Livv
Décisions

Cass. 1re civ., 2 juillet 2014, n° 13-14.134

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gridel

Avocats :

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Odent et Poulet

Rennes, du 18 déc. 2012

18 décembre 2012

Sur le moyen unique du pourvoi n° H 13-14. 134 de MM. X... et Y..., pris en ses quatre branches :

Attendu que MM. X... et Y... font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à verser à M. Z... la quote-part des bénéfices 2010 et 2011, outre 15 000 euros de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que le notaire destitué dispose d'un délai de six mois pour céder ses parts ; qu'il n'en est plus titulaire à l'expiration de ce délai et ne peut donc pas prétendre à la distribution des bénéfices ; que la cour d'appel a constaté que M. Z... avait été destitué par un arrêté du garde des sceaux du 21 octobre 2008 le déclarant démissionnaire d'office ; qu'en estimant qu'il pouvait néanmoins percevoir sa quote-part des bénéfices pour les années 2010 et 2011, au surplus pour la raison inexacte et inopérante qu'il était encore associé, la cour d'appel a violé les articles 31-1 et 32 du décret n° 67-868 du 2 octobre 1967 ;

2°/ que la sanction de l'abus de droit peut être le rejet de la demande fondée sur cet abus ; que la cour d'appel a constaté que M. Z... s'était abusivement maintenu dans la SCP notariale pendant de nombreuses années ; qu'en lui accordant néanmoins les bénéfices découlant de la possession de parts de la SCP, possession découlant d'un abus, la cour d'appel a violé les articles 3 et 14 de la loi du 29 novembre 1966 et l'article 31 du décret du 2 octobre 1967 ;

3°/ que seuls les associés d'une SCP ont vocation à recevoir les bénéfices ; que, par arrêt du 28 février 2013, la cour d'appel d'Angers a décidé que M. Z... n'avait plus la qualité d'associé et ne pouvait plus être titulaire de ses parts sociales à l'issue du délai de six mois à compter de l'arrêté ministériel de démission d'office, en l'espèce le 29 avril 2009 ; que la condamnation à recevoir les bénéfices pour les années 2010 et 2011 a ainsi perdu tout fondement légal, ce qui entraînera l'annulation de l'arrêt ;

4°/ que seule la SCP, et non ses associés, est débitrice des bénéfices ; qu'en condamnant MM. X... et Y... à verser les bénéfices à M. Z..., la cour d'appel a violé l'article 14 de la loi du 29 novembre 1966 ;

Mais attendu que la cour d'appel a exactement décidé que MM. Z..., même destitué par un arrêté du garde des sceaux, et peu important que son maintien ait un caractère abusif, avait droit, aussi longtemps qu'il était titulaire de ses parts dans la SCP, à la rétribution de ses apports en capital et, partant, à sa quote-part dans les bénéfices distribués, et qu'il pouvait dès lors agir non seulement à l'encontre de la SCP, mais aussi à l'encontre de ses associés qui s'étaient attribué, pour les années précédentes, les sommes devant lui revenir ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le moyen unique du pourvoi n° N 13-14. 323 de M. Z..., pris en ses deux premières branches :

Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt de juger qu'il s'était maintenu abusivement au sein de la SCP à compter du 1er janvier 2001 et de l'avoir condamné à payer à MM. X... et Y... une somme de 630 000 euros en réparation de leurs préjudices, avec intérêts à compter du jugement du 20 septembre 2006 sur cette somme et capitalisation de ces intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil, alors, selon le moyen :

1°/ que ne peut abuser d'un droit que celui qui est exclusivement à l'origine d'un tel abus ; qu'un associé n'abuse pas de son droit de se maintenir dans une société, dès lors que ce sont ses associés qui l'empêchent de la quitter ; qu'en affirmant que M. Z... se serait abusivement maintenu dans la SCP notariale, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si ses associés, MM. X... et Y..., n'avaient pas eux-mêmes fait obstacle à sa proposition, renouvelée de 1992 à 2010, de quitter la société pour se réinstaller dans une étude distincte, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2°/ que ne peut abuser d'un droit que celui qui est fautivement à l'origine d'un tel abus ; qu'un associé n'abuse pas de son droit de se maintenir dans une société, dès lors qu'il a été reconnu n'avoir pas abusé de son droit d'agir en justice aux fins de contester la remise en cause de son droit au maintien dans la société et que l'exercice de ses actions est à l'origine de ce maintien ; qu'en affirmant que M. Z... se serait abusivement maintenu dans la SCP notariale, tout en relevant qu'il n'avait pas abusé de son droit d'ester en justice aux fins de voir juger qu'il était en droit de se maintenir dans la société, ce qui avait causé son maintien dans la SCP notariale tant que ce droit n'avait pas été tranché, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé que M. Z... se maintenait dans la SCP depuis de nombreuses années sans y exercer d'activité professionnelle, au mépris des règles déontologiques et de la loyauté due à ses autres associés qu'il avait contraints à intenter contre lui de multiples procédures et recours, constatant en outre qu'il affirmait encore au début de l'année 2012 à un confrère qu'il « ne souhaitait pas vendre » ou alors « contraint et forcé » ; que, procédant ainsi à la recherche prétendument omise, elle a pu en déduire que ce comportement constituait un abus de droit, sans qu'il en résulte nécessairement un abus du droit d'ester en justice, qu'elle a écarté au regard d'une appréciation globale des diverses procédures intentées par les parties ;

Et attendu que les troisième et quatrième branches du moyen ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.