Cass. 1re civ., 3 février 1998, n° 96-13.201
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lemontey
Rapporteur :
M. Aubert
Avocat général :
Mme Le Foyer de Costil
Avocats :
M. Jacoupy, SCP Boré et Xavier , SCP Delaporte et Briard, M. Choucroy
Met sur sa demande hors de cause Mme Evrard, née Foulon ;
Sur les premier et deuxième moyens, pris en leurs quatrièmes branches :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que M. et Mme Foulon ont vendu à M. Rocaboy, par un acte authentique du 3 novembre 1965, une maison moyennant le paiement d'une rente annuelle viagère ; que cet acte comportait une clause résolutoire et une clause d'interdiction d'aliéner ; que, malgré cette dernière clause, cet immeuble a été revendu par Mme veuve Rocaboy et ses enfants, avec un autre immeuble, à la SCI Ryemd (la SCI) en vertu d'un acte du 11 décembre 1989 dressé par M. X..., notaire ; que cette vente est intervenue après une promesse de vente conclue le 28 août 1989 sous la condition suspensive que M. Foulon concoure ou consente à la vente ; que l'acte authentique de vente reproduisait la clause d'inaliénabilité et précisait que les parties avaient déclaré en faire leur affaire personnelle ; que M. Foulon, aux droits de qui se trouve son héritière, Mme Evrard, a demandé, à l'encontre de Mme Rocaboy, aujourd'hui décédée, et de M. Alain Rocaboy et Mme Marie Rocaboy, épouse Reck, d'abord, la résolution de la vente du 3 novembre 1965 en application de la clause résolutoire pour défaut de paiement de la rente, puis l'annulation de celle du 11 décembre 1989 pour violation de la clause d'inaliénabilité ; que les consorts Rocaboy ont appelé en garantie la SCI et le notaire, cette dernière société sollicitant également la garantie de cet officier public ; que l'arrêt attaqué a condamné M. X... à garantir les consorts Rocaboy ainsi que la SCI de toutes les condamnations prononcées contre eux ;
Attendu que, pour admettre que le notaire n'avait pas exécuté son devoir de conseil, l'arrêt énonce d'abord que peu importaient les mentions de l'acte qui reproduisaient la clause d'inaliénabilité et précisaient que le vendeur et l'acquéreur faisaient leur affaire personnelle des conséquences d'une telle stipulation, ajoutant ensuite que le notaire ne rapportait pas la preuve de ce qu'il eût véritablement éclairé les parties sur toutes les conséquences de l'acte et de ce qu'il pouvait être attaqué en nullité, preuve qui eût pu résulter d'un acte sous seing privé distinct qui manifestement n'existait pas mais ne saurait ressortir en aucun cas du rappel de la clause et de l'engagement pris dans l'acte lui-même ;
Attendu, cependant, que la preuve du conseil donné, qui incombe au notaire, peut résulter de toute circonstance ou document établissant que le client a été averti clairement des risques inhérents à l'acte que le notaire a instrumenté ; qu'ayant constaté que l'acte de vente, d'une part, reproduisait, précédée d'un intitulé " Interdiction d'aliéner ", la clause d'inaliénabilité selon laquelle, " en raison de la stipulation de rente viagère, les vendeurs interdisent à l'acquéreur qui s'y soumet de vendre, aliéner ou hypothéquer pendant leur vie et jusqu'au décès du survivant d'eux, sans leur concours ou leur assentiment, tout ou partie dudit immeuble sous peine de nullité des ventes, aliénations ou hypothèques qui seraient ainsi consenties et de révocation des présentes ", et précisait, d'autre part, que le vendeur et l'acquéreur, en dépit du caractère impératif de cette clause, requéraient expressément le notaire soussigné d'avoir à établir les présentes, déclarant l'un et l'autre faire leur affaire personnelle des conséquences d'une telle stipulation, la cour d'appel, en statuant comme elle a fait, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a ainsi violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres branches des premier et deuxième moyens, ni sur les autres moyens : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que M. X... relèverait et garantirait les consorts Rocaboy de toutes les condamnations prononcées contre eux, tant en principal qu'intérêts et frais du fait de l'annulation de l'acte du 11 décembre 1989, et qu'il garantirait la SCI des conséquences de l'annulation de la vente du 11 décembre 1989 et des autres condamnations prononcées contre elle, l'arrêt rendu le 8 décembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties concernées dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai.