Livv
Décisions

Cass. 3e civ., 18 décembre 2002, n° 01-14.202

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Weber

Rapporteur :

Mme Stéphan

Avocat général :

M. Guérin

Avocats :

Me Blondel, SCP Piwnica et Molinié

Paris, du 11 mai 2001

11 mai 2001

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 mai 2001, n° 20.897), rendu en matière de référé, que la société civile du Forum des Halles de Paris a, par acte du 22 juillet 1999, notifié par la société Carella, preneuse à bail de locaux à usage commercial lui appartenant, son refus de renouveler le bail à compter du 1er juillet 1999 ;

qu'ultérieurement, elle a offert de lui payer une indemnité d'éviction ;

Attendu que la société Carella fait grief à l'arrêt d'ordonner une expertise sur le montant des indemnités d'éviction et d'occupation, alors, selon le moyen :

1 / qu'une expertise in futurum ne peut être ordonnée que dans le but d'établir ou de conserver la preuve d'un fait précis dont pourrait dépendre la solution d'un litige ; que n'entre pas dans les prévisions de ce dispositif la mesure d'instruction qui tend, non à l'établissement d'un fait susceptible de conditionner un droit, mais à l'évaluation de l'étendue des droits à réparation de l'une ou l'autre des parties en présence, d'où il suit qu'en ordonnant in futurum une mesure d'instruction ayant pour objet l'estimation de l'indemnité d'éviction pouvant être due au locataire d'un local commercial et de l'indemnité d'occupation due réciproquement par ce locataire, la cour d'appel excède ses pouvoirs et viole, par fausse application, l'article 145 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que l'indemnité d'éviction devant s'apprécier au jour le plus proche de l'éviction, soit au jour du départ du locataire, l'expertise in futurum qui vise à l'évaluer à une date antérieure à celle de l'éviction effective cependant que le principe même de non-renouvellement du bail est contesté, ce que la société preneuse faisait valoir, ne revêt par hypothèse aucun intérêt né et actuel dans la perspective d'un procès futur ou éventuel ; qu'en faisant néanmoins droit à la demande d'expertise in futurum, la cour d'appel viole de nouveau l'article 145 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / que le locataire qui entend contester le refus de renouvellement dispose pour ce faire d'un délai de deux ans à compter de la date à laquelle est signifié le refus de renouvellement ; que l'expertise qui tend à faire évaluer le montant des indemnités d'éviction et d'occupation pouvant être réciproquement dues par les parties à un bail commercial n'a de raison d'être que du jour où le non-renouvellement du bail est définitif ; que tel ne pouvait être le cas à la date où la cour d'appel a statué, le délai de deux ans n'ayant commencé à courir que le 22 juillet 1999 ; qu'à cet égard encore, la cour d'appel, qui ordonne une mesure d'instruction in futurum manifestement prématurée, viole l'article 145 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article L. 145-10 du nouveau Code de commerce (anciennement article 6 du décret n° 53-960 du 30 septembre 1953) ;

Mais attendu qu'ayant exactement retenu qu'aucun texte relatif au bail commercial ne s'opposait à l'exercice par le juge des référés des pouvoirs que lui confère l'article 145 du nouveau Code de procédure civile et constaté que les pourparlers engagés entre les parties n'avaient pas abouti et qu'aucun juge du fond n'était saisi de demandes concernant l'indemnité d'éviction offerte par la bailleresse et l'indemnité d'occupation due par la locataire qui se maintenait dans les lieux, la cour d'appel en a souverainement déduit que la bailleresse disposait d'un motif légitime, au sens du texte susvisé, pour solliciter une expertise aux fins d'évaluation de ces indemnités ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant relevé que la société Carella se maintenait dans les lieux après que la bailleresse lui eut notifié son refus de renouveler le bail à compter du 1er juillet 1999, la cour d'appel, qui n'était pas saisie d'une demande de paiement d'une provision à valoir sur le montant de l'indemnité d'éviction et devant laquelle n'était pas invoquée une stipulation particulière du bail obligeant la bailleresse à assurer plus que la délivrance, l'entretien et la jouissance paisible de la chose louée, a pu en déduire que l'obligation de la locataire n'était pas sérieusement contestable à hauteur de la moitié du montant du dernier loyer contractuel ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.