Cass. 3e civ., 8 juillet 2014, n° 13-21.035
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Terrier
Avocats :
Me Foussard, SCP Piwnica et Molinié
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 mars 2013), que la société civile immobilière X... (la SCI), dont le capital social est partagé par moitié entre M. X..., gérant, et sa fille Mme Y..., a acquis un immeuble loué à la société Gref, dont M. X... est le gérant et dont Mme Y... a été la gérante puis la salariée avant d'être déclarée inapte au travail ; que dans ce contexte, Mme Y... a assigné M. X... afin d'obtenir l'autorisation de se retirer de la SCI et la désignation d'un expert pour évaluer ses parts ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ que la demande de retrait d'un associé pour justes motifs étant une demande en justice autonome de la demande de retrait faite aux associés, il incombe au juge de se placer à la date où il statue pour apprécier les motifs de ce retrait ; qu'en retenant que par lettre datée du 15 septembre 2009, Mme Y... avait demandé à son père de lui communiquer des documents comptables afin de lui céder ses parts et qu'elle n'avait nullement invoqué à cette date la dégradation de santé parmi les justes motifs de son retrait, quand ces justes motifs devaient être nécessairement appréciés au moment où la cour d'appel statue, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et partant a violé l'article 561 du code de procédure civile, ensemble l'article 1869 du code civil ;
2°/ que l'existence de justes motifs s'apprécie en la personne de l'associé et que le juste motif peut être déduit de la situation personnelle de l'associé ; qu'en énonçant, pour rejeter la demande de Mme Y..., que par lettre du 15 septembre 2009, « elle a ainsi manifesté sa volonté de se retirer immédiatement de la SCI X... alors que les griefs allégués n'ont donné lieu antérieurement à aucune réclamation de sa part » et qu'au regard de cette lettre, Mme Y... ne démontrait pas « en quoi l'altération de ses capacités physiques ou psychiques exigeraient qu'elle se retirât de la SCI » ; qu'en se fondant, pour dire les motifs de retrait non établis, sur la base de cette seule lettre, sans envisager la situation personnelle de Mme Y..., les juges du fond se sont déterminés sur la base de motifs inopérants et partant ont violé l'article 1869 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que si l'état de santé de Mme Y... s'était dégradé au point de lui interdire toute activité professionnelle, cette situation n'était pas invoquée dans la lettre du 15 septembre 2009 par laquelle celle-ci avait manifesté sa volonté de se retirer immédiatement de la SCI et retenu que Mme Y... ne démontrait pas que son état de santé et sa situation personnelle actuelle exigeraient qu'elle se retirât de la SCI, la cour d'appel a pu en déduire que la demande de retrait de la SCI de Mme Y... compromettrait directement la pérennité de la société Cabinet Gref locataire de la SCI et n'était pas fondée sur de justes motifs ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ que faute de s'être prononcés sur le point de savoir si le juste motif ne résidait pas dans la circonstance que la mésentente entre Mme Y... et son père entraînait une rupture de l'affectio societatis ; et que faute de s'être prononcés sur ce point, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1869 du code civil ;
2°/ que faute de s'être prononcés sur le point de savoir si le juste motif ne résidait pas dans le fait que, les parties ayant chacune 50 % des parts, la mésentente entre les parties entraînant inévitablement une impossibilité de gérer le bien et dès lors un blocage dans le fonctionnement de la société justifiant le retrait d'un associé, les juges du fond ont de nouveau privé leur décision de base légale, au regard de l'article 1869 du code civil ;
3°/ que dans ses conclusions du 7 janvier 2013, Mme Y... faisait valoir que son père gérait la SCI X... en toute opacité et qu'aucune assemblée générale n'avait été tenue, cet élément était déterminant quant à l'issue du litige ; qu'en ne répondant pas à cette demande, les juges du fond ont entaché leur décision d'un défaut de réponse à conclusions et partant violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que Mme Y..., qui avait assuré la comptabilité de la SCI et celle du Cabinet Gref, avait eu connaissance des documents de gestion et de comptabilité des deux sociétés et que sa déclaration annuelle des revenus tirés de la SCI contredisait le défaut d'information dont elle faisait état et retenu que si elle fondait sa demande sur la mésentente familiale, il n'était pas démontré que cela constituerait un obstacle au bon fonctionnement de la SCI, qui n'avait pas connu de situation de blocage, et que le retrait serait de nature à compromettre la pérennité de la société Cabinet Gref locataire de la SCI, la cour d'appel, répondant aux conclusions, qui a pu en déduire que Mme Y... ne rapportait pas la preuve de l'existence de justes motifs, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.