRECEDE L'ACTE OU L'ABSTENTION QU'ELLE AVAIT POUR OBJET DE REMUNERER, LES JUGES N'ONT PAS DONNE UNE BASE LEGALE A LEUR DECISION ET ONT VIOLE LES TEXTES VISES AU MOYEN ;

ET SUR LE TROISIEME MOYEN DE CASSATION, PRIS DE LA VIOLATION ET FAUSSE APPLICATION DES ARTICLES 1382 DU CODE CIVIL, 177 DU CODE PENAL ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, ENSEMBLE VIOLATION DE L'ARTICLE 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810 POUR DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE, "EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE CONDAMNE LE DEMANDEUR A VERSER DES RESTITUTIONS ET DOMMAGES-INTERETS GLOBALEMENT AUX TROIS SOCIETES PARTIES CIVILES, SANS CARACTERISER A L'EGARD DE CHACUNE D'ELLES L'EXISTENCE D'UN PREJUDICE DIRECT ET PERSONNEL RESULTANT DU DELIT ;

"ALORS QUE SEULE L'UNION FRANCO-BELGE DE BRASSERIE ETAIT L'EMPLOYEUR DU DEMANDEUR, ET QUE LE MARCHE EN CAUSE N'AVAIT PAS ETE PASSE PAR CET EMPLOYEUR QUI APPARAIT COMME UN TIERS DANS LES RAPPORTS DE L'ENTREPRISE PASQUIERS ET DE LA SOCIETE FRANCE-BOISSONS, QUI AVAIT COMMANDE LES TRAVAUX ET AVEC LAQUELLE LE DEMANDEUR N'A EU AUCUN LIEN DE SUBORDINATION" ;

VU LESDITS ARTICLES, ENSEMBLE L'ARTICLE 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ;

ATTENDU QU'UN PREJUDICE DIRECT ET PERSONNEL ET UN DROIT ACTUEL PEUVENT SEULS SERVIR DE BASE A UNE INTERVENTION CIVILE DEVANT LA JURIDICTION REPRESSIVE ;

QU'EN CONSEQUENCE L'ACTION CIVILE N'EST RECEVABLE QU'AUTANT QUE LA PARTIE QUI L'INTENTE A ETE DIRECTEMENT ET PERSONNELLEMENT LESEE PAR LE CRIME OU PAR LE DELIT IMPUTE AU PREVENU ;

QUE L'EXERCICE DE L'ACTION CIVILE DEVANT LES TRIBUNAUX REPRESSIFS EST UN DROIT EXCEPTIONNEL QUI EN RAISON DE SA NATURE, DOIT ETRE STRICTEMENT RENFERME DANS LES LIMITES VISEES PAR LE CODE DE PROCEDURE PENALE ;

ATTENDU QUE L'ARRET ATTAQUE A CONFIRME LE JUGEMENT QUI AVAIT CONDAMNE X... "A PAYER AUX SOCIETES UNION FRANCO-BELGE, MALTERIES LE PHENIX ET FRANCE-BOISSON LES SOMMES DE 3 307 FRANCS ET 500 FRANCS A TITRE DE DOMMAGES-INTERETS" SANS PRECISER LE DOMMAGE QUE CHACUNE DE CES SOCIETES AVAIT SUBI DU FAIT DE L'INFRACTION ET L'INDEMNITE QUI ETAIT ACCORDEE A CHACUNE D'ELLES ;

D'OU IL SUIT QUE LA CASSATION EST AUSSI ENCOURUE DE CE CHEF ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE L'ARRET DE LA COUR D'APPEL DE PAU DU 29 FEVRIER 1972 ;

ET POUR ETRE STATUE A NOUVEAU CONFORMEMENT A LA LOI TANT SUR L'ACTION PUBLIQUE QUE SUR L'ACTION CIVILE : RENVOIE LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX.