Livv
Décisions

Cass. crim., 6 mai 2009, n° 08-84.107

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pelletier

Rapporteur :

Mme Nocquet

Avocat général :

M. Davenas

Avocats :

SCP Piwnica et Molinié, SCP Roger et Sevaux, SCP Waquet, Farge et Hazan

Douai, du 13 mai 2008

13 mai 2008

Sur le moyen unique de cassation proposé par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié pour l'Union syndicale départementale CGT du Nord, pris de la violation des articles L. 411-1 du code du travail, 2 et suivants, 3, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'Union syndicale départementale CGT du Nord – Département santé et action sociale en sa constitution de partie civile ;

" aux motifs, repris des premiers juges, qu'il résulte de l'article L. 411-11 du code du travail que si les syndicats professionnels peuvent se constituer parties civiles, c'est à la condition qu'un préjudice direct ou indirect résultant de l'infraction soit porté à l'intérêt collectif qu'ils représentent ; qu'en l'espèce les infractions d'abus de confiance et de corruption de salariés n'ont pu causer un dommage qu'au propriétaire des biens détournés ainsi qu'à l'employeur du salarié coupable de corruption : en l'occurrence l'Association CRFF « L'Espoir », seule victime d'un dommage personnel ;

" alors que les juges doivent répondre aux conclusions dont ils sont régulièrement saisis ; que dans ses conclusions déposées en cause d'appel, l'Union syndicale départementale CGT du Nord faisait valoir d'une part que les agissements délictueux de Pascal X... et Eric Y... avaient jeté un discrédit qui risquait d'être durable sur l'ensemble de l'établissement et des salariés qui s'y dévouent et que « l'affaire X... » avait eu un important retentissement à l'intérieur et à l'extérieur de l'Etablissement et que le scandale éclaboussait nécessairement le personnel qui travaille en son sein et d'autre part, que le fait que Pascal X... ait utilisé prothésistes et personnel administratif du Centre à des fins détournées et à l'insu de ceux-ci était également de nature à causer un préjudice à l'intérêt collectif des personnels de santé, action sociale et qu'en confirmant le jugement entrepris sans s'expliquer sur ces chefs péremptoires de conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile de l'Union syndicale départementale CGT du Nord, département santé et action sociale, l'arrêt attaqué énonce que les infractions d'abus de confiance et de corruption de salarié n'ont causé un dommage personnel qu'à l'association CRRF l'Espoir ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que les faits poursuivis n'étaient pas de nature à préjudicier à l'intérêt collectif des professions représentées par ce syndicat, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le moyen unique de cassation proposé par le procureur général, pris de la violation des articles 314-1 et 321-1 du code pénal, L. 152-6 ancien du code du travail, 8 du code de procédure pénale ;

Sur le moyen unique de cassation proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan pour le CRRF l'espoir, pris de la violation des articles 314-1 et 321-1 du code pénal, L. 152-6 ancien du code du travail, 1382 du code civil, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale, 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, préliminaire du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale, violation des droits de la défense et des principes du contradictoire ;

" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé les prévenus et débouté le CRRF de ses demandes, tendant à voir condamner solidairement les prévenus à lui payer des dommages-intérêts ;

" aux motifs, d'une part, que les parties se sont expliquées sur ce point, à l'audience de la cour et dans leurs écritures, les prévenus prétendant avoir commis les faits en parfaite transparence avec la direction de l'association CRRF l'Espoir qui le conteste, en alléguant, comme les autres parties civiles et le ministère public, que les infractions sont continues sur toute la période de la prévention ;

" 1° / alors que, si le moyen tiré de la prescription peut être relevé d'office par le juge en matière pénale, il ne peut être retenu qu'après débat contradictoire sur ce point ; que tel n'a pas été le cas en l'espèce, le débat n'ayant porté du propre aveu de la cour d'appel, que sur la prétendue acceptation des faits par l'association et donc sur la réalité même des infractions, et sur la durée de leur réalisation, sans que le moyen tiré de la prescription ait été en lui-même évoqué ; que la cour d'appel a violé le principe de la contradiction et les droits de la défense ;

" aux motifs, d'autre part, qu'aux termes de l'article 8 du code de procédure pénale, la prescription de l'action publique, en matière de délit, est de trois années révolues à compter de sa commission ; que la période de prévention, pour les deux prévenus, tant en ce qui concerne les délits de corruption passive et active que ceux d'abus de confiance et de recel d'abus de confiance, court sur 10 années « entre 1994 et 2004 » ; que si la matérialité des faits, tels que qualifiés par le ministère public, n'est pas contestée par les prévenus, durant cette période, il importe de rechercher, eu égard à la clandestinité qui caractérise ce type d'infractions, la date à laquelle elles sont apparues et ont pu être objectivement constatées dans les conditions permettant l'exercice de l'action publique ; que le Centre fonctionnant sous la forme d'une association régie par la loi de 1901, son organigramme démontre que M. Z... était en position d'engager celle-ci à l'égard des tiers, notamment des caisses primaires d'assurances maladie, puisqu'il faisait partie du comité de direction, et qu'en cette qualité, il en assurait la gestion permanente et disposait d'un pouvoir hiérarchique et disciplinaire sur le personnel ; que la direction du Centre a été destinataire les 22 janvier 1999, 28 juin 1999 et 15 juillet 1999, d'informations précises en relation directe avec les faits reprochés aux prévenus, et qu'elle pouvait dès lors constater ou faire constater, dans des conditions permettant la mise en mouvement de l'action publique à l'encontre de ces derniers, qu'il s'agisse de ceux poursuivis sous les qualifications de corruption active et passive, et sous celles d'abus de confiance et de recel de biens provenant de cette dernière infraction ; qu'au plus tard, elle en a eu connaissance le 29 juillet 1999, date de la réponse de M. Z... à la lettre de la Caisse régionale d'assurance maladie Nord-Picardie du 15 juillet 1999 ; que c'est à compter de cette date, 29 juillet 1999, que doit courir la prescription ; que le premier acte intervenu, de nature à interrompre celle-ci, est le soit-transmis du 1 juin 2004, consécutif à la plainte de l'Agence régionale de l'hospitalisation, et adressé pour enquête, par le parquet du tribunal de grande instance de Lille, au commissaire divisionnaire du SRPJ ; qu'il est intervenu après l'expiration du délai triennal de prescription de l'action publique ; que les faits commis par les deux prévenus, dans les termes de l'acte de poursuite, après le 29 juillet 1999, ne sont pas susceptibles d'avoir fait renaître ces infractions instantanées successives puisqu'ils n'avaient plus de caractère clandestin et n'étaient plus perpétrés à l'insu de l'employeur, et qu'ils n'ont pu constituer des interruptions de la prescription comme nouveaux points de départ de celle-ci ; que les faits de la prévention sont donc, en totalité, prescrits depuis le 30 juillet 2002 ;

" 2°) alors qu'en matière d'abus de confiance, la prescription ne court que du jour où le délit est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ; qu'en outre, le recel du produit d'un abus de confiance ne peut commencer à se prescrire avant que n'ait commencé à courir la prescription de l'infraction dont il procède ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a fait courir le délai de prescription de l'abus de confiance et du recel des biens provenant de cette infraction à compter du jour où le directeur administratif du CRRF, M. Z..., avait eu connaissance de l'abus de confiance commis par Pascal X..., bien que M. Z... ne fût pas le représentant légal du CRRF, cette association étant représentée par le président de son conseil d'administration, qui n'avait eu connaissance du délit qu'en 2004 ; qu'en considérant ainsi, pour déclarer prescrits les faits d'abus de confiance et de recel, que l'abus de confiance avait été constaté dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

" 3°) alors que la prescription du recel de choses commence à courir du jour où la détention a pris fin ; que le délit est punissable dès lors qu'il n'est ni établi, ni allégué que le prévenu ait cessé de détenir les objets recelés ; qu'en déclarant néanmoins prescrit le recel d'abus de confiance commis par Eric Y..., bien qu'il ne fût ni établi, ni allégué que celui-ci se serait dessaisi des moulages, produits de l'abus de confiance, que lui avait adressés Pascal X... pour la réalisation de prothèses définitives, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

" 4°) alors que si, en cas d'infraction dissimulée, le point de départ de la prescription est susceptible d'être reporté au moment où les actes délictueux ont perdu leur caractère clandestin, l'absence de dissimulation des actes délictueux ultérieurs ne fait pas obstacle à ce qu'ils soient poursuivis ; qu'ainsi, le délit de corruption se renouvelant à chaque acte d'exécution du pacte de corruption, chacun de ces actes constitue le point de départ d'un nouveau délai de prescription ; que, de même, le délit d'abus de confiance résultant de la fabrication de moulages pour prothèses par un salarié, à des fins privées, grâce aux moyens mis à disposition par son employeur, étant une infraction instantanée consommée lors de la confection de chaque moulage, chaque nouveau moulage réalisé fait courir un nouveau délai de prescription ; que le recel de chacun de ces moulages constitue une nouvelle infraction faisant courir un nouveau délai de prescription, qui ne peut commencer à courir avant celui de l'abus de confiance dont il procède ; qu'en considérant néanmoins que les faits de corruption, d'abus de confiance et de recel d'abus de confiance commis par les prévenus après le 29 juillet 1999 n'avaient pu faire courir à nouveau le délai de prescription, motif pris de ce que les agissements des prévenus avaient perdu à cette date leur caractère clandestin, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

" 5°) alors que, viole encore les mêmes textes la cour d'appel qui constate que seraient prescrits depuis le 30 juillet 2002 des faits commis après cette date, notamment 2002 et 2004 " ;

Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié pour le comité d'entreprise du CRRF l'espoir, pris de la violation des articles 6 de la convention européenne des droits de l'homme, 1er et 5 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, 6, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a dit prescrits l'ensemble des délits visés à la prévention, lesquels se sont déroulés entre 1994 et 2004, et a en conséquence débouté le Comité d'entreprise du CRRF L'Espoir de ses demandes ;

" aux motifs que la caisse régionale d'assurance maladie Nord-Picardie a adressé le 28 juin 1999 un courrier au médecin chef du centre l'Espoir, pour évoquer « les interférences inhabituelles de son service orthoprothèse dans les relations conventionnelles entre les assurés et leur fournisseur agréé, en l'occurrence Eric Y... », en soulignant que plusieurs enquêtes prouvaient que Pascal X... intervenait directement dans le processus d'attribution de l'appareillage définitif en lieu et place d'Eric Y..., qu'il assurait les moulages, les essayages, les livraisons, les retouches éventuelles « à tel point que certains assurés ne connaissent pas Eric Y... » ; que le 15. 07. 99 cet organisme a rendu M. Z..., directeur administratif et financier de ce centre et de l'association – C. R. R. F.- l'Espoir depuis le 1er janvier 1996, destinataire d'un nouveau courrier comprenant la liste de 5 dossiers mettant en évidence des anomalies pouvant remettre en cause le libre choix du patient, et spécifiant expressément :
- Pression du service orthopédie pour faire signer le certificat de convenance (rapport par un agent enquêteur assermenté).
- Lettre de l'assuré mentionnant des pressions du service orthopédie à son encontre.
- Déclaration de l'assuré devant agent assermenté précisant que les prothèses définitives avaient été effectuées par un prothésiste de l'Espoir.
- Déclaration de l'assuré certifiant que les moulages et essayages ont été réalisés par Pascal X....
- Déclaration de l'assurée précisant le rôle de Pascal X... lors du moulage, des essayages et de la livraison ; que dans sa réponse en date du 29 juillet 1999, M. Z... a commencé par rappeler l'entrevue du 22 janvier 1999, dont la CRAM avait fait état dans son précédent courrier qui avait donc été porté à sa connaissance, en des termes montrant qu'il y avait lui-même participé : « notre rencontre du 22 janvier 1999 » ; qu'il ressort encore du compte rendu de réunion de la caisse régionale d'assurance maladie Nord-Picardie en date du 29 avril 2004 que M. Z... a déclaré au cours de celle-ci, avoir été informé par Pascal X... en 1999 de l'existence de sa société d'ingénierie conseil, et que les résultats qu'il avait consultés sur minitel étaient alors « minimes » ; que si le document remis au client, à sa sortie du centre, indiquait qu'il disposait du libre choix du fournisseur et qu'il était tenu à sa disposition une liste à cet effet, il n'en demeure pas moins qu'il y était mentionné, dès 1999, à l'entête de « l'Espoir Centre de Rééducation et Réadaptation Fonctionnelles Spécialisées 25, pavé du Moulin … Lille-Hellemes … association loi de 1901 … » : « Nous travaillons avec un prothésiste extérieur pour la fourniture des appareils après votre sortie » ; que ce même document constitue également, aux termes de son contenu, la preuve que le centre intervenait en-dehors de son habilitation, pour la fabrication de prothèses définitives : « Vous restituerez dans le service orthoprothèse, les appareils temporaires devenus inutiles avant votre sortie. Dans le cas des prothèses ou orthèses à caractère définitif, vous sortirez avec le matériel d'étude qui vous a été adapté … » ; que M. Z... disposait dès lors, à cette époque, d'informations suffisantes pour entreprendre ou faire entreprendre toutes investigations sur les agissements de ce salarié qui lui ont valu un licenciement le 18. 05. 04, notamment, pour ne pas avoir accompli ses fonctions « dans le respect absolu du libre choix du patient » ; que le centre l'Espoir fonctionnant sous la forme d'une association régie par la loi de 1901, son organigramme démontre que M. Z... était en position d'engager celle-ci à l'égard des tiers, notamment des caisses primaires d'assurance maladie, puisqu'il faisait partie du comité de direction, et qu'en cette qualité, il en assurait la gestion permanente et disposait d'un pouvoir hiérarchique et disciplinaire sur le personnel ; qu'il ressort de ces éléments que la direction du centre de l'espoir a été destinataire les 22 janvier 1999, 28 juin 1999, et 15 juillet 1999, d'informations précises en relation directe avec les faits reprochés aux prévenus, et qu'elle pouvait dès lors constater ou faire constater, dans des conditions permettant la mise en mouvement de l'action publique à l'encontre de ces derniers, qu'il s'agisse de ceux poursuivis sous les qualifications de corruption active et passive, et sous celles d'abus de confiance et de recel de biens provenant de cette dernière infraction ; qu'au plus tard elle en a eu connaissance le 29 juillet 1999, date de la réponse de M. Z... à la lettre de la caisse régionale d'assurance maladie Nord-Picardie du 15 juillet 1999 ; que c'est à compter de cette date – 29 juillet 1999 – que doit courir la prescription ; que le premier acte intervenu, de nature à interrompre celle-ci le soit-transmis du 1. 06. 04, consécutif à la plainte de l'agence régionale de l'hospitalisation, et adressé pour enquête, par le parquet du tribunal de grande instance de Lille au commissaire divisionnaire du SRPJ ; qu'il est intervenu après l'expiration du délai triennal de prescription de l'action publique ; que les faits commis par les deux prévenus, dans les termes de l'acte de poursuite, après le 29 juillet 1999, ne sont pas susceptibles d'avoir fait renaître ces infractions instantanées successives puisqu'ils n'avaient plus de caractère clandestin et n'étaient plus perpétrés à l'insu de l'employeur, et qu'ils n'ont pu constituer des interruptions à la prescription comme nouveaux points de départ de celle-ci ;

" 1°) alors qu'il résulte des constatations de l'arrêt que les faits litigieux ont eu un caractère clandestin, étant dissimulés par une société écran en sorte que la prescription n'a pu courir que du jour où les délits sont apparus et ont pu être constatés dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ;

" 2°) alors que s'agissant d'une association régie par la loi du 1er juillet 1901, la notion de connaissance par la personne morale victime des faits constitutifs d'une infraction commise à son préjudice susceptible en tant que telle, d'interrompre la prescription s'entend de la connaissance par ses dirigeants légaux ; qu'il résulte des termes de la prévention du chef d'abus de confiance, que le dirigeant légal de l'association Centre l'Espoir était son président Michel A... et qu'il ne résulte d'aucune des constatations de l'arrêt que celui-ci ait eu connaissance avant 2004 des faits délictueux imputés aux prévenus et qu'en cet état, en déclarant prescrits l'ensemble des faits objet de la poursuite, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé ;

" 3°) alors que pour déterminer si une personne physique a la qualité de dirigeant légal d'une association, les juges doivent, en application des articles 1er et 5 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, se référer aux stipulations des statuts régulièrement publiés de celle-ci et qu'en se référant à la notion « d'organigramme », pour affirmer que la connaissance prétendue des faits par M. Z... exerçant les fonctions de directeur administratif et financier au sein du Centre l'Espoir impliquait celle de l'association victime qui l'employait, les juges ont méconnu les dispositions de la loi susvisée ;

" 4°) alors qu'il ne résulte pas des constatations de l'arrêt que le comité d'entreprise du CRRF l'Espoir ait eu connaissance avant 2004 des faits objet de la poursuite et ait été en mesure de les dénoncer ;

" 5°) alors qu'en revanche il résulte des constatations de l'arrêt que ces faits n'ont été portés à la connaissance du parquet du tribunal de grande instance de Lille que le 18 mai 2004 et que c'est par conséquent à cette date que sont apparues l'ensemble des infractions objet de la prévention " ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour le comité d'entreprise du CRRF l'espoir, pris de la violation des articles 6 de la convention européenne des droits de l'homme, 1er, 6, 7, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré prescrits l'ensemble des faits objet de la prévention, en ce compris les faits postérieurs au 29 juillet 1999 et a, par voie de conséquence, débouté le comité d'entreprise CRRF l'Espoir de ses demandes ;

" aux motifs que les faits commis par les deux prévenus, dans les termes de l'acte de poursuite, après le 29 juillet 1999, ne sont pas susceptibles d'avoir fait renaître ces infractions instantanées successives puisqu'ils n'avaient plus de caractère clandestin et n'étaient plus perpétrés à l'insu de l'employeur, et qu'ils n'ont pu constituer des interruptions à la prescription comme nouveaux points de départ de celle-ci ;

" 1°) alors qu'il résulte des dispositions de l'article préliminaire du code de procédure pénale que l'autorité judiciaire a l'obligation de veiller à la garantie des droits des victimes au cours de la procédure pénale et qu'en posant en principe, par des motifs erronés, que la connaissance, à la supposer avérée, par la victime, d'infractions instantanées commises à son préjudice et son inaction pendant trois ans à partir de cette connaissance faisaient radicalement obstacle à toute poursuite ultérieure à l'encontre d'infractions instantanées de même nature commises à l'avenir à son préjudice par les mêmes prévenus, la cour d'appel a violé ces dispositions et, ce faisant, méconnu les droits fondamentaux des parties civiles ;

" 2°) alors que, de même qu'aucune disposition de la loi ne permet de réduire, en raison d'une négligence de la victime, le montant des réparations dues à celle-ci par l'auteur d'une infraction intentionnelle contre les biens, de même, la circonstance qu'une victime, informée de l'existence de telles infractions commises à son préjudice dans le passé sans les porter à la connaissance de l'autorité judiciaire, ait laissé commettre de nouvelles infractions de même nature par les mêmes prévenus, ne saurait avoir aucune incidence sur la prescription de ces nouvelles infractions " ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé pour le comité d'entreprise du CRRF l'espoir, pris de la violation des articles 6 de la convention européenne des droits de l'homme, 321-1 du code pénal, 6, 7, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré prescrits les faits de recel poursuivis commis entre 1994 et 2004 et a, par voie de conséquence, débouté le comité d'entreprise CRRF l'Espoir de ses demandes ;

" aux motifs que les faits commis par les deux prévenus, dans les termes de l'acte de poursuite, après le 29 juillet 1999, ne sont pas susceptibles d'avoir fait renaître ces infractions instantanées successives puisqu'ils n'avaient plus de caractère clandestin et n'étaient plus perpétrés à l'insu de l'employeur, et qu'ils n'ont pu constituer des interruptions à la prescription comme nouveaux points de départ de celle-ci ;

" alors que le recel étant une infraction continue, la prescription de l'action publique ne court que du jour où il a pris fin, alors même qu'à cette date l'infraction qui a procuré la chose serait déjà prescrite ; que Eric Y... était poursuivi pour avoir, entre 1994 et 2004, sciemment recélé des moulages de prothèses définitives qu'il savait provenir d'un abus de confiance commis au préjudice de l'association CRRF l'Espoir représentée par son président Michel A... ; que la cour d'appel a constaté que la matérialité des faits, tels que qualifiés par le ministère public, n'est pas contestée par les prévenus durant cette période (arrêt p. 17, § 3) ce qui implique que le recel d'abus de confiance n'a pris fin qu'en 2004 et que dès lors, en déclarant cette infraction prescrite, la cour d'appel a méconnu la portée des textes susvisés " ;

Sur le quatrième moyen de cassation proposé pour le comité d'entreprise du CRRF l'espoir, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 152-6, L. 152-6, alinéas 1, 2 et 3, du code du travail, 6, 7, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale.

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré prescrits les délits de corruption active et passive visés à la prévention et a, par voie de conséquence, débouté le comité d'entreprise CRRF L'Espoir de ses demandes ;

" aux motifs que la caisse régionale d'assurance maladie Nord-Picardie a adressé le 28. 06. 99 un courrier au médecin chef du centre l'Espoir, pour évoquer « les interférences inhabituelles de son service orthoprothèse dans les relations conventionnelles entre les assurés et leur fournisseur agréé, en l'occurrence Eric Y... », en soulignant que plusieurs enquêtes prouvaient que Pascal X... intervenait directement dans le processus d'attribution de l'appareillage définitif en lieu et place d'Eric Y..., qu'il assurait les moulages, les essayages, les livraisons, les retouches éventuelles « à tel point que certains assurés ne connaissent pas Eric Y... » ; que le 15 juillet 1999 cet organisme a rendu M. Z..., directeur administratif et financier de ce centre et de l'association – C. R. R. F.- l'Espoir depuis le 1er janvier 1996, destinataire d'un nouveau courrier comprenant la liste de 5 dossiers mettant en évidence des anomalies pouvant remettre en cause le libre choix du patient, et spécifiant expressément :
- Pression du service orthopédie pour faire signer le certificat de convenance (rapport par un agent enquêteur assermenté).
- Lettre de l'assuré mentionnant des pressions du service orthopédie à son encontre.
- Déclaration de l'assuré devant agent assermenté précisant que les prothèses définitives avaient été effectuées par un prothésiste de l'Espoir.
- Déclaration de l'assuré certifiant que les moulages et essayages ont été réalisés par Pascal X....
- Déclaration de l'assurée précisant le rôle de Pascal X... lors du moulage, des essayages et de la livraison ; que dans sa réponse en date du 29. 07. 99, M. Z... a commencé par rappeler l'entrevue du 22 janvier 1999, dont la CRAM avait fait état dans son précédent courrier qui avait donc été porté à sa connaissance, en des termes montrant qu'il y avait lui-même participé : « notre rencontre du 22 janvier 1999 » ; qu'il ressort encore du compte rendu de réunion de la caisse régionale d'assurance maladie Nord-Picardie en date du 29 avril 2004 que M. Z... a déclaré au cours de celle-ci, avoir été informé par Pascal X... en 1999 de l'existence de sa société d'ingénierie conseil, et que les résultats qu'il avait consultés sur minitel étaient alors « minimes » ; que si le document remis au client, à sa sortie du centre, indiquait qu'il disposait du libre choix du fournisseur et qu'il était tenu à sa disposition une liste à cet effet, il n'en demeure pas moins qu'il y était mentionné, dès 1999, à l'entête de « L'ESPOIR Centre de Rééducation et Réadaptation Fonctionnelles Spécialisées 25, pavé du Moulin … Lille-Hellemes … association loi de 1901 … » : « Nous travaillons avec un prothésiste extérieur pour la fourniture des appareils après votre sortie » ; que ce même document constitue également, aux termes de son contenu, la preuve que le centre intervenait en-dehors de son habilitation, pour la fabrication de prothèses définitives : « Vous restituerez dans le service orthoprothèse, les appareils temporaires devenus inutiles avant votre sortie. Dans le cas des prothèses ou orthèses à caractère définitif, vous sortirez avec le matériel d'étude qui vous a été adapté … » ; que M. Z... disposait dès lors, à cette époque, d'informations suffisantes pour entreprendre ou faire entreprendre toutes investigations sur les agissements de ce salarié qui lui ont valu un licenciement le 18 mai 2004, notamment, pour ne pas avoir accompli ses fonctions « dans le respect absolu du libre choix du patient » ; que le centre l'Espoir fonctionnant sous la forme d'une association régie par la loi de 1901, son organigramme démontre que M. Z... était en position d'engager celle-ci à l'égard des tiers, notamment des caisses primaires d'assurance maladie, puisqu'il faisait partie du comité de direction, et qu'en cette qualité, il en assurait la gestion permanente et disposait d'un pouvoir hiérarchique et disciplinaire sur le personnel ; qu'il ressort de ces éléments que la direction du centre de l'espoir a été destinataire les 22 janvier 1999, 28 juin 1999, et 15 juillet 1999, d'informations précises en relation directe avec les faits reprochés aux prévenus, et qu'elle pouvait dès lors constater ou faire constater, dans des conditions permettant la mise en mouvement de l'action publique à l'encontre de ces derniers, qu'il s'agisse de ceux poursuivis sous les qualifications de corruption active et passive, et sous celles d'abus de confiance et de recel de biens provenant de cette dernière infraction ; qu'au plus tard elle en a eu connaissance le 29. 07. 99, date de la réponse de M. Z... à la lettre de la caisse régionale d'assurance maladie Nord-Picardie du 15 juillet 1999 ; que c'est à compter de cette date – 29 juillet 1999 – que doit courir la prescription ; que le premier acte intervenu, de nature à interrompre celle-ci le soit-transmis du 1er juin 2004, consécutif à la plainte de l'agence régionale de l'hospitalisation, et adressé pour enquête, par le parquet du tribunal de grande instance de Lille au commissaire divisionnaire du SRPJ ; qu'il est intervenu après l'expiration du délai triennal de prescription de l'action publique ; que les faits commis par les deux prévenus, dans les termes de l'acte de poursuite, après le 29. 07. 99, ne sont pas susceptibles d'avoir fait renaître ces infractions instantanées successives puisqu'ils n'avaient plus de caractère clandestin et n'étaient plus perpétrés à l'insu de l'employeur, et qu'ils n'ont pu constituer des interruptions à la prescription comme nouveaux points de départ de celle-ci ;

" 1°) alors que la connaissance, par la victime, des infractions, susceptible, en tant que telle, d'interrompre la prescription, doit s'entendre des éléments constitutifs de ces infractions ; que si l'arrêt a constaté que M. Z... – qui n'était pas le représentant légal de l'association CRRF l'Espoir – a été destinataire courant 1999 de courriers l'informant d'anomalies permettant de remettre en cause le libre choix du patient, l'arrêt n'a nullement constaté que celui-ci, non plus que les représentants légaux du Centre, aient eu connaissance de l'existence du pacte de corruption passé entre Pascal X... et le prothésiste privé Eric Y... impliquant une rémunération indirecte du premier par le second non plus que de l'existence de perceptions illicites et que par conséquent, en déclarant prescrits les faits de corruption commis entre 1994 et 1999, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 152-6 du code du travail ;

" 2°) alors que, si le délit de corruption est une infraction instantanée, consommée dès la conclusion du pacte entre le corrupteur et le corrompu, il se renouvelle à chaque acte d'exécution dudit pacte ; que, dès lors que le délit est caractérisé par la perception illicite d'une rémunération, c'est seulement à compter du jour de cette perception que court le délai de prescription ; qu'il résulte des termes de la prévention et des aveux des prévenus constatés par la cour d'appel, que des perceptions distinctes se sont perpétrées jusqu'en 2004 et que dès lors, en déclarant l'ensemble des perceptions délictueuses visées par la prévention, en ce compris les perceptions postérieures à 1999, couvertes par la prescription, l'arrêt attaqué a violé par fausse application les dispositions du code du travail et du code de procédure pénale susvisées ;

" 3°) alors que la victime ne peut être supposée avoir connaissance d'une perception délictueuse entrant dans les prévisions de l'article L. 152-6 du code du travail qu'à compter du jour où celle-ci a effectivement eu lieu et que ne saurait lui être opposée, à la supposer avérée, la connaissance initiale qu'elle aurait pu avoir du pacte de corruption, base de ces perceptions en sorte qu'en déclarant prescrits les faits de corruption active et passive postérieurs à 1999, la cour d'appel a à nouveau violé les textes susvisés " ;

Sur le cinquième moyen de cassation proposé pour le comité d'entreprise du CRRF l'espoir, pris de la violation des articles 6 de la convention européenne des droits de l'homme, 314-1 du code pénal, 6, 7, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré prescrits les faits d'abus de confiance visés à la prévention et a, par voie de conséquence, débouté le comité d'entreprise CRRF L'Espoir de ses demandes ;

" aux motifs que les faits commis par les deux prévenus, dans les termes de l'acte de poursuite, après le 29 juillet 1999, ne sont pas susceptibles d'avoir fait renaître ces infractions instantanées successives puisqu'ils n'avaient plus de caractère clandestin et n'étaient plus perpétrés à l'insu de l'employeur, et qu'ils n'ont pu constituer des interruptions à la prescription comme nouveaux points de départ de celle-ci ;

" 1°) alors que les abus de confiance visés par la prévention portent sur des détournements successifs de moulages destinés à la réalisation de prothèses définitives, qui ont eu lieu entre 1994 et 2004 et sont constitutifs d'autant d'infractions instantanées distinctes dont le point de départ est le jour de leur commission ;

" 2°) alors qu'à la supposer avérée, la négligence de l'employeur consistant à ne pas dénoncer à l'autorité judiciaire des abus de confiance antérieurs, ne vaut pas autorisation donnée au salarié, pour l'avenir, de détourner les choses qui lui seront confiées et ne saurait faire obstacle aux règles de prescription des infractions instantanées ;

" 3°) alors que, en tout état de cause, le moyen tiré de l'autorisation par le mandant donnée au mandataire de disposer de la chose confiée est un moyen de fond qui n'a pas à être pris en compte par le juge statuant sur la question de la prescription " ;

Les moyens étant réunis ;

Vu l'article 8 du code de procédure pénale, ensemble les articles L. 152-6 du code du travail en vigueur au moment des faits, 314-1 et 321-1 du code pénal ;

Attendu, d'une part, que si le point de départ du délai de prescription des faits de corruption et d'abus de confiance qui ont été dissimulés est reporté à la date où ceux-ci sont apparus et ont pu être constatés dans les conditions permettant l'exercice de l'action publique, l'absence de dissimulation des délits commis ultérieurement ne saurait faire obstacle à leur poursuite dès lors qu'ils sont intervenus moins de trois ans avant le premier acte interruptif de la prescription ;

Attendu, d'autre part, que si le délit de corruption est une infraction instantanée, consommée dès la conclusion du pacte entre le corrupteur et le corrompu, il se renouvelle à chaque acte d'exécution de ce pacte ; que, de même, le délit d'abus de confiance est une infraction consommée lors de chaque détournement ; qu'enfin, la prescription du délit de recel ne commence à courir que du jour où il est établi que la détention des choses recélées a pris fin ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt que le 12 mai 2004, l'Agence régionale de l'hospitalisation du Nord Pas de Calais a dénoncé les agissements de Pascal X..., responsable salarié du service d'appareillage provisoire du Centre de rééducation et réadaptation fonctionnelle L'espoir (CRRF) de Lille-Hellemmes auprès du procureur de la République qui, le 1 er juin 2004, a fait diligenter une enquête ; que celle-ci a révélé l'existence d'un pacte de corruption entre Pascal X... et Eric Y..., prothésiste indépendant, aux termes duquel les clients du centre seraient dirigés, pour la confection de leurs prothèses définitives, vers ce dernier, qui les réaliserait à partir des moulages fabriqués pendant ses heures de travail, avec le matériel du CRRF, par Pascal X... ; que celui-ci a créé la société Ingenierie appareillages pour facturer ses prestations, représentant 30 % du coût des prothèses ;

Attendu qu'Eric Y... et Pascal X... ont été poursuivis, pour la période de 1994 à 2004, le premier pour corruption active et recel des moulages, le second pour corruption passive et abus de confiance par détournement des " moyens matériels et humains de son employeur " ;

Attendu que, pour déclarer l'ensemble des faits prescrits, l'arrêt retient qu'ils sont apparus, dans des conditions permettant d'engager l'action publique, au plus tard le 29 juillet 1999 et que les délits de corruption et d'abus de confiance commis après cette date n'ont plus de caractère clandestin et ne sont donc pas susceptibles " d'avoir fait renaître ces infractions instantanées successives " ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'il résulte de ses propres constatations que les délits de corruption et d'abus de confiance se sont poursuivis jusqu'à la fin de l'année 2003 et qu'il n'est ni établi ni allégué qu'il ait été mis fin à la détention des objets recélés, la cour d'appel a méconnu les textes et principes ci-dessus rappelés ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

I-Sur le pourvoi de l'Union syndicale départementale CGT du Nord-Département santé et action sociale :

Le REJETTE ;

II-Sur les autres pourvois :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 13 mai 2008, et, pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.