Cass. 1re civ., 16 avril 2015, n° 13-24.931
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Rapporteur :
M. Delmas-Goyon
Avocat général :
M. Drouet
Avocats :
Me Haas, SCP Bénabent et Jéhannin
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., avocat, a exercé son activité en qualité d'associé au sein de la SCP D... (la société), assisté de collaborateurs et de deux juristes salariés ; qu'en raison de dissensions existant entre M. X... et ses coassociés, les parties ont signé un accord de portée limitée fixant les conditions de son retrait et saisi le bâtonnier d'une demande d'arbitrage portant sur diverses demandes indemnitaires ; que des recours ont été exercés contre la sentence rendue par le délégué du bâtonnier ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi formé par M. X..., ci-après annexé :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la société la somme de 15 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié à la non-reprise des contrats de travail des salariés qui étaient affectés à son département ;
Attendu que l'arrêt ne condamne pas M. X... pour la non-reprise des contrats de travail des salariés affectés à son département mais pour la légèreté blâmable résultant de l'annonce tardive de sa décision les concernant ; que le moyen manque en fait ;
Sur le troisième moyen du pourvoi formé par M. X..., ci-après annexé :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la société la somme de 50 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par le temps qu'il a consacré à des activités étrangères à l'activité du cabinet ;
Attendu que l'arrêt relève que M. X... a utilisé, au profit d'un commerce de restauration qu'il avait créé, les moyens du cabinet et consacré à ce commerce une partie du temps qu'il devait réserver à sa profession ; que la cour d'appel, tirant les conséquences de ces constatations, sans procéder à une évaluation forfaitaire et par une décision motivée, a souverainement fixé le montant du préjudice résultant de la faute commise par M. X... ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen du pourvoi formé par la société, ci-après annexé :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de constater l'absence d'accord des parties sur la valeur des parts sociales de M. X... ;
Attendu que l'arrêt relève que la société a, dans son mémoire en défense, contesté l'ensemble des prétentions exposées par M. X... dans son mémoire initial et que celui-ci a, dans son mémoire en réplique, justifié la remise en cause de l'évaluation proposée des parts sociales par l'attitude de la société qui a ainsi refusé toutes ses demandes ; que la cour d'appel en a justement déduit l'absence d'accord des parties sur la valeur des parts avant la rétractation de l'offre de M. X... ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi formé par la société, pris en sa première branche, ci-après annexé :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire, au visa des dispositions de l'article 21, alinéa 3, de la loi du 31 décembre 1971 modifiée par la loi du 28 mars 2011, que le bâtonnier ou son délégué devra procéder à la désignation d'un expert pour l'évaluation des parts sociales de M. X... ;
Attendu qu'ayant relevé que la demande présentée par M. X... tendant à la désignation d'un expert aux fins d'évaluation de ses parts sociales, était la conséquence de sa contestation de l'accord sur lequel l'arbitre s'était fondé pour estimer la valeur de ces parts, la cour d'appel en a exactement déduit que cette demande était recevable en appel pour n'être que l'accessoire ou le complément de sa demande initiale ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi formé par la société, pris en ses deux dernières branches, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu les articles 542 et 562 du code de procédure civile, ensemble l'article 21, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée ;
Attendu que, pour accueillir la demande présentée par M. X... tendant à la désignation d'un expert aux fins d'évaluation de ses parts sociales, l'arrêt dit que le bâtonnier ou son délégué devra procéder à cette désignation ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, il lui appartenait d'y procéder elle-même, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le premier moyen du pourvoi formé par M. X... :
Vu l'article 1869 du code civil, ensemble l'article 18 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 ;
Attendu que, statuant sur la demande de M. X... tendant à percevoir, jusqu'au total remboursement de la valeur de ses parts sociales, la rétribution de ses apports en capital et sa quote-part des bénéfices distribués, l'arrêt retient qu'il ne saurait y prétendre que jusqu'au 31 juillet 2010, date de son départ effectif de la société ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'associé retrayant conserve ses droits patrimoniaux tant qu'il n'a pas obtenu le remboursement intégral de la valeur de ses parts sociales, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et, sur le troisième moyen du pourvoi formé par la société :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que, pour rejeter la demande de la société tendant à ce que M. X... soit condamné à lui payer la somme de 208 000 euros pour sa contribution aux frais fixes exposés par le cabinet pendant l'année ayant suivi son départ, l'arrêt, après avoir relevé que la convention instituant cette obligation contributive est opposable à M. X..., retient qu'elle ne peut recevoir application en ce qu'elle rompt l'équilibre entre les parties et fait obstacle au droit pour l'avocat de changer de structure d'exercice, en ce qu'elle lui impose de participer aux frais générés par l'activité sociale postérieurement à son départ, alors qu'il doit, pour la même période, supporter les frais inhérents à sa nouvelle installation ;
Qu'en se déterminant ainsi par des motifs d'ordre général, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette stipulation n'était pas proportionnée aux intérêts légitimes de la société, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que M. X... ne peut obtenir la rétribution de ses apports en capital et sa quote-part des bénéfices distribués que jusqu'au 31 juillet 2010, en ce qu'il dit que le bâtonnier ou son délégué devra procéder à la désignation d'un expert pour l'évaluation des parts sociales de M. X... et en ce qu'il déclare inapplicable la clause contractuelle obligeant M. X... à contribuer aux frais fixes de la société pendant une durée d'un an suivant son départ, l'arrêt rendu le 25 septembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.