CA Versailles, 9e ch., 14 janvier 2005, n° 03/00960
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Conseillers :
M. Vallée, Mme Wurtz
Avocat :
Me Dal Farra
RAPPEL DE LA PROCÉDURE :
LE JUGEMENT :
Par jugement contradictoire en date du 12 mars 2003, le tribunal correctionnel de Pontoise :
SUR L'ACTION PUBLIQUE : A déclaré X... Y... coupable de : PRISE ILLEGALE D'INTERETS PAR UN ELU PUBLIC DANS UNE AFFAIRE DONT IL ASSURE LE PAIEMENT OU LA LIQUIDATION, de 1994 à 1995, à Goussainville, infraction prévue par l'article 432-12 du Code pénal et réprimée par les articles 432-12 AL.1, 432-17 du Code pénal L'a condamnée à 10 000 euros d'amende. A dit que la contrainte par corps s'exercerait s'il y a lieu SUR L'ACTION CIVILE : A déclaré recevable, en la forme, la constitution de partie civile de la Mairie de GOUSSAINVILLE A condamné Mme X... Y... Edith E..., à payer à la Mairie de GOUSSAINVILLE, partie civile, la somme de 1 euro à titre de dommages-intérêts.
LES APPELS :
Appel a été interjeté par : Mademoiselle X... Y..., le 13 mars 2003, M. le Procureur de la République, le 13 mars 2003.
DÉROULEMENT DES DÉBATS :
A l'audience publique du 9 avril 2004, la cour a renvoyé l'affaire au 19 novembre 2004 ; A l'audience publique du 19 novembre 2004, Monsieur BRISSET-FOUCAULT, le Z..., a constaté l'identité de la prévenue qui comparaît assistée de son conseil ; Maître DAL FARRA a soulevé une exception de nullité ; Ont été entendus : Sur l'exception de nullité : Monsieur BRISSET-FOUCAULT, Z..., en ses rapport et interrogatoire, Mme X..., en ses explications, Madame B..., substitut général, en ses réquisitions, Maître DAL FARRA, avocat, en ses plaidoirie et conclusions, La prévenue a eu la parole en dernier. La cour a joint l'incident au fond. Au fond : Monsieur BRISSET-FOUCAULT, Z..., en ses rapport et interrogatoire, Mme X..., en ses explications, Madame B..., substitut général, en ses réquisitions, Maître DAL FARRA, avocat, en ses plaidoirie et conclusions, La prévenue a eu la parole en dernier. Monsieur BRISSET-FOUCAULT, le Z..., a ensuite averti les parties que l'arrêt serait prononcé à l'audience du 14 JANVIER 2005 conformément à l'article 462 du code de procédure pénale.
DÉCISION
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, jugeant publiquement, a rendu l'arrêt suivant :
LE RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Sur les faits, il y a lieu de se rapporter à l'exposé qui figure au jugement et que la cour adopte. À l'issue de l'information, Mme Élisabeth X... a été renvoyée devant le tribunal correctionnel de Pontoise pour avoir : " à Goussainville courant 1994 et 1995, en tout cas depuis temps non prescrit, étant investie d'un mandat électif en l'espèce en étant maire de la commune de Goussainville pris, reçu ou conservé directement ou indirectement un intérêt quelconque dans une entreprise dont elle avait au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge, la liquidation ou le paiement en l'espèce en ayant fait donner des consignes à la société CAR EXPRESS de confier à la société SARL F... AUTOMOBILES dans laquelle elle avait un intérêt moral (le directeur technique de la SARL F... AUTOMOBILES, Gérard F... étant le concubin puis le mari de la soeur de Mme X...) ; les travaux de carrosserie et de peinture de véhicules municipaux devant subir des réparations de ce type, et en s'assurant que la société CAR EXPRESS dès paiement par la mairie pour le compte de l'entreprise F... reversait à celle-ci les fonds en temps utile. Faits prévus et réprimés par les articles 432-12 et 432-17 du code pénal."
Par jugement contradictoire du 12 mars 2003, Mme Élisabeth X... a été déclarée coupable de prise illégale d'intérêts et condamnée à une amende de 10 000 . Sur l'action civile, Mme X... a été condamnée à verser à la Mairie de Goussainville la somme de un euro à titre de dommages et intérêts. Mme X... a interjeté appel de cette décision le 13 mars 2003, suivie le même jour par le ministère public. Ces appels sont recevables.
Par conclusions déposées devant la cour par son conseil, Mme Élisabeth X... demande :
" À titre principal, Vu les articles 8, 82-1, 186, 186-1 et 385 du Code de procédure pénale, Prononcer par voie de conséquence la nullité de tous les actes subséquents, en ce compris le jugement d'appel, Constater l'acquisition de la prescription triennale, Relaxer Mme X... des fins de la poursuite,
Subsidiairement et en tout état de cause, Donner acte à Madame X... de ce qu'elle a saisi la Cour de cassation de la nullité des actes de certains actes d'instruction sur lesquels la chambre de l'instruction de Versailles a statué par arrêt en date du 18 mai 2001, Infirmer en tout état de cause le jugement rendu le 12 mars 2003 par le tribunal de grande instance de Pontoise, Relaxer Madame X... des fins de la poursuite.
À titre infiniment subsidiaire, Vu l'article 132-59 du Code pénal, Dispenser Madame X... de toute peine, Vu l'article L. 775-1 du Code de procédure pénale, Ordonner la non-inscription de la condamnation au casier judiciaire de Madame X... ".
Arguments de la prévenue et du ministère public sur l'exception de nullité.
À l'appui de l'exception de nullité qu'il soulève, pour la première fois en cause d'appel, mais préalablement à la défense au fond de sa cliente devant la cour, le conseil de Mme X... expose que, le 20 novembre 2000, le magistrat instructeur qui a instruit l'affaire a notifié à l'avocat qui était celui de sa cliente à cette époque, l'avis prévu par l'article 175 du Code de procédure pénale et que, le 8 décembre 2000, ce même avocat a déposé une requête visant à faire annuler par la chambre d'accusation certains actes de la procédure. Cette requête en annulation a été rejetée par arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles du 18 mai 2001 et, Mme X... ayant formé un pourvoi contre cette décision, le président de la chambre criminelle a rendu le 3 août 2001, une ordonnance rejetant la requête qu'elle avait formée, tendant à faire déclarer son pourvoi immédiatement recevable. Le président de la chambre criminelle a, par cette décision, dit n'y avoir lieu de recevoir en l'état le pourvoi et a ordonné la continuation de la procédure devant la juridiction saisie. Le conseil de Mme X... précise dans ses conclusions qu'il entend "en tant que de besoin", "se réserver de saisir la Cour de cassation de ces questions de nullité". Le 8 décembre 2000, le conseil de Mme X... a également adressé au magistrat instructeur une demande d'acte tendant à ce que soit organisée une confrontation entre M. F..., M. G... et elle-même. Le 11 décembre 2000, le juge d'instruction a répondu que cette demande d'acte ne pouvait en l'état être examinée, la chambre de l'instruction ayant été saisie d'une requête en nullité. Après que la décision de la chambre de l'instruction rejetant la requête en nullité ait été rendue, le magistrat instructeur a, le 17 août 2001, pris une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel. Selon le conseil de Mme X..., la décision du 11 décembre était une "réponse d'attente", et l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel du 17 août 2001 une ordonnance "complexe" qui contenait "implicitement mais nécessairement " refus de faire droit à la demande d'acte du 8 décembre 2000. Cette décision était, selon lui, susceptible d'appel dans les conditions prévues par l'article 186-1 du Code de procédure pénale.
Par déclaration au greffe du tribunal de grande instance de Pontoise du 22 août 2001, le conseil de Mme X... a formé appel de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel "en ce qu'elle constituait un refus d'acte". Dans son acte d'appel, le conseil de Mme X... qualifiait la décision visée d' "ordonnance mixte valant renvoi et refus d'acte implicite". Il indique que cet appel n'a pas été examiné par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles et produit, à l'appui de cette affirmation, une attestation du parquet général en date du 19 novembre 2004 dont il ressort qu'aucun dossier n'a été enregistré au service de l'audiencement de la chambre de l'instruction suite à la déclaration d'appel du 22 août 2001. Selon le conseil de Mme X..., la recevabilité de l'appel de sa cliente n'est pas contestable "l'ordonnance du 17 août 2001 constituant une "décision complexe". Il fait valoir que ce qu'il qualifie de "difficulté" n'a pu être évoqué devant le tribunal correctionnel de Pontoise "car le dossier pénal ne mentionnait pas l'existence de cette déclaration d'appel, qui figurait pourtant dans les registres du greffe", ajoutant que "le conseil de Madame X... devant le tribunal de Pontoise -Me SZPINER-, ne pouvant imaginer un tel dysfonctionnement de l'appareil judiciaire et pensant légitimement que le dossier pénal comprenait tous les éléments nécessaires à la défense de sa cliente, n'avait donc pu soumettre la question au tribunal". L'actuel conseil de la prévenue affirme que "l'existence de cet appel lui est apparue par hasard" après qu'il ait succédé à Me SZPINER dans la défense des intérêts de Mme X..., après lecture du dossier et après avoir pris contact avec ses prédécesseurs. Dès lors, selon l'actuel conseil de Mme X..., "on ne saurait reprocher à cette dernière de soulever, avec toutes conséquences de droit, pour la première fois devant la cour, la question de l'appel pendant devant la chambre de l'instruction". Il soutient que le dysfonctionnement évoqué plus haut ne doit pas nuire à sa cliente et que l'appel formé le 22 août 2001 est toujours pendant devant la chambre de l'instruction, la chambre des appels correctionnels ne pouvant se substituer à cette formation, "ni purger ce vice par sa propre décision", et qu'"en l'état de cet appel toujours pendant devant la chambre de l'instruction, le jugement du tribunal correctionnel est (...) intrinsèquement vicié, du fait qu'il a précédé la décision de la chambre de l'instruction sur l'ordonnance complexe du 17 août 2001." Selon le conseil de Mme X..., le jugement entrepris serait donc "nul et non avenu", et "la même nullité affecterait tous les actes consécutifs à l'ordonnance du 17 août 2001". Dès lors, la cour ne pourrait plus que constater que la prescription de l'action publique est acquise, aucun acte interruptif régulier n'étant intervenu depuis août 2001. Le ministère public requiert que la cour dise irrecevable l'exception de nullité soulevée, Le ministère public fait valoir que l'exception soulevée par la défense aurait dû l'être en première instance, avant toute défense au fond et que la cour n'a pas à entrer dans les considérations de la prévenue lorsque celle-ci se prévaut des changements de conseil intervenus entre la fin de l'instruction, l'audience devant le tribunal et celle de la cour. La défense est en effet "indivisible" et la prévenue doit assumer les conséquences de choix qui lui sont propres.
Motifs de la cour sur l'exception de nullité.
La cour a décidé de joindre l'incident au fond.
L'exception de nullité soulevée par Mme X... consiste à demander à la cour de dire que le tribunal n'a pas été valablement saisi par l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel du 17 août 2001, du fait que la chambre de l'instruction n'a jamais statué sur l'appel formé par la prévenue contre ladite ordonnance, que la prévenue qualifie d'"ordonnance mixte". Selon la prévenue, cette absence de décision de la chambre de l'instruction entraînerait la nullité du jugement entrepris, qui se trouverait "intrinsèquement vicié". Dès lors, l'ordonnance de renvoi ayant été rendue le 17 août 2001, les faits seraient à présent couverts par la prescription de l'action publique, aucun acte interruptif n'ayant été valablement été accompli entre-temps. Le raisonnement du conseil de Mme X... suppose implicitement que, l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel n'ayant pas acquis de caractère définitif du fait de l'appel interjeté contre elle, elle ne pouvait valablement saisir le tribunal correctionnel de Pontoise, qui aurait donc ainsi statué irrégulièrement. C'est donc la régularité procédurale de l'acte de saisine du tribunal correctionnel de Pontoise que conteste la prévenue. La cour constate que ce moyen de procédure n'a pas été soulevé en première instance, que Mme X... a comparu le 15 janvier 2003 devant le tribunal correctionnel de Pontoise et qu'elle s'est alors défendue sur le fond sans mettre en cause la validité de la saisine de la juridiction devant laquelle elle répondait du délit qui lui était imputé aux termes de l'ordonnance de renvoi. Il apparaît donc que l'exception soulevée est invoquée pour la première fois en cause d'appel, alors que l'article 385 dernier alinéa du code de procédure pénale précise que "dans tous les cas les exceptions de nullité doivent être présentées avant toute défense au fond". L'argument de la prévenue selon lequel "le conseil de Madame X..., devant le tribunal de Pontoise - Me SZPINER - ne pouvant imaginer un tel dysfonctionnement de l'appareil judiciaire et pensant légitimement que le dossier pénal comprenait tous les éléments nécessaires à la défense de sa cliente, n' a donc pas pu soumettre la question au tribunal" est dénué de pertinence. En effet, la prévenue était nécessairement la mieux placée pour savoir qu'elle avait mandaté son conseil pour interjeter, en son nom, appel de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel. Il appartenait à Mme X..., lorsqu'elle a changé d'avocat, d'aviser son nouveau conseil des démarches accomplies en son nom, et à cet avocat d'assurer la coordination de ses efforts avec ceux de son prédécesseur. La prévenue ne peut en outre valablement se prévaloir de l'absence au dossier d'une pièce constatant l'existence de sa propre démarche, s'agissant d' un acte accompli au greffe de la juridiction concernée dont elle produit une copie devant la cour, comme elle aurait pu le faire devant les premiers juges.
La cour déclarera en conséquence l'exception soulevée irrecevable. Elle dira subséquemment que la prescription de l'action publique n'est pas acquise au profit de Mme X..., compte tenu des actes interruptifs de prescription que constituent notamment le jugement du 12 mars 2003, les appels de 13 mars 2003 et les citations devant la cour, en date du 30 janvier 2004. La cour estime par ailleurs qu'il n'y a pas lieu de satisfaire à la demande de la prévenue tendant à ce qu'il lui soit donné acte "de ce qu'elle a saisi la Cour de cassation de la nullité des actes de certains actes d'instruction sur lesquels la chambre de l'instruction de Versailles a statué par arrêt en date du 18 mai 2001". Cette demande vise en effet une procédure qui n'est pas soumise à la cour et qui ne relève pas de sa compétence.
Arguments de la prévenue et du ministère public sur le fond.
Le ministère public requiert de la cour qu'elle confirme la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré Mme X... coupable de prise illégale d'intérêts et qu'elle aggrave la peine prononcée en première instance, en portant l'amende à 20 000 . La représentante du ministère public affirme que les éléments constitutifs du délit de prise illégale d'intérêts sont réunis dans cette affaire, de par les fonctions qu'exerçait Mme X... au moment des faits, de par son rôle de surveillance des opérations visées et de par la prise d'intérêts familial qui résultait de la sous-traitance des marchés de réparation automobile de la mairie de Goussainville au profit du garage F..., établissement que dirigeait le beau-frère de Mme X... et dans lequel la soeur de la prévenue détenait des intérêts comme associée de la SARL. Le ministère public estime que ce type de délit est grave et doit être sanctionné sévèrement, ce qui justifie ses réquisitions tendant à l'aggravation de la peine. La représentante du ministère public demande en outre à la cour de statuer expressément sur la sanction d'inéligibilité encourue par la prévenue en cas de condamnation.
Le conseil de Mme X... soutient (à titre subsidiaire compte tenu du moyen de procédure soulevé) que les éléments constitutifs du délit de prise illégale d'intérêts ne sont pas réunis à l'encontre de sa cliente. Selon lui, il n'est pas établi que Mme X... soit personnellement intervenue pour que le garage "Car Express" sous-traite avec le garage F... Pour la défense, aucune des déclarations recueillies ne permettrait d'établir l'existence d'une intervention personnelle de Mme X... de nature à caractériser l'acte de prise illégale d'intérêts, étant rappelé que la cour est saisie du fait d'avoir fait donner des consignes à la société CAR EXPRESS de confier des travaux à la SARL F... AUTOMOBILE, et que les relations qui ont pu exister entre la société FREINS IMPORT et le garage F... n'entrent pas dans sa saisine. Les déclarations qui figurent au dossier relatent l'intervention de "la mairie", du "secrétariat de la mairie" ou de M. H..., mais pas celle de la prévenue, à l'exception de la déclaration de M. I... du 20 juillet 2002 qui avait été beaucoup plus vague lors de son audition initiale recueillie le 26 février 1997. La crédibilité de ce témoin devrait, selon le conseil de Mme X..., être appréciée avec réserve car, paradoxalement, ses facultés mnésiques paraissent s'améliorer avec le temps. Il n'existerait par ailleurs aucun élément matériel tendant à prouver que Mme X..., qui n'a signé aucun des mandatements relatifs aux travaux de réparation automobile confiés à la société CARdant à prouver que Mme X..., qui n'a signé aucun des mandatements relatifs aux travaux de réparation automobile confiés à la société CAR EXPRESS, ait commis un acte tendant à favoriser le recrutement du garage F... en tant que sous-traitant.
"À titre infiniment subsidiaire", le conseil de Mme X... sollicite une dispense de peine, dont il estime les conditions d'octroi remplies, en l'absence de dommage subi par quiconque. En effet, les tarifs pratiqués par le garage F... se situaient dans la moyenne de ceux en vigueur dans la région parisienne. Il souligne que, déclarée coupable, Mme X... est exposée "au risque, conformément aux dispositions combinées des articles 7 et LO 130 du Code électoral, d'être déclarée automatiquement inéligible, alors même que la cour ne l'aurait pas décidé, mais -contrairement aux dispositions explicites du Code pénal et du Code de procédure pénale- du seul fait que la cour aurait maintenu une condamnation à l'encontre de Madame X... pour prise illégale d'intérêts". "De ce point de vue", le conseil de Mme X... fait valoir que les faits portent sur la période du 3 mai 1994, date de la création de la SARL F... au 28 février 1995, étant rappelé que la cour n'est pas saisie des relations entre la société FREINS IMPORT et la SARL F... (qui se sont d'ailleurs pas poursuivis alors que la nouvelle municipalité - qui a déposé plainte- était en place). Or très peu de factures ont été établies postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 19 janvier 1995 qui a institué la peine complémentaire automatique d'inéligibilité.
"À titre encore plus subsidiaire", Mme X... sollicite de la cour qu'elle ordonne, faisant application de l'article 775-1 du Code de procédure pénale, la non-inscription de la condamnation qu'elle serait amenée à prononcer sur le bulletin nä2 de son casier judiciaire. La mairie de Goussainville, partie civile n'est ni présente, ni représentée. Motifs de la cour sur le fond. Sur l'action publique. Il est reproché à Mme X... d'avoir , "courant 1994 et 1995, (...) étant investie d'un mandat électif en l'espèce en étant maire de la commune de Goussainville pris, reçu ou conservé directement ou indirectement un intérêt quelconque dans une entreprise dont elle avait au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge, la liquidation ou le paiement en l'espèce en ayant fait donner des consignes à la société CAR EXPRESS de confier à la société SARL F... AUTOMOBILES dans laquelle elle avait un intérêt moral (le directeur technique de la SARL F... AUTOMOBILES, Gérard F... étant le concubin puis le mari de la soeur de Mme X...); les travaux de carrosserie et de peinture de véhicules municipaux devant subir des réparations de ce type, et en s'assurant que la société CAR EXPRESS dès paiement par la mairie pour le compte de l'entreprise F... reversait à celle-ci les fonds en temps utile."
Il n'est pas contesté que Mme X... entre, comme maire de Goussainville, dans la catégorie des personnes visées par l'article 432-12 du Code pénal. En cette qualité, elle avait, à l'époque des faits l'administration et la surveillance de l'engagement des dépenses de la commune qu'elle dirigeait. Il est par ailleurs établi que l'intérêt pris par Mme X... dans les opérations litigieuses était un intérêt familial, sa soeur étant à l'époque la concubine, puis l'épouse, du gérant deM. Gérard F..., gérant de la SARL F..., dont elle était en outre associée. La contestation de Mme X... est de nature factuelle puisqu'elle nie être intervenue personnellement pour que la société CAR EXPRESS sous-traite les travaux qui lui étaient confiés par la mairie à la SARL F... AUTOMOBILE. Elle conteste même avoir eu connaissance de cette sous-traitance et affirme que les consignes qui ont pu être données au nom de la mairie ne l'ont pas été par elle personnellement.
De nombreux éléments du dossier contredisent les affirmations de la prévenue :
- La lettre du 23 janvier 1996 par laquelle le garage CAR EXPRESS écrit à la mairie de Goussainville : " Nous vous informons que la réparation de la Renault Twingo immatriculée (...) effectuée dans les ateliers de F... Carosserie Peinture le 24 10 94 a été faite sans que notre atelier de réparation ou notre secrétariat soit mis au courant. En effet le secrétariat de la mairie sous la direction de Mme X..., nous avait demandé de refacturer à la mairie toutes les réparations que la Carosserie F... effectuait" (il convient de préciser que le véhicule Renault Twingo considéré était le véhicule de service attribué à la fille de Mme X...). La lettre adressée le 11 octobre 1994 par Mme X... à l'assureur DYNASSUR dont il ressort que Mme X... savait que ce véhicule communal Renault Twingo était en réparation au garage F....
- Les dépositions de M. I..., qui était responsable du parc automobile à la mairie de Goussainville et qui, à ce titre, s'occupait de l'entretien et des réparations des véhicules. Il a notamment déclaré lors de la confrontation organisée par le magistrat instructeur que Mme X... lui avait dit que le garage CAR EXPRESS ferait les travaux de mécanique et que le garage F... ferait les travaux de carrosserie. Contrairement à ce qu'indique le conseil de la prévenue, cette déclaration n'est pas contradictoire avec celle recueillie par la police lors de l'enquête préliminaire, mais plus précise, ce qui peut s'expliquer par la différence de leurs natures procédurales respectives et par la qualité des interrogateurs ayant instrumenté. Aucun élément ne permet de douter de la sincérité et de la crédibilité de ce témoin.
- Les déclarations de M. Lionel G..., ancien mécanicien au garage CAR EXPRESS. Il en ressort que Mme X... lui avait indiqué téléphoniquement que les travaux de carrosserie et de peinture des véhicules de la mairie passeraient par la société F..., cette déclaration ayant été recueillie lors de l'enquête préliminaire. Lors d'une confrontation avec Mme X... organisée par le magistrat instructeur, M. Lionel G... a indiqué que cette communication téléphonique émanait du secrétariat de Mme X... et non du maire en personne, et que, lors d'une conversation ultérieure tenue en présence de M. F..., et relative à des problèmes de facturation, il était apparu que Mme X... était d'accord pour qu'il ne règle le garage F... que lorsque le garage CAR EXPRESS aurait été lui-même réglé par la mairie. Il se déduit des dépositions de M. Lionel G... que Mme X... était parfaitement au courant du système de sous-traitance mis en place et s'assurait du fonctionnement du dispositif de facturation mis en oeuvre. - Les déclarations de M. Olivier G... et de M. Patrick G..., qui travaillaient au garage CAR EXPRESS avec leur frère Lionel, et qui confirment que ce dernier les avait informés de la réunion tenue avec Mme X... au cours de laquelle avaient été évoquées les difficultés de facturation rencontrées dans le cadre de la sous-traitance avec le garage F.... - Les investigations menées auprès du garage Frein Import, autre fournisseur de prestation automobile pour la mairie et de son gérant, M. Jean-Michel J..., dont il ressort qu'un système de sous-traitance analogue à celui de CAR EXPRESS avait été mis en place avec le garage F..., à la demande de M. H..., responsable des achats des services techniques de la mairie.
- A également été entendu, M. K..., employé au service technique, qui a expliqué que certains véhicules de la mairie n'avaient pas suivi la filière "normale". Ils avaient été confiés au garage F... et chez CAR EXPRESS sans passer au préalable par le garage municipal. La société F... s'étant plainte des retards de paiement de CAR EXPRESS, M. K... avait reçu l'ordre de M. H..., responsable des achats des services techniques de la mairie, de travailler avec le garage FREIN EXPORT. Or, cette société n'était pas équipée pour les travaux de carrosserie et peinture et passait par la société F... Il convient en outre de préciser que : - M. F... a nié avoir agi de concert avec Mme X... ; la cour considère que cette attitude peut s'expliquer par un sentiment de solidarité familiale et par la crainte d'être lui-même mis en cause. - M. Toussaint H... ancien adjoint de Mme X... avant que celle-ci ne soit battue aux élections municipales de 1995, a affirmé que Mme X... avait évoqué plusieurs fois devant lui le fait qu'elle ne pouvait faire travailler la SARL F... pour la mairie et qu'il ignorait tout du système de sous-traitance fonctionnant entre le garage CAR EXPRESS et le garage F... Il a indiqué avoir choisi FREIN IMPORT au vu des prix pratiqués par ce garage et par souci de diversifier les prestataires de services. Il a admis qu'il savait que le garage FREIN IMPORT sous-traitait avec le garage F... mais il a nié avoir choisi FREIN IMPORT pour ce motif. Il a précisé que Mme X... lui avait dit de faire comme il voulait et qu'elle ignorait la situation. Contrairement à ce qu'estime le conseil de la prévenue, la cour considère que les déclarations des personnes entendues et de l'intéressé sur le rôle de M. H... n'apportent pas d'élément probant, ni à charge ni à décharge sur l'implication de Mme X... dans le système de sous-traitance ayant existé entre le garage CAR EXPRESS et le garage F... Il se déduit de ce qui précède que l'élément légal et l'élément matériel du délit de prise illégale d'intérêt visé par l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel sont réunis à l'encontre de la prévenue.
Comme l'ont dit les premiers juges par des motifs que la cour adopte, l'élément intentionnel du délit est également établi. La cour considère en conséquence que les faits visés par la prévention sont établis, et confirmera la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré Mme Élisabeth X... coupable du délit de prise illégale d'intérêt qui lui est reproché.
Compte tenu de la mauvaise foi de la prévenue, qui a abusé de ses pouvoirs d'élue pour favoriser les intérêts économiques de membres de sa famille, la cour confirmera la peine d'amende infligée en première instance et, en application de l'article 432-17 (1°) du code pénal, prononcera en outre la peine complémentaire d'interdiction des droits de vote et d'éligibilité pour une durée d'un an. Pour assurer l'effectivité des peines principale et complémentaire expressément prononcées par la cour et pour éviter toute controverse future devant le juge civil sur l'application des articles du code électoral, il y a lieu de rejeter la demande de non-inscription de la condamnation sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire de l'intéressée. Par ailleurs, en application de l'article 132-21 du code pénal et pour conserver aux conséquences de la présente décision une mesure compatible avec le principe de proportionnalité, il y a lieu de relever Mme X... de l'interdiction de figurer sur les listes électorales pendant un délai de 5 ans, résultant de plein droit de la condamnation pour prise illégale d'intérêts du fait des factures adressées par la société CAR EXPRESS à la mairie de Goussainville au cours de la période postérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 19 janvier 1995 pour des travaux sous-traités au garage F..., incapacité prévue par l'article L7 du code électoral qui aurait pour effet d'entraîner son inéligibilité pour une période de dix ans, en application de l'article L0 130 alinéa 1er du code électoral. Sur l'action civile,
La cour confirmera la décision entreprise en ce qu'elle a condamné Mme X... à verser la somme de un euro à la Mairie de GOUSSAINVILLE, partie civile, à titre de dommages-intérêts. PAR CES MOTIFS Et ceux, non contraires des premiers juges, que la cour adopte LA COUR, après en avoir délibéré, Statuant publiquement, et contradictoirement à l'égard de Mme X... et par défaut à l'égard de la Mairie de Goussainville, EN LA FORME : Déclare recevables les appels de Mme Élisabeth X... et du ministère public, Sur l'exception de nullité, Joignant l'incident au fond, Rejette l'exception de nullité soulevée par Mme Élisabeth X... et subséquemment dit que la prescription de l'action publique n'est pas acquise à son profit, Dit n'y avoir lieu à satisfaire à la demande de la prévenue tendant à ce qu'il lui soit donné acte "de ce qu'elle a saisi la Cour de Cassation de la nullité de certains actes d'instruction sur lesquels la chambre de l'instruction de Versailles a statué par arrêt en date du 18 mai 2001", AU FOND : Sur l'action publique : Confirme le jugement du tribunal correctionnel de Pontoise du 12 mars 2003 en ce qu'il a déclaré Mme Élisabeth X... coupable de prise illégale d'intérêts, délit prévu et réprimé par les articles 432-12 et 432-17 du code pénal, Confirme la peine d'amende de 10 000 prononcée par les premiers juges, Y ajoutant, Condamne Mme Élisabeth X... à la peine complémentaire d'interdiction des droits de vote et d'éligibilité pour une durée d'un an, en application de l'article 432-17 (1ä) du code pénal, Rejette la demande de dispense d'inscription de la condamnation sur le bulletin nä2 de son casier judiciaire, En application de l'article 132-21 du code pénal, relève Mme Élisabeth X... de l'interdiction de figurer sur les listes électorales pendant un délai de cinq ans, résultant de plein droit de la présente condamnation et prévue par l'article L7 du code électoral, interdiction qui aurait pour effet, par application de l'article LO 130 alinéa 1er du même code, d'entraîner son inéligibilité pour une période de dix ans. Sur l'action civile : Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a condamné Madame X... à verser la somme de un euro à la Mairie de GOUSSAINVILLE, partie civile, à titre de dommages-intérêts.