Cass. crim., 4 avril 2001, n° 00-82.534
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
M. Challe
Avocat général :
M. Di Guardia
Avocats :
SCP Waquet, Farge et Hazan, Me Delvolvé
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 432-12 du Code pénal, 8, 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale et défaut de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à suivre contre Bernard Y... du chef de prise illégale d'intérêts pour des faits antérieurs au 21 novembre 1991 couverts par la prescription ;
" aux motifs que, en fait, le réquisitoire introductif était en date du 23 janvier 1995 mais que le premier acte de poursuite était constitué par le soit-transmis en date du 21 novembre 1994, ayant ordonné une enquête préliminaire sur les conditions de la cession par la ville de Cahors d'un terrain sis à Peyrat à la société D... pour le franc symbolique, eu égard aux liens existant entre cette société et le Groupe B... ; qu'il résultait des procès-verbaux et pièces jointes au réquisitoire introductif que l'action publique n'avait été dirigée que contre les faits constitutifs de la cession le 13 juillet 1994 à la société D... pour le franc symbolique d'un ensemble de terrains à Peyrat à Cahors ; que, dès lors, les faits commis avant le 21 novembre 1991 avaient été couverts par la prescription ;
" alors que le délit de prise illégale d'intérêts est une infraction continue qui se prescrit à compter du jour où l'activité délictueuse a pris fin ; qu'en l'espèce, le délit poursuivi contre Y..., qui avait débuté en 1989, avait pris fin par l'acte de cession du 13 juillet 1994 ; qu'ainsi, le délai n'avait commencé à courir qu'à compter de cette dernière date ; que les faits commis entre 1989 et 1994 n'étaient donc pas couverts par la prescription " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le 2 juin 1994, le conseil municipal de la commune de Cahors, présidé par son maire, Y..., a approuvé un projet de cession, pour 1 franc symbolique, à la société D..., en vue de l'extension de ses activités, de terrains acquis par la ville pour la somme de 1 742 550 francs ; que cette société appartenait au groupe B... dont Y... était administrateur ;
Qu'avant cette date, d'autres décisions ont été prises, en vue de l'implantation à Cahors de la société D..., au cours de séances du conseil municipal, auxquelles Y... a participé, d'abord en qualité d'adjoint au maire puis de maire à partir de mai 1990, notamment les 15 juillet 1985, 16 octobre 1989, 5 juin et 9 juillet 1990, 28 novembre 1991 et 27 janvier 1993 ;
Attendu que, pour déclarer prescrits les faits de prise illégale d'intérêts, antérieurs au 21 novembre 1991, reprochés à Y..., la chambre d'accusation relève que le premier acte de poursuite interruptif de la prescription consiste dans les instructions données, le 21 novembre 1994, par le procureur de la République à la police judiciaire, aux fins d'enquête sur les conditions de la cession à la société D..., par la ville de Cahors, selon acte notarié du 13 juillet 1994, d'un ensemble de terrains pour le franc symbolique ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors que les délits de prise illégale d'intérêts reprochés à Y..., ont été consommés à l'occasion de chacune des délibérations du conseil municipal auxquelles l'intéressé a participé, la chambre d'accusation a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 80, 85, 86, 176, 575, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a, en rejetant l'appel de Pierre X..., dit n'y avoir lieu à suivre contre Pierre B..., Yves A..., Z..., épouse Y..., et C... du chef de complicité de prise illégale d'intérêts, n'y avoir lieu à suivre contre Bernard Y... du chef de corruption passive, n'y avoir lieu à suivre contre Pierre B... et Yves A... du chef de corruption active, déclaré prescrits les faits de recel de prise illégale d'intérêts, et refusé d'informer du chef d'abus de biens sociaux contre Bernard Y..., Pierre B... et Yves A... et de recel d'abus de biens sociaux contre Z..., épouse Y... ;
" aux motifs qu'en l'absence de réquisitions supplétives, le juge d'instruction ne pouvait statuer que sur les faits tels qu'ils résultaient des pièces antérieures au réquisitoire ; qu'en l'espèce, les pièces antérieures au réquisitoire introductif ne permettaient pas de retenir la qualification de recel de prise illégale d'intérêts ; que, même à supposer que les pièces postérieures aient pu permettre de considérer qu'une telle qualification pouvait être retenue, cette circonstance n'avait pu autoriser le magistrat instructeur à renvoyer quiconque pour recel, alors qu'il ne s'agissait pas d'une aggravation de l'infraction de prise illégale d'intérêts mais d'une infraction dont les éléments constitutifs étaient distincts de celle constituée par la prise illégale d'intérêts et alors qu'il n'avait pas été saisi de faits postérieurs par un réquisitoire supplétif ; que, dès lors, compte tenu de la date du réquisitoire introductif du 23 janvier 1995, comparée avec celle du réquisitoire définitif du 28 janvier 1999, les faits de recel étaient atteints par la prescription prévue en matière de délits ;
" alors, d'une part, que la partie civile avait exposé dans ses conclusions qu'il s'agissait de requalifier des faits, poursuivis sous la qualification de corruption active et de corruption passive, non seulement en complicité ou recel de prise illégale d'intérêts mais également en abus de biens sociaux ou recel d'abus de biens sociaux ; que l'arrêt est entaché d'un défaut de réponse à ces conclusions ;
" alors, d'autre part, que le juge d'instruction est saisi des faits dénoncés par le réquisitoire introductif indépendamment des textes de loi visés par le ministère public, qu'il peut qualifier librement les faits dont il est saisi et sur lesquels il a l'obligation d'informer, un même fait pouvant et devant être envisagé sous sa plus haute acception pénale ; que l'absence de réquisitoire supplétif n'empêchait pas la chambre d'accusation de rechercher si les faits initialement poursuivis du chef de corruption active et de corruption passive pouvaient être qualifiés d'abus de biens sociaux et de recel d'abus de biens sociaux ;
" alors, de troisième part, qu'en se bornant à affirmer, sans aucunement en justifier, que les pièces antérieures au réquisitoire ne permettaient pas de retenir la qualification de recel de prise illégale d'intérêts, la chambre d'accusation a entaché sa décision d'un vice de défaut de motifs caractérisé, le privant, en la forme, des conditions essentielles de son existence légale " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu partiel entreprise, la chambre d'accusation, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile appelante, a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre B..., Pierre A..., Z..., épouse Y..., et C... d'avoir commis les délits reprochés ainsi que contre Bernard Y... d'avoir commis le délit de corruption passive, ni toute autre infraction ;
Que le demandeur se borne à critiquer ces motifs, sans justifier d'aucun des griefs que l'article 575 du Code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler à l'appui de son pourvoi contre un arrêt de la chambre d'accusation en l'absence de recours du ministère public ;
Que, dès lors, le moyen est irrecevable ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.