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Décisions

Cass. 2e civ., 17 novembre 1993, n° 92-12.922

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Zakine

Rapporteur :

M. Delattre

Avocat général :

M. Tatu

Avocat :

SCP Célice et Blancpain

Chambéry, du 14 janv. 1992

14 janvier 1992

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué (Chambéry, 14 janvier 1992) et les productions, que la société Chanel (la société), reprochant à Mme X..., qui exploite un commerce de parfumerie, de mettre en vente des produits de sa marque sans être bénéficiaire d'un contrat de distributeur agréé de cette marque, a, au vu d'un constat d'huissier de justice commis à cet effet, assigné Mme X... devant le juge des référés sur le fondement de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile à l'effet de lui faire injonction de communiquer sous astreinte la facture d'achat de la totalité des produits figurant au procès-verbal de constat dressé par l'huissier de justice ; que cette mesure a été ordonnée par une décision du juge des référés dont Mme X... a interjeté appel ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande de la société Chanel, alors que, d'une part, en se fondant sur le fait qu'il n'était pas vraisemblable que les commerçants qui procèdent entre eux à des échanges ou à des ventes en contravention aux contrats qui les lient aux propriétaires des marques de parfums, établissent des factures dont la découverte les exposerait à la perte de leur agrément et à des actions en réparation, pour débouter la société de sa demande en communication de pièces, la cour d'appel aurait statué par un motif abstrait et général et violé ainsi l'article 5 du Code civil et les articles 145 et 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors que, d'autre part, la cour d'appel, qui n'écarte pas l'existence d'un motif légitime à la demande de la société n'a pas pu exiger en plus que l'existence de ces pièces soit certaine ou vraisemblable et qu'en procédant ainsi, elle aurait violé l'article 145 du nouveau Code de procédure civile en lui ajoutant une condition qui n'y figure pas ; alors, qu'en outre, s'agissant d'un moyen de contrainte destiné à vaincre la mauvaise volonté de la partie qui succombe à exécuter les obligations mises à sa charge, l'astreinte, qui aurait ainsi un caractère essentiellement comminatoire, ne serait pas une sanction et le juge qui prononce une astreinte provisoire pourrait la réviser, voire la supprimer, de sorte qu'en refusant de prononcer une condamnation sous astreinte sous prétexte qu'elle aurait le caractère d'une sanction étrangère aux dispositions de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile, la cour d'appel aurait violé ce texte, ensemble les articles 5, 6 et 8 de la loi du 5 juillet 1972 applicable en la cause, et, en tant que besoin, les articles 33 à 36 de la loi du 9 juillet 1991 ; alors qu'enfin, en se fondant sur le caractère frauduleux et fautif des agissements de Mme X..., violant l'ordonnance du 1er décembre 1986, et ceux des cocontractants de la société, méconnaissant leurs obligations contractuelles, pour justifier son refus d'ordonner à la première de produire les pièces réclamées, la cour d'appel aurait violé les articles 6 du Code civil et 145 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que c'est à bon droit que la cour d'appel énonce qu'il n'est pas possible de condamner sous astreinte une partie ou un tiers à produire des pièces sans que leur existence soit, sinon établie avec certitude, du moins vraisemblable ; et attendu, ensuite, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, motivant sa décision, a retenu que la preuve de l'existence des pièces réclamées par la société n'était pas vraisemblable ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.