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Décisions

Cass. crim., 13 juin 1978, n° 77-91.762

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Larocque

Rapporteur :

M. Jégou

Avocat général :

M. Aymond

Avocat :

Me Célice

Paris, ch. d'acc., du 17 mai 1977

17 mai 1977

 

LA COUR, VU LES MEMOIRES PRODUITS EN DEMANDE ET EN DEFENSE ;

SUR LA RECEVABILITE DU POURVOI :

ATTENDU QUE LA CHAMBRE D'ACCUSATION, POUR RENVOYER LE DEMANDEUR DEVANT LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL, A STATUE SUR LE SEUL APPEL DE LA PARTIE CIVILE CONTRE L'ORDONNANCE DU JUGE D'INSTRUCTION PORTANT NON-LIEU EN SA FAVEUR, LE MINISTERE PUBLIC N'AYANT PAS USE DE LA MEME VOIE DE RECOURS ;

ATTENDU QU'UN ARRET DE CETTE NATURE, EN CE QU'IL A FAIT DROIT A L'APPEL DE LA PARTIE CIVILE AUSSI BIEN SUR L'ACTION PUBLIQUE QUE SUR L'ACTION CIVILE, CONSTITUE UNE DECISION DEFINITIVE QUE LE TRIBUNAL, SAISI DE LA CONNAISSANCE DE L'AFFAIRE, NE SAURAIT MODIFIER ;

QU'IL ENTRE, PAR SUITE, DANS LA CLASSE DES ARRETS QUI, SELON LES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 574 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, PEUVENT ETRE ATTAQUES DEVANT LA COUR DE CASSATION ;

AU FOND,

SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 2 ET SUIVANTS, 85 ET SUIVANTS, 185 ET SUIVANTS, 203, 206 ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DES ARTICLES 178 DU CODE PENAL, 1382 DU CODE CIVIL, ET 30 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE, DE LA REGLE NEMO AUDITUR, DEFAUT ET CONTRADICTION DE MOTIFS, MANQUE DE BASE LEGALE, " EN CE QUE LA CHAMBRE D'ACCUSATION, AYANT A STATUER SUR L'APPEL PAR LA PARTIE CIVILE D'UNE ORDONNANCE DE NON-LIEU, A ORDONNE LE RENVOI EN POLICE CORRECTIONNELLE DE X... A LA SUITE DE LA PLAINTE AVEC CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE DE LA SOCIETE SOCRAT ;

" AUX MOTIFS QUE CE N'ETAIT PAS L'UN DES ASPECTS LES MOINS SPECTACULAIRES DU PARTICULARISME DU DROIT PENAL " QUE DE PERMETTRE A Y..., PRESIDENT-DIRECTEUR GENERAL DE SOCRAT, DE DEMANDER REPARATION DU DOMMAGE CAUSE PAR L'INFRACTION DE X... ; QUE CETTE INFRACTION ETAIT, EN EFFET, " AUTONOME " PAR RAPPORT A CELLE COMMISE PAR Y..., AUJOURD'HUI COUVERTE PAR LA PRESCRIPTION, MAIS DONT Y... AVAIT PLEINEMENT CONSCIENCE AINSI QU'IL AVAIT DIT LUI-MEME A LA COUR ;

QUE CE N'ETAIT PAS LA PREMIERE FOIS QUE LES TRIBUNAUX REPRESSIFS ECARTAIENT L'APPLICATION DE L'ARTICLE 1131 DU CODE CIVIL ET REFUSAIENT DE FAIRE JOUER LA REGLE NEMO AUDITUR ;

QU'IL APPARTENAIT AU JUGE PENAL DE " STERILISER LES EFFETS D'UNE DECISION CIVILE DEFINITIVE " ET D'EMPECHER X... " DE POURSUIVRE DEVANT LE JUGE CIVIL LE PAIEMENT DU PRIX DE SA CORRUPTION " (ARRET PARAGRAPHE 42) ; QU'ENFIN, C'ETAIT X..., L'INCULPE, QUI AVAIT ENGAGE L'INSTANCE CIVILE ET NON Y..., PRESIDENT-DIRECTEUR GENERAL DE SOCRAT ;

" ALORS, D'UNE PART, QUE SI DE TELS MOTIFS CARACTERISENT BIEN LA PARTICIPATION DE SOCRAT AU PRETENDU TRAFIC D'INFLUENCE DONT AURAIT BENEFICIE LA SOCIETE POUR L'OBTENTION DES MARCHES LITIGIEUX, ILS NE FONT NULLEMENT APPARAITRE EN QUOI CONSISTERAIT LE PREJUDICE DE LADITE SOCIETE EN L'ABSENCE DUQUEL LA SOCIETE SOCRAT EST MANIFESTEMENT IRRECEVABLE A SE CONSTITUER PARTIE CIVILE ;

" QUE, D'AILLEURS, L'ARRET SE CONTREDIT EN SOULIGNANT LE ROLE DE CO-AUTEUR JOUE PAR Y..., PRESIDENT-DIRECTEUR GENERAL DE LA SOCIETE SOCRAT, PARTIE CIVILE, EN ECARTANT LA PREVENTION D'ESCROQUERIE A L'EGARD DU DEMANDEUR, ET EN CONSIDERANT CEPENDANT QUE LA SOCRAT SERAIT RECEVABLE A SE PLAINDRE D'UN PREJUDICE DISTINCT DE CELUI PORTE A L'ORDRE SOCIAL ; "

ALORS, ENFIN, QU'EN AFFIRMANT QU'IL CONVENAIT DE " STERILISER LES EFFETS D'UNE DECISION CIVILE DEFINITIVE ", LA CHAMBRE D'ACCUSATION A NECESSAIREMENT ADMIS QUE LE PREJUDICE SERVANT DE BASE A LA CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE TROUVAIT SA SOURCE DANS UNE INSTANCE COMMERCIALE ;

" QU'EN DECLARANT, AU SURPLUS, QUE L'EXPLOIT INTRODUCTIF D'INSTANCE LANCE PAR X... SERAIT CONSTITUTIF DE LA " SOLLICITATION " DE L'ARTICLE 178 DU CODE PENAL, L'ARRET ATTAQUE A CARACTERISE L'IDENTITE DE CAUSE DE L'ACTION CIVILE SOUMISE PRESENTEMENT AU JUGE REPRESSIF PAR SOCRAT ET DE L'ACTION EN JUSTICE EXERCEE PAR CETTE MEME SOCIETE, CONFORMEMENT A L'ARTICLE 30 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE, POUR DEFENDRE AUX DEMANDES DE X... DANS L'INSTANCE COMMERCIALE ;

" QU'AINSI, L'ARRET ATTAQUE A PUREMENT ET SIMPLEMENT FAIT ECHEC A LA REGLE ELECTA UNA VIA " ;

VU LESDITS ARTICLES ;

ATTENDU QUE LE MOYEN QUI TEND A CONTESTER A LA PARTIE CIVILE LE DROIT D'EXERCER SON ACTION, EST RECEVABLE ;

ATTENDU, D'AUTRE PART, QU'AUX TERMES DE L'ARTICLE 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, UN PREJUDICE PERSONNEL ET UN DROIT ACTUEL PEUVENT SEULS SERVIR DE BASE A UNE INTERVENTION CIVILE DEVANT LES JURIDICTIONS REPRESSIVES ;

QU'IL NE SUFFIT PAS, POUR QUE CETTE INTERVENTION SOIT RECEVABLE, QUE CELUI QUI L'EXERCE AIT UN INTERET QUELCONQUE, MATERIEL OU MORAL, A LA REPRESSION DE L'INFRACTION POURSUIVIE ; QU'IL FAUT, EN OUTRE, QU'IL AIT SUBI UN DOMMAGE CERTAIN DECOULANT DIRECTEMENT DE CETTE INFRACTION ;

ATTENDU QU'IL RESULTE DES CONSTATATIONS DE L'ARRET ATTAQUE QUE, DE 1958 A 1966, LA SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE DE CONSTRUCTIONS RADIOTELEPHONIQUES, DITE SOCRAT, DONT LE GERANT EST PIERRE Y... ET DONT L'OBJET EST LA FABRICATION DE MATERIEL DE BORD POUR AVIONS, AURAIT PASSE CONTRAT AVEC ROBERT X..., PRESIDENT-DIRECTEUR GENERAL D'UNE SOCIETE SICAME, EN VUE D'OBTENIR CERTAINES COMMANDES DU MINISTERE DE L'AIR, A RAISON DE L'INFLUENCE PERSONNELLE, REELLE OU SUPPOSEE, DUDIT X... ;

QUE DIVERS MARCHES PORTANT SUR DU MATERIEL DE NAVIGATION AERIENNE AURAIENT ETE PASSES DANS CES CONDITIONS PAR L'ENTREMISE DE X..., MOYENNANT COMMISSIONS ;

QUE CEPENDANT, LES RELATIONS ENTRE LES PARTIES S'ETANT DETERIOREES A PARTIR DE 1966, X... A ASSIGNE LA SOCIETE SOCRAT DEVANT LA JURIDICTION COMMERCIALE A L'EFFET D'OBTENIR PAIEMENT DE SUPPLEMENTS DE COMMISSIONS QU'IL ESTIMAIT LUI ETRE DUS ;

QU'AU COURS DE CETTE PROCEDURE Y... A PORTE PLAINTE AVEC CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE, DU CHEF DE TENTATIVE D'ESCROQUERIE ET QUE X... A ETE INCULPE ;

QUE L'INSTRUCTION A ETE ULTERIEUREMENT ETENDUE AUX DELITS D'USAGE DE FAUSSES ATTESTATIONS ET DE TRAFIC D'INFLUENCE ;

QUE, PAR ORDONNANCE DU 21 MAI 1976, LE JUGE D'INSTRUCTION A DIT N'Y AVOIR LIEU A SUIVRE L'ENSEMBLE DE CES CHEFS D'INCULPATION ;

ATTENDU QUE, SAISIE PAR LE SEUL APPEL DE LA PARTIE CIVILE CONTRE CETTE DECISION, LA CHAMBRE D'ACCUSATION, PAR L'ARRET ATTAQUE, L'A CONFIRMEE EN SES DISPOSITIONS PORTANT SUR LES DELITS DE TENTATIVE D'ESCROQUERIE ET D'USAGE DE FAUSSES ATTESTATIONS, A DIT N'Y AVOIR LIEU A SUIVRE DU CHEF D'ESCROQUERIE, MAIS, INFIRMANT PARTIELLEMENT, A RENVOYE X... DEVANT LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL COMME PREVENU DE TRAFIC D'INFLUENCE, PAR APPLICATION DE L'ARTICLE 178 DU CODE PENAL ;

ATTENDU, CEPENDANT, QUE, POUR REPONDRE SUR CE POINT A UNE ARTICULATION ESSENTIELLE DU MEMOIRE DU DEMANDEUR QUI CONTESTAIT LA RECEVABILITE DE LA CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE, LA COUR D'APPEL, APRES AVOIR ADMIS QUE L'ASSIGNATION DELIVREE EN JUSTICE A LA SOCIETE SOCRAT CONSTITUAIT EN ELLE-MEME UNE " SOLLICITATION " AU SENS DE L'ARTICLE 178 DU CODE PENAL, SE BORNE A ENONCER " QUE LE DELIT DE TRAFIC D'INFLUENCE EST DEVENU UN COMPLEXE DE DEUX INFRACTIONS DISTINCTES, IMPUTABLES L'UNE A LA PERSONNE CORROMPUE, L'AUTRE AU CORRUPTEUR, CHAQUE COUPABLE ETANT AINSI L'AUTEUR D'UNE INFRACTION AUTONOME " ET QUE L'INFRACTION AINSI REPROCHEE A X... ETAIT DISTINCTE " DE CELLE COMMISE PAR Y..., AUJOURD'HUI COUVERTE PAR LA PRESCRIPTION, MAIS DONT Y... A PLEINEMENT CONSCIENCE " ;

MAIS ATTENDU QU'EN L'ETAT DES PROPRES CONSTATATIONS DE L'ARRET D'OU IL RESULTE, D'UNE PART, QUE LES FAITS POURSUIVIS, A LES SUPPOSER PUNISSABLES, RESULTERAIENT D'UN CONCERT FRAUDULEUX FORME PAR LES PARTIES ADVERSES ET DE LEURS AGISSEMENTS COMMUNS, ET, D'AUTRE PART, QUE LE PREJUDICE EVENTUEL DONT SE PREVAUT LA SOCIETE SOCRAT NE SAURAIT DECOULER DIRECTEMENT DES FAITS POURSUIVIS, LA CHAMBRE D'ACCUSATION N'A PU, PAR DES MOTIFS DE DROIT D'AILLEURS ERRONES, JUSTIFIER SA DECISION ;

D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN DOIT ETRE ACCUEILLI DANS SES PREMIERE ET DEUXIEME BRANCHES ET QUE LA CASSATION EST ENCOURUE ;

PAR CES MOTIFS ET SANS QU'IL AIT LIEU D'EXAMINER LA TROISIEME BRANCHE DU PREMIER MOYEN ET LES DEUXIEME ET TROISIEME MOYENS DE CASSATION PROPOSES ;

CASSE ET ANNULE L'ARRET DE LA CHAMBRE D'ACCUSATION DE LA COUR D'APPEL DE PARIS DU 17 MAI 1977, MAIS DANS SES SEULES DISPOSITIONS RENVOYANT X... DEVANT LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL DU CHEF DU DELIT DE TRAFIC D'INFLUENCE, TOUTES AUTRES DISPOSITIONS ETANT EXPRESSEMENT MAINTENUES, ET POUR ETRE STATUE A NOUVEAU CONFORMEMENT A LA LOI, DANS LES LIMITES DE LA CASSATION PRONONCEE :

RENVOIE LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LA CHAMBRE D'ACCUSATION DE LA COUR D'APPEL DE VERSAILLES.